
Épidémiologie des cardiopathies ischémiques en France
// Epidemiology of ischaemic heart disease in France
Résumé
Introduction –
Les maladies cardiovasculaires sont la principale cause de mortalité dans le monde. Les cardiopathies ischémiques (CPI), incluant les syndromes coronariens aigus (SCA) avec ou sans sus-décalage du segment ST et les syndromes coronariens chroniques, en sont une des principales causes. L’objectif de cet article était de décrire l’épidémiologie des CPI en France en 2022.
Méthodes –
Les adultes hospitalisés pour une CPI en 2022 ont été identifiés dans le Système national des données de santé (SNDS). Les caractéristiques des patients, leur prise en charge hospitalière et leur pronostic à un an ont été décrits. La prévalence des CPI au 1er janvier 2023 a été estimée en combinant les hospitalisations antérieures et les prestations d’affection de longue durée (ALD). La mortalité liée aux CPI a été estimée à partir des certificats de décès de 2021.
Résultats –
En 2022, 242 227 adultes ont été hospitalisés pour une CPI en France (452 pour 100 000 personnes-années). La prévalence des CPI a été estimée à 2,98 millions de cas (5,6% de la population adulte). En 2021, 31 391 personnes sont décédées d’une CPI, soit 4,8% de tous les décès. L’âge moyen d’hospitalisation pour une CPI était de 69,3 ans, et 29,0% des patients étaient des femmes. L’exposition aux facteurs de risque cardiovasculaire était élevée. La durée moyenne d’hospitalisation était de 4,9 jours, 55,9% des patients ont bénéficié d’une angioplastie avec pose de stent et 4,5% d’un pontage. Le taux de décès à l’hôpital était de 3,6%. Six mois après l’hospitalisation initiale, 22,0% des patients avaient été admis dans un service de rééducation (42,9% pour les SCA avec surélévation du segment ST). Au cours de l’année suivant l’hospitalisation initiale, 84,5% des patients avaient reçu des antiagrégants plaquettaires, 82,6% une statine, 68,8% un bêtabloquant et 67,7% un traitement inhibiteur du système rénine-angiotensine-aldostérone. Un an après l’hospitalisation initiale, le taux de réhospitalisation pour une CPI était de 29,9% et le taux de mortalité toutes causes confondues de 9,3%.
Conclusion –
Le fardeau des CPI reste élevé en France. Ces résultats suggèrent qu’il est nécessaire de maintenir et d’améliorer la prévention primaire des CPI ainsi que la prévention secondaire afin d’améliorer le pronostic et la qualité de vie des 3 millions de patients coronariens.
Abstract
Introduction –
Cardiovascular disease is the leading cause of death worldwide. Ischaemic heart disease (IHD), including acute coronary syndromes
(ACS) with or without ST-segment elevation
(STE-ACS) and chronic coronary syndromes, is one of the main causes. The aim was
to describe the epidemiology of IHD in France in 2022.
Methods –
Adults hospitalized due to IHD in 2022 were identified in the French National Health Data System. The characteristics, hospital management and one-year outcomes of patients were described. The IHD prevalence among people alive on 01.01.23 was estimated by combining previous hospitalizations and people in receipt of 100% coverage for a registered long-term disease. IHD-related mortality was estimated from death certificates.
Results –
In 2022, 242,227 adults were hospitalized for IHD in France (452/100,000 person-years); 2.98 million prevalent cases of IHD (5.6% of the adult population) and 31,391 IHD-related deaths (4.8% of all deaths) were recorded. The average age at hospitalization for IHD was 69.3 years and 29.0% of patients were women. Exposure to cardiovascular risk factors was high. The average length of hospitalization was 4.9 days, 55.9% had undergone a percutaneous coronary intervention and 4.5% a coronary artery bypass graft. The in-hospital death rate was 3.6%. Six months after the index hospitalization, 22.0% of patients had been admitted to a rehabilitation service (42.9% for STE-ACS). In the year following the index hospitalization, 84.5% of patients had received antiplatelet drugs, 82.6% a statin, 68.8% a beta-blocker and 67.7% a renin-angiotensin-aldosterone system treatment. One year after index hospitalization, the rate of rehospitalization for IHD was 29.9% and the rate of all-cause death was 9.3%.
Conclusions –
The burden of IHD remains high in France. These results suggest that primary prevention of IHD should be maintained and improved, as well as secondary prevention, to improve the prognosis and quality of life of the 3 million patients with coronary disease.

Introduction
Les cardiopathies ischémiques (CPI) peuvent se présenter sous différentes formes cliniques : les syndromes coronariens aigus (avec ou sans sus-décalage du segment ST) qui représentent la forme d’entrée la plus fréquente dans la pathologie et les syndromes coronariens chroniques. Ces différentes formes ont certains facteurs étiologiques communs mais les mécanismes physiopathologiques sous-jacents peuvent différer (inflammation vasculaire, rupture ou érosion de plaques athéroscléreuses…) 1.
Dans le monde, près de 250 millions de personnes vivent avec une CPI et près de 9 millions de personnes en meurent chaque année 2,3. Les CPI représentent la première cause de maladies cardiovasculaires. Elles sont ainsi, selon les données du Global Burden of Disease, la deuxième cause d’années de vie perdues et la troisième cause d’années de vie perdues dues à une incapacité 2.
En France, une réduction régulière de la mortalité liée aux CPI est observée depuis plusieurs décennies 4. Les progrès thérapeutiques, l’organisation et la rapidité des soins à la phase aiguë, en pré-hospitalier et au sein des services d’accueil des urgences coronaires, ont largement participé à la réduction de la mortalité par CPI observée 5. Cependant, cette baisse de la mortalité et la relative stabilité de l’incidence des CPI ne doivent pas masquer les disparités en fonction de l’âge et du sexe moins favorables. En effet, l’incidence des syndromes coronariens aigus (SCA) augmente de manière significative depuis une quinzaine d’années, en France comme dans d’autres pays, chez les femmes de moins de 65 ans, et dans une moindre mesure, chez les hommes de cette même tranche d’âge 6. Ces évolutions défavorables dans ce groupe résultent en grande partie de l’augmentation du tabagisme et d’autres facteurs de risque cardiovasculaires chez les femmes 6,7. Les CPI sont également très marquées par les inégalités sociales et territoriales 8.
Ces dernières années, plusieurs actions de santé publique ont été menées en France afin de lutter contre le tabagisme, la sédentarité ou encore contre de mauvaises habitudes alimentaires 9,10,11,12,13. S’il reste difficile d’en mesurer l’impact à court terme, ces actions doivent être renforcées, compte tenu de leur impact potentiel 14 et de la part évitable importante de ces pathologies liées aux facteurs de risque comportementaux 15.
Dans ce contexte, les objectifs de notre étude étaient de fournir des données actualisées du fardeau des CPI en France, de leur prise en charge hospitalière, et du profil suivi et pronostic à un an des patients hospitalisés pour CPI.
Méthodes
Cette étude a été réalisée à partir du Système national des données de santé (SNDS) regroupant les données médicales et administratives des séjours hospitaliers aussi bien dans les hôpitaux publics que privés 16. La méthodologie détaillée (description de la base de données et des indicateurs épidémiologiques) est disponible dans le supplément de ce numéro (1). Les données sur les hospitalisations portent sur l’année 2022 ; celles sur les décès sur 2021 et les estimations de prévalence sont basées sur les données de 2012-2022. La population de l’étude est l’ensemble de la population française âgée de plus de 18 ans.
Identification des patients hospitalisés pour cardiopathie ischémique
À partir du Programme de médicalisation des systèmes d’information, volet médecine chirurgie obstétrique (PMSI-MCO), une hospitalisation pour CPI a été identifiée dès lors qu’un code I20 (angine de poitrine), I21 (infarctus aigu du myocarde), I22 (infarctus du myocarde à répétition), I23 (certaines complications récentes d’un infarctus aigu du myocarde), I24 (autres CPI aiguës) ou I25 (CPI chronique) était renseigné en diagnostic principal ou relié du séjour ou d’une unité médicale dans laquelle le patient est passé lors de son épisode de soins. Les patients avec une hospitalisation en diagnostic associé codé I21 (infarctus aigu du myocarde) ont également été inclus. Les patients hospitalisés pour syndrome coronarien aigu (SCA) avec surélévation du segment ST (SCA-ST+) ont été identifiés par un code hospitalier I21.0, I21.1, I21.2, ou I21.3 ; et ceux hospitalisés pour syndrome coronarien aigu sans surélévation du segment ST (SCA-ST–) par un code I20.0, I21.4, I21.9, I22, I23 ou I24. Les hospitalisations de jour (sans nuitée), hors décès, et les séances, ont été exclues. Le premier épisode de soins de l’année 2022 du patient a été sélectionné et a été défini comme l’hospitalisation index.
Description des séjours et des patients
Les caractéristiques des séjours et des patients ont été recherchées telles que décrites dans la méthodologie détaillée (1). Des informations supplémentaires spécifiques aux CPI ont été recherchées. Les patients admis en unité de soins intensifs cardiologiques (USIC) et réanimation ont été identifiés. La réalisation d’une angiographie avec ou sans pose de stents, les pontages coronariens, les athérectomies rotationnelles et les prises en charge avec circulations extracorporelles ont été recherchés à partir des actes codés lors de l’épisode de soins (actes CCAM – Classification commune des actes médicaux). Le tabagisme a été défini par un algorithme basé sur les diagnostics hospitaliers, les traitements de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) et les traitements substitutifs nicotiniques délivrés. L’obésité a été identifiée par un codage hospitalier ou un acte de chirurgie bariatrique dans les deux ans précédents. Les complications cardiaques aiguës (choc cardiogénique, insuffisance cardiaque, communication interventriculaire, insuffisance mitrale ou rupture de pilier, rupture cardiaque, hémopéricarde, troubles du rythme et de la conduction, thrombose) ont été identifiées à partir des diagnostics associés codés lors de l’épisode de soins.
Suivi
L’ensemble des patients hospitalisés pour CPI a été suivi jusqu’à un an après la fin de l’épisode de soins et les informations suivantes ont été recueillies : statut vital à 30 jours, six mois et un an, admission dans un service de soins médicaux et de réadaptation (SMR) à six mois, et plus spécifiquement dans une unité de SMR cardiologique, réhospitalisation à six mois (toutes causes ou pour CPI/SCA), les consultations avec un cardiologue ou médecin généraliste dans les six mois (en ville ou à l’hôpital en consultation externe).
La prise d’un traitement à un an a été définie par la délivrance d’au moins trois boîtes (ou deux boites dont un grand conditionnement de 90 comprimés) du traitement. Le BASI (bêtabloquant, antiagrégant plaquettaire, statine, inhibiteur du système rénine angiotensine) correspondait à l’association d’un bêtabloquant (C07, C09BX02 (association bisoprolol/périndopril)), d’un antiagrégant plaquettaire (B01AC, C10BX04, C10BX12, C10BX06, C07FX02, C07FX03, C07FX04 (association comprenant de l’aspirine)), d’une statine (C10AA, C10BA, C10BX) et d’un antihypertenseur agissant sur le système rénine-angiostensine-aldostérone (SRAA) (C09, C10BX04, C10BX06, C10BX07, C10BX10 à C10BX15).
Identification des décès par cardiopathie ischémique
Les décès ont été identifiés indépendamment des patients hospitalisés, à partir de la base des certificats de décès produite par le Centre d’épidémiologie sur les causes de décès (CépiDc) et inclus dans le SNDS. Les décès par CPI étaient ceux dont la cause initiale de décès était un code I20 (angine de poitrine), I21 (infarctus aigu du myocarde), I22 (infarctus du myocarde à répétition), I23 (certaines complications récentes d’un infarctus aigu du myocarde), I24 (autres CPI aiguës) ou I25 (CPI chronique).
Indicateurs
Pour l’année 2022, le nombre de patients hospitalisés pour CPI et âgés de plus de 18 ans a été comptabilisé à partir de l’identification des hospitalisations index décrite ci-dessus. Le nombre de cas prévalents de CPI adultes et vivants au 1er janvier 2023 a été calculé en prenant tous les patients hospitalisés pour CPI en 2022, mais également tous ceux avec un diagnostic hospitalier de CPI (principal, relié ou associé) entre 2012 et 2022, et en ajoutant les personnes avec une affection longue durée (ALD) pour CPI sur cette période (annexe 1). Les cas décédés avant le 1er janvier 2023 ont été exclus du calcul de cas prévalents. Les taux de patients hospitalisés pour 100 000 habitants correspondants et la prévalence en pourcentage ont été calculés en divisant le nombre de cas par la population adulte française recensée en 2022 dans les statistiques de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Les taux ont été standardisés sur la structure d’âge de la population européenne de 2010. La proportion des patients admis en SMR, celle des patients réhospitalisés, et celle des patients avec un traitement recommandé à un an ont été données en pourcentage parmi les patients vivants à six mois et un an respectivement.
Résultats
Patients hospitalisés
En 2022, 242 227 patients ont été hospitalisés pour une CPI, dont 20,3% (n=49 216) pour un SCA-ST+ et 32,4% (n=78 413) pour un SCA-ST– (tableau 1). La proportion de femmes était de 22,8% parmi l’ensemble des CPI, et plus basse parmi les SCA-ST+ (17,8%). L’âge moyen au moment de l’hospitalisation pour CPI était de 69,3 ans et de 67,1 ans pour les SCA-ST+. Le taux de patients hospitalisés pour 100 000 habitants de plus de 18 ans était de 452,7 sur l’année. Il était plus élevé chez les hommes (673,6) que chez les femmes (251,7) et augmentait avec l’âge, allant de 14,5/100 000 personnes dans la population des femmes de 18-44 ans à 1 862,0/100 000 personnes chez les hommes de plus de 85 ans. Le taux de patients hospitalisés pour SCA-ST+ était de 92,0/100 000 personnes et de 146,6/100 000 personnes pour les SCA-ST–, avec des taux plus élevés chez les hommes et les personnes les plus âgées. Après standardisation sur l’âge, les taux d’hospitalisation pour CPI, SCA-ST+ et SCA-ST– restaient plus élevés chez les hommes que chez les femmes (tableau 1).
France, 2022

Les taux de patients hospitalisés pour CPI, standardisés sur l’âge, étaient plus élevés dans le Nord-Est et le Sud-Est de la France, en particulier dans la Meuse, le Haut-Rhin, la Haute-Marne et les Vosges, où les taux étaient supérieurs à 600/100 000 habitants. À l’inverse, en Vendée, Haute-Savoie et dans les départements d’outre-mer (hors La Réunion), les taux étaient plus faibles, inférieurs à 300 pour 100 000 habitants (figure 1).
France, 2022

Les taux de patients hospitalisés pour CPI étaient plus élevés chez les personnes vivant dans les communes défavorisées socialement, avec un rapport des taux d’incidence de 1,35 entre les personnes vivant dans le quintile de communes les plus défavorisées (446,9/100 000) comparativement à celles résidant dans les communes les moins défavorisées (330,9/100 000) (figure 2). La part des personnes touchant une aide pour les complémentaires santé, parmi les moins de 70 ans, était de 12,9% (tableau 2).


Prévalence
Au 1er janvier 2023, 2,98 millions d’adultes avaient un antécédent de CPI (hospitalisation ou ALD), soit 5,6% de la population adulte française. Un tiers des cas prévalents était des femmes (32,0%, 0,95 million de femmes) et 23,8% avaient moins de 65 ans (n=711 042). La prévalence de la CPI augmentait de manière exponentielle avec l’âge (tableau 1).
Mortalité par cardiopathie ischémique
En 2021, 31 391 personnes sont décédées d’une CPI (59 décès/100 000 habitants) soit 4,8% des décès en France (tableau 1). Cela représentait 5,8% des décès des hommes en 2021 (n=19 382 hommes, 76/100 000 hab) et 3,7% des décès des femmes (n=12 009 femmes, 59/100 000 hab). L’âge moyen au décès était de 79,8 ans, plus élevé chez les femmes (85,0 ans) que chez les hommes (76,5 ans) (tableau 1). Le lieu de décès était extrahospitalier dans 54,1% des cas (35,1% à domicile, 14,2% dans un Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – Ehpad – ou maison de retraite et 2,2% sur la voie publique).
Caractéristiques des patients hospitalisés
Près d’un quart des patients hospitalisés pour CPI (24,5%) avaient un antécédent de SCA, et 54,7% avaient un antécédent de CPI (hospitalisation ou prise en charge par ALD) dans les 5 ans précédant l’hospitalisation index. Le taux d’antécédents de SCA atteignait 40,4% des patients hospitalisés pour SCA-ST+ en 2022. Plus de 12% des patients hospitalisés pour CPI avaient déjà été hospitalisés pour insuffisance cardiaque. L’exposition aux facteurs de risque cardiovasculaire, telle qu’elle peut être mesurée dans le SNDS, était élevée chez ces patients, avec 15,0% des patients hospitalisés pour CPI qui étaient obèses, 27,2% fumeurs, 77,5% hypertendus, 32,5% diabétiques et 60,9% présentaient une dyslipidémie (diagnostics hospitaliers ou traitements) (tableau 2). Plus de 70% des patients hospitalisés pour CPI avait un antécédent de maladie cardiovasculaire. Seulement 4,2% des patients n’avaient pas d’antécédent d’hospitalisation cardiovasculaire, ni d’exposition aux facteurs de risque cardiovasculaire identifiés dans cette étude (obésité, tabac, hypertension, diabète, dyslipidémie) (tableau 2), y compris chez les plus jeunes (annexe 1). L’année précédant l’hospitalisation index, près de trois quarts des patients (72,6%) étaient traités (i.e. avaient reçu au moins 3 délivrances de traitements) par un traitement antihypertenseur : 50,7% par statines, et 50,5% un traitement antiagrégant plaquettaire (figure 3). Parmi les patients hospitalisés pour SCA-ST+, plus d’un tiers étaient des fumeurs, en particulier les patients de moins de 65 ans (55,4%) alors que les autres facteurs de risque cardiovasculaire étaient moins prévalents, l’âge moins avancé et ils recevaient moins souvent un traitement du risque cardiovasculaire (tableau 2).

Caractéristiques du séjour
La quasi-totalité (95,6%) des patients hospitalisés pour CPI provenaient de leur domicile. La durée moyenne du séjour hospitalier pour CPI était de 4,9 jours, de 6,2 jours pour les patients hospitalisés pour un SCA-ST–, et 7,5 jours pour ceux hospitalisés pour un SCA-ST+.
Plus de la moitié des patients hospitalisés (55,9%), soit 135 325 patients ont bénéficié d’une angioplastie avec pose de stents lors de leur hospitalisation, 4,5% (n=10 919) d’un pontage et 1,3% (n=3 174) une athérectomie rotationnelle. Parmi les patients hospitalisés pour SCA-ST+, 71,7% avaient eu une angioplastie avec pose de stents, 2,1% un pontage, et 1,2% une athérectomie rotationnelle (tableau 2). Cette proportion atteignait 86,2% chez les patients hospitalisés pour SCA-ST+ et admis en USIC. Comparativement aux patients ayant un SCA-ST+ revascularisés, les patients non revascularisés étaient plus âgés, plus souvent des femmes, plus défavorisés socialement, présentaient plus de comorbidités, avaient plus de complications cardiaques et un taux de décès hospitalier plus élevé, allant jusqu’à 24% des patients hospitalisés (vs 5,6% des patients revascularisés) (annexe 2). La proportion brute de revascularisation était la plus basse en Guyane (34,0%) et la plus haute en Haute-Saône (88,8%) (annexe 3).
Au total en France en 2022, et indépendamment des hospitalisations index décrites ci-dessus, 164 338 patients ont bénéficié d’au moins une pose de stents (251 167 actes), 17 824 un pontage (28 701 actes) et 4 496 une athérectomie rotationnelle (6 087 actes) en 2022 (données non présentées). Les motifs d’hospitalisation de ces patients étaient une CPI, mais également des sténoses aortiques ou une insuffisance cardiaque.
Lors des hospitalisations pour CPI, 23,2% des patients ont présenté un trouble du rythme ou de la conduction, 13,6% une insuffisance cardiaque de novo, 3,0% une insuffisance mitrale ou rupture de pilier. Ces taux étaient plus élevés chez les patients hospitalisés pour un SCA, en particulier pour les SCA-ST+. Parmi les patients SCA-ST+, 7,2% des patients ont présenté un choc cardiogénique, 83,0% sont passés dans une USIC, et 10,9% en réanimation. Les taux de passage en USIC et réanimation lors d’un SCA-ST+ étaient plus bas chez les femmes que chez les hommes, mais les taux de complications aiguës étaient plus élevés chez les femmes (tableau 2).
Le taux de décès hospitalier était de 3,6% lors d’une hospitalisation pour CPI (5,4% femmes ; 2,9% hommes), 4,4% lors d’une hospitalisation pour SCA-ST– (5,7% femmes ; 3,7% hommes) et 9,7% lors des hospitalisations pour SCA-ST+ (14,2% femmes ; 7,8% hommes).
Après l’hospitalisation pour CPI, la majorité rentrait à domicile (86,4%). Cinq pour cent des patients hospitalisés pour CPI étaient transférés directement en SMR (6,6% après un SCA-ST+ ; 5,2% après un SCA-ST–) (figure 4).

Suivi des patients après l’hospitalisation
Six mois après l’hospitalisation, 21,6% des patients avaient été admis en SMR (21,9% pour les SCA-ST–, 42,1% pour les SCA-ST+). Le délai moyen entre la sortie et l’entrée en SMR était de 43,8 jours. Dans l’année qui suivait l’hospitalisation index, 84,5% des patients ont reçu des antiagrégants plaquettaires, 82,6% ont reçu une statine, 68,8% un bêtabloquant et 67,7% un traitement du système SRAA. Si l’association aspirine/statines a été retrouvée à un an pour 83% des patients, l’association des 4 traitements du BASI n’a été prise pendant un an (3 délivrances) que pour 49,4% des patients (figures 3, 4 et 5). Après un SCA-ST+, l’association BASI a été délivrée chez 69% des patients pendant un an (3 délivrances).
Les réhospitalisations après une hospitalisation pour CPI étaient fréquentes avec 29,9% des patients réhospitalisés pour ce même motif, au moins une fois dans l’année suivant leur première hospitalisation (29,7% après un SCA-ST–, 35,7% après un SCA ST+).
Le taux de décès à un an était de 9,3% pour l’ensemble des CPI, 15,9% après un SCA-ST+ et 12,2% après un SCA-ST–.

Discussion
Plus de 240 000 patients ont été hospitalisés pour une CPI en France en 2022, soit 453 patients hospitalisés pour 100 000 habitants. La moitié de ces patients a été hospitalisée pour un SCA. Des écarts d’incidence d’hospitalisation ont été observés, avec des taux d’incidence d’hospitalisation plus élevés chez les hommes, les personnes vivant dans une commune défavorisée socialement, et dans les départements du Nord-Est et du Sud-Est. Parmi les personnes hospitalisées en 2022 pour CPI, une part importante était exposée à de nombreux facteurs de risque cardiovasculaire, plus de la moitié avaient un antécédent de CPI dans les cinq années précédentes, et près d’un tiers étaient réhospitalisées pour CPI dans les six mois qui suivaient, soulignant l’importance de la prise en charge cardiovasculaire globale de ces patients et le poids de ces patients sur le système de santé. La prise en charge post-hospitalière était sous-optimale, avec des taux faibles d’admission en SMR et de délivrance de traitements de prévention secondaire recommandés dans l’année qui suivait l’hospitalisation. Enfin près d’un patient hospitalisé sur 10 décédait dans l’année qui suivait l’hospitalisation.
Au-delà de ces données sur la consommation de soins, les CPI représentent un enjeu important au vu de leur épidémiologie actuelle en terme de morbi-mortalité en France et dans le monde 17,18,19. En 2021, les maladies de l’appareil circulatoire représentaient la deuxième cause de mortalité en France, aussi bien chez les hommes que chez les femmes 20. Les CPI contribuaient significativement à ce classement puisqu’elles représentaient 22,7% des décès dus aux maladies de l’appareil circulatoire. Bien que la mortalité par CPI soit en baisse depuis des décennies 5, cette baisse a été moins importante en 2021 que celles observées entre 2015 et 2019 20. Notre étude a montré que les CPI restaient la cause d’un décès sur 20 en 2021.
Le fardeau des CPI est aussi important sur la morbidité avec un nombre de cas prévalents et incidents importants. Selon les données de l’enquête European Social Survey, la prévalence totale de personnes déclarant une maladie cardiovasculaire au cours des 12 derniers mois était de 9,2% pour l’ensemble des pays combinés, allant de 4,3% en Irlande à 17,7% en Pologne, et était de 7,6% en France 17. Les CPI sont la pathologie cardiovasculaire la plus fréquente. Ainsi, notre étude retrouvait qu’en 2022, 5% de la population adulte française avait eu une CPI, soit 3 millions de personnes. Ce taux global est comparable à celui observé aux États-Unis où il a été estimé, à partir des données de la National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES) 2015-2018, que la prévalence de la maladie coronaire était de 7,2% des adultes américains, soit 20 millions de personnes 21,22. De même, les hospitalisations pour CPI constituent un enjeu majeur en France et dans le monde. Dans notre étude, le taux brut d’incidence d’hospitalisation pour CPI calculé était de 453 pour 100 000 personnes, ce qui était en accord avec le taux retrouvé en France par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (498/100 000) 17. En Europe, ce taux varie largement, inférieur au nôtre au Royaume-Uni (403), Irlande (352), Portugal (299) et Espagne (289) ; et supérieur en Italie (503), Norvège (880), Allemagne (890) et Grèce (951). Les différences de taux d’hospitalisation et de prévalence entre les pays sont issues de plusieurs facteurs, reflétant le fardeau des maladies cardiovasculaires, mais aussi l’accès aux soins ou le diagnostic des maladies au sein de la population.
La prévalence, tout comme l’incidence, était plus élevée chez les hommes que chez les femmes, dans notre étude comme dans les autres pays 2,17,18. Si dans notre étude, nous retrouvions une plus faible prévalence de la CPI chez les femmes âgées de 45-64 ans (1,9%) comparativement aux hommes et aux femmes des autres tranches d’âge, cela n’était pas observé aux États-Unis où les femmes jeunes avaient un taux de prévalence de CPI presque aussi élevé que celui des hommes (6,6%). Bien que le taux d’incidence global des CPI soit en diminution en France et dans les pays d’Europe occidentale, une augmentation est observée chez les femmes jeunes, en particulier pour les SCA-ST+ chez les femmes âgées de 45 à 64 ans 18,23,24,25, du fait des évolutions épidémiologiques de l’exposition aux facteurs de risque cardiovasculaire.
Bien que les CPI soient fréquentes, elles se manifestent rarement chez les personnes ne présentant aucun facteur de risque ou antécédents cardiovasculaires, comme le confirment nos résultats. En effet, plus de 95% des patients avaient déjà été hospitalisés pour une maladie cardiovasculaire ou étaient exposés à un facteur de risque cardiovasculaire (obésité, tabagisme, hypertension, diabète, dyslipidémie). L’épidémiologie des CPI est très liée à celle des facteurs de risque cardiovasculaire et cela explique en partie les écarts d’incidence observés. Dans notre étude, nous avons mis en évidence une exposition élevée de la population hospitalisée pour CPI à certains facteurs de risque cardiovasculaire, en particulier le tabagisme pour les patients jeunes SCA-ST+ et pour le diabète, l’hypertension et les dyslipidémies des patients ayant un SCA-ST– ou un syndrome coronarien chronique. Dans la population générale française, la fréquence d’exposition à ces facteurs de risque est élevée puisque 29,7% des adultes sont hypertendus 26, 7% sont diabétiques 27, 23% présentent une hypercholestérolémie-LDL 28,29, 17% sont obèses 30, 24,5% sont fumeurs quotidiens 31 et 47% des femmes et 29% des hommes n’atteignaient pas les recommandations d’activité physique 32. La prévalence du tabagisme, en particulier, a augmenté chez les femmes depuis les années 1970 jusqu’au début des années 2000, dans la tranche d’âge des femmes nées dans les années 1950-1960, ce qui explique, au moins en partie, l’augmentation des SCA-ST+ chez ces femmes 6,7.
Les populations les plus défavorisées socialement sont également plus souvent exposées au tabac et aux autres facteurs de risque cardiovasculaire et notre étude montrait qu’en 2022 il persistait des écarts importants dans l’incidence des CPI en fonction du statut social. De nombreuses études ont montré les différences en fonction du statut social, avec des incidences et risques plus élevés de présenter un syndrome coronarien, une angine de poitrine instable, un infarctus du myocarde ou de décéder après un événement coronaire chez les personnes les plus défavorisées socialement, que cette défavorisation soit mesurée à l’échelle individuelle ou via un proxy géographique 33,34,35.
De même, une partie des écarts géographiques observés pourrait être expliquée par une inégale répartition de l’exposition aux facteurs de risque, avec en particulier le tabagisme qui est plus prévalent dans le Nord-Est et Sud-Est, bien qu’il soit en diminution dans les Hauts-de-France 36,37. Dans les départements d’outre-mer, le Baromètre de Santé publique France 2022 montrait une prévalence du tabagisme élevée à La Réunion (21%), alors qu’elle était de moins de 12% dans les autres départements d’outre-mer 36. Cela pourrait être un élément d’explication de la différence d’incidence des CPI observée dans notre étude entre les différents départements d’outre-mer.
Le tabac est un facteur de risque particulièrement important pour les CPI 15, en particulier les SCA-ST+ 38. Dans notre étude, on notait une prévalence plus élevée de fumeurs parmi les SCA-ST+ que parmi les autres CPI, en particulier chez les patients jeunes, alors que les autres facteurs de risque cardiovasculaire mesurés, y compris l’âge, étaient moins élevés que pour les autres CPI. Cela souligne le rôle du tabac dans la maladie coronaire prématurée et l’importance d’une prise en charge du tabagisme chez les patients dans un objectif de prévention primaire, mais également en amont des complications.
Des différences d’épidémiologie, mais aussi de prise en charge, ont été observées entre les hommes et les femmes 39,40,41. Cette étude a retrouvé un taux brut de revascularisation plus faible et davantage de complications cardiaques aiguës chez les femmes. Les disparités dans les traitements et le pronostic, déjà décrites en France mais également dans d’autres pays européens, persistent depuis plusieurs années 6,39,42,43. L’âge plus élevé des femmes, non pris en compte dans nos analyses brutes descriptives, n’explique pas à lui seul les différences de taux de revascularisation observées. En 2019, des différences significatives dans les taux d’angioplastie et de pontage ont été soulignées chez les patients ayant un SCA, même après ajustement sur l’âge, les comorbidités et le niveau social 6. Une partie de ces différences peut être expliquée par des différences physiopathologiques liées à l’âge, au sexe ou au mécanisme différent du syndrome coronarien aigu (SCA), tel qu’un SCA de type II ou des spasmes des artères coronaires qui sont plus fréquents chez les femmes jeunes 44,45. Cependant, nous ne pouvons exclure des différences de prise en charge selon le sexe.
Les taux d’angioplastie et d’admission en USIC chez les patients hospitalisés pour SCA-ST+ observés dans notre étude peuvent paraître faibles, et sont en partie dus aux différences de sélection des patients entre les études, comme l’étude FAST-MI 46. Notre analyse descriptive des patients présentant un SCA-ST+ et n’ayant pas bénéficié de revascularisation a montré que leurs caractéristiques différaient de celles des patients ayant eu une revascularisation. Les patients non revascularisés étaient plus âgés, présentaient davantage de complications cardiaques aiguës et affichaient un taux de mortalité hospitalière plus élevé. Ainsi, les taux plus faibles de revascularisation pourraient en partie être expliqués par l’état clinique ou le décès précoce de ces patients. Un autre facteur pourrait être le temps d’accès, au vu des disparités régionales.
Du point de vue de la prospective, le nombre de cas de CPI est en hausse et va probablement continuer d’augmenter du fait du vieillissement de la population, de l’épidémiologie des facteurs de risque cardiovasculaire dans la population, mais aussi en raison de la diminution de la létalité à court terme des syndromes coronariens aigus 4. Des projections portant sur la prévalence des infarctus du myocarde ont estimé que le nombre de patients prévalents allait presque doubler entre 2015 et 2035 en France 14. Ces mêmes évolutions ont été projetées pour différents pays et ont souligné la nécessité d’anticiper le besoin en soins 47,48.
La différence d’âge observée dans notre étude entre les hommes et les femmes hospitalisés pour CPI était plus importante pour les SCA-ST+, avec un âge moyen de 64,4 ans pour les hommes et 73,4 ans pour les femmes. En raison du vieillissement de la population et de l’augmentation du nombre de cas chez les femmes jeunes, on peut s’attendre à un rapprochement des âges moyens des patients comme le montrent les projections en France 14 ou aux États-Unis 22.
Après l’hospitalisation pour CPI, un patient sur 10 décédait dans l’année (toutes causes confondues). Si une part importante de ces coronariens va décéder d’une CPI, l’âge moyen au décès est, quant à lui, plus élevé de 10 ans. Aux États-Unis, le temps médian de survie après un infarctus du myocarde était de huit ans pour les hommes et de 5,5 ans pour les femmes. Après une hospitalisation pour CPI, on notait qu’un tiers des patients étaient réhospitalisés pour CPI dans les six mois qui suivaient la sortie et près de 6% présentaient un SCA. À cinq ans, les données américaines montrent que 17 à 21% des patients ayant présenté un infarctus du myocarde récidivent ou décèdent d’une CPI. Les CPI sont également responsables sur le long terme d’altération de la fonction cardiaque responsable d’hospitalisations et de limitations fonctionnelles pour les patients. Cela montre qu’en plus d’avoir une diminution de leur espérance de vie totale, leur qualité de vie est altérée par la maladie. Cela entraîne également une augmentation des coûts de santé.
Dans notre étude, nous retrouvions qu’un décès par CPI sur deux survenait en dehors de l’hôpital, avec 2% des décès par CPI qui survenaient sur la voie publique, 14% en Ehpad et 35% à domicile. Le registre français Monica a observé que près de 70% des décès par CPI des personnes âgées de 35 à 74 ans survenaient en dehors de l’hôpital, avec une diminution de la mortalité par CPI plus marquée à l’hôpital qu’en dehors de l’hôpital 49.
La prise en charge et la revascularisation rapide des patients présentant un syndrome coronarien aigu, qui est possible grâce à une bonne reconnaissance des symptômes, y compris ceux atypiques, l’appel rapide du Service d’aide médicale urgente (Samu), ainsi que des filières spécifiques et rapides de prise en charge cardiologique permettent d’améliorer le pronostic fonctionnel et vital. Si la douleur thoracique est bien identifiée comme symptôme d’infarctus par la population, les symptômes atypiques l’étaient moins selon les données du Baromètre de Santé publique France 2019 et l’appel au Samu priorisé pour seulement 60% de la population française 50.
Après la phase aiguë, et pour toutes les CPI, la prévention secondaire revêt une importance particulière pour réduire les récidives, les décès et l’altération de la qualité de vie des patients. Les traitements recommandés 3,51 ne sont pas pris systématiquement, puisque nous trouvions qu’un an après leur hospitalisation, 15% des patients ne prenaient pas ou plus d’antiagrégants plaquettaires, près de 20% ne prenaient pas de statines et 25% ne prenaient pas de bêtabloquants et 30% pas de traitement inhibiteur du SRAA, y compris après un SCA. Ces estimations, basées sur les remboursements de médicaments, sont inférieures à celles observées pour les prescriptions à la sortie de l’hôpital en France, où, selon le registre Monica, les taux de prescription à la sortie en 2016 étaient de 96% pour les antiagrégants plaquettaires, 91% pour les statines, 83% pour les bêtabloquants et 64% pour les inhibiteurs du SRAA 42. Il existe donc un véritable écart entre la prescription et l’observance des traitements, ce qui souligne l’importance de l’éducation thérapeutique.
La réadaptation cardiaque, recommandée à tous les coronariens puisqu’elle améliore le pronostic, l’observance des traitements de prévention secondaire et diminue les réhospitalisations 52,53,54,55, n’était pas suffisamment réalisée par les patients et était sujet à des variations géographiques 56. Bien que le taux de réadaptation cardiaque ait augmenté, notamment après un SCA, il reste sous-optimal, en particulier chez les femmes et les personnes les plus âgées, alors que les bénéfices sont prouvés et que les contre-indications sont peu nombreuses. La non-admission dans une unité de réadaptation constitue une réelle opportunité manquée pour ces patients 56,57. De même, dans de nombreux pays, malgré une tendance à la hausse, les taux de réadaptation cardiaque restent sous-optimaux 58,59. Une étude transversale menée dans 27 pays européens (Euroaspire V) a montré que 46% des patients ayant eu un SCA ou une revascularisation coronarienne se voyaient prescrire une réadaptation cardiaque. Seulement 69% d’entre eux participaient à au moins la moitié des séances. Au total, seulement 32% des patients ayant eu un SCA suivaient réellement une réadaptation cardiaque 60. En France, les taux de prescription ont été estimés à 43% chez les hommes et à 33% chez les femmes après un premier SCA, selon le registre Monica 42 et à 70% chez les patients ayant eu un infarctus du myocarde dans le registre FAST-MI 61. Aux Pays-Bas ou en Suède, le taux de prescription de réadaptation cardiaque atteint 75-80% après un infarctus du myocarde, avec, aux Pays-Bas, un protocole incluant des orientations systématiques après un SCA 54,59. En plus de l’absence de prescription, d’autres raisons majeures expliquent ces faibles taux de participation à la réadaptation cardiaque, telles que la difficulté à trouver une place dans une unité de réadaptation, ou le refus du patient en raison de contraintes personnelles comme le retour au travail, les difficultés à s’éloigner de son domicile ou un manque de compréhension des bénéfices de la réadaptation. Ces facteurs sont plus difficiles à quantifier, mais l’amélioration de l’accessibilité des soins et la mise en place de programmes facilitant l’accès à la réadaptation cardiaque pourraient contribuer à améliorer cette situation.
Forces et limites
Notre étude a fourni une vue d’ensemble des CPI en France, sous ses formes chroniques et aiguës, en termes de prévalence, d’incidence des hospitalisations et de mortalité, à partir de données couvrant l’ensemble du pays. Elle permet ainsi de compléter la description de l’épidémiologie des CPI en France puisque les études françaises récentes étaient principalement centrées sur les événements aigus. Une étude sur les tendances temporelles des patients hospitalisés pour un SCA, basée sur les données du SNDS, avait ainsi montré des différences épidémiologiques entre les sexes 6, mais n’incluait pas les CPI chroniques. De même, les études FAST-MI, réalisées tous les cinq ans en France sur des patients hospitalisés en soins intensifs cardiologiques pour infarctus aigu du myocarde, qui fournissent des données de prise en charge en situation réelle, ne couvrent qu’une proportion de nos patients 62.
Le SNDS permet d’identifier toutes les personnes hospitalisées et tous les décès par CPI en France. Cependant un certain nombre d’informations cliniques ne sont pas disponibles en raison de la source de données médico-administratives. Le recul pour calculer la prévalence est de 10 ans. La mesure des facteurs de risque cardiovasculaire est limitée par le codage non exhaustif des facteurs de risque cardiovasculaire, en particulier le tabagisme, l’obésité modérée ou l’hypertension artérielle/diabète non traités, qui sont sous-estimés dans notre état des lieux, liés au caractère non rémunérateur de ces codages diagnostic. Néanmoins, le proxy tabac montrait déjà une surreprésentation des fumeurs par rapport aux statistiques nationales. Le proxy de l’obésité, utilisant les codages hospitaliers qui permettent la valorisation du séjour 63 permettent d’identifier les obésités morbides (≥40kg/m²). D’autres informations, tel que les antécédents familiaux de CPI, le délai de prise en charge, les scores de risque ou le score clinique ne sont pas renseignés dans le SNDS.
Conclusion
Les cardiopathies ischémiques représentent l’un des plus lourds fardeaux des maladies cardiovasculaires. La CPI reste une maladie fréquente qui engendre chaque année en France l’hospitalisation de plus de 240 000 personnes et 250 000 angioplasties avec pose de stents. Compte tenu du pronostic de ces patients, le nombre de cas prévalents à prendre en charge est important avec près de trois millions d’adultes vivants, soit environ 5% de la population française. Après plusieurs décennies d’amélioration de la létalité hospitalière, celle-ci semble aujourd’hui stable. Cependant, les indicateurs de prévention secondaire montrent la marge de progression possible pour limiter les réhospitalisations qui restent fréquentes, et améliorer le pronostic et la qualité de vie des coronariens.
Tous ces indicateurs peuvent être retrouvés sur le site : https://odisse.santepubliquefrance.fr, consultable à partir du 17 mars 2025.
Liens d’intérêt
Clémence Grave, Amélie Gabet, Valérie Olié, Grégory Lailler, Philippe Tuppin et Marie-Christine Iliou déclarent ne pas avoir
de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.
Jacques Blacher déclare, en dehors de ce travail, des liens avec Astra-Zeneca, Bayer, Elkendi, Hikma, Leurquin Mediolanum,
Omron, Organon, Sanofi, Vivactis, ViiV et Vivoptim.
Étienne Puymirat déclare des liens avec Abbott, Amarin, Amgen, Astra-Zeneca, Bayer, Bouchara-Recordati, Biotronik, BMS, Boehringer
Ingelheim, Bracco, Daiichi-Sankyo, Lilly, MSD, Novartis, Novo, Organon, Pfizer, Sanofi, Servier, Sunpharm et Vifor Pharma.
Nicolas Danchin déclare des bourses, honoraires et un soutien non financier de Amgen, AstraZeneca, Bayer, BMS, Boehringer
Ingelheim, Intercept, Novo Nordisk, Pfizer, Sanofi, Servier, SOCAR, et UCB.
Ariel Cohen déclare des bourses de recherche de la part de Resicard (Réseau d’insuffisance cardiaque), et les sociétés ARS,
Bayer et Boehringer Ingelheim ; des honoraires de consultante et de cours de la part d’AstraZeneca, Bayer Pharma, BMS-Pfizer
Alliance, Boehringer Ingelheim Novartis et Organon, sans lien avec ce travail.
Références
2016_20-21_2.html
sante.gouv.fr/prevention-en-sante/preserver-sa-sante/le-programme-national-nutrition-sante/article/programme-national-nutrition-sante-pnns-professionnels
2023_26_1.html
263-71.
2079-88.
Citer cet article
ni facteur de risque identifié (obésité, tabac, hypertension artérielle, diabète, dyslipidémie) dans les 5 années précédentes, par âge et sexe, France, 2022



beh/2025/HS/2025_HS_9.html