Consommation de tabac parmi les adultes :
bilan de cinq années de programme national contre le tabagisme, 2014-2019
// Tobacco use among adults: Five-year review of the National Tobacco Control Programme, 2014-2019
Résumé
Introduction –
En France, depuis 2014, la lutte antitabac a été renforcée avec la mise en place de plans nationaux. Le tabagisme est à l’origine de 75 000 décès par an en France. L’objectif de cette étude est d’estimer la prévalence du tabagisme en 2019, son évolution par rapport à 2018 et son évolution à cinq ans depuis la mise en place des programmes nationaux.
Méthodes –
Les données proviennent du Baromètre de Santé publique France, enquête aléatoire représentative de la population des 18-85 ans résidant en France métropolitaine, menée par téléphone entre janvier et juin 2019 auprès d’un échantillon de 10 352 individus.
Résultats –
En 2019, trois Français de 18-75 ans sur dix déclaraient fumer (30,4%) et un quart fumait quotidiennement (24,0%). Si globalement la prévalence du tabagisme ne varie pas de façon significative entre 2018 et 2019, elle est en baisse parmi les femmes, que ce soit pour le tabagisme ou pour le tabagisme quotidien (de 22,9% à 20,7% pour ce dernier). Par rapport à 2014, le tabagisme est en baisse de 3,9 points et de 4,5 points pour le tabagisme quotidien. Les inégalités sociales restent très marquées, avec pour le tabagisme quotidien un écart de 17 points entre personnes au chômage et actifs occupés, et 12 points d’écart entre les plus bas et les plus hauts revenus.
Conclusion –
Les mesures réglementaires et de prévention mises en place en 5 ans ont vraisemblablement contribué à la baisse de 4,5 points du tabagisme quotidien entre 2014 et 2019. Ces résultats invitent à poursuivre l’amplification des actions de lutte contre le tabagisme, en renforçant celles susceptibles de réduire les inégalités sociales encore très marquées en 2019.
Abstract
Introduction –
In France, since 2014, tobacco control has been enhanced by the implementation of national plans. Every year, 75,000 deaths are estimated to be attributed to smoking in France. This study aims at estimating smoking rate in 2019, the trends since 2018 and over the five years since the implementation of the national programs.
Methods –
Data come from the 2019 Health Barometer of the national public health agency, Santé publique France, a telephone survey with random sampling conducted between January and June 2019 among 10,352 adults aged 18-85 living in metropolitan France.
Results –
In 2019, three out of ten French people between 18 and 75 years of age reported smoking (30.4%), and a quarter are daily smokers (24.0%). If overall the smoking rate does not vary significantly between 2018 and 2019, it decreases among women, both in terms of smoking and daily smoking (from 22.9% to 20.7% for the latter). Compared to 2014, smoking is down by 3.9 points and by 4.5 points for daily smoking rate. Social inequalities remain very marked, with a 17 points difference in daily smoking between the unemployed and the employed, and a 12 points difference between the lowest and highest incomes.
Conclusion –
Regulatory and prevention measures introduced over five years are likely to have contributed to the 4.5 points drop in daily smoking rate between 2014 and 2019. These results call for the continued expansion of anti-smoking actions, reinforcing measures able to reduce the social inequalities which are still very marked in 2019.
Introduction
Depuis 2014, la lutte antitabac a été renforcée avec la mise en place du premier Programme national de réduction du tabagisme (PNRT) 2014-2019, visant à éviter l’entrée des jeunes dans le tabac, à aider les fumeurs à s’arrêter et à agir sur l’économie du tabac 1. Plusieurs mesures d’envergure ont été mises en place : depuis 2016, les traitements de substitution nicotinique (TSN) peuvent être prescrits par les médecins du travail, les chirurgiens-dentistes, les infirmiers et les masseurs-kinésithérapeutes en plus des médecins et des sages-femmes. Fin 2016, le forfait annuel de remboursement des TSN a été augmenté de 50 € à 150 € pour tous les bénéficiaires. En outre, le paquet neutre a été rendu obligatoire au 1er janvier 2017. Enfin, une opération de marketing social nommée « Mois sans tabac », destinée à inciter les fumeurs à faire des tentatives d’arrêt, a été lancée chaque année depuis 2016, ce qui a permis de renouveler les campagnes de prévention. L’objectif du PNRT était de réduire le nombre de fumeurs quotidiens d’au moins 10% entre 2014 et 2019, soit de parvenir à passer de 29,1% à moins de 26,2% de fumeurs quotidiens parmi les 15-75 ans en France métropolitaine.
En 2018, selon le Baromètre de Santé publique France, 25,4% des 18-75 ans fumaient quotidiennement, prévalence déjà inférieure à l’objectif fixé dans le cadre du PNRT 2. Malgré ces évolutions encourageantes, la prévalence reste très élevée en France et la mortalité attribuable au tabagisme, qui reflète les consommations passées, a été estimée à 75 000 décès en 2015, soit 13% des décès survenus en France métropolitaine 3.
Le Plan national de lutte contre le tabac 2018-2022 (PNLT) 4 réaffirme l’objectif d’une première génération d’adultes non-fumeurs à l’horizon 2032. Les mesures phares mises en place depuis 2018 sont : l’augmentation des taxes sur le tabac avec l’objectif d’un paquet à 10 € en 2020, mesure qui a montré son efficacité pour réduire le tabagisme 5 et le remplacement du forfait annuel de 150 € d’aide au sevrage tabagique par le remboursement à 65% par l’Assurance maladie des TSN sur ordonnance, comme n’importe quel médicament 6.
L’objectif de cette étude est d’estimer la prévalence du tabagisme en 2019 à partir du Baromètre de Santé publique France, son évolution par rapport à 2018 et son évolution à cinq ans, depuis la mise en place des programmes nationaux de lutte contre le tabac.
Méthode
Source de données
Le Baromètre de Santé publique France 2019 est une enquête téléphonique réalisée auprès d’un échantillon de 10 352 adultes, représentatifs des 18-85 ans résidant en France métropolitaine et parlant le français. La méthode d’échantillonnage repose sur un sondage aléatoire à deux degrés, le foyer puis une personne dans le foyer. La réalisation de l’enquête a été confiée à l’institut Ipsos et le terrain s’est déroulé du 9 janvier au 29 juin 2019. Le taux de participation était de 50,8%, 49,8% pour les personnes jointes sur téléphone fixe et 51,5% pour celles jointes sur téléphone portable. La durée moyenne de passation du questionnaire était de 22 minutes. La méthode employée était la même que celle de l’enquête Baromètre de Santé publique France 2018 7.
Afin d’être représentatives de la population de France métropolitaine, les estimations ont été pondérées en tenant compte de la probabilité d’inclusion (au sein du ménage et en fonction de l’équipement téléphonique), puis redressées sur la structure de la population par sexe croisé avec l’âge en tranches décennales, région, taille d’unité urbaine, taille du foyer et niveau de diplôme (population de référence : Insee, enquête Emploi 2018).
Variables d’intérêt
Est qualifié de fumeur quotidien un individu déclarant fumer tous les jours ou déclarant un nombre de cigarettes consommées (manufacturées ou roulées), de cigares, de cigarillos ou de chichas par jour, et comme fumeur occasionnel un individu déclarant fumer mais pas quotidiennement. Le terme « fumeur » sans précision désigne toute personne qui fume, que sa consommation soit quotidienne ou occasionnelle. Est qualifié d’ex-fumeur un individu qui a fumé dans le passé, que ce soit occasionnellement ou quotidiennement, et qui déclare ne pas fumer au moment de l’enquête. Une personne qui déclare avoir fumé seulement une ou deux fois pour essayer est considérée comme n’ayant jamais fumé. Les quantités de tabac fumées ont été calculées avec les équivalences suivantes : 1 cigare = 1 cigarillo = 2 cigarettes.
Les tentatives d’arrêt au cours de la dernière année des fumeurs quotidiens ont été mesurées à partir des questions « Avez-vous déjà arrêté de fumer volontairement au moins une semaine ? » et, si oui, « À quand remonte la dernière fois où vous avez essayé d’arrêter de fumer ? ».
Enfin, l’usage d’e-cigarette est mesuré par trois indicateurs définis de façon analogue en 2017 et 2018 8 : l’expérimentation, l’usage actuel et l’usage quotidien. L’usage actuel comprend l’usage quotidien et l’usage occasionnel. Seules les prévalences des usages sont présentées ici afin de suivre leurs évolutions. Des études sur le lien entre vapotage et statut tabagique, nécessitant des analyses à part entière, sont menées par ailleurs 9.
Ces définitions sont les mêmes que celles utilisées dans les précédentes analyses de l’enquête Baromètre de Santé publique France. Le questionnaire complet est disponible par ailleurs 10.
Analyses
Les prévalences du tabagisme sont présentées selon plusieurs variables sociodémographiques : âge, sexe, diplôme, situation professionnelle et revenu mensuel (par unité de consommation du foyer de la personne interrogée). Les résultats portent sur la tranche d’âge 18-75 ans, commune aux précédentes éditions des Baromètres. Les indicateurs de tabagisme sont calculés à partir des données des Baromètres de Santé publique France 2000 (N=12 588), 2005 (N=28 226), 2010 (N=25 034), 2014 (N=15 186), 2015 (Baromètre Cancer, N=3 832, du fait de l’effectif moins important, seuls les résultats par sexe sont présentés pour 2015), 2016 (N=14 875), 2017 (N=25 319), 2018 (N=9 074) et 2019 (N=9 611).
Les évolutions temporelles entre 2014 et 2019, ainsi que les évolutions observées entre 2018 et 2019 ont été testées statistiquement au moyen du test du Chi2 de Pearson avec correction de second ordre de Rao-Scott pour tenir compte du plan de sondage. Les évolutions observées entre 2014 et 2019 sont représentées graphiquement, celles entre 2018 et 2019 sont mentionnées dans le texte. Les estimations et évolutions sur les années précédentes ainsi que les méthodologies des enquêtes en question sont détaillées dans des publications dédiées 2,8,11,12,13.
Résultats
Situation en 2019 et évolution par rapport à 2014
En 2019, 30,4% des personnes âgées de 18 à 75 ans déclaraient fumer du tabac, 34,6% des hommes et 26,5% des femmes (p<0,001). La prévalence du tabagisme quotidien s’élevait à 24,0%, 27,5% parmi les hommes et 20,7% parmi les femmes (p<0,001). La prévalence du tabagisme occasionnel s’élevait à 6,4%, 7,1% parmi les hommes et 5,8% parmi les femmes (p<0,05).
En 2019, les personnes de 76-85 ans ont également été interrogées (N=741). Dans cette tranche d’âge, la prévalence du tabagisme n’était plus que de 5,4% et de 4,8% pour le tabagisme quotidien. La prévalence du tabagisme parmi les 18-85 ans était ainsi de 28,7%, et 22,6% déclaraient fumer quotidiennement.
Entre 2018 et 2019, les variations de la prévalence du tabagisme et du tabagisme quotidien n’étaient pas significatives globalement parmi les personnes âgées de 18 à 75 ans. En distinguant selon le sexe, les prévalences s’avéraient stables parmi les hommes, alors que chez les femmes, la prévalence du tabagisme diminuait de 28,9% à 26,5% (p<0,05) et celle du tabagisme quotidien de 22,9% à 20,7% (p<0,05) en un an.
Entre 2014 et 2019, la prévalence du tabagisme a diminué de 3,9 points (-11%), passant de 34,3% à 30,4%. Une baisse de 4,5 points (-16%) était observée pour la prévalence du tabagisme quotidien, passant en 5 ans de 28,5% à 24,0% (tableau). Cette diminution de prévalence du tabagisme quotidien était observée pour les deux sexes, avec 5,4 points de baisse (32,9% à 27,5%) chez les hommes et 3,7 points de baisse (24,4% à 20,7%) chez les femmes (figure 1). La prévalence des ex-fumeurs est restée stable entre 2014 et 2019 (31,9%). Enfin, la part de personnes déclarant n’avoir jamais fumé a augmenté de 33,7% à 37,7% sur la période (figure 2).
L’analyse de la prévalence du tabagisme quotidien par tranche d’âge ne montrait aucune évolution significative entre 2018 et 2019 et révélait des baisses significatives entre 2014 et 2019 pour chacune des tranches d’âge entre 18 et 54 ans : une baisse de 37,1% à 32,1% parmi les 18-24 ans (p<0,05), de 36,3% à 29,8% parmi les 25-34 ans (p<0,01), de 34,7% à 27,3% parmi les 35-44 ans (p<0,001) et une baisse de 31,4% à 25,4% parmi les 45-54 ans (p<0,001). En revanche la prévalence du tabagisme quotidien était globalement stable parmi les personnes âgées de 55 à 75 ans sur la période 2014-2019.
Les prévalences du tabagisme quotidien selon le sexe et la tranche d’âge ne présentaient pas d’évolution significative entre 2018 et 2019, à l’exception d’une hausse parmi les hommes de 55-64 ans. Entre 2014 et 2019, des baisses significatives étaient observées séparément parmi les hommes et les femmes de trois tranches d’âge : 25-34 ans, 35-44 ans et 45-54 ans (figure 3).
Inégalités sociales
La prévalence du tabagisme quotidien selon le niveau de diplôme ne présentait pas d’évolution significative entre 2018 et 2019. Elle était en baisse significative entre 2014 et 2019 parmi les personnes non diplômées (de 39,6% à 32,0%), parmi les titulaires du baccalauréat (de 28,9% à 22,4%) et parmi celles ayant un diplôme supérieur au baccalauréat (de 20,1% à 17,7%) (figure 4a). Elle était stable uniquement pour les personnes ayant un diplôme inférieur au baccalauréat. La prévalence du tabagisme quotidien restait ainsi en 2019 plus élevée lorsque le niveau de diplôme diminuait.
Entre 2018 et 2019, la prévalence du tabagisme diminuait parmi le tiers de la population ayant les revenus les plus élevés, passant de 21,1% à 18,2% (p<0,05). Entre 2014 et 2019, elle diminuait pour tous les niveaux de revenus (figure 4b). Le constat restait le même : plus le revenu était élevé, plus la prévalence du tabagisme quotidien était faible. Elle était de 29,8% parmi les personnes dont le revenu correspondait à la tranche la plus basse et de 18,2% pour la tranche de revenu la plus élevée.
Enfin, selon la situation professionnelle, (voir figure 4c) la prévalence du tabagisme quotidien diminuait uniquement parmi les actifs occupés, entre 2018 et 2019 et depuis 2014 (de 30,3% à 25,3%). Elle était stable et restait nettement plus élevée parmi les personnes au chômage (42,7% en 2019). Elle était stable également parmi les étudiants, au même niveau que les actifs occupés (25,4% en 2019).
Quantité de tabac fumée
En 2019, les fumeurs quotidiens de 18-75 ans fumaient en moyenne 12,5 cigarettes (ou équivalent) par jour (écart-type=9,9). La variation par rapport à 2018 n’était pas significative. La consommation moyenne était en baisse par rapport à 2014 quand elle s’élevait à 13,4 cigarettes par jour. En 2019 parmi les fumeurs quotidiens, les hommes fumaient en moyenne 13,5 cigarettes par jour, en baisse significative par rapport à 2014 (14,6 cigarettes/jour). Les femmes en fumaient en moyenne moins, avec 11,4 cigarettes par jour, mais la quantité était stable par rapport à 2014.
Tentatives d’arrêt
En 2019, 33,3% des fumeurs quotidiens avaient fait une tentative d’arrêt d’au moins une semaine au cours des 12 derniers mois. Cette proportion était en hausse significative par rapport à 2018 (24,9%, p<0,001) et à 2014 (28,1%, p<0,01).
Usage d’e-cigarette
En 2019, 34,4% des 18-75 ans déclaraient avoir expérimenté la cigarette électronique, proportion stable par rapport à 2018 (indicateur non comparable avec 2014). L’usage actuel d’une cigarette électronique était déclaré par 5,7% d’entre eux, proportion également stable par rapport à 2018 et 2014. En 2019, la prévalence du vapotage quotidien s’élevait à 4,4%, elle était stable par rapport à 2018, et en hausse par rapport à 2014 (3,0%, p<0,001).
Discussion
En 2019, trois Français de 18-75 ans sur dix déclaraient fumer (30,4%) et un quart fumaient quotidiennement (24,0%). Si globalement la prévalence du tabagisme n’a pas diminué significativement entre 2018 et 2019, elle a baissé parmi les femmes, que ce soit pour le tabagisme ou pour le tabagisme quotidien.
Par rapport à 2014, soit sur cinq ans, le tabagisme a diminué de 3,9 points et le tabagisme quotidien de 4,5 points. C’est la première fois depuis le début des années 2000 qu’une baisse de cette ampleur est constatée. Elle est observée chez les hommes comme chez les femmes, dans plusieurs classes d’âge de 18 à 54 ans, chez les personnes non diplômées et chez celles les plus diplômées, pour tous les niveaux de revenus et parmi les actifs occupés. La quantité de tabac fumée a également diminué en cinq ans. Cependant, même si les inégalités sociales ne s’accroissent plus depuis 2016, elles restent très marquées. On observe notamment un écart de 12 points de prévalence du tabagisme quotidien entre les plus bas et les plus hauts revenus, un écart de 17 points entre personnes au chômage et actifs occupés.
Cette diminution de la prévalence du tabagisme s’inscrit dans le cadre de la mise en place de plans nationaux contre le tabagisme, PNRT 2014-2019 puis PNLT 2018-2022. On peut noter que l’objectif annoncé dans le cadre du PNRT, qui était d’obtenir une baisse de 10% du tabagisme quotidien entre 2014 et 2019, a été atteint (baisse de 16% observée). L’impact de chaque mesure prise séparément est difficile à évaluer étant donné la mise en place en France de plusieurs mesures simultanément. Un modèle français de simulation permettant d’estimer la contribution de chacune des mesures reste à construire. Le modèle SimSmoke d’évaluation des politiques publiques anti-tabac, développé pour plusieurs pays dont les États-Unis, a été utilisé pour la France en y intégrant des données françaises (population, prévalence du tabagisme, mesures de lutte anti-tabac). Il indique qu’une campagne médiatique intense avec programme de proximité peut contribuer à une baisse de 3% de la prévalence 14. Une revue de littérature internationale estime par ailleurs l’élasticité des prix entre 0,25 et 0,5, avec un cluster autour de 0,4, ce qui signifie qu’une hausse de prix de 10% a pour conséquence une baisse de la consommation entre 2,5% et 5% 5. La diminution significative de la prévalence observée en France, autorise à penser que les mesures fortes de politiques publiques dans la lutte antitabac depuis 2014, combinant des actions réglementaires et de prévention, ont été efficaces.
Ces résultats sont cohérents avec d’autres données françaises. Le tabagisme diminue depuis plusieurs années parmi les adolescents : l’enquête Enclass a montré une diminution de la consommation quotidienne de tabac parmi les lycéens de 23,2% en 2015 à 17,5% en 2018 15. Les livraisons de tabac aux buralistes ont également diminué de 10,2% entre 2014 et 2018 16.
Le niveau de prévalence reste néanmoins élevé en France par rapport aux autres pays européens 17, et aux pays anglo-saxons : en 2018 la prévalence du tabagisme s’élevait à 15% au Royaume-Uni, 14% aux États-Unis et en Australie 18,19,20. La diminution observée en France dans le cadre d’une politique publique intensifiée fait écho aux évolutions des pays anglo-saxons observées également lors de mesures de lutte anti-tabac 21. Par ailleurs, les inégalités sociales marquées observées en France se retrouvent au Royaume-Uni en 2018, où la prévalence variait de 10% pour les cadres à 25% pour les ouvriers. De même, aux États-Unis, la prévalence variait de 4% pour les personnes les plus diplômées à 36% pour les moins diplômées, et de 7% à 21% en fonction des revenus 18,22.
Forces et limites
Une mesure annuelle de la prévalence du tabagisme est utile pour le pilotage des politiques publiques. Cependant, les Baromètres de Santé publique France 2018 et 2019 ont des effectifs inférieurs à 10 000 personnes : la puissance pour analyser les évolutions annuelles par sous-groupes est ainsi limitée. Une diminution de prévalence chez les femmes tous âges confondus, est ainsi observée entre 2018 et 2019, mais aucune évolution significative n’est mesurée lorsqu’on stratifie par classes d’âge. L’analyse des évolutions sur une période de cinq ans permet, elle, de dégager des tendances pour les indicateurs en sous-groupes, selon le sexe et l’âge, selon le revenu, etc. Les changements de comportement à l’échelle d’une population prennent du temps et sont donc plus facilement mesurables à moyen et long termes que d’une année à l’autre. Malgré tout, parmi les 18-24 ans, la baisse en 5 ans est significative globalement mais ne l’est plus lorsqu’on stratifie par sexe. Un manque de puissance pourrait ici l’expliquer alors que la tendance paraît nette.
Deux principales limites sont liées au mode de collecte.
1/ Le Baromètre de Santé publique France est une enquête déclarative, type d’enquête pour laquelle on constate habituellement une sous-déclaration (se déclarer non-fumeur alors qu’on l’est ou déclarer moins de cigarettes fumées qu’en réalité). Cependant, Wong et coll. ont trouvé une différence minime de 0,3% entre le tabagisme déclaré et le tabagisme mesuré sur la cotinine urinaire dans une étude canadienne à la fin des années 2000. Cela laisse penser que ce biais de sous-déclaration est très limité, même si le contexte culturel, différent selon les pays, peut avoir un impact sur la sous-déclaration 23. Néanmoins, à méthode d’enquête constante, le biais devrait être similaire chaque année et permettre une analyse valide des évolutions.
2/ La baisse du taux de participation, observée en France, comme dans d’autres pays, pose le problème de la représentativité des échantillons. Ces limites ont été discutées plus en détail dans des articles précédents 2,24.
Conclusion
Les mesures réglementaires et de prévention mises en place dans le cadre du PNRT 2014-2019 puis du PNLT 2018-2022 ont vraisemblablement contribué à la baisse de 4,5 points du tabagisme quotidien entre 2014 et 2019. Cependant, près d’un quart des Français fumaient encore quotidiennement en 2019, ce qui justifie pleinement la poursuite des efforts de lutte antitabac. Un des enjeux majeurs pour les années à venir reste la lutte contre les inégalités sociales face au tabagisme, encore très marquées en 2019.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt au regard du contenu de l’article.
Références
15_2.html
article/simsmoke-france-description-d-un-modele-de-simulation-des-politiques-de-lutte-contre-le-tabac
bulletins/adulsmokinghabitsingreatbritain/2018
smoking/index.htm