Les fumeurs français : qui sont-ils ? Résultats du Baromètre de Santé publique France 2017
// French smokers: who are they? Results from the Health Barometer 2017 of Santé publique France
Introduction
Chaque année, la prévalence du tabagisme en France est estimée à partir des résultats de l’enquête Baromètre de Santé publique France. Ainsi en 2017, parmi les personnes âgées de 18 à 75 ans interrogées, 26,9% déclaraient fumer quotidiennement 1. En 2019, elles étaient 24,0% à déclarer fumer quotidiennement (voir l’article d’Anne Pasquereau et coll. dans ce numéro du BEH). Ces analyses permettent d’étudier l’évolution temporelle du tabagisme (en baisse depuis 2017, après une relative stabilité observée depuis 2010) et d’analyser les facteurs associés au tabagisme et leur évolution. Des inégalités sociales de santé sont ainsi mises en évidence puisque, en 2017, le fait d’être un homme, d’être jeune, d’avoir un niveau de diplôme inférieur ou égal au baccalauréat, d’avoir des revenus faibles ou encore d’être au chômage était associé au tabagisme quotidien 1.
En complément de ces analyses, nous présentons ici une description originale de la population des fumeurs en fonction de caractéristiques sociodémographiques, de santé mentale, d’usage d’autres substances psychoactives, de recours aux soins et de recherche d’informations sur la santé, à partir des données du Baromètre de Santé publique France 2017. Cette analyse descriptive pourrait permettre de mieux définir et cibler les actions de prévention visant la population des fumeurs.
Méthode
L’enquête Baromètre de Santé publique France 2017 a été menée auprès de 25 319 adultes de France métropolitaine âgés de 18 à 75 ans. Son objectif était d’interroger un échantillon représentatif de la population sur leurs pratiques addictives et leur santé mentale, afin de guider les politiques en matière d’information et de prévention 2. Cet article s’appuie sur les données de 2017 qui permettent d’analyser des indicateurs de santé mentale, de polyconsommation et de recours aux soins, qui n’étaient pas disponibles dans les deux dernières enquêtes (2018 et 2019).
La population des fumeurs a été comparée à celle des non-fumeurs au moyen d’analyses bivariées. Les fumeurs sont les individus qui déclarent fumer quotidiennement ou occasionnellement (environ 83% des fumeurs consomment du tabac quotidiennement). Les non-fumeurs représentent le reste de la population interrogée, c’est-à-dire les personnes n’ayant jamais fumé et ex-fumeurs. Les populations ont été comparées statistiquement par le test du Chi2 de Pearson avec correction de Rao-Scott pour tenir compte du plan de sondage. La méthode (pondération des estimations, effectifs des échantillons et sous-échantillons, etc.) est présentée par ailleurs 2.
Résultats (voir tableau)
Les fumeurs sont plus fréquemment des hommes ou des personnes de moins de 55 ans
Les fumeurs sont majoritairement des hommes (53,8%). Deux tiers (66,5%) des fumeurs ont entre 25 et 54 ans et 14,6% d’entre eux sont âgés de 18 à 24 ans : cette population d’adultes de moins de 55 ans est donc une cible prioritaire des actions de lutte contre le tabagisme.
Les fumeurs sont plus souvent dans des situations sociales difficiles
Tandis qu’un tiers (33,1%) des non-fumeurs possède un diplôme supérieur au baccalauréat, c’est le cas d’environ un fumeur sur quatre (26,2%) seulement. De plus, 13,6% des fumeurs sont au chômage, soit deux fois plus que les non-fumeurs (7,3%). La situation financière est perçue comme « difficile » près de deux fois plus fréquemment par les fumeurs que les non-fumeurs (22,3% contre 12,5%).
Les fumeurs présentent une moins bonne santé mentale
Les épisodes dépressifs caractérisés 3 (EDC) sont plus fréquents chez les fumeurs (6,0% d’EDC sévères et 7,2% d’EDC moyens) que chez les non-fumeurs (3,0% d’EDC sévères et 4,5% d’EDC moyens). Les fumeurs présentent également plus souvent des symptômes d’anxiété certaine 4 (16,2% contre 12,2%). Ils dorment moins bien puisque 15,5% d’entre eux déclarent des insomnies chroniques 5 contre 12,2% des non-fumeurs. Enfin, 5,1% des fumeurs ont été licenciés ou ont eu peur de perdre leur emploi au cours des 12 derniers mois, alors que les non-fumeurs ne sont que 3,7% dans la même situation.
Les fumeurs consomment plus souvent d’autres substances psychoactives
Un tiers des fumeurs dépassent les repères de consommation d’alcool 6 (33,7%) contre 18,8% des non-fumeurs. La proportion de fumeurs qui ont consommé du cannabis au cours des 30 derniers jours (16,0% contre 1,1%) et la part de ceux qui ont consommé d’autres drogues au cours des 12 derniers mois (7,6% contre 1,7%) sont également bien plus élevées que parmi les non-fumeurs.
Les fumeurs font moins appel aux soins de premier recours et à Internet pour des raisons de santé
Les fumeurs consultent moins souvent un médecin généraliste (79,4% y ont eu recours au cours des 12 derniers mois contre 84,8% des non-fumeurs) et ils utilisent moins Internet pour chercher des informations ou des conseils sur la santé que les non-fumeurs (43,3% au cours des 12 derniers mois contre 50,5%).
Conclusion
Les fumeurs adultes sont plus fréquemment des hommes de moins de 55 ans, des personnes en situation de précarité socioéconomique, avec une moins bonne santé mentale, ils sont plus souvent consommateurs d’autres substances psychoactives, ils ont moins recours à un médecin généraliste et ils utilisent moins Internet comme source d’informations sur des sujets de santé, par rapport aux non-fumeurs.
Ces analyses mettent en évidence des associations et non pas des liens causaux. Par exemple, les inégalités sociales peuvent favoriser le tabagisme en tant que réponse au stress et comme moyen pour faire face aux difficultés du quotidien 7 ; inversement, fumer peut engendrer une maladie qui pourrait entraîner la perte d’emploi et ainsi accentuer les inégalités sociales 8.
Par ailleurs, les enquêtes Baromètres de Santé publique France présentent certaines limites comme des biais lors du recrutement (couverture, non-réponse) 2 ou le biais de désirabilité sociale car ces enquêtes étant déclaratives, les personnes interrogées répondent également en fonction des normes sociales.
Malgré ces limites, recueillir des informations améliorant la connaissance de la population des fumeurs s’avère utile pour repérer et intervenir plus spécifiquement auprès de ce public. Le fait que les fumeurs soient assez fréquemment polyconsommateurs montre qu’il peut être nécessaire de prendre en charge simultanément l’ensemble des consommations. De même, leur santé mentale et leur sommeil apparaissent relativement dégradés, ce qui est important à prendre en considération lors de la mise en place d’actions ciblées. Une approche globale de l’individu par son médecin traitant ou la structure de prise en charge semble donc nécessaire.
Ces informations, complétées par d’autres études, notamment par des enquêtes qualitatives sur les freins et leviers à l’arrêt du tabac, sont également une étape nécessaire pour mettre en place des dispositifs de marketing social 9. Elles doivent guider la réflexion concernant la mise à disposition de services d’aide à l’arrêt, de proximité ou à distance, pour une bonne adéquation entre l’offre proposée et les caractéristiques des fumeurs. En matière de communication, ces données permettent également d’adapter les messages à destination des fumeurs et d’élaborer les plans médias des campagnes en optimisant les canaux de diffusion en fonction des indicateurs d’audience comme ceux de Médiamétrie. L’utilisation d’Internet comme canal d’information est en ce sens à mettre en regard du fait que les fumeurs consultent moins ce média pour chercher des informations de santé.
Ces analyses sont ainsi utiles à la mise en place d’interventions adaptées pour inciter et aider les fumeurs à arrêter de fumer, répondant ainsi au programme national de lutte contre le tabac (PNLT) 2018-2022. Un objectif plus global est de réduire les inégalités sociales et territoriales de santé et, plus généralement, d’agir sur l’ensemble des déterminants de santé qui pourraient favoriser la réussite du sevrage tabagique 10.
Liens d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt au regard du contenu de l’article.