Avant-propos. Prévention des maladies cardiovasculaires : un effort coordonné de grande ampleur est nécessaire

// Foreword. Preventing cardiovascular disease: a large-scale coordinated effort is needed

Gérard Helft
Institut de cardiologie, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, président de la Fédération française de cardiologie, Paris

Les maladies cardiovasculaires (MCV) sont la première cause de mortalité dans le monde. Paradoxalement, les progrès considérables de leur traitement lors de ces dernières décennies expliquent une moindre sensibilisation des pouvoirs publics et des citoyens face à ces affections cardiovasculaires. Il est donc important de refaire le point régulièrement sur l’épidémiologie des maladies cardiovasculaires, afin d’une part, de documenter l’état des lieux, d’autre part, de permettre d’orienter les pistes d’aujourd’hui et de demain pour lutter efficacement contre elles. C’est tout le mérite de Valérie Olié et de son équipe d’avoir mené ce travail considérable dédié aux MCV, lequel est décliné dans ce numéro du BEH.

Les cardiopathies ischémiques (CPI) sont la première cause des MCV. Elles occasionnent chaque année en France l’hospitalisation de plus de 240 000 personnes 1, et constituent un enjeu majeur de santé publique dans les pays dits développés. Plus de 3 millions d’adultes, soit environ 5% de la population française en souffrent, davantage dans les communes socialement défavorisées. Les CPI sont responsables d’environ 30 000 décès chaque année en France, selon le Système national des données de santé (SNDS). Mais ce chiffre ne doit pas masquer la réalité tragique supplémentaire des arrêts cardiaques extra-hospitaliers (ACEH) qui touchent chaque année près de 50 000 Français. Or, quelque 80% des ACEH sont liés à une CPI, laquelle est souvent méconnue lors de l’ACEH. Par conséquent, d’une part, la détection de la cardiopathie ischémique reste un sujet difficile, mais primordial, et d’autre part, la reconnaissance et la prise en charge immédiate par nos concitoyens d’un ACEH doivent rester des priorités de santé publique. Pourtant, malgré les efforts de la Fédération française de cardiologie et des autres organismes de secours, nos concitoyens sont insuffisamment sensibilisés et formés aux gestes qui sauvent. Ils le sont en tout cas moins que dans certains pays comme les pays scandinaves, malgré la priorité affichée par nos gouvernants et l’objectif que 80% de la population soit formée. Il faut noter également l’augmentation de la prévalence des CPI chez les femmes âgées de 45 à 64 ans, favorisée notamment par le tabagisme. Ce dernier a aussi un rôle délétère majeur dans la maladie coronaire prématurée, définie comme l’apparition d’une symptomatologie d’origine coronaire avant 45 ans chez l’homme.

L’épidémiologie des facteurs de risque cardiovasculaire comprend des facteurs comportementaux et non comportementaux. Ces deux articles ont particulièrement retenu notre attention 2,3. Les maladies métaboliques représentent une part importante dans le développement et dans l’évolutivité de l’athérosclérose, elle-même responsable d’une part croissante des maladies cardiovasculaires. Les prévalences croissantes de l’hypertension artérielle, de l’hypercholestérolémie, du diabète et de l’obésité sont précisément décrites. La prévalence des facteurs de risque est élevée : dans la population générale française, elle atteint 30% pour l’HTA, 25% pour le tabagisme et 23% pour l’hypercholestérolémie. Le degré de méconnaissance des individus touchés est particulièrement préoccupant, cette proportion atteignant 45% des hypertendus. Les actions de dépistage sont donc particulièrement d’actualité et doivent être multipliées par tous les acteurs. Celles-ci sont largement développées par la Fédération française de cardiologie lors des Parcours du cœur qui fêtent cette année leurs 50 ans d’existence. Ces Parcours du cœur à destination du grand public sont déclinés sous forme de Parcours du cœur scolaires et également de plus en plus sous la forme de Parcours du cœur entreprises. Les Parcours du cœur ont permis d’intéresser en 2024 quelque 500 000 Français de tous âges, en proposant des activités physiques et surtout en incitant les participants à prendre conscience de l’intérêt de l’activité physique en prévention des MCV. Les recommandations d’activité physique devraient en effet être connues de toutes et de tous : 150 minutes par semaine d’activité physique modérée pour les adultes et 300 minutes par semaine d’activité physique modérée pour les enfants et adolescents. Or, d’après les données récentes, 47% des femmes et 29% des hommes n’atteignaient pas les recommandations d’activité physique 2.

La prévalence des facteurs métaboliques reste plus élevée chez les hommes, mais une attention particulière est nécessaire face aux facteurs de risques spécifiques des femmes. Ces facteurs de risque sont les désordres de la grossesse (désordres hypertensifs de la grossesse, diabète gestationnel) et certains troubles gynécologiques comme le syndrome des ovaires polykystiques. Leur approche doit faire partie de l’évaluation du risque cardiovasculaire.

Les facteurs de risque dits comportementaux, mieux pris en compte récemment, ont parallèlement un poids important dans la survenue des MCV. Ce sont, outre le tabac, l’alimentation défavorable à la santé, le manque d’activité physique, la sédentarité, les troubles du sommeil, lesquels sont modifiables et accessibles à la prévention. Leur prévalence est élevée dans la population française. En effet, près d’un adulte sur trois est fumeur, près des trois quarts d’entre eux n’atteignent pas la recommandation de manger cinq fruits et légumes par jour, et quatre adultes sur cinq consomment plus de six grammes de sel par jour ; aussi, 39% des adultes n’atteignent pas les recommandations d’activité physique, et 41% ont un niveau de sédentarité élevée. Malgré quelques signaux positifs comme l’évolution du niveau d’activité physique chez les hommes, ou la baisse de la prévalence du tabagisme par exemple, la situation épidémiologique autour de ces facteurs de risque reste préoccupante en France. Cette situation témoigne de l’urgence du renforcement des politiques de prévention de ces facteurs de risque. Nombreux sont ceux, comme la Haute Autorité de santé (HAS), dont la mission est de lutter contre les facteurs de risques et les maladies cardiovasculaires, mais un effort coordonné de grande ampleur est nécessaire. Une entité coordinatrice, telle qu’une délégation interministérielle impliquant les différents ministères concernés est souhaitable et est appelée du vœu de nombreux acteurs impliqués, parmi lesquels la Fédération française de cardiologie.

Liens d’intérêt

Gérard Helft a reçu des financements pour des bourses de recherche : Fédération française de cardiologie, Boston, Medtronic, Terumo, Biotronik, et comme orateur : Astra-Zeneca, Abbott, Boehringer-Ingelheim, Bayer, Servier, Sanofi, Amgen.

Références

1 Grave C, Gabet A, Danchin N, Iliou MC, Lailler G, Tuppin P, et al. Épidémiologie des cardiopathies ischémiques en France. Bull Épidémiol Hebd. 2025;(HS):6-22. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2025/HS/2025_HS_2.html
2 Olié V, Gabet A, Grave C, Helft G, Fosse-Edorh S, Piffaretti C, et al. Épidémiologie des facteurs de risque cardiovasculaire : les facteurs de risque non comportementaux. Bull Épidémiol Hebd. 2025;(HS):102-16. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2025/HS/2025_HS_8.html
3 Olié V, Grave C, Helft G, Nguyen-Thanh V, Andler R, Quatremère G, et al. Épidémiologie des facteurs de risque cardiovasculaire : les facteurs de risque comportementaux. Bull Épidémiol Hebd. 2025;(HS):81-101. http://beh.
santepubliquefrance.fr/beh/2025/HS/2025_HS_7.html

Citer cet article

Helft G. Avant-propos. Prévention des maladies cardiovasculaires : un effort coordonné de grande ampleur est nécessaire. Bull Épidémiol Hebd. 2025;(HS):4-5. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2025/HS/2025_HS_1.html