Prévalence nationale et régionale du tabagisme en France en 2021 parmi les 18-75 ans, d’après le Baromètre de Santé publique France

// National and regional prevalence of smoking in France in 2021 among
18-75 years old, according to the Santé publique France health barometer

Anne Pasquereau (anne.pasquereau@santepubliquefrance.fr), Raphaël Andler, Romain Guignard, Arnaud Gautier, Noémie Soullier, Jean-Baptiste Richard, François Beck, Viêt Nguyen-Thanh
Santé publique France, Saint Maurice
Soumis le 29.08.2022 // Date of submission: 08.29.2022
Mots-clés : Tabagisme | Tabac | Prévalence | Inégalités sociales
Keywords: Smoking | Tobacco | Prevalence | Social inequalities

Résumé

Introduction –

Après une baisse du tabagisme d’ampleur inédite en France entre 2014 et 2019, la prévalence s’est stabilisée en 2020. Dans un contexte de crise liée à la Covid-19, l’objectif principal de cette étude est d’estimer la prévalence du tabagisme en 2021 et de décrire son évolution récente.

Méthode –

Les données utilisées proviennent du Baromètre de Santé publique France, enquête téléphonique sur échantillon aléatoire auprès de la population des 18-85 ans résidant en France, menée entre février et décembre 2021, auprès d’un échantillon total de 24 514 individus en métropole, et 6 519 individus dans les départements et régions d'outre-mer (DROM).

Résultats –

 En 2021, en France métropolitaine, plus de 3 personnes de 18-75 ans sur 10 déclaraient fumer (31,9%) et un quart déclaraient fumer quotidiennement (25,3%). La prévalence du tabagisme augmente par rapport à 2019 (30,4%), alors que l’évolution du tabagisme quotidien n’est pas significative (24,0% en 2019). Une hausse du tabagisme quotidien est néanmoins observée entre 2019 et 2021 parmi les femmes (de 20,7% à 23,0%) et parmi les personnes n’ayant aucun diplôme ou un diplôme inférieur au baccalauréat (de 29,0% à 32,0%). En 2021, deux régions ont une prévalence du tabagisme quotidien plus élevée que le reste de la France : Occitanie (28,5%) et Provence-Alpes-Côte d’Azur (29,1%).

Conclusion –

 Un impact de la crise liée à la Covid-19 sur l’interruption de la baisse de la prévalence du tabagisme en France ne peut être exclu. Les inégalités sociales en matière de tabagisme restent très marquées.

Abstract

Introduction –

After an unprecedented drop in smoking in France between 2014 and 2019, prevalence stabilized in 2020. The main objective of this study was to estimate the prevalence of smoking in 2021 and to describe its recent evolution in the context of the crisis linked to COVID-19.

Method –

Data come from the 2021 Health Barometer of the national public health agency, Santé publique France, a telephone survey on a random sample of the French population aged 18-85 years old, conducted between February and December 2021, among 24,514 individuals residing in mainland France, and 6,519 individuals residing in the overseas France.

Results –

In 2021 in metropolitan France, more than 3 out of 10 people aged 18-75 reported smoking (31.9%) and a quarter were daily smokers (25.3%). The prevalence of smoking is increasing compared to 2019 (30.4%) while the change in daily smoking is not significant (24.0% in 2019). An increase in daily smoking is nevertheless observed between 2019 and 2021 among women (from 20.7% to 23.0%) and among people with no qualifications or low-level qualifications (from 29.0% to 32.0%). In 2021, two regions have a higher prevalence of daily smoking than the rest of France: Occitanie (28.5%) and Provence-Alpes-Côte d’Azur (29.1%).

Conclusion –

An impact of the COVID-19 crisis on the interrupted decline in prevalence of smoking in France cannot be excluded. Social inequalities remain very marked regarding smoking prevalence.

Introduction

Le tabac reste la première cause de mortalité évitable en France avec 75 000 décès en 2015, soit 13% des décès 1. Les conséquences sanitaires et sociales très importantes du tabagisme en France et les efforts de prévention déployés pour le contrer font de son suivi un axe indispensable des politiques de santé publique. Après une baisse du tabagisme quotidien d’ampleur inédite observée en France parmi les adultes, entre 2014 (28,5%) et 2019 (24,0%) 2, la prévalence s’est stabilisée en 2020 (25,5%) 3. Le nombre de fumeurs en France est estimé à 15 millions, dont 12 millions de fumeurs quotidiens 4. Cependant les inégalités sociales semblaient marquer un rebond avec une augmentation de la prévalence du tabagisme quotidien parmi le tiers de la population dont les revenus étaient les moins élevés, de 29,8% en 2019 à 33,3% en 2020, en amont du premier confinement.

À la suite d’une crise sociale qui a démarré fin 2018 (« crise des gilets jaunes »), les années 2020 et 2021 ont été marquées par une crise sanitaire et sociale exceptionnelle liée à l’épidémie de Covid-19. En France, trois périodes de confinement ont eu lieu, au printemps et à l’automne 2020 et au printemps 2021, ainsi qu’un couvre-feu jusqu’à la mi-2021. Cette épidémie et ses mesures de gestion ont bouleversé les situations personnelles et professionnelles et pourraient avoir eu un impact sur la consommation de tabac. Ainsi, pendant le premier confinement, l’enquête Coviprev (enquête pour suivre l’évolution des comportements et de la santé mentale pendant l’épidémie de Covid-19) avait montré que la majorité des fumeurs n’avaient pas modifié leur consommation (55%), que 19% l’avaient diminuée et 27% augmentée 5 ; de son côté, l’enquête Coconel (Coronavirus et confinement : enquête longitudinale) mettait également en évidence une stabilité globale 6. Dans une synthèse de données d’enquêtes menées en 2020 et début 2021, la majorité des fumeurs avaient déclaré que la crise n’avait pas influencé leur consommation, ni leur motivation à arrêter de fumer. Cependant, les fumeurs qui percevaient la cigarette comme un moyen de soulager le stress ont eu tendance à davantage fumer en temps de crise 7.

L’objectif principal de cette étude est d’estimer la prévalence du tabagisme en France en 2021 à partir des données du Baromètre de Santé publique France, de mesurer son évolution récente, et de présenter des premiers résultats au niveau régional.

Méthode

Source de données

Cette étude a été réalisée à partir des données 2021 du Baromètre de Santé publique France. La méthode d’enquête est identique à celle du Baromètre 2020 8 et repose sur une génération aléatoire de numéros de téléphone fixe et mobile. Les participants sont sélectionnés via un sondage aléatoire à deux degrés sur ligne fixe (sélection aléatoire d’un individu éligible par ménage) et une interrogation de la personne qui décroche sur ligne mobile.

L’enquête, menée par l’institut Ipsos, s’est déroulé en métropole du 11 février au 15 décembre 2021 (avec une trêve estivale du 19 juillet au 22 août), auprès de 24 514 personnes âgées de 18 à 85 ans, résidant en France métropolitaine et parlant le français. Le taux de participation révisé (calcul décrit dans la méthodologie de l’enquête 8) s’élève à 44,3% (39,5% sur fixes et 46,5% sur mobiles), pour un questionnaire d’une durée moyenne de 36 minutes.

Dans les départements et régions d’outre-mer (DROM), l’enquête s’est déroulée selon la même méthodologie, du 7 avril au 12 octobre 2021, auprès de 1 511 personnes en Guadeloupe, 1 526 en Martinique, 1 478 en Guyane et 2 004 à La Réunion. À Mayotte, l’enquête « Unono Wa Maore » a été menée en 2018-2019 auprès de 4 817 personnes âgées de 15 à 69 ans. La méthodologie spécifique de cette enquête est décrite par ailleurs 9,10.

Afin que l’enquête soit représentative des populations investiguées, les pondérations tiennent compte de la probabilité d’inclusion (au sein du ménage et en fonction de l’équipement téléphonique), et de la structure de la population métropolitaine/de chaque DROM, via un calage sur marges utilisant les variables sexe croisée avec l’âge en tranches décennales et croisée avec la région, taille du foyer et niveau de diplôme, auxquelles se rajoutent les variables région et la taille d’unité urbaine pour la métropole (population de référence : Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), enquête emploi 2020).

Variables d’intérêt

Est qualifié de fumeur quotidien un individu déclarant fumer tous les jours ou déclarant un nombre de cigarettes consommées (manufacturées ou roulées), de cigares, de cigarillos ou de chichas par jour. Est qualifié de fumeur occasionnel un individu déclarant fumer, mais pas quotidiennement. Le terme « fumeur » (et par extension le terme « tabagisme ») sans précision désigne tout individu fumeur, que sa consommation soit quotidienne ou occasionnelle. Est qualifiée d’« ex-fumeur » une personne qui a fumé dans le passé, que ce soit occasionnellement ou quotidiennement et qui déclare ne pas fumer au moment de l’enquête. Une personne qui déclare avoir fumé seulement une ou deux fois pour essayer est considérée comme n’ayant jamais fumé. Les quantités de tabac fumées ont été calculées avec les équivalences utilisées dans les Baromètres de Santé publique France suivantes : 1 cigare = 1 cigarillo = 2 cigarettes ; 1 cigarette manufacturée = 1 cigarette roulée ; les fumeurs de chicha sont uniquement des fumeurs occasionnels.

Enfin, l’usage d’e-cigarette est mesuré par trois indicateurs : les prévalences de l’expérimentation au cours de la vie, de l’usage quotidien et de l’usage actuel (occasionnel + quotidien). Seules les prévalences sont présentées dans cet article, des études sur le lien entre vapotage et statut tabagique ayant par ailleurs été déjà réalisées sur de précédentes éditions du Baromètre de Santé publique France 11.

Les questionnaires complets métropole/DROM sont disponibles par ailleurs 12,13.

Analyses

Les prévalences du tabagisme sont présentées selon plusieurs variables sociodémographiques : sexe, âge, niveau de revenu mensuel par unité de consommation du foyer de la personne interrogée en terciles de la distribution observée dans l’échantillon et situation professionnelle (en emploi, au chômage, en études ou inactif). Concernant le niveau de diplôme, trois catégories sont distinguées : aucun diplôme ou diplôme inférieur au bac, bac ou équivalent, supérieur au bac. Les personnes sans diplôme et les personnes titulaires d’un diplôme inférieur au bac sont dorénavant regroupées : la part de personnes sans diplôme dans l’échantillon et dans la population ne cesse de diminuer au fil des ans (effet de génération, les personnes sans diplôme étant majoritairement des personnes âgées) et leur effectif est devenu trop restreint pour les distinguer.

Les résultats portent sur la tranche d’âge 18-75 ans, commune aux éditions précédentes de ces enquêtes (excepté pour Mayotte où la prévalence porte sur la tranche d’âge 18-69 ans). La prévalence du tabagisme a également été calculée parmi les 76-85 ans en France métropolitaine de façon séparée (n=1 889), cette tranche d’âge n’étant interrogée que depuis 2019. La prévalence du tabagisme parmi les 18-75 ans est calculée à partir des données des Baromètres de Santé publique France 2000 (n=12 588), 2005 (n=28 226), 2010 (n=25 034), 2014 (n=15 186), 2015 (Baromètre Cancer, n=3 832, du fait de l’effectif moins important, seuls les résultats par sexe sont présentés pour 2015), 2016 (n=14 875), 2017 (n=25 319), 2018 (n=9 074), 2019 (n=9 611), 2020 (n=13 725) et 2021 (n=22 625).

Les évolutions temporelles de la prévalence entre 2020 et 2021 ont été testées statistiquement au moyen du test du Chi2 de Pearson, avec correction de second ordre de Rao-Scott pour tenir compte du plan de sondage pour les variables dichotomiques, et au moyen du test de Wald pour les moyennes de variables continues. Les évolutions entre 2019 et 2021 ont également été testées et mentionnées dans le texte, au vu de la rupture de tendance observée. Les prévalences observées entre 2000 et 2021 sont représentées graphiquement, mais les tests de différence portent sur les années 2019 à 2021. Les estimations et évolutions sur les années précédentes, ainsi que les protocoles des enquêtes en question, sont détaillés dans des publications dédiées 2,3,14.

Les inégalités sociales ont été étudiées via l’évolution des facteurs associés au tabagisme à partir d’une régression logistique multivariée avec comme variable expliquée le tabagisme quotidien ajusté sur les variables d’intérêt : sexe, âge, diplôme, revenu, situation professionnelle, catégorie socioprofessionnelle et densité de la commune de résidence. L’évolution des facteurs associés est étudiée par rapport à 2017, dernière analyse publiée.

Les comparaisons inter-régionales ont été testées au moyen du test de Chi2 de Pearson avec correction de second ordre de Rao-Scott : chaque région a été comparée au reste de la France métropolitaine (une variable de pondération spécifique a été calculée afin de standardiser sur la structure par sexe et âge de la population de métropole). Les évolutions ont été mesurées par rapport aux prévalences 2017 pour la métropole, et aux prévalences 2014 pour les DROM, dernières données régionales disponibles. Concernant Mayotte, l’enquête menée en 2018-2019 était la première de ce type et ne permet ainsi pas de mesurer d’évolution.

Résultats

Prévalence du tabagisme en 2021 et évolution

En 2021, 31,9% des personnes âgées de 18 à 75 ans ont déclaré fumer du tabac : 34,7% des hommes et 29,2% des femmes (p<0,001). La prévalence du tabagisme quotidien s’élevait à 25,3%, soit 27,8% parmi les hommes et 23,0% parmi les femmes (p<0,001). La prévalence du tabagisme occasionnel était de 6,6% et non significativement différente entre hommes (6,9%) et femmes (6,3%).

Parmi les 76-85 ans, la prévalence du tabagisme était de 5,8% et de 5,1% pour le tabagisme quotidien. Parmi les 18-85 ans, elles étaient respectivement de 29,9%, et 23,8%.

Entre 2020 et 2021, les variations du tabagisme et du tabagisme quotidien ne sont pas significatives parmi les personnes âgées de 18 à 75 ans (31,8% en 2021 et 25,5% en 2020). Entre 2019 et 2021, le tabagisme a augmenté (30,4% en 2019, p<0,05), alors que le tabagisme quotidien ne varie pas de façon significative (24,0% en 2019) et que le tabagisme occasionnel est stable (6,4% en 2019). L’analyse du tabagisme quotidien selon le sexe ne montre pas d’évolution significative entre 2020 et 2021. Cependant, entre 2019 et 2021, il augmente parmi les femmes de 20,7% à 23,0% (p<0,05) (figure 1).

Figure 1 : Prévalence du tabagisme quotidien selon le sexe parmi les 18-75 ans en France métropolitaine
entre 2000 et 2021
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La proportion d’ex-fumeurs en 2021 (31,8%) se révèle stable par rapport à 2020 (32,7%) et 2019 (31,9%) et la part de personnes déclarant n’avoir jamais fumé également (36,3% en 2021, 35,5% en 2020 et 37,7% en 2019).

Les évolutions diffèrent selon les classes d’âge et le sexe (figure 2). Parmi les hommes de 18-24 ans, la prévalence du tabagisme quotidien diminue entre 2020 et 2021 (de 35,8% à 28,7%, p<0,05), alors qu’elle est stable chez les femmes dans cette tranche d’âge (27,9% en 2021). Aucune évolution significative n’est observée dans les autres tranches d’âge. Parmi les femmes, une tendance à la hausse est néanmoins observée entre 35 et 44 ans (évolutions non significatives).

Figure 2 : Prévalence du tabagisme quotidien selon le sexe et l’âge parmi les 18-75 ans en France métropolitaine entre 2000 et 2021
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Inégalités sociales en matière de tabagisme

Les inégalités sociales en matière de tabagisme ont été étudiées à partir de trois indicateurs (figure 3). Les résultats montrent que :

la prévalence du tabagisme quotidien reste en 2021 nettement plus élevée lorsque le niveau de diplôme est plus faible : elle varie de 32,0% parmi les personnes n’ayant aucun diplôme ou un diplôme inférieur au baccalauréat à 17,1% parmi les titulaires d’un diplôme supérieur au baccalauréat (figure 3a) ;

plus le revenu est élevé, plus la prévalence du tabagisme quotidien est faible : de 32,3% parmi les personnes dont le revenu correspondait au tercile le plus bas à 17,0% pour le tercile le plus élevé (figure 3b) ;

enfin, parmi les 18-64 ans, la prévalence du tabagisme quotidien reste nettement plus élevée parmi les personnes au chômage (45,7%), que parmi les actifs occupés (26,6%) (figure 3c).

Figure 3 : Prévalence du tabagisme quotidien selon le niveau de diplôme (18-75 ans), le revenu
par unité de consommation (18-75 ans) et la situation professionnelle (18-64 ans) en France métropolitaine
entre 2000 et 2021
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L’analyse des principaux facteurs sociodémographiques associés au tabagisme quotidien en 2021 indique que chaque caractéristique socio-économique considérée est associée à la consommation de tabac indépendamment, à sexe et âge identiques (tableau). Les titulaires d’un bac ou d’un diplôme supérieur sont moins souvent fumeurs quotidiens que les personnes sans diplôme ou ayant un diplôme inférieur au bac (respectivement OR=0,6 et 0,5). Le tabagisme quotidien est également associé à la situation de chômage (OR=1,9 par rapport aux actifs occupés). Le fait d’être cadre ou d’avoir une profession intellectuelle supérieure est associé à une moindre probabilité de fumer quotidiennement, les ouvriers étant les plus nombreux à fumer tous les jours (OR=1,8 relativement aux cadres). Enfin, les personnes résidant en communes de densité intermédiaire (OR=1,1) ont une plus forte probabilité de fumer quotidiennement que les habitants de communes peu denses.

Concernant les évolutions, la prévalence du tabagisme quotidien selon le diplôme ne varie pas de façon significative entre 2020 et 2021. Toutefois, entre 2019 et 2021, la prévalence augmente parmi les moins diplômés, de 29,0% à 32,0%. La prévalence selon les revenus est stable par rapport à 2020 et 2019. Selon la situation professionnelle aucune variation n’est significative entre 2020 et 2021, ni entre 2019 et 2021, même si une hausse parmi les personnes au chômage ne peut être exclue. Enfin, les facteurs associés sont globalement stables par rapport à 2017 15.

Tableau : Facteurs associés au tabagisme quotidien en France métropolitaine en 2021 parmi les 18-75 ans
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Quantité de tabac fumé

En 2021, les fumeurs quotidiens de 18-75 ans ont déclaré fumer en moyenne 12,7 cigarettes (ou équivalent) par jour (écart-type=9,2). La variation par rapport à 2020 n’est pas significative. Les femmes ont déclaré fumer en moyenne moins que les hommes avec 11,8 versus 13,5 cigarettes en moyenne par jour (p<0,001).

Tentative d’arrêt et envie d’arrêter de fumer

En 2021, 30,3% des fumeurs quotidiens avaient fait une tentative d’arrêt d’au moins une semaine au cours des 12 derniers mois. Cette proportion est stable par rapport à 2020. Six fumeurs quotidiens sur dix (59,3%) déclaraient avoir envie d’arrêter de fumer : 9,8% déclaraient avoir le projet d’arrêter dans le mois à venir, 16,6% dans les six prochains mois, 4,9% dans l’année à venir et 27,9% dans un avenir indéterminé, proportions également stables par rapport à 2020.

Prévalences régionales du tabagisme quotidien

En 2021, le tabagisme quotidien parmi les 18-75 ans variait de 21,7% à 29,1% selon les régions de France métropolitaine (figure 4). Deux régions avaient une prévalence moins élevée que le reste du territoire métropolitain (p<0,05) : l’Île-de-France et les Pays de la Loire (22,4%) ; alors que deux régions se distinguaient par une prévalence plus élevée que le reste du territoire (p<0,05) : l’Occitanie (28,5%) et Provence-Alpes-Côte d’Azur (29,1%). Ces quatre régions se distinguaient déjà de la même manière en 2017. Les régions Grand Est et Hauts-de-France présentaient en 2021 une prévalence dans la moyenne métropolitaine contrairement à 2017 où elle était supérieure. Deux régions affichaient une variation significative de la prévalence du tabagisme quotidien par rapport à 2017, dans le sens d’une baisse de cette prévalence (p<0,05) : le Centre-Val de Loire et les Hauts-de-France.

Dans chacun des DROM enquêtés, la prévalence est inférieure à celle observée en France métropolitaine. Elle s’élève à 20,7% à La Réunion, 11,7% en Guadeloupe, 11,7% en Martinique, 9,7% en Guyane, et 11% à Mayotte (parmi les 18-69 ans en 2018-2019). Comme la tendance observée en métropole entre 2014 et 2019, ces prévalences sont en baisse significative par rapport à 2014 à La Réunion (25,9% en 2014), en Martinique (15,2%), en Guyane (15,2%), mais pas en Guadeloupe où elle apparaît stable (12,2%).

Figure 4 : Prévalence du tabagisme quotidien par région parmi les 18-75 ans en France métropolitaine et dans les DROM en 2021
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Usage de produits du vapotage

En 2021, 38,7% des 18-75 ans ont déclaré avoir déjà expérimenté la cigarette électronique, proportion stable par rapport à 2020 (37,4%). L’usage actuel d’une vapoteuse a été déclaré par 6,7% des 18-75 ans, et la prévalence du vapotage quotidien s’élevait à 5,0%, proportions en hausse par rapport à 2020 (respectivement 5,4% et 4,3%).

Discussion

Principaux résultats

En 2021 en France métropolitaine, plus de 3 personnes de 18-75 ans sur 10 ont déclaré fumer (31,9%) et un quart fumer quotidiennement (25,3%). Après une baisse constatée entre 2014 et 2019, la prévalence du tabagisme a augmenté en 2021, alors que celle du tabagisme quotidien s’est stabilisée. Une hausse du tabagisme quotidien est observée entre 2019 et 2021 parmi les femmes (de 20,7% à 23,0%) et parmi les moins diplômés (de 29,0% à 32,0%).

Deux régions se distinguent par une prévalence plus élevée que le reste de la France, l’Occitanie et PACA. Par ailleurs le tabagisme quotidien parmi les adultes dans les DROM est largement inférieur à la France métropolitaine, comme observé parmi les adolescents 16.

Impact de la crise liée à la Covid-19

Dans un contexte de crise sociale en France dès fin 2018 (crise des « gilets jaunes »), la prévalence du tabagisme avait augmenté parmi les personnes aux plus bas revenus dès début 2020, avant l’arrivée de la Covid 3. Un impact de la crise sociale et économique liée à la Covid-19 qui a suivi ne peut être exclu concernant l’interruption de la baisse de la prévalence du tabagisme en France et la hausse observée parmi certaines populations.

Cette crise a pu tout d’abord avoir un impact sur la consommation de tabac. L’augmentation du tabagisme parmi les femmes pourrait être liée en partie à un impact plus fort de la crise chez celles-ci. L’enquête Coconel a montré qu’elles ont plus souvent perdu leur emploi, connu une dégradation de leurs conditions de travail, et pour les femmes télétravaillant, une présence plus fréquente des enfants dans la même pièce 17. La charge mentale a ainsi pu augmenter pour les femmes, en particulier pendant les confinements, avec une gestion du quotidien et de la famille accentuée. D’après l’enquête Coviprev, le fait d’être une femme était associé à un plus grand risque d’augmentation de la consommation de tabac en 2020 18.

Cette crise a eu des conséquences psychologiques, économiques et sociales 19, davantage marquées parmi les populations défavorisées 20. Or parmi elles, la cigarette peut être perçue comme un outil pour gérer le stress ou surmonter les difficultés du quotidien 21,22. La situation de chômage est également associée au tabagisme 23. Des enquêtes qualitatives menées auprès de fumeurs en 2020 et 2021 ont montré que les fumeurs qui percevaient la cigarette comme outil pour gérer le stress, avaient eu davantage tendance à augmenter leur consommation 7. La crise a ainsi pu avoir un impact sur la prévalence du tabagisme parmi les plus défavorisés.

La santé mentale de la population s’est également dégradée pendant la crise. L’enquête Coviprev (vague de fin 2021) a montré qu’un tiers de la population souffrait d’un état anxieux ou dépressif 24. L’enquête Epicov (Épidémiologie et conditions de vie sous le Covid-19) (vague de juillet 2021), a montré que les symptômes dépressifs pendant la crise avaient atteint plus fréquemment les femmes, les jeunes et les personnes en difficulté sur le plan économique 25. Ces tendances sont confirmées par les résultats issus du Baromètre de Santé publique France 2021, qui montrent une augmentation des épisodes dépressifs caractérisés survenus au cours des douze derniers mois, chez les 18-75 ans, entre 2017 et 2021 (1). Or, des recherches antérieures ont montré que les troubles anxieux et dépressifs étaient associés au tabagisme 26,27. La dégradation de la santé mentale liée à la situation sanitaire et sociale pourrait ainsi être liée à l’augmentation du tabagisme observée parmi ces populations.

La crise a pu également avoir un impact indirect sur les politiques publiques de lutte anti-tabac via un affaiblissement des actions de prévention de terrain. L’édition 2020 de Mois sans tabac n’a, par exemple, pas pu être accompagnée d’actions de terrain et un recul des inscriptions et des tentatives d’arrêt du tabac ont été observés 28. Enfin, dans un contexte de saturation de messages sanitaires liés à la Covid-19, les campagnes de prévention contre le tabagisme ont pu souffrir d’un problème d’émergence et de visibilité par la population.

Comparaisons avec l’international et avec d’autres données françaises

Cette tendance récente est observée également aux Pays-Bas, où la baisse du tabagisme observée depuis 2015 s’est interrompue en 2021 29. Toutefois le niveau de prévalence reste élevé en France par rapport aux Pays-Bas (21% de fumeurs en 2021, 15% de fumeurs quotidiens). D’autres pays, qui présentent une prévalence nettement inférieure, continuent de la voir diminuer : États-Unis (13% en 2020) 30, Canada (11% de fumeurs et 9% de fumeurs quotidiens en 2020) 31, Australie (11% de fumeurs quotidiens en 2019) 32 et Royaume-Uni (14% de fumeurs en 2019) 33. Malgré des contextes réglementaires, culturels et sociaux différents, les inégalités sociales marquées observées en France l’étaient également aux Pays-Bas, où la prévalence variait de 15% parmi les plus diplômés à 24% parmi les moins diplômés, ainsi qu’aux États-Unis où elle variait de 4% à 32% selon le diplôme, et de 6% à 20% en fonction des revenus.

Les livraisons de tabac aux buralistes ont diminué de 6,6% en 2021 par rapport à 2020. Cependant, l’année 2020 était particulière en raison de fermetures de frontières, et il est difficile d’interpréter cette évolution, qui sera à suivre à l’avenir 34.

Un résultat semble encourageant, même s’il reste à confirmer dans les années à venir : la baisse du tabagisme quotidien parmi les hommes de 18-24 ans. Ce résultat est cohérent avec une tendance à la baisse marquée depuis quelques années parmi les adolescents 35. Le rapprochement entre hommes et femmes qui pourrait se dessiner parmi les 18-24 ans s’observe depuis plusieurs années parmi les adolescents 36, avec en 2021 des niveaux d’expérimentation, d’usage occasionnel et quotidien désormais proches entre garçons et filles 37.

Perspectives et implications

Le Programme national de lutte contre le tabac (PNLT) 2018-2022 a fixé comme objectif une génération sans tabac à l’horizon 2032, objectif réaffirmé dans la stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030 38. Le plan qui prendra la suite du PNLT aura comme enjeu majeur de lutter contre les inégalités sociales. L’enjeu pour la prévention sera d’atteindre et d’accompagner les fumeurs les moins favorisés, qui ont été les plus touchés par la crise sanitaire. Il est ainsi nécessaire de concevoir des actions de prévention adaptées, efficaces et acceptables pour les personnes ayant un plus faible niveau socio-économique 39.

Forces et limites

La force de cette étude repose sur l’utilisation d’une enquête de grande ampleur, basée sur une méthodologie de sondage aléatoire et un protocole d’appels destiné à maximiser les chances de chaque individu d’être joint et interrogé. La méthode d’enquête tend ainsi à représenter la diversité des comportements de la population résidant en France métropolitaine, parlant le français et équipée d’une ligne téléphonique. Par ailleurs, la méthode est relativement stable depuis plusieurs années, de même que les questions interrogeant la consommation de tabac, permettant de disposer d’indicateurs standardisés et d’un certain recul sur les évolutions observées.

Deux principales limites peuvent être évoquées : le Baromètre de Santé publique France est une enquête déclarative, ce qui peut entraîner un biais de sous-déclaration (biais de désirabilité sociale ou de mémoire par exemple), même s’il est sans doute assez faible dans les enquêtes observationnelles 40 ; la baisse du taux de réponses observée en France comme à l’international et le problème que cela pose en matière de représentativité des échantillons. Ces limites ont été discutées plus en détail dans les articles sur la consommation de tabac en 2018 et en 2019 2,41.

Enfin, le terrain de l’édition 2021 du Baromètre de Santé publique France s’est déroulé de février à décembre, alors que le terrain se déroule habituellement au cours du premier semestre de l’année, les périodes d’enquête ne sont pas strictement comparables. Cependant, l’impact est limité, la prévalence du tabagisme quotidien variant peu au cours de l’année.

Conclusion

Après une période de baisse de la prévalence du tabagisme entre 2016 et 2019, une stabilité du tabagisme quotidien est observée. Un impact de la crise liée à la Covid-19 ne peut être exclu sur l’interruption de la baisse de la prévalence du tabagisme en France, même si d’autres facteurs restant à explorer peuvent intervenir. Les inégalités sociales en matière de tabagisme restent très marquées et sont un enjeu pour le troisième plan national de lutte anti-tabac, qui fera suite au Programme national de réduction du tabagisme (PNRT) 2014-2019 et au PNLT 2018-2022.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

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Citer cet article

Pasquereau A, Andler R, Guignard R, Gautier A, Soullier N, Richard JB, et al. Prévalence nationale et régionale du tabagisme en France en 2021 parmi les 18-75 ans, d’après le Baromètre de Santé publique France. Bull Épidémiol Hebd. 2022;(26):470-80. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2022/26/2022_26_1.html

(1) Léon C et coll. La dépression en France chez les 18-85 ans : résultats du Baromètre santé 2021 (article soumis au BEH en novembre 2022).