Investigation de cas groupés d’infections à SARS-CoV-2 dans la station balnéaire de Quiberon, Bretagne, juillet-août 2020
// Investigation of cluster of SARS-CoV-2 infections in the seaside resort of Quiberon, Brittany, France, July-August 2020
Résumé
Introduction –
Le 21 juillet 2020, des cas groupés de Covid-19 ont été signalés chez de jeunes adultes. La cellule régionale de Bretagne de Santé publique France, en collaboration avec l’Agence régionale de santé (ARS), a mené une investigation épidémiologique visant à rompre les chaînes de transmission.
Méthode –
Un cas ou contact primaire a été défini comme toute personne présente à Quiberon du 17 juillet au 5 août 2020 ayant réalisé un test RT-PCR (reverse transcription-polymerase chain reaction) SARS-CoV-2, ayant fréquenté le cas index, ou les bars, ou le camping de résidence du cas index, ou les plages la nuit. Les cas ou contacts secondaires, tertiaires ou quaternaires étaient les contacts des précédents cas ayant réalisé un test RT-PCR SARS-CoV-2. Les facteurs associés au risque d’infection à SARS-CoV-2 ont été recherchés par régression logistique multivariée.
Résultats –
Pour l’analyse, 633 personnes (cas ou contacts) ont été retenues sur 716 personnes recensées. Le taux d’attaque d’infection à SARS-CoV-2 des cas primaires était de 60,9%, 7,6% chez les cas secondaires et 4,9% chez les cas tertiaires. Les symptômes étaient présents dans 54,8% des cas primaires. L’âge (médiane=19,4) était retrouvé comme facteur de risque d’infection à SARS-CoV-2 (rangs primaires et secondaires) (odds ratio : OR=0,97 ; intervalle de confiance a 95% (IC95%): [0,95-0,99]). La fréquentation d’un bar de nuit incriminé présentait un risque 3,07 fois [1,06-9,45] plus élevé de développer cette infection. De plus, les personnes de rang 1 avaient 20,3 fois [12,09-34,08] plus de risque d’être contaminées que celles de rangs supérieurs.
Discussion –
Ces résultats permettent de conforter l’hypothèse de la survenue des cas de Covid-19 en lien avec la fréquentation du bar incriminé chez les jeunes adultes participant à des soirées estivales. Face à cette épidémie, les jeunes adultes sont toujours fortement touchés en raison du non-respect des gestes barrières, notamment dans les endroits clos (bars, discothèques), et des soirées souvent alcoolisées où les distanciations sociales sont peu respectées.
Abstract
Background –
On July 21, 2020 multiple cases of coronavirus were reported in young adults who had attended the same bar in Quiberon. The Brittany regional unit of Santé publique France (the national public health agency) collaborated with the regional health agency to conduct an epidemiological investigation aimed at breaking the chains of transmission.
Method –
Primary contacts and cases were defined as any person present in Quiberon between July 17 and August 5, 2020, who had performed a compliant SARS-CoV-2 RT-PCR (reverse transcription-polymerase chain reaction) test, who had been in direct contact with the index case, or in the bars of Quiberon, or on the campsite where the index case resided from 17 July 2020, or on the beaches at night with other young people. Secondary, tertiary, quaternary cases and contacts were defined as anyone who had been in contact with the latter groups and who had performed a compliant SARS-CoV-2 RT-PCR test. Factors associated with the risk of contracting the SARS-CoV-2 infection were analysed by multivariate logistic regression.
Results –
A total of 633 (cases or contacts) out of 716 individuals were selected for analysis. The attack rate of the SARS-CoV-2 infection for primary cases was 60.9%, 7.6% in secondary cases, and 4.9% in tertiary cases. Symptoms of SARS-CoV-2 in primary cases were present in 54.8%. In statistical analyses, age was found to be a risk factor in the primary and secondary ranks; young adults were more likely to have SARS-CoV-2 than older people (odds ratio (OR)=0.97; 95% confidence interval (95%CI): [0.95-0.99]). Attendance at the night bar involved a risk 3.07 times higher (95%CI [1.06-9.45]) of developing the SARS-CoV-2 disease. In addition, individuals classified as primary contacts were 20.3 [12.09-34.08] times more likely to be contaminated than further removed contacts.
Discussion –
These results support the hypothesis of multiple SARS-CoV-2 infections resulting from attendance at the bar in question by young adults on nights out. Preventive recommendations, especially aimed at young adults, must be emphasised in the event of summer outbreaks of SARS-CoV-2, as this population is vulnerable to exposition during festive events, often held in closed spaces (bars, nightclubs) with inebriated groups where social distancing is poorly respected.
Introduction
Un nouvel agent pathogène de la famille des coronavirus, dénommé SARS-CoV-2, a émergé fin 2019 dans la province du Hubei en Chine 1. Le 11 mars 2020, avec 118 000 cas et 4 291 décès dans 114 pays, l’Organisation mondiale de la Santé a déclaré la première pandémie à coronavirus 2. En France, les premiers cas ont été identifiés le 24 janvier 2020 3. Le 10 mars 2020, 2 039 cas ont été diagnostiqués, dont 44 décès 4. Pour contenir l’épidémie, la population française a alors été confinée, et tous les lieux publics « non essentiels » ont été fermés. En mai 2020, malgré une faible immunité dans la population, la baisse des indicateurs hospitaliers a permis l’annonce de mesures de déconfinement progressives en fonction des régions sur dérogation préfectorale 5. Le 2 Juin 2020, un nouvel assouplissement des mesures de déconfinement est entré en vigueur, avec notamment la réouverture des bars et restaurants sous certaines conditions. L’entrée dans les boîtes de nuit ou les rassemblements dans des lieux couverts sont restés interdits.
En Europe, dès le mois de juin, une recrudescence de cas a été observée dans certains pays parmi les jeunes adultes (les 15-29 ans en Catalogne, Espagne). En France, cette recrudescence des cas a été également notée en semaine 30 (19-25 juillet 2020) : le nombre de cas testés positifs était en augmentation pour la troisième semaine consécutive et s’intensifiait (S28 : +21% ; S29 : +28% ; S30 : +54%.). L’élévation de l’incidence (8,6 cas pour 100 000 habitants vs 5,5 en semaine 29) était observée dans l’ensemble des classes d’âge, mais concernait plus particulièrement les jeunes adultes. Une nette augmentation du nombre de nouveaux clusters détectés depuis début juillet 2020 6 a également été constatée.
Le 21 juillet 2020, des cas de Covid-19 étaient signalés à l’Agence régionale de santé (ARS) Bretagne à Quiberon (Morbihan). Parmi ces cas, un saisonnier, vivant dans un camping durant les deux mois d’été, était en contact chaque soir avec d’autres jeunes (camping, plages, bars, notamment un bar de nuit très prisé des jeunes). Compte tenu de la haute fréquentation de la station balnéaire, ce signalement a reçu une attention particulière.
Une étude épidémiologique a été réalisée avec pour objectifs de décrire l’épidémie, de rompre les chaînes de transmission et d’identifier les facteurs de risques d’infection à SARS-CoV-2.
Méthode
Définition de cas/contact
Le cas index a été défini comme la personne testée positive à SARS-CoV-2 par RT-PCR (reverse transcription-polymerase chain reaction) le 20 juillet 2020, et ayant donné l’alerte aux autorités sanitaires.
Un cas ou contact « primaire » a été défini comme toute personne présente à Quiberon, entre le 17 juillet et le 5 août 2020, présentant un test RT-PCR positif (cas) ou négatif (contact), ayant fréquenté le cas index, les bars de nuit de Quiberon, le camping où résidait le cas index, ou se retrouvant sur les plages la nuit avec d’autres jeunes.
Les cas ou contacts secondaires, tertiaires ou quaternaires étaient les contacts des précédents cas ayant un test RT-PCR positif ou négatif.
Critères d’exclusion
A été exclue de l’analyse, toute personne identifiée comme contact à risque sur la période, mais n’ayant pas réalisé de test RT-PCR, ou refusant de répondre au contact-tracing sur des conduites à risque, ou venue se faire tester lors du dépistage gratuit (mairie de Quiberon), mais sans contact à risque.
Recensement des cas et contacts
Les cas et contacts ont été recensés à partir du contact-tracing de la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) et de l’ARS à partir du 22 juillet 2020 (contacts à risque du cas index, occupants du camping de résidence du cas index). À chaque cas positif au SARS-CoV-2, les contacts à risque étaient invités à s’isoler et à réaliser un test RT-PCR. Les dates des résultats RT-PCR ont été recueillies via la plateforme de téléservice « Contact Covid » de la CPAM et la plateforme sécurisée SI-DEP (Système d’information de dépistage). Chaque personne identifiée a été répartie en cas ou en contact primaire, secondaire, tertiaire ou quaternaire en fonction des critères définis (fréquentation du cas index, activité nocturne, rang du contact à risque). Les variables recueillies étaient le sexe, la date de naissance, la date du test RT-PCR et son résultat ainsi que la fréquentation ou non des lieux potentiellement contaminants. Pour les diagnostics positifs, la résidence principale, la présence de symptômes, le nombre de contacts à risque, l’hospitalisation ont été complétés. À toutes les étapes d’enregistrement, de traitement et de conservation des données épidémiologiques, les consignes de l’autorisation n°341 194 v 42 de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), relatives à l’informatisation des données épidémiologiques recueillies lors des investigations d’épidémies réalisées par Santé publique France, ont été suivies.
Analyse statistique
Les analyses statistiques ont été réalisées avec le logiciel Stata® version 14.2. Des taux d’attaque de l’infection à SARS-CoV-2 ont été calculés pour les différents rangs de contamination. La force de l’association entre les variables d’exposition et l’infection à SARS-CoV-2 a été évaluée par le calcul d’odds ratio (OR) et leur intervalle de confiance à 95% (IC95%). L’analyse multivariée des facteurs de risque d’infection a utilisé une régression logistique (seuil p=0,05), intégrant dans les modèles toutes les variables associées en analyse univariée.
Résultats
Du 20 juillet au 13 août 2020, 716 personnes ont été recensées dans ce cluster. Quatre-vingt-trois personnes ont été exclues de l’analyse, soit 11% : 1 pour test RT-PCR de complaisance, 3 pour refus de répondre au contact-tracing et 79 (dont seulement 4 personnes étaient des cas ou contacts primaires) pour non-réalisation d’un test RT-PCR. Les personnes de rang 1 réalisaient 5 fois plus souvent un test RT-PCR que les personnes de rang 2,3 ou 4, 97,1% vs 86,9% (OR=5,03 ; IC95%: [1,96-16,45]). Ces personnes de rang 1 étaient majoritairement des touristes en vacances à Quiberon ou des saisonniers (bars, crêperies, supermarchés).
Au total, l’analyse a porté sur 633 personnes ayant pu bénéficier d’un prélèvement RT-PCR et définies comme cas ou contact primaire, secondaire, tertiaire ou quaternaire.
Analyse descriptive
Caractéristiques de la population étudiée
Il y avait 21% de contacts primaires, parmi lesquels 42,4% avaient fréquenté le cas index, 86,4% le bar de nuit incriminé, 11,4% le camping fréquenté par le cas index et 1,5% les plages ou les autres bars de Quiberon la nuit. Parmi les autres contacts, 54% étaient des contacts secondaires, 19% des contacts tertiaires et 6% des contacts quaternaires.
Caractéristiques des cas
Parmi ces 633 personnes, le diagnostic de SARS-CoV-2 était revenu positif pour 115 personnes, soit 18,2%.
Le cas index avait présenté ses premiers symptômes (asthénie) le jeudi 16 juillet 2020, puis des symptômes plus marqués (fièvre, malaises, céphalées) les 18 et 19 juillet. Ce saisonnier avait réalisé un test RT-PCR le lundi 20 juillet qui s’était révélé positif. Parmi les amis qu’il fréquentait lors des soirées (bar de nuit), une personne symptomatique avait été testée positive le 21 juillet.
Le cas index avait identifié 59 contacts à risque (soirées au camping, bar de nuit ou nuit sur les plages). Le contact-tracing avait permis d’identifier les autres cas positifs (du 22 au 24 juillet 2020). En parallèle, le dépistage massif proposé par la commune et relayé par les médias avait permis d’identifier d’autres cas dans les jours suivants (figure 1).
Quiberon, juillet-août 2020
Parmi les 115 personnes positives, 62,6% étaient des hommes, l’âge médian des cas était de 19,4 ans [13,4-62,2], 54,8% étaient symptomatiques, 72% de ces cas étaient domiciliés en Bretagne et 14% dans les Pays de la Loire (figure 2).
Parmi les 133 contacts primaires, 81 personnes étaient positives, soit un taux d’attaque (TA) de 60,9%. Sur les 81 cas, 31 personnes avaient fréquenté le cas index (38,3%) et 74 personnes avaient fréquenté le bar de nuit incriminé (91,4%). L’âge médian des cas était de 19,3 ans [16-54,4]. Les hommes étaient les plus touchés (69,1% des cas). Et 66,7% des cas présentaient des symptômes. Le nombre médian de contacts à risque par cas déclaré était de 6 [1-58].
Sur 341 contacts secondaires 26 personnes s’étaient révélées être des cas secondaires (TA : 7,6%). L’âge médian des cas était de 19,0 ans [13,4-62,2], 57,7% étaient des femmes et 23,1% des cas secondaires présentaient des symptômes (n=6). Le nombre médian de contacts à risque déclaré était de 4 [1-36].
Sur 123 contacts tertiaires, 6 personnes étaient des cas tertiaires (TA : 4,9%). L’âge médian des cas était de 26,4 ans [20,7-49,8], 2 de ces cas présentaient des symptômes, dont 1 femme de 47 ans hospitalisée. Le nombre médian de contacts à risque déclaré était de 4 [1-21].
Une personne était 1 cas quaternaire sur les 35 contacts quaternaires.
Facteurs associés au risque d’infection à SARS-CoV-2 : analyse univariée
Parmi les 115 personnes positives, les hommes étaient plus nombreux (62,6%). Toutefois, il n’était pas noté d’association entre le sexe et le fait d’être diagnostiqué positif ou négatif (p=0,44). Ce résultat était retrouvé pour l’ensemble des sous-groupes (primaires, secondaires, tertiaires/quaternaires).
L’âge médian des 115 cas positifs était de 19,4 ans [13,4-62,2] versus 23,4 ans [0,64-82,6] pour les 518 personnes négatives (p<10-4). Dans les sous-groupes, cette différence selon l’âge était également retrouvée chez les cas primaires (p<0,0009) et secondaires (p=0,01).
Il n’était pas noté de différence entre le nombre de contacts déclarés par les cas primaires (médiane=6) et les cas de rangs supérieurs (médiane=4) (p=0,13).
Une différence était observée concernant les taux d’attaque (cas primaires/secondaires). Une personne de rang primaire avait 18,9 fois plus de risque d’être positive au SARS-CoV-2 qu’une personne de rang secondaire (tableau 1). Cette différence n’était pas mise en évidence avec les personnes issues des rangs suivants.
Chez les cas primaires, il n’y avait pas de différence pour les personnes ayant été en contact avec le cas index. En revanche, une différence était notée chez les cas primaires ayant fréquenté le bar incriminé. Ils avaient 2,8 fois plus de risque d’être positifs au SARS-CoV-2 que ceux ne l’ayant pas fréquenté (tableau 1).
en fonction du diagnostic de SARS-CoV-2 par RT-PCR, Quiberon, juillet-août 2020
Facteurs associés au risque d’infection à SARS-CoV-2 : analyse multivariée
Une analyse de régression logistique a été menée sur l’ensemble de ce cluster. Pour tenir compte de l’exposition de certains facteurs, deux modèles ont été retenus (tableau 2).
Modèle chez les cas/contacts primaires (n=133)
Les variables retenues pour ce modèle étaient le sexe, l’âge, le contact avec le cas index et la fréquentation du bar de nuit. Seule la fréquentation du bar a été identifiée comme à risque indépendamment des autres facteurs. Un risque 3 fois plus élevé a été relevé lorsqu’une personne fréquentait ce bar pendant la période d’étude.
Modèle pour l’ensemble du cluster (n=633)
Les variables retenues pour ce modèle étaient le sexe, l’âge et le rang de contamination. Sur l’ensemble du cluster, le rang de contamination a été identifié comme facteur de risque. En effet, une personne définie comme primaire avait 20 fois plus de risque de diagnostic positif au SARS-CoV-2 qu’une personne d’un rang supérieur. L’âge est également un facteur de risque dans ce cluster : les plus jeunes avaient davantage de risques d’être positifs.
Communication et gestion de l’événement par les autorités sanitaires, municipales et préfectorales
Face à ce cluster, l’ARS Bretagne a communiqué le 24 juillet 2020 la découverte de cinq cas positifs en moins d’une semaine à Quiberon. Le maire de Quiberon a pris un arrêté le jeudi 23 juillet rendant obligatoire le port du masque dans les zones très fréquentées de la ville. Le 24 juillet au soir, un arrêté de fermeture de deux mois d’un bar de nuit a été remis en main propre par le préfet. Cette ancienne discothèque, reconvertie en bar de nuit pour rouvrir après le déconfinement, était très fréquentée, en majorité par les jeunes vacanciers et saisonniers. Face à la situation préoccupante, d’autres mesures de gestion collective ont été prises : fermeture des plages, parcs et jardins entre 21 h et 7 h et ouverture d’un drive de dépistage le 25 juillet, invitant toutes les personnes ayant une activité nocturne ou étant susceptibles d’avoir été en contact avec les cas confirmés à se faire dépister.
Discussion
Les résultats de cette investigation ont permis d’identifier 115 personnes positives au SARS-CoV-2 sur 716 personnes recensées dans ce cluster pour la période (20 juillet au 13 août 2020).
Le fort taux d’attaque des cas primaires (60,9%) par rapport aux cas secondaires (7,6%) s’explique par l’hypothèse de la fréquentation d’un bar de nuit à Quiberon. Les cas primaires ayant fréquenté ce bar avaient trois fois plus de risque d’être positifs que ceux ne l’ayant pas fréquenté. Cette discothèque très prisée des jeunes de Quiberon avait été reconvertie en bar de nuit pour permettre sa réouverture après le déconfinement en mai 2020. En effet, en France comme dans de nombreux pays, le gouvernement avait pris des mesures pour fermer les bars et discothèques en 2020. Les professionnels de la vie nocturne ont souvent qualifié ce type de mesures comme étant non fondées et discriminatoires. Ces endroits clos sont considérés comme des lieux à haut risque de transmission du SARS-CoV-2 du fait du manque de ventilation fréquent 7,8. Le principal mode de transmission du virus est la respiration directe des gouttelettes émises lors de contacts sociaux étroits ou dans des lieux mal ventilés. La fréquentation des bars/discothèques ou autres lieux nocturnes sont des facteurs de risque de contamination au SARS-CoV-2 décrits dans la littérature (États-Unis, Japon…) 7,8,9,10,11,12,13,14,15. Au début de l’épidémie à Tokyo, la participation aux activités nocturnes a été associée aux résultats positifs à SARS-CoV-2 13. Une étude américaine chez les adultes (≥18 ans) a conclu à un risque de contamination 3,9 fois supérieur chez les personnes fréquentant les bars. Ce chiffre se rapproche de celui de notre étude 10. Dans ces endroits clos, le port du masque et les distanciations sociales sont difficiles à maintenir et peuvent accroître le risque de transmission communautaire du SARS-CoV-2 11. De plus, des études ont montré que la consommation d’alcool lors de ces soirées peut entraîner une diminution du respect de la distanciation physique 9,12,15,16. Dans l’étude d’Allen et coll. 9, les jeunes buvant des boissons alcoolisées (dans les bars ou discothèques) avaient presque trois fois plus de risque d’être diagnostiqués positifs au SARS-CoV-2 9. D’autres études ont permis d’indiquer que l’alcool inhibe la mise en garde naturelle que les gens ressentent envers les inconnus, favorise la transmission du virus entre des groupes sociaux ne se connaissant pas 12 et l’augmentation de contacts interpersonnels 16. La recrudescence des cas en ce début d’été 2020 dans ces lieux nocturnes a été non négligeable en Europe (France, Suisse, Espagne, notamment Barcelone).
Lors des analyses, l’âge a été retrouvé comme facteur de risque. Les jeunes adultes (médiane=19,4) étaient plus à risque d’être positifs au SARS-CoV-2 que les personnes plus âgées. Les jeunes, compte tenu de la faible incidence de ce début d’été 2020 et de la levée des mesures de confinement, considéraient l’épidémie comme derrière eux et profitaient des réouvertures des bars, malgré leur faible immunité face au SARS-CoV-2. Pour autant, le nombre de personnes fréquentées n’a pas été retrouvé comme facteur de risque d’une plus grande contamination. De plus, si au début de l’épidémie, les jeunes ont pris conscience du risque élevé de contamination et ont adhéré au respect des gestes barrières, notamment en cas de proches à risque de contracter la maladie 17,18, au fil des mois, et forts d’une meilleure connaissance du virus (moindre sévérité dans cette classe d’âge), ils se sont sentis moins vulnérables que leurs aînés 14,15,16,17,18,19. Aussi, l’adhésion aux politiques publiques (port du masque, distanciation sociale, lavage des mains) et l’auto-isolement, face à la pression sociale (autres jeunes), ont été moins respectés chez les jeunes adultes, notamment lors des soirées 20,21.
Parmi les 115 personnes positives au SARS-CoV-2 de notre étude, les hommes étaient plus nombreux que les femmes : 62,6 % vs 37,4%. De nombreuses études démontrent que les femmes, plus que les hommes (jeunes adultes ou étudiants) ont un meilleur respect des gestes barrières (port du masque, fréquence du lavage des mains, distanciation sociale, respect du nombre de personnes lors des rassemblements temporaires) 22,23,24.
Sur l’ensemble du cluster, le rang de contamination a été identifié comme facteur de risque. Une personne de rang primaire avait 20 fois plus de risque de diagnostic positif qu’une personne d’un rang supérieur. Les personnes de rang secondaire contaminées étaient plus souvent des jeunes ne respectant pas les gestes barrières avec les cas primaires. Au retour de Quiberon, les cas paucisymptomatiques, asymptomatiques ou en phase d’incubation, ont fréquenté des amis, leurs familles restées chez eux, les contaminant à leur tour. La distanciation sociale, l’isolement et le port du masque dans un milieu familier ont été peu respectés alors que des mouvements de population avaient eu lieu pendant cette période estivale. Cependant le dépistage moindre dans les rangs 2, 3 ou 4 a pu sous-estimer le taux d’attaque retrouvé dans cette investigation. En effet, parmi les 79 personnes non prélevées, seules 5% étaient des contacts primaires (vs 76% des contacts secondaires, 9,6% des contacts tertiaires). Les personnes de rang 1 incitées à se faire dépister par le contact-tracing et la ville de Quiberon (drive de dépistage) avaient réalisé 5 fois plus souvent un test RT-PCR que les personnes de rangs supérieurs. La non-adhésion à la réalisation d’un test RT-PCR chez les contacts secondaires est possible car les personnes, souvent jeunes, paucisymptomatiques ou asymptomatiques, ne se sentaient pas concernées par la contamination. Résidant loin du cluster de Quiberon, ils avaient certes côtoyé un cas primaire, mais ne portaient que peu d’attention au dépistage.
Notre étude présente certaines limites. Les données recueillies sur la présence ou non de symptômes ont pu être mal renseignées, donc sous-estimées (plateforme SI-DEP renseignée par les biologistes). Pour affiner notre étude, d’autres données auraient pu être recueillies : respect ou non des gestes barrières, consommation ou non d’alcool, nombre de soirées, port du masque ou non dans le bar incriminé, fréquence et dates de fréquentation du bar incriminé.
Conclusion
L’augmentation de nouveaux cas enregistrés en juillet 2020 est probablement due à l’assouplissement des restrictions imposées aux activités sociales, récréatives et économiques par les différents gouvernements européens. Cette flambée épidémique n’a pas épargné les stations balnéaires comme Quiberon, marquée par l’afflux de touristes et la fréquentation des lieux festifs (bars de nuit) par les jeunes adultes.
Aussi, ces constatations soulignent la nécessité de communiquer auprès du public, notamment celui des jeunes adultes, via des campagnes de prévention adaptées pour limiter la propagation du SARS-CoV-2 par des messages, lors de rassemblements (festifs, familiaux), sur le respect des gestes barrières (port du masque et hygiène des mains), mais aussi sur la nécessité de réalisation d’un test en cas de symptômes et sur le respect de l’isolement dès que les personnes sont positives.
Il semble également important d’accompagner les professionnels recevant du public, notamment dans les endroits clos sur les mesures sanitaires et techniques, et de rappeler les messages de prévention envers le personnel lorsqu’aucune mesure de distanciation sociale n’est ou ne peut être appliquée.
En 2021, plus d’un an après cet épisode, malgré l’arrivée de vaccins anti-Covid, une nouvelle vague de Covid-19 a redémarré dans plusieurs pays du monde alors que les vacances d’été commençaient (depuis la semaine 27, avec une accélération en semaine 29). En Espagne et au Portugal, avec l’arrivée de nouveaux variants, notamment le Delta, la croissance des cas de Covid-19 s’est intensifiée, tirée par le tourisme, la fête et le tourisme de la fête.
Après l’allègement des gestes barrières par tous les gouvernements européens au printemps 2022, le port du masque non obligatoire et la fin du « pass vaccinal », l’épidémie de Covid-19 demeure, avec des taux d’incidence élevée et des réinfections nombreuses. Les recommandations sanitaires restent donc toujours d’actualité.
Remerciements
Les auteurs remercient Cynthia Hurel, interne en santé publique (Agence régionale de santé (ARS) de Bretagne), pour la mise en œuvre de l’enquête, les personnes du contact-tracing (ARS Bretagne et Assurance maladie) pour l’identification des cas et contacts, et l’ensemble des personnes interrogées ayant pris le temps de répondre et ainsi permis de mener à bien cette investigation.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.
Références
int/emergencies/diseases/novel-coronavirus-2019/interactive-timeline
Citer cet article
publiquefrance.fr/beh/2022/26/2022_26_2.html