Plusieurs paramètres propres à ce nouveau virus et utiles pour étayer l’action de santé publique restent à documenter.
On dispose de données expérimentales et d’observation concernant la période d’incubation, la période de latence et les modes de transmission des virus de la grippe saisonnière chez l’homme, mais ces paramètres demeurent pour l’instant non ou peu documentés pour le nouveau virus A(H1N1)v . Elle a été estimée à 3-4 jours (extrêmes : 1-7 jours) [3,7].
Le taux de reproduction de base (R0) est l’estimation du nombre moyen de cas secondaires à un cas confirmé dans une population non-immune. Le R0 préliminaire a été estimé aux environs de 1,3 par les autorités mexicaines, à 1,4 par Fraser et coll. [1], à 2,3-2,8 par Nishiura et coll. [4] et en dessous de 2,2 à 3,1 par Boëlle et coll. [8]. Son calcul fait toujours l’objet de modélisations (voir l'article de Bernillon et coll. dans ce numéro).
Les données de surveillance disponibles à ce stade demeurent parcellaires.
Les pays cherchant à détecter des cas importés de nouveau virus A(H1N1)v utilisent souvent des définitions de cas incluant des critères, pour définir les zones affectées, basés sur la présence d’une transmission communautaire du virus. La mise en évidence de cette transmission est souvent retardée par rapport à la réalité épidémique. Le délai qui en découle entraîne un risque de non-détection, d’autant plus important que les voyageurs sont nombreux et reviennent en avion.
Les définitions de cas et les modalités de surveillance pouvant varier d’un pays à l’autre, les données qui en découlent doivent être interprétées et comparées avec prudence. Ainsi, le Mexique a basé sa surveillance en priorité sur les formes sévères, ce qui a très vraisemblablement contribué à une estimation plus élevée de la létalité dans ce pays en comparaison avec celle observée aux États-Unis.
La surveillance dans les pays en développement cible en priorité les pathologies sévères pouvant bénéficier d’un traitement et on dispose de très peu de données fiables pour ces pays, la surveillance de l’influenza étant rarement considérée comme une priorité.
Par ailleurs, les modalités de prise en charge peuvent influer sur la détection des cas importés. Quelques pays, dont la France, ont adopté une stratégie d’isolement des cas à l’hôpital (tableau 3). L’impact de ce type de stratégie est difficile à évaluer : l’efficacité de cet isolement peut avoir prévenu la transmission, mais l’hospitalisation peut aussi avoir découragé le signalement spontané des cas.
Même si certains facteurs de risque ont été évoqués, les causes d’une part importante des décès aux États-Unis n’ont toujours pas fait l’objet d’une documentation détaillée.
Le nombre de cas rapportés parmi les personnes de plus de 50 ans reste faible à ce jour. Plusieurs hypothèses sont à envisager : biais de surveillance, personnes moins exposées en raison de contacts sociaux moins fréquents ou immunité ancienne.
Les données disponibles actuellement aux États-Unis [9] et au Japon ne permettent pas de mettre en évidence une protection par la vaccination contre la grippe saisonnière.
D’après les données historiques disponibles, plusieurs pandémies auraient évolué en vagues successives, la deuxième vague étant souvent décrite comme plus sévère (taux d’attaque et létalité plus élevés).
On ignore à ce stade quel peut être le potentiel évolutif de la nouvelle souche de A(H1N1)v et notamment pendant la période de transmission saisonnière de la grippe (hiver austral dans l’hémisphère sud).
Des mutations spontanées ou des échanges de matériel génétique avec d’autres souches d’influenza (souches humaines résistantes à l’oseltamivir, souches de A(H5N1), autres souches, etc.) sont susceptibles d’en changer les caractéristiques.
(1) Fraser C, Donnelly CA, Cauchemez S, Hanage WP, Van Kerkhove MD, Hollingsworth TD et al. Pandemic Potential of a Strain of Influenza A (H1N1) : Early Findings. Science. 2009 May 14. [Epub ahead of print]
(2) Swine influenza A (H1N1) infection in two children--Southern California, March-April 2009. MMWR Morb Mortal Wkly Rep. 2009; 58(15):
400-2.
(3) Considerations for assessing the severity of an influenza pandemic. Wkly Epidemiol Rec. 2009; 84(22):197-202.
(4) Novel Swine-Origin Influenza A (H1N1) Virus Investigation Team. Emergence of a Novel Swine-Origin Influenza A (H1N1) Virus in Humans. N Engl J Med. 2009 Jun 3. [Epub ahead of print].
(5) Nishiura H, Castillo-Chavez C, Safan M, Chowell G. Transmission potential of the new influenza A(H1N1) virus and its age-specificity in Japan. Euro Surveill. 2009; 14(22):pii=19227.
(6) Département international et tropical (Dit- InVS). Note de veille internationale: Données sur la situation de la grippe due au nouveau virus A(H1N1), New York, 05/05/09. Dit-InVS.
5 mai 2009. Communication Internet.
(7) ECDC. ECDC situation report on Influenza A(H1N1). 6 Juin 2009. Communication Internet.
(8) Boelle PY, Bernillon P, Desenclos JC. A preliminary estimation of the reproduction ratio for new influenza A(H1N1) from the outbreak in Mexico, March-April 2009. Euro Surveill. 2009; 14(19):pii=19205.
(9) Centers for Disease Control and Prevention (CDC). Serum cross-reactive antibody response to a novel influenza A (H1N1) virus after vaccination with seasonal influenza vaccine. MMWR Morb Mortal Wkly Rep. 2009;58(19):
521-4.
(10) Département international et tropical (Dit- InVS). Note de veille internationale: Prise en charge des cas de grippe A(H1N1) et des personnes contacts dans 18 pays d'Europe, d'Amérique du Nord, d'Asie et d'Océanie, au 15/05/09. Dit-InVS . 15 mai 2009. Communication Internet.
Nous tenons à remercier pour leur appui Edwige Bertrand, Frédérique Biton, Karen Da Silva, Fangqin Halftermeyer-Zhou, Sophie Malléjac, Lise Sainson et Djodie Raye.