Fréquence des hépatites chroniques B et C, morbidité et mortalité parmi la population hospitalisée en France,
2005-2020

// Frequency of patients with a diagnosis of chronic hepatitis B or C, morbidity and mortality among the population hospitalized in France, 2005-2020

Stella Laporal (stella.laporal@santepubliquefrance.fr), Mathias Bruyand, Florence Lot, Josiane Pillonel, Cécile Brouard
Santé publique France, Saint-Maurice
Soumis le 22.09.2021 // Date of submission: 09.22.2021
Mots-clés : Morbidité | Mortalité | Hépatites chroniques B et C | PMSI
Keywords: Morbidity | Mortality | Chronic hepatitis B and C | Hospital discharge data

Résumé

Objectifs –

Décrire, entre 2005 et 2020, les taux de patients hospitalisés avec un diagnostic d’hépatite chronique B (HCB) ou C (HCC), ainsi que la morbidité et la mortalité hospitalières associées.

Méthodes –

Les séjours des patients majeurs hospitalisés ont été extraits du Programme de médicalisation des systèmes d’information– médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie (PMSI-MCO). Le taux de patients hospitalisés avec un diagnostic d’HCB ou d’HCC a été calculé en rapportant le nombre de patients avec une HCB ou une HCC en diagnostics principal (DP), relié (DR) ou associé significatif (DAS) au nombre total de patients hospitalisés. L’analyse de la morbidité et de la mortalité hospitalières a concerné uniquement les patients avec soit une HCB ou HCC en DP/DR, soit une complication d’HCB ou d’HCC en DP/DR avec une HCB ou HCC en DAS.

Résultats –

Entre 2005 et 2020, le taux annuel de patients hospitalisés avec une HCB et une HCC est passé de 0,11% à 0,07% et de 0,45% à 0,10%, respectivement. Les nombres de patients hospitalisés pour une HCB ou une HCC ont diminué de 62% et 88% respectivement, les proportions de patients avec une complication ont augmenté (HCB : de 28% à 43% ; HCC : de 26% à 72%), et le nombre de décès a diminué (HCB : -43% ; HCC : -58%).

Conclusion –

Ces résultats montrent une baisse de la fréquence et de la morbi-mortalité liée aux hépatites chroniques B et C dans la population hospitalisée, plus marquée pour l’HCC. Ces indicateurs sont essentiels pour le suivi de l’élimination des hépatites virales B et C.

Abstract

Objectives –

To describe between 2005 and 2020 among hospitalized patients, the rate of those diagnosed with chronic hepatitis B (CHB) or C (CHC), and associated morbidity and mortality.

Methods –

We identified hospital stays concerning patients aged 18 years and over through the French hospital discharge data. We calculated the rates of those hospitalized with CHB or CHC by dividing the numbers of patients with a reported CHB or CHC diagnosis (coded as Principal Diagnosis (PD), or Related Diagnosis (RD), or Significantly Associated Diagnosis (SAD)) by the total number of patients hospitalized. Morbidity and mortality analysis was focused on patients with either a CHB or CHC coded in PD/RD, or a CHB or CHC complication coded in PD/RD with a CHB or CHC coded in SAD.

Results –

Between 2005 and 2020, annual rates of patients hospitalized with CHB or CHC dropped from 0.11% to 0.07% and from 0.45% to 0.10%, respectively. The numbers of patients hospitalized due to CHB or CHC dropped by 62% and 88%, respectively. The proportions of patients presenting a complication has increased from 28% to 43% for CHB and from 26% to 72% for CHC, and the number of deaths has dropped by 43% for CHB and 58% for CHC.

Conclusion –

These results suggest, among the hospitalized population, a decrease in the rate of patients hospitalized as well as CHB or CHC related morbidity and mortality, more marked for CHC. Following these indicators is important as elimination of viral hepatitis B and C is targeted by 2030.

Introduction

Les infections chroniques par les virus des hépatites B (VHB) et C (VHC) sont le plus souvent silencieuses, mais peuvent évoluer vers des complications sévères (cirrhose ou carcinome hépatocellulaire (CHC)) pouvant conduire au décès. Elles sont responsables d’une morbidité et d’une mortalité importantes dans le monde 1. Les hépatites chroniques B et C constituent donc des enjeux de santé publique majeurs, notamment en termes de dépistage, pour réduire le nombre de personnes non diagnostiquées, et de vaccination afin d’éviter de nouvelles contaminations par le VHB.

Le traitement actuel de l’hépatite chronique B (HCB), non systématique, est un traitement au long cours permettant essentiellement de contrôler la charge virale et donc de limiter le risque de complications 2,3. Pour l’hépatite chronique C (HCC), depuis 2014, les antiviraux d’action directe (AAD) permettent, en quelques semaines, la guérison de plus de 95% des personnes infectées et ainsi de réduire le risque de CHC et de décès 4,5. Ces progrès thérapeutiques ont conduit l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à fixer un objectif d’élimination des hépatites B et C pour 2030 6.

La France est un pays de faible endémie pour les hépatites B et C, avec des prévalences de l’HCB (Ag HBs) et de l’HCC (ARN VHC) estimées chacune à 0,30% en population générale métropolitaine en 2016 7, tendant à diminuer depuis 2004 (prévalences estimées à 0,65% et 0,53%, respectivement) 8. Concernant la morbidité et la mortalité associées aux HCB et HCC, un premier travail d’analyse des données du Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) pour la période 2004-2011 avait été réalisé par Santé publique France 9. Au cours de cette période, parmi l’ensemble des patients hospitalisés, la proportion de patients avec un diagnostic d’HCC avait diminué (de 0,45% à 0,33%), tandis que pour l’HCB, elle avait augmenté (de 0,09% à 0,11%).

À la suite de cette première analyse, les objectifs de cet article sont d’estimer et de décrire, entre 2005 et 2020 : 1) le taux de patients avec un diagnostic d’HCB ou HCC parmi les patients hospitalisés ; 2) la morbidité et la mortalité hospitalières liées aux HCB et HCC.

Population et méthodes

Source de données

Les données sont issues des bases nationales du PMSI-MCO (médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie), intégrées depuis 2017 dans le Système national des données de santé (SNDS) 10. Le PMSI comprend des données sur l’ensemble des séjours hospitaliers. À l’issue de chaque séjour, est produit un résumé de sortie standardisé anonymisé (RSA) à partir des résumés d’unités médicales (RUM) réalisés par chaque service ayant pris en charge le patient. Le RSA comporte des informations administratives (âge, sexe, code postal de résidence) et médicales : diagnostics principal (DP=motif d’hospitalisation), relié (DR=complément d’information sur le contexte pathologique) et associé significatif (DAS=complication du DP/DR ou comorbidité majorant l’effort de soins ou de moyens), codés à l’aide de la 10e Classification internationale des maladies (CIM-10).

Ont été identifiés les séjours des patients âgés de 18 ans et plus, hospitalisés en France entière, entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2020 et comportant les codes CIM-10 « B180 et B181 » pour l’HCB et « B182 » pour l’HCC en DP, DR ou DAS dans le RSA. Ont été exclus les séjours pour des actes de dialyse, radiothérapie ou d’imagerie.

Définitions de cas

Les données ont été extraites par année selon deux définitions en fonction des objectifs (figure 1) :

pour estimer le taux de patients avec un diagnostic d’HCB ou HCC parmi les patients hospitalisés (objectif 1), l’ensemble des patients avec une HCB ou une HCC en DP, DR ou DAS a été pris en compte (« définition large »). Dans la suite de cet article, ils sont désignés « patients hospitalisés AVEC une HCB ou une HCC » ;

pour estimer la morbidité et la mortalité hospitalières liées aux HCB ou HCC (objectif 2), seuls les patients avec, soit une HCB ou une HCC en DP/DR, soit une complication d’HCB ou d’HCC en DP/DR associée à une HCB ou une HCC en DAS, ont été sélectionnés (« définition restreinte »). Ils sont désignés « patients hospitalisés POUR une HCB ou une HCC ou l’une de leurs complications ». Les patients décédés sont définis comme les patients hospitalisés POUR une HCB ou une HCC ou une complication, pour lesquels le décès est indiqué comme mode de sortie du séjour hospitalier.

Figure 1 : Algorithmes de sélection des patients hospitalisés, utilisés selon les deux définitions de cas
et objectifs de l’étude, France, 2005-2020
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Extraction et analyse de données

Les différents séjours d’un même patient sur l’ensemble de la période d’étude (2005-2020) ont été chaînés grâce au numéro d’anonymat. Pour les analyses annuelles, un patient hospitalisé plusieurs fois au cours d’une même année a été comptabilisé une seule fois pour cette même année ; un patient hospitalisé plusieurs fois pendant différentes années est comptabilisé une fois pour chacune des années d’hospitalisation. Pour les analyses sur l’ensemble de la période 2005-2020, un patient hospitalisé plusieurs fois au cours de la même année ou de différentes années est décompté une seule fois.

Les analyses ont été réalisées par année et pour l’ensemble de la période 2005-2020, ainsi que par sexe, classe d’âge et région de résidence. Un focus sur 2020 a été réalisé pour certains indicateurs.

Les indicateurs suivants sont présentés :

Objectif 1 : le taux de patients hospitalisés AVEC une HCB ou une HCC est défini comme le nombre de patients hospitalisés AVEC une HCB ou une HCC (définition large) rapporté au nombre total de patients hospitalisés (quels que soient leurs diagnostics).

Objectif 2 :

Morbidité: l’évolution du nombre de patients hospitalisés POUR une HCB, une HCC ou une complication est présentée. Parmi ces patients, les proportions de ceux avec un diagnostic de complication (cirrhose ou CHC) ou de comorbidité (co-infection par le VHB, VHC ou VIH, dépendance à l’alcool ou consommation excessive, dépendance à des substances psychoactives, diabète, obésité (annexe) ont été calculées. Pour les analyses régionales, le nombre de patients domiciliés dans une région et hospitalisés POUR une HCB, une HCC ou une complication est rapporté à l’ensemble de la population résidant dans la région, au cours de l’année considérée (données de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee)).

Mortalité : les évolutions du nombre de patients décédés et du taux de létalité, défini comme le nombre de patients décédés au cours du séjour hospitalier rapporté au nombre de patients hospitalisés POUR une HCB, une HCC ou une complication, sont présentées.

Les analyses ont été réalisées à partir du logiciel SAS® Enterprise Guide version 7.1.

Résultats

Taux de patients hospitalisés AVEC une hépatite chronique B ou C (définition large)

Sur la période 2005-2020, les taux de patients hospitalisés AVEC une HCB ou une HCC étaient de 0,20% et 0,40% respectivement. Pour l’HCB, ce taux a légèrement diminué passant de 0,11% à 0,07%. Cette diminution est principalement observée chez les hommes (taux quasi-stable chez les femmes) et depuis 2012 (figure 2). Pour l’HCC, ce taux a fortement diminué, passant de 0,45% en 2005 à 0,10% en 2020. Cette diminution est plus marquée à partir de 2016, chez les hommes comme chez les femmes.

Pour l’HCB comme pour l’HCC, les taux sont nettement plus élevés chez les hommes que chez les femmes, avec un écart qui se réduit au cours de la période.

Figure 2 : Évolution du taux de patients hospitalisés AVEC une HCB ou une HCC selon le sexe, PMSI-MCO, France, 2005-2020
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En 2020, les taux de patients hospitalisés AVEC une HCB sont les plus élevés pour les 30-59 ans (0,13%) chez les hommes et pour les 30-39 ans (0,11%) chez les femmes (figure 3). Pour l’HCC, on observe, chez les hommes, un pic pour les 50-59 ans (0,34%). Chez les femmes, il augmente jusqu’à la classe d’âge des 50-59 ans (0,11%) et est stable ensuite.

Figure 3 : Taux de patients hospitalisés AVEC une HCB ou une HCC selon le sexe et l’âge, PMSI-MCO, France, 2020
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En 2020, les régions présentant les taux les plus élevés pour l’HCB, étaient l’Île-de-France (0,22%), la Guyane (0,20%) et Mayotte (0,13%). Pour l’HCC, il s’agissait de l’Île-de-France (0,17%), la Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) (0,13%), le Grand-Est (0,11%) et la Nouvelle-Aquitaine (0,11%).

Morbidité hospitalière liée aux hépatites chroniques B et C (définition restreinte)

Sur la période 2005-2020, un total de 37 610 patients ont été hospitalisés POUR une HCB ou une complication, avec un nombre annuel qui a diminué depuis 2009 (n=4 672) jusqu’en 2020 (n=1 343) (figure 4a). Cette évolution est observée chez les hommes comme chez les femmes.

Sur la même période, 85 680 patients ont été hospitalisés pour une HCC ou une complication, avec un nombre annuel qui a diminué depuis 2006 (n=14 738) jusqu’en 2020 (n=1 709), de façon nettement plus marquée à partir de 2016 (n=5 450) (-21% en moyenne chaque année vs -7% pour la période 2006-2015) (figure 4b). Cette évolution est observée quel que soit le sexe.

Figure 4 : Évolution du nombre de patients hospitalisés POUR une hépatite chronique B (4a) ou C (4b) ou une complication et de la proportion de patients ayant un diagnostic de cirrhose ou de carcinome hépatocellulaire, PMSI-MCO, France, 2005-2020
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Les patients hospitalisés POUR une HCB ou une complication étaient très majoritairement des hommes : 71% sur la période 2005-2020 (variant entre 70% et 77% selon les années sans tendance particulière). Chez les hommes, la proportion des 30 à 59 ans (68% en 2005) a diminué à 61% en 2020 (figure 5a) au profit des classes d’âge supérieures. On observe également et de façon plus marquée une tendance au vieillissement des femmes hospitalisées POUR une HCB.

Parmi les patients hospitalisés POUR une HCC ou une complication, 63% étaient des hommes, proportion augmentant progressivement, de 61% en 2005 à 72% en 2020. Entre 2005 et 2020, un vieillissement est observé chez les hommes, avec une forte augmentation des 50-69 ans (69%) en 2020 (figure 5b). Ce vieillissement est également observé chez les femmes, qui sont plus âgées que les hommes : 65% d’entre elles ont au moins 60 ans en 2020.

Figure 5 : Évolution des distributions d’âges des patients hospitalisés POUR une hépatite chronique B (5a) ou C (5b) ou une de leurs complications, par sexe, PMSI-MCO, France, 2005, 2010, 2015 et 2020
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Parmi les patients hospitalisés POUR une HCB, 29% d’entre eux présentaient une complication au cours de la période 2005-2020, proportion en augmentation entre 2005 (28%) et 2020 (43%). La proportion annuelle de patients avec un diagnostic de cirrhose est restée relativement stable entre 2005 et 2020, tandis que la proportion de patients avec un diagnostic de CHC a augmenté, notamment à partir de 2016 (figure 4a). Parmi les patients hospitalisés pour une HCC, 40% avaient une complication, proportion en augmentation entre 2005 (26%) et 2020 (72%). Cette augmentation a été particulièrement importante pour le CHC (de 9% en 2005 à 44% en 2020) et s’est accentuée à partir de 2015 (figure 4b).

En 2020, parmi les patients hospitalisés POUR une HCB ou une complication, 8,0% avaient au moins une comorbidité identifiée : co-infection par le VHC (6,5%), dépendance ou consommation excessive d’alcool (1,1%), co-infection par le VIH (0,7%), diabète (0,2%). Cette proportion était de 9,5% pour les patients hospitalisés POUR une HCC ou une complication : co-infection par le VHB (5,1%), dépendance à l’alcool (3,2%), co-infection par le VIH (0,7%), diabète (0,9%).

Rapporté à la population résidant dans la région, le taux de patients hospitalisés POUR une HCB ou une complication était de 2,0 pour 100 000 habitants (hab.) en 2020. Les taux les plus élevés étaient observés en Île-de-France (6,7), en Guyane (3,5), en Centre-Val de Loire (2,3) et en Guadeloupe (1,8) (figure 6a). Pour l’HCC, le taux était de 2,5 pour 100 000 hab. au niveau national et était le plus élevé en Île-de-France (5,1), en Provence-Alpes-Côte d’Azur (4,1), en Corse (2,6) et en Centre-Val de Loire (2,5) (figure 6b).

Figure 6 : Taux de patients hospitalisés POUR une hépatite chronique B (HCB) ou C (HCC)
ou une de leurs complications pour 100 000 habitants, selon la région de résidence, PMSI-MCO, France, 2020
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Mortalité hospitalière liée aux hépatites chroniques B et C (définition restreinte)

Sur la période 2005-2020, 2 133 décès hospitaliers sont survenus chez des patients hospitalisés POUR une HCB ou une complication, soit un taux de létalité de 6%. Le nombre de décès de patients hospitalisés POUR une HCB a diminué de 43%, passant de 146 en 2005 (létalité : 4,1%) à 83 (létalité : 6,2%) en 2020, avec une augmentation de la létalité essentiellement depuis 2016. Le taux de létalité était plus élevé chez les hommes que chez les femmes. Une complication était identifiée chez 96% des patients décédés entre 2005 et 2020 (de 92% à 100% selon les années) : CHC (66%), cirrhose (41%).

Pour l’HCC, le nombre de décès survenus pendant une hospitalisation entre 2005 et 2020 était de 7 881, soit un taux de létalité de 9%. Le nombre de décès a diminué de 58%, passant de 526 en 2005 à 220 en 2020. Le taux de létalité a régulièrement et fortement augmenté, passant de 3,6% en 2005 à 12,9% en 2020, avec une évolution et des taux très proches entre les hommes et les femmes. Une complication était identifiée chez 96% des patients décédés entre 2005 et 2020 : CHC (55%), cirrhose (52%).

Discussion

Cette analyse des données du PMSI-MCO montre qu’entre 2005 et 2020, le taux annuel de patients hospitalisés AVEC une HCC a été divisé par 4,5, les nombres de patients hospitalisés POUR une HCB ou une HCC ont diminué de 62% et 88% respectivement, tandis que les proportions de patients avec une complication ont augmenté (de 28% à 43% pour l’HCB, de 26% à 72% pour l’HCC). Les nombres de décès au cours du séjour de patients hospitalisés POUR une HCB ou une HCC ayant diminué de façon moins importante (de 43% et 58% respectivement) que les nombres de patients hospitalisés, la létalité a augmenté entre 2005 et 2020.

Taux de patients hospitalisés AVEC une hépatite chronique B ou C (définition large)

Par rapport à la précédente analyse, qui avait concerné la période 2004-2011 9, nos résultats montrent que le taux de patients hospitalisés AVEC une HCB a légèrement diminué chez les hommes à partir de 2012, alors qu’il était quasi-stable de 2004 à 2011. Entre 2005 et 2020, ce taux est ainsi passé de 0,11% à 0,07%. Cette diminution est cohérente avec la possible baisse de la prévalence du portage de l’Ag HBs en population générale métropolitaine (0,30% en 2016 7 vs 0,65% en 2004 8).

Le taux de patients hospitalisés AVEC une HCC a quant à lui fortement diminué, passant de 0,45% en 2005 à 0,10% en 2020, avec une baisse plus marquée à partir de 2016, sans doute en lien avec la disponibilité des AAD depuis 2014 et l’accès universel à ces traitements depuis 2016 11. Cette évolution reflète la diminution de la prévalence de l’HCC en population générale observée depuis de nombreuses années 7,8,12. Cependant, ce taux de patients hospitalisés AVEC une hépatite chronique ne doit pas être considéré comme un taux de prévalence en population générale, puisqu’il ne concerne que les patients hospitalisés (non représentatifs de la population générale) et dont l’hépatite chronique a été diagnostiquée. Or, les hépatites chroniques restent insuffisamment diagnostiquées : les proportions de personnes ayant connaissance de leur infection chronique étaient estimées à 18% pour l’HCB et 81% pour l’HCC en population générale en 2016 7. Ce sous-diagnostic est également possible en cas d’hospitalisation pour prise en charge d’un CHC, celle-ci n’étant pas dépendante de l’étiologie du CHC 13. En outre, les diagnostics d’HCC ou d’HCB chez des patients nouvellement hospitalisés pour CHC peuvent être insuffisamment codés dans le PMSI comme cela a été montré dans le travail de Kudjawu et coll. 14. Le codage peut aussi être hétérogène selon les établissements et les médecins. Il n’est ainsi pas exclu que des hépatites guéries soient codées comme des hépatites chroniques. D’autres erreurs de codage ou encore des erreurs de saisie sont également possibles. Si le taux de patients hospitalisés AVEC une HCB ou une HCC ne peut se substituer à la prévalence, cet indicateur fournit néanmoins un proxy de la fréquence des hépatites en population et présente l’avantage d’être simple à produire.

Dans notre étude, les hommes étaient majoritaires chez les patients hospitalisés AVEC une HCB et une HCC, constat déjà observé dans l’analyse des données 2004-2011 9 et dans les données de diagnostic 15 et de prise en charge 16,17.

Les taux les plus élevés observés en Île-de-France, en Guyane et à Mayotte pour l’HCB et en Île-de-France et en Provence-Alpes-Côte d’Azur pour l’HCC sont également cohérents avec les taux de positivité estimés à partir de LaboHep 15 et avec les données sur les bénéficiaires de l’Affection de longue durée (ALD) 18,19.

Morbidité et mortalité hospitalières liées aux hépatites chroniques B et C
(définition restreinte)

Pour l’étude de la morbidité et de la mortalité hospitalières, l’analyse a été restreinte aux patients dont l’hospitalisation était liée à une HCB ou une HCC ou à une de leurs complications. Cette différence méthodologique avec le travail réalisé sur les données 2004-2011 9, qui portait sur l’ensemble des patients avec un diagnostic d’HCB/HCC en DP/DR/DAS (définition large), limite donc la comparabilité des résultats de ces deux analyses.

Nos résultats montrent que le nombre de patients hospitalisés POUR une hépatite ou une complication a baissé depuis 2010 pour le VHB et depuis 2006 pour le VHC. En parallèle, la proportion parmi ces derniers de patients avec un diagnostic de cirrhose ou de CHC a augmenté au cours de la période, de façon plus notable pour les hospitalisations pour HCC. La baisse du nombre de patients hospitalisés POUR une HCB ou une HCC pourrait s’expliquer par une montée en puissance de la prise en charge en ambulatoire ou en soins externes des cas les moins graves, ainsi que pour les évaluations diagnostiques (forte baisse du recours à la ponction-biopsie hépatique grâce aux méthodes non invasives d’évaluation de la fibrose hépatique 20) ou l’éducation thérapeutique des patients lors de l’instauration d’un traitement antiviral. Ainsi, les patients les plus graves restent hospitalisés, ce qui est cohérent avec l’augmentation observée des proportions de patients présentant une complication parmi ceux qui sont hospitalisés et avec la tendance au vieillissement des patients hospitalisés au cours de la période. Si la proportion de patients avec des complications parmi ceux hospitalisés POUR une HCC a augmenté au cours de la période, le nombre de patients avec une complication baisse annuellement de 15-20% depuis 2016, alors qu’il augmentait en début de période. Cette baisse s’explique probablement par les AAD, très efficaces pour la guérison virologique et qui réduisent le risque de CHC et de décès 5. Une analyse complémentaire sur l’évolution de la distribution des durées de séjour hospitalier pourrait fournir des éléments utiles pour évaluer l’impact de l’évolution de la prise en charge. Le nombre de patients hospitalisés POUR une HCB ou une HCC en 2020 ne semble pas avoir été impacté par le retentissement de l’épidémie de Covid-19 sur le système hospitalier, ce qui est également cohérent avec la proportion importante de cas graves.

Concernant la mortalité, les nombres de décès annuels survenus au cours du séjour de patients hospitalisés POUR une HCB ou une HCC ont baissé au cours de la période, mais de façon moins importante que les nombres de patients hospitalisés pour HCC ou HCB, entraînant « mécaniquement » une augmentation de la létalité. Celle-ci était modérée pour l’HCB, mais marquée pour l’HCC (de 3,6% en 2005 à 12,9% en 2020). Plus de 90% des patients décédés présentaient une cirrhose et/ou un CHC, proportion très proche de celle retrouvée dans l’étude du Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (Inserm-CépiDc) à partir des certificats de décès 5,21. Ceci est un argument en faveur de la fiabilité des données du PMSI. De même, les nombres de décès retrouvés dans notre analyse sont proches et suivent la même évolution que ceux produits en routine par le CépiDc 21. Ils présentent cependant l’avantage d’être plus rapidement disponibles que les données issues des certificats de décès qui requièrent au moins quatre ans de temps de traitement. En revanche, tout comme ces derniers, les décès (ainsi que les nombres de patients hospitalisés POUR une HCB ou une HCC) sous-estiment probablement la mortalité et la morbidité liées aux hépatites puisque seuls les patients avec une HCB ou HCC diagnostiquée et codée au cours du séjour hospitalier sont identifiés et comptabilisés.

Conclusion

Cette étude montre une diminution du nombre de patients hospitalisés POUR une HCB ou une HCC et du nombre de décès hospitaliers entre 2005 et 2020, mais une augmentation de la proportion de patients avec une complication et de la létalité hospitalière, en faveur d’une plus grande sévérité des patients hospitalisés. Elle suggère également une baisse de la prévalence de l’HCB et de l’HCC en population générale au cours de la période d’étude, notamment pour l’HCC. Ce travail confirme l’intérêt du PMSI pour suivre, et de façon plus réactive que d’autres sources de données, l’évolution de la fréquence des hépatites chroniques B et C parmi la population hospitalière et de la morbi-mortalité hospitalière pour le suivi de l’élimination des hépatites virales à l’horizon 2030.

Remerciements

Nous tenons à remercier Alexandra Septfons et Elisabeth Pinto de Santé publique France pour leur aide technique.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

1 World Health Organization. Global progress report on HIV, viral hepatitis and sexually transmitted infections, 2021. Geneva: WHO; 2021. 108 p. https://www.who.int/publications/i/item/9789240027077
2 Paccoud O, Surgers L, Lacombe K. Infection par le virus de l’hépatite B : histoire naturelle, manifestations cliniques et principes thérapeutiques. Rev Med Interne. 2019;40(9):590-8.
3 European Association for the Study of Liver. EASL Recommendations on treatment of hepatitis C 2015. J Hepatol. 2015;63(1):199-236.
4 France Recherche Nord & Sud Sida-HIV Hépatites (ANRS) et Conseil national du sida et des hépatites virales (CNS). Prise en charge thérapeutique et suivi de l’ensemble des personnes infectées par le virus de l’hépatite C. Montrouge: EDP Sciences; 2016. 88 p. http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_.pdf
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Citer cet article

Laporal S, Bruyand M, Lot F, Pillonel J, Brouard C. Fréquence des hépatites chroniques B et C, morbidité et mortalité parmi la population hospitalisée en France, 2005-2020. Bull Epidémiol Hebd. 2022;(3-4):69-85. http://beh.
santepubliquefrance.fr/beh/2022/3-4/2022_3-4_6.html
Annexe : Liste des codes des comorbidités associées aux hépatites virales chroniques
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