Enquête « File active hépatite B » au sein de structures de soins, réalisée dans le cadre des premiers États généraux de l’hépatite B

// Active Hepatitis B File: A survey carried out within healthcare facilities as part of the first General Estates of Hepatitis B

Carmen Hadey (carmen.hadey@soshepatites.fr), Pascal Mélin
SOS Hépatites et Maladies du foie, Montreuil
Soumis le 15.09.2021 // Date of submission: 09.15.2021
Mots-clés : Hépatite B | Hépatite delta | Maladie chronique | Connaissance épidémiologique | Structures de soins | File active
Keywords: Hepatitis B | Hepatitis delta | Chronic disease | Epidemiological knowledge | Healthcare facilities | Active file

Introduction

Maladie silencieuse, l’hépatite B est sous-dépistée et, de fait, insuffisamment documentée d’un point de vue épidémiologique. Selon les données du Sniiram SNDS (Système national d’information inter-régimes de l’Assurance maladie, Système national des données de santé) couvrant l’ensemble des régimes de la France métropolitaine et d’outre-mer, le nombre de personnes en affection de longue durée (ALD) pour une hépatite B chronique était de 36 180 en 2019. Selon les dernières estimations épidémiologiques issues du Baromètre de Santé publique France-BaroTest 2016 en population générale âgée de 18 à 75 ans en métropole, la prévalence de l’hépatite B chronique était de 0,30% [0,13-0,70] soit 135 706 individus [58 224-313 960] 1.

Ayant exprimé l’importance de disposer de données épidémiologiques nouvelles, les premiers États généraux de l’hépatite B (EGHB), sous l’égide de la Fédération nationale des pôles de référence et réseaux hépatites, ont décidé d’initier un travail d’évaluation quantitative et qualitative à partir des files actives des structures volontaires prenant en soins les personnes vivant avec le virus de l’hépatite B. Cette enquête vient en complément de l’enquête « Vivre avec l’hépatite B » dont les résultats sont publiés dans ce même numéro du BEH.

Méthodes

Du 3 novembre 2020 au 31 janvier 2021, un questionnaire a été soumis aux structures de soins qui suivaient des personnes atteintes d’hépatite B, initialement par voie électronique groupée, puis échanges de mails individuels avec les structures.

Ont été sollicités pour cette enquête « File active hépatite B » : 1) les centres experts de lutte contre les hépatites virales (centres experts) qui jouent un rôle structurant dans la prise en soins des hépatites virales mais sont également impliqués dans la recherche, l’évaluation clinique des patients complexes, la formation des professionnels médicaux et sociaux et la surveillance de l’épidémiologie régionale ; 2) des centres hospitaliers (CH) ou cliniques ; 3) les partenaires des premiers EGHB tels que le Comité pour la santé des exilés (Comede), dont l’objectif est d’agir en faveur de la santé des exilés et d’en défendre les droits. La définition de la file active était le nombre total de personnes vues au moins une fois sur l’année dans l’un des centres ayant participé à l’enquête.

Le formulaire visait à recueillir des données concernant les files actives de patients porteurs d’hépatite B. Il était précisé qu’à défaut de chiffres officiels, les structures pouvaient donner une estimation personnelle. Les questions portaient sur le nombre de patients suivis mais aussi sur la proportion de personnes co-infectées par le virus de l’hépatite delta (VHD), le nombre de personnes traitées et le nombre de bénéficiaires d’une exonération du ticket modérateur au titre d’une ALD (Affection de longue durée), les premiers EGHB ayant objectivé l’importance de l’ALD pour les personnes traitées mais aussi pour faciliter le suivi au long cours des personnes non traitées. Deux questions portaient sur des populations confrontées à des difficultés spécifiques de prise en soins, les migrants et les mineurs non accompagnés (population considérée comme particulièrement sensible lors des premiers EGHB.

Résultats

L’enquête a été renseignée par les professionnels de santé de 41 établissements ou structures. Certains établissements relevant de la même structure de soins, leurs résultats ont été agglomérés.

Structures participantes

La présente analyse porte sur les estimations de 22 structures de soins dont 17 centres experts sur les 36 existants. Parmi les autres répondants figurent 3 CH, 1 clinique et 1 association, le Comede.

Ces 22 structures représentent 11 des 13 régions métropolitaines (Pays de la Loire et Corse non représentées) et 1 des 5 régions ultramarines (Guadeloupe). La région la plus représentée est l’Île-de-France avec 5 structures dont 3 centres experts.

Files actives

Les 22 structures suivent une file active agglomérée de 12 715 patients porteurs chroniques du virus B, avec une moyenne de 578 patients et une médiane de 409 patients. Trois centres experts dépassent les 1 000 patients : le CHU de Strasbourg (2 086 patients), l’hôpital Cochin à Paris (environ 2 000 patients) et l’hôpital Paul-Brousse à Villejuif (environ 1 700 patients). Un 4e centre expert, l’hôpital de la Croix-Rousse (Lyon), suit 950 patients (tableau).

Tableau : Répartition de la File active hépatite B en fonction de la structure de soins
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À l’opposé, 8 structures ont une file active inférieure à 200 patients dont 2 centres experts, le CHU de Clermont-Ferrand (169 patients) et le CH de Perpignan (111 patients).

Prévalence de l’hépatite delta

Le pourcentage moyen des personnes co-infectées par le VHD est de 4,6%. La proportion varie de 1% (Limoges) à 8% (Saint-Denis, Strasbourg, Clermont-Ferrand).

Proportion de patients traités

Dans la file active, 4 837 patients (38%) bénéficient d’un traitement versus 12-25% au niveau mondial, l’hépatite chronique B ne nécessitant pas toujours un traitement 2. Les patients traités sont plus nombreux dans les grosses structures, environ 50% à Strasbourg et 40% à l’hôpital Cochin. Au CH de Perpignan, malgré une file active moins importante, 55% des patients sont traités. Au CHU de Rouen, 20% des patients sont traités pour une file active de 600 personnes.

Patients en ALD

Au total, 6 199 patients (49%) sont en ALD pour leur hépatite B (versus 25% pour la moyenne nationale). Des discordances entre les structures sont observées : les files actives en ALD ne sont pas toujours estimées ou, a contrario, l’ensemble de la file active est déclaré en ALD ; dans d’autres cas, le total des ALD est égal, voire inférieur, au nombre de personnes bénéficiant d’un traitement.

Personnes migrantes et mineurs non accompagnés

La proportion des patients issus d’une communauté étrangère récemment arrivés en France varie de 13% à 100%, avec une moyenne estimée de 55%.

Certaines structures se consacrent exclusivement ou quasiment à cette population : Comede, CH Saint-Denis, CHU Limoges, CH Saint-Brieuc, CHU Dijon. Les files actives de ces structures sont plus petites, avec une proportion plus faible de patients traités et l’ALD y est souvent très minoritaire (tableau).

Les mineurs non accompagnés représentent moins de 1% de la file active pour 7 structures. À l’opposé, ils représentent 20% de la file active au CHU de Dijon et 40% au CHU de Marseille.

Évolution de la file active

L’évolution de la file active était appréciée sur 2 ans. Sept centres évoquent une stabilité, 2 observent une baisse d’au moins 5% et 11 une hausse d’au moins 5%. Trois centres n’ont pas répondu ou disent ne pas savoir.

Les trois plus gros centres (CHU de Strasbourg, hôpital Cochin (Paris), hôpital Paul-Brousse (Villejuif)) observent une croissance d’activité de 5 à 15%. L’augmentation la plus forte est déclarée au CHU de Lille (+62%).

Conclusion

Malgré la crise de la Covid-19, les professionnels de 41 structures en charge de patients vivant avec une hépatite B ont répondu à l’enquête grâce à des chiffres extraits de leurs bases de données ou sur des estimations. Même si la majorité des structures de soins n’est pas représentée, les réponses intègrent près de la moitié des centres experts.

Les résultats de cette enquête déclarative montrent, de par les différences objectivées, l’intérêt d’évaluer des centres experts ainsi que des structures d’orientation plus spécifique pour mieux appréhender la diversité des situations liées à l’hépatite B, notamment pour les personnes migrantes.

L’enquête souligne de grandes variations de patients traités, lesquelles peuvent être en partie imputables au profil des patients suivis et mériterait d’être étudiée plus finement.

Les écarts concernant les personnes en ALD peuvent s’expliquer par la variation de représentation des personnes migrantes dans la file active. La différence d’attitude des différentes caisses d’Assurance maladie face à l’attribution de l’ALD peut en être une autre.

Il serait intéressant d’analyser plus finement les spécificités des structures qui se consacrent exclusivement ou quasi-exclusivement aux populations spécifiques. Les files actives hépatite B de ces structures sont plus petites, la part de patients traités faible et l’ALD très minoritaire.

Cette enquête pointe la nécessité de mieux comprendre et de prévenir certaines inégalités sociales et territoriales de santé. Les divergences constatées en matière de dépistage de l’hépatite delta ou de prise en soins au titre des affections de longue durée en sont deux exemples.

Cette enquête conforte surtout l’une des demandes prioritaires issues des premiers États généraux de l’hépatite B, à savoir la nécessité d’améliorer la connaissance épidémiologique des hépatites B et delta en France afin d’en optimiser la prise en soins.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

1 Saboni L, Brouard C, Gautier A, Chevaliez S, Rahib D, Richard JB, et al. Prévalence des hépatites chroniques C et B et antécédents de dépistage en population générale en 2016 : contribution à une nouvelle stratégie de dépistage, Baromètre de Santé publique France-BaroTest. Bull Epidémiol Hebd. 2019;(24-25): 469-77. http://beh.
santepubliquefrance.fr/beh/2019/24-25/2019_24-25_1.html
2 Tan M, Bhadoria AS, Cui F, Tan A, Van Holten J, Easterbrook P, et al. Estimating the proportion of people with chronic hepatitis B virus infection eligible for hepatitis B antiviral treatment worldwide: A systematic review and meta-analysis. Lancet Gastroenterol Hepatol. 2021;6(2):106-19.

Citer cet article

Hadey C, Mélin P. Focus. Enquête « File active hépatite B » au sein de structures de soins réalisée dans le cadre des premiers États généraux de l’hépatite B. Bull Epidémiol Hebd. 2022;(3-4):66-8. http://beh.santepubliquefrance.
fr/beh/2022/3-4/2022_3-4_5.html