Les premiers États généraux de l’hépatite B
// The first General Estates of Hepatitis B
Introduction
Lancés à l’initiative de l’association de patients SOS Hépatites et Maladies du foie, les États généraux de l’hépatite B (EGHB) ont réuni, depuis juillet 2019, des associations de patients, de professionnels de santé et des acteurs du monde médico-social.
Un premier temps a été consacré à l’écoute des besoins et attentes des patients. Pour cela, trois panels citoyens ont été organisés à Marseille, à Paris et en Guadeloupe, pour permettre l’expression directe des attentes des personnes atteintes d’hépatite B. En parallèle, a été lancée l’enquête « Vivre avec l’hépatite B » pour mieux documenter ces diverses attentes (voir article de C. Hadey et coll. dans ce numéro).
Dans un deuxième temps, les propositions des différents acteurs ont été recueillies, lors de six tables rondes thématiques, entre décembre 2019 et mars 2020 à Prades, Bordeaux, Strasbourg, Lyon, Rennes et en Guadeloupe.
Enfin, un troisième temps a été consacré à la rédaction de propositions jugées prioritaires par la communauté de ces acteurs dans la lutte contre l’hépatite B en France. Ces propositions, regroupées en six familles d’actions prioritaires, sont téléchargeables dans leur intégralité dans la synthèse des premiers États généraux de l’hépatite B (1). Cette synthèse représente ce qui pourrait, selon le comité de pilotage des États généraux (tableau), constituer un véritable programme de lutte contre l’hépatite B.
Axe prioritaire 1
Améliorer le regard sur l’hépatite B
Mal connue, l’hépatite B demeure associée à de nombreux préjugés à l’origine de la stigmatisation des personnes qui en sont atteintes. Il faut modifier son image à travers une communication positive, simple et claire. Pour cela, les États généraux recommandent :
–d’initier des campagnes d’information et de sensibilisation « grand public » et « communautaires » sur les hépatites B et delta, le dépistage, la vaccination, le suivi médical au long court et le refus de l’isolement ;
–d’accroître la formation des acteurs de terrain (médecins généralistes, infirmiers, psychologues, assistants sociaux, associations communautaires, etc.) et diffuser à l’ensemble des acteurs des outils d’information sur les hépatites B et delta.
Axe prioritaire 2
Mieux connaître les réalités épidémiologiques de l’hépatite B
L’hépatite B est une maladie silencieuse insuffisamment reconnue. Pour mieux agir contre l’hépatite B et contre l’hépatite delta, il est nécessaire de mieux comprendre qui elles atteignent, et comment :
–en réalisant des enquêtes épidémiologiques et sociologiques dans tous les territoires, dont les outre-mer, sur le taux de vaccination de l’entourage et auprès des communautés particulièrement concernées (migrants, mineurs non accompagnés, etc.).
Axe prioritaire 3
Soutenir et assurer l’apprentissage de personnes atteintes d’hépatite B
Maladie chronique complexe et fluctuante, l’hépatite B nécessite un véritable « apprentissage », afin d’adhérer à un suivi tout au long de la vie et à un éventuel traitement.
–Cela passe, entre autres, par une politique d’éducation thérapeutique du patient (ETP) : en généralisant son accès à tous les patients concernés.
–L’apprentissage passe aussi par les pairs, ce qui suppose de soutenir les associations concernées, de développer des groupes d’échanges entre pairs sur les réseaux sociaux, de développer des supports de communication faciles à comprendre et traduits en différentes langues.
–La médiation en santé, la prise en charge du bien-être psychologique, mais aussi de la santé sexuelle, doivent être largement développées.
Axe prioritaire 4
Améliorer le parcours et la prise en charge des personnes atteintes d’hépatite B
Comme pour l’hépatite C et le VIH/sida, un dépistage de tous au moins une fois dans la vie devrait être mis en œuvre. Mais il ne suffit pas de faciliter le diagnostic, il faut aussi motiver le suivi régulier tout au long de la vie et rassurer sur la nécessité ou pas de traitement. Cet axe fait l’objet d’une douzaine de propositions des États généraux, parmi lesquelles :
–rembourser à 100%, dès le diagnostic et à vie, les tests et examens non invasifs d’évaluation de la fibrose et instaurer une consultation de bilan annuel de la santé du foie pour toutes les personnes atteintes d’hépatites B et delta ;
–faciliter la coordination globale, notamment ville-hôpital, entre les différentes étapes du parcours de soins ;
–atteindre l’objectif « Zéro contamination des enfants nés en France » avec une optimisation du dépistage en début de grossesse, la transmission des dossiers auprès des sages-femmes et la mise à disposition de Trod (tests rapides d’orientation diagnostique) en salles de naissance ;
–lever les nombreux freins limitant l’accès au dépistage et à la prise en soins des migrants, en situation régulière ou irrégulière, et mieux protéger les mineurs non accompagnés.
Axe prioritaire 5
Renforcer la médecine préventive en combinant dépistage et vaccination
La prévention est la base de la lutte contre l’hépatite B : prévention de la maladie grâce à la vaccination, prévention des complications grâce au dépistage et au suivi au long cours des porteurs chroniques du virus.
Les États généraux proposent notamment de :
–développer et augmenter les moyens de la médecine préventive, des centres d’information et de dépistage, des permanences d’accès aux soins de santé (Pass) et des associations pour réaliser des actions combinant dépistage, vaccination et santé globale auprès des populations les plus affectées ;
–former les acteurs concernés pour développer la réalisation des Trod hépatite B ;
–mobiliser les laboratoires d’analyse, à la fois pour qu’ils incitent au dépistage et pour les autoriser à rechercher certains marqueurs de l’hépatite B, y compris de l’hépatite delta et de la fibrose ;
–lancer une campagne dynamique sur la vaccination contre l’hépatite B.
Axe prioritaire 6
Renforcer la collaboration Nord-Sud
En cohérence avec les objectifs définis par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) d’élimination de l’hépatite B à l’horizon 2030, les États généraux recommandent notamment de :
–prioriser, dans le monde, les actions de dépistage et de vaccination des femmes, de dépistage des femmes enceintes et de vaccination des nouveau-nés ;
–respecter le droit de chacun à l’accès au dépistage et à la vaccination ;
–inclure l’hépatite B, avec des moyens supplémentaires dédiés, dans les pathologies du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme pour assurer l’accès au vaccin et aux traitements dans tous les pays ;
–en France, mettre l’accent sur la protection de l’enfance concernant les mineurs non accompagnés, le droit à l’information et à la santé notamment pour leur apporter une éducation à la santé globale et sexuelle.
Conclusion
Au-delà de ces propositions, les premiers États généraux de l’hépatite B ont montré la capacité de la société civile à s’emparer d’une question de santé publique pour la faire avancer et favoriser son appropriation par la population et par l’ensemble des acteurs médicaux et sociaux. C’est en comprenant les enjeux, en les partageant, que chacun peut devenir acteur de la prévention et du soin.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.