Estimation de la prévalence de l’hépatite C en population générale, France métropolitaine, 2011

// Estimation of hepatitis C prevalence in the general population, metropolitan France, 2011

Corinne Pioche (corinne.pioche@santepubliquefrance.fr), Camille Pelat, Christine Larsen, Jean-Claude Desenclos, Marie Jauffret-Roustide, Florence Lot, Josiane Pillonel, Cécile Brouard
Santé publique France, Saint-Maurice, France
Soumis le 10.02.2016 // Date of submission: 02.10.2016
Mots-clés : Hépatite C | Hépatite C chronique | VHC | Prévalence | Épidémiologie | France
Keywords: Hepatitis C | Chronic hepatitis C | HCV | Prevalence | Epidemiology | France

Résumé

Introduction –

En 2004, la prévalence de l’infection chronique par le virus de l’hépatite C (VHC) en France métropolitaine avait été estimée à 0,53% (IC95%:[0,40-0,70]). L’objectif de ce travail a été d’actualiser l’estimation de la prévalence du VHC (anticorps (Ac) anti-VHC et ARN du VHC) en population générale métropolitaine en 2011, avant l’arrivée des nouvelles thérapeutiques vis-à-vis du VHC.

Méthodes –

La population de France métropolitaine a été divisée en cinq sous-groupes (usagers de drogues injecteurs et non injecteurs, personnes transfusées avant 1992, personnes immigrées, reste de la population) pour lesquels ont été appliquées des données de prévalence à la taille de ces populations, permettant d’obtenir une prévalence globale (méthode directe). Les estimations ont été produites par une méthode bayésienne. Les médianes des distributions obtenues sont présentées avec un intervalle de crédibilité (ICr) à 95%.

Résultats –

En 2011, la prévalence des Ac anti-VHC a été estimée à 0,75% (ICr95%:[0,62-0,92]), correspondant à 344 500 personnes ayant été infectées par le VHC (ICr95%:[287 373-423 549]). La prévalence de l’ARN du VHC a été estimée à 0,42% (ICr95%:[0,33-0,53]), correspondant à 192 700 personnes ayant une infection chronique (ICr95%:[150 935-246 055]).

Conclusion –

En l’absence de réalisation d’une enquête de prévalence en population générale métropolitaine, la méthode directe a permis d’estimer les prévalences des Ac anti-VHC et de l’ARN du VHC en 2011, qui tendent à baisser depuis 2004. Ces estimations pour 2011 constituent un point de référence sur la prévalence de l’infection chronique par le VHC en France avant l’arrivée des nouveaux traitements. Elles seront utiles pour mesurer l’impact des nouvelles thérapeutiques anti-VHC.

Abstract

Introduction –

The prevalence of chronic infection by hepatitis C virus (HCV) in mainland France was estimated at 0.53% (CI95%:[0.40-0.70]) in 2004. The objective of this study was to update the anti-HCV antibodies and HCV RNA prevalence estimates in the general population of mainland France in 2011 before the era of the new anti-HCV regimens associated with significantly improved outcomes.

Methods –

Mainland France population was divided into five subgroups (injecting and non-injecting drug users, transfusion recipients before 1992, immigrants, the rest of the population) for whom were applied data on HCV prevalence and population size in order to obtain the overall prevalence (direct method) in mainland France. The estimates were produced with a Bayesian method. The median of the distributions are presented with a 95% credibility interval (CrI).

Results –

In 2011, anti-HCV prevalence was estimated at 0.75% (CrI95%:[0.62-0.92], corresponding to 344,500 persons with past HCV infection (CrI95%:[287,373-423,549]). The prevalence of HCV RNA was estimated at 0.42% (CrI95%:[0.33-0.53]), corresponding to 192,700 persons with chronic infection (CrI95%:[150,935-246,055]).

Conclusion –

Without an HCV prevalence survey in mainland France population, a direct method was used to estimate anti-HCV and HCV RNA prevalence in 2011, which tend to decline since 2004. These 2011 estimates before the era of the new more effective anti-HCV therapies will be a reference point to measure their impact on the prevalence of HCV infection in the future.

Introduction

La France est un pays de faible endémicité pour l’infection par le virus de l’hépatite C (VHC). La première étude de prévalence en population générale âgée de 20 à 59 ans, en France métropolitaine, réalisée en 1994, a permis d’estimer à 1,05% (intervalle de confiance à 95%, IC95%:[0,75-1,34]) la prévalence des anticorps (Ac) anti-VHC, et à 0,92% la prévalence de l’ARN du VHC 1. Une deuxième enquête de prévalence de l’hépatite C, élargie à la population âgée entre 18 et 80 ans en 2004 2, a estimé la prévalence des Ac anti-VHC à 0,84% (IC95%:[0,65-1,10]) et celle de l’ARN du VHC à 0,53% (IC95%:[0,40-0,70]) correspondant à plus de 232 000 personnes atteintes par le VHC.

Ces deux estimations ont permis d’orienter les différents plans nationaux de lutte contre l’hépatite C, mis en place depuis le début des années 2000, et d’en évaluer l’impact, en particulier sur l’accès aux soins, au traitement et sur la prévention.

Depuis 2011, le traitement de l’hépatite C connaît une révolution. En effet, longtemps basé sur une bithérapie associant interféron (pégylé ou non) et ribavirine, ce traitement était lourd (une injection par semaine), long (de 24 à 48 semaines), avec des effets indésirables nombreux, et relativement peu efficace, en particulier sur le génotype 1 du VHC prédominant (taux de guérison avoisinant 45%). L’arrivée des anti-protéases en 2011, puis des antiviraux d’action directe (AAD) depuis 2013, a révolutionné la prise en charge thérapeutique des patients par des associations plus efficaces (taux de guérison >90%), mieux tolérées et dont la durée de traitement (12 à 24 semaines) est raccourcie 3. Cependant, un accès étendu à tous les patients est rendu difficile du fait de leur coût très élevé.

Dans ce contexte, et en l’absence de la réalisation d’une enquête de prévalence ad hoc en population générale, l’objectif de ce travail a été d’estimer, par une méthode alternative, la prévalence de l’hépatite C (Ac anti-VHC et ARN VHC) en population générale métropolitaine âgée de 18 à 80 ans en 2011. Il s’agissait de disposer d’une estimation permettant à la fois d’évaluer l’évolution de la prévalence depuis 2004 et de constituer un point de référence avant l’arrivée des nouveaux traitements contre l’hépatite C, qui sera utile pour mesurer l’impact de ceux-ci lorsque cette estimation sera renouvelée.

Méthode

Notre travail repose sur la méthode directe d’estimation de la prévalence. Nous avons subdivisé la population générale âgée de 18 à 80 ans résidant en France métropolitaine en sous-groupes en fonction de leur exposition à risque vis-à-vis du VHC. La taille de chaque sous-groupe et les prévalences des Ac anti-VHC et de l’ARN du VHC dans chaque sous-groupe ont été déterminées à partir des données disponibles, ou ont été estimées lorsque les données n’étaient pas disponibles. À partir des prévalences et des tailles de population, les nombres de sujets Ac anti-VHC positifs et ARN VHC positifs ont été calculés dans chaque sous-groupe, puis additionnés pour obtenir le nombre de personnes Ac anti-VHC positives et ARN VHC positives à l’échelle du pays. La prévalence globale a été calculée en rapportant ce nombre à la population totale des 18-80 ans.

Le choix des sous-groupes de population exposés au VHC a reposé sur trois critères : (i) le sous-groupe de population est connu dans la littérature comme étant exposé au risque d’infection par le VHC ; (ii) la taille de chacun de ces sous-groupes de population est connue ; (iii) la prévalence des Ac anti-VHC et/ou de l’ARN VHC pour chaque sous-groupe est connue ou peut être estimée ; (iv) les sous-groupes doivent être indépendants.

Cinq sous-groupes ont été définis : les usagers de drogues injecteurs, les usagers de drogues n’ayant pas eu recours à l’injection, les personnes immigrées, les personnes transfusées avant 1992 et les personnes ne présentant aucun de ces principaux facteurs de risque vis-à-vis du VHC.

La définition utilisée pour les usagers de drogues est celle établie par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) : elle correspond à la notion d’usagers de drogues dits « problématiques », lesquels incluent les usagers d’opiacés, les personnes sous traitement de substitution aux opiacés (TSO), les usagers de cocaïne ou de crack, d’amphétamines, et ceux ayant eu recours à l’injection intraveineuse au cours du mois, qui fréquentent les structures de réduction des risques.

La définition utilisée pour les personnes immigrées est celle de l’Insee selon laquelle : « un immigré est une personne née étrangère à l’étranger et résidant en France ».

Paramètres et sources de données

Les usagers de drogues injecteurs (UDI)

À partir de l’enquête NEMO 2011 4, l’OFDT a estimé à 280 000 le nombre d’usagers de drogues en France. Parmi eux, le nombre d’injecteurs a été estimé à 148 000 (données OFDT non publiées).

L’enquête Coquelicot 2011 5, réalisée auprès d’un échantillon aléatoire de 1 418 usagers de drogues fréquentant les dispositifs de soins ou de prévention, a permis d’estimer à 63,8% (IC95%:[59,4-68,3]) la prévalence des Ac anti-VHC chez les toxicomanes ayant eu recours à l’injection au moins une fois au cours de la vie. Dans cette étude, 46,5% (IC95%:[40,5-52,7]) des usagers de drogues (injecteurs ou non injecteurs) ayant des Ac anti-VHC étaient positifs pour l’ARN VHC.

Les usagers de drogues non-injecteurs (UDNI)

Le nombre d’UDNI en France, en 2011, a été obtenu par la différence entre le nombre total d’usagers de drogues issu de l’enquête NEMO 2011 4 (280 000) et le nombre d’UDI estimé par l’OFDT (148 000), soit un total de 132 000 UDNI.

Dans l’enquête Coquelicot 2011 5, la prévalence des Ac anti-VHC a été estimée à 4,9% (IC95%:[2,4-7,4]) chez les UDNI. En raison des effectifs faibles d’usagers non injecteurs, la proportion de personnes ARN VHC positives parmi les Ac anti-VHC utilisée est celle estimée pour l’ensemble des usagers de drogues (46,5%).

Les personnes immigrées

Le nombre de personnes immigrées de 18 à 80 ans vivant en France métropolitaine en 2011 a été estimé à 4,9 millions à partir des données de l’Insee 6.

À défaut d’estimations de prévalence disponibles pour les personnes immigrées vivant en France, les prévalences des Ac anti-VHC dans chaque pays d’origine ont été utilisées. Ces estimations sont issues de l’article de Gower et coll. 7 ou, à défaut, de celui de Lavanchy et coll.  8. Elles ont été appliquées aux effectifs de la population des immigrés de 18 à 80 ans, résidant en France métropolitaine en 2011, selon leur pays de naissance 6. En additionnant les nombres de personnes Ac anti-VHC positives ainsi obtenus, on estime à 1,83% la prévalence des Ac anti-VHC chez les personnes immigrées vivant en France métropolitaine.

La proportion des immigrés ARN VHC positifs, parmi ceux ayant des Ac anti-VHC, a été obtenue à partir de celle estimée dans l’enquête de 2004 (65%) 2, en appliquant la diminution de la proportion de donneurs de sang ARN VHC parmi ceux ayant des Ac anti-VHC. Cette diminution (-12,3%) avait été observée entre 2004 et 2011 (données non publiées du Laboratoire associé au Centre national de référence pour la surveillance des hépatites B et C). Cette proportion a ainsi été estimée à 57%.

Les personnes transfusées avant 1992

En l’absence d’estimation pour 2011 de la taille de la population des transfusés avant 1992, les estimations de l’enquête de prévalence de 2004 ont été utilisées en tenant compte de la mortalité et du vieillissement de ce sous-groupe entre 2004 et 2011.

À partir de l’enquête de 2004, la population estimée des transfusés avant 1992 a été divisée en trois groupes : (i) les transfusés Ac anti-VHC négatifs auxquels a été appliquée la mortalité naturelle par sexe et classe d’âge ; (ii) les transfusés ARN VHC positifs auxquels a été appliquée une surmortalité de 3 par rapport à la mortalité naturelle 9 ; (iii) les transfusés Ac anti-VHC positifs/ARN VHC négatifs, qu’ils aient guéri spontanément ou après traitement. Pour ceux considérés comme ayant guéri spontanément (proportion estimée à 30%) 10, la mortalité naturelle par sexe et classe d’âge a été appliquée. Pour ceux guéris après traitement (70%), une surmortalité de 1,5 a été utilisée en faisant l’hypothèse d’une mortalité intermédiaire entre les personnes ARN VHC positives et celles ayant guéri spontanément.

Par ailleurs, ont été exclues les personnes ayant dépassé 80 ans en 2011.

À partir de ces estimations, le nombre de personnes ayant été transfusées avant 1992, âgées de 18 à 80 ans en 2011, a été estimé à environ 2,8 millions (tableau 1).

La prévalence des Ac anti-VHC a été obtenue en rapportant la somme de (ii) et (iii) à 2,8 millions.

La prévalence de l’ARN du VHC a été calculée en rapportant le nombre (ii) à 2,8 millions.

Les personnes sans les principaux risques d’infection vis-à-vis du VHC

Le nombre de personnes en France sans les principaux risques d’infection vis-à-vis du VHC a été obtenu par différence entre la population des 18-80 ans résidant en France métropolitaine en 2011 et le nombre total de personnes présentant un facteur de risque (usagers de drogues, transfusés avant 1992 et personnes immigrées), soit un total de près de 38 millions d’individus (tableau 1).

En l’absence d’estimation de la prévalence des Ac anti-VHC dans cette population pour 2011, deux hypothèses ont été formulées : i) la prévalence en 2011 est restée stable par rapport à 2004 (0,20% ; IC95%:[0,12-0,29]) 2 ; ii) la prévalence a diminué entre 2004 et 2011 dans la même proportion que celle observée chez les nouveaux donneurs de sang (-47%), soit une prévalence estimée à 0,10% dans le sous-groupe en 2011 11. Un scénario intermédiaire (prévalence de 0,15%) a finalement été retenu.

Comme pour la population des immigrés, la proportion des personnes ARN VHC positives parmi celles ayant des Ac anti-VHC a été estimée à partir de l’enquête de 2004 et de l’évolution observée de cette proportion chez les donneurs de sang entre 2004 et 2011, soit une proportion de 57% en 2011.

Tableau 1 : Taille des sous-groupes de population et prévalence des anticorps (Ac) anti-VHC et de l’ARN VHC positifs chez les 18-80 ans, France métropolitaine, 2011
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Analyse statistique

Un modèle bayésien a été utilisé afin de mettre en commun ces différentes sources de données pour estimer les prévalences assorties de leurs intervalles de crédibilité.

Les principaux paramètres du modèle étaient les prévalences des Ac anti-VHC dans chaque sous-population et celles de l’ARN VHC, quand elles étaient disponibles. Ces paramètres ont été modélisés avec des lois Bêta. Par tirage au sort dans ces lois, nous avons généré un échantillon de 80 000 simulations de Monte Carlo par Chaîne de Markov, permettant de décrire la distribution de chaque paramètre d’intérêt, notamment la prévalence des Ac anti-VHC et de l’ARN VHC dans la population cible. La médiane et les 2,5e et 97,5e centiles de ces distributions ont été choisis respectivement comme estimation ponctuelle et bornes de l’intervalle de crédibilité à 95% (ICr) pour chacun des sous-groupes, ainsi que pour le total. Les logiciels WinBUGS®, version 14.3 (12), Stata 12® (Stata Corporation, College Station, Texas, États-Unis) et R® (version 3.1 – The R project for Statistical Computing) ont été utilisés. Les codes et les données sont disponibles sur demande.

Résultats

Prévalence des Ac anti-VHC

En 2011, le nombre total de personnes Ac anti-VHC positives est estimé à 344 500 (ICr95%:[287 373-423 549]) chez les 18-80 ans en France métropolitaine, correspondant à une prévalence de 0,75% (ICr95%:[0,62-0,92]) (tableau 2).

Tableau 2 : Estimation des nombres de personnes Ac anti-VHC positives et ARN VHC positives chez les 18-80 ans, France métropolitaine, 2011
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Prévalence de l’ARN du VHC

Le nombre total de personnes ARN VHC positives est estimé à 192 700 (ICr95%:[150 935-246 055]), chez les 18-80 ans en France métropolitaine en 2011, soit une prévalence de 0,42% (ICr95%:[0,33-0,53]) (tableau 2).

Discussion

Ce travail a permis d’estimer les prévalences des Ac anti-VHC et de l’ARN VHC à respectivement 344 500 (ICr95%:[287 373-423 549]) et 192 700 (ICr95%:[150 935-246 055]) dans la population métropolitaine âgée de 18 à 80 ans en 2011. Ces estimations tendent à diminuer par rapport à celles de 2004 qui étaient de, respectivement, 367 100 (IC95%:[269 361-464 750]) et 232 200 (IC95%:[167 869-296 523]), même si les intervalles de précision se chevauchent 12. Ces estimations doivent cependant être comparées avec prudence. En effet, elles reposent sur des schémas méthodologiques différents : une enquête de séroprévalence transversale auprès d’un échantillon aléatoire de la population générale (2004) versus un modèle épidémiologique prenant en compte les principaux groupes exposés au VHC (2011). De plus, les estimations réalisées pour 2011 ne sont pas indépendantes de celles de 2004, puisqu’en l’absence de données pour certains sous-groupes, des données de 2004 actualisées ont été utilisées.

La tendance à la diminution du nombre de personnes infectées chroniques par le VHC entre 2004 et 2011 est cohérente avec les données épidémiologiques françaises disponibles. En premier lieu, chez les usagers de drogues, principal réservoir de transmission du VHC, pour lesquels nous disposions de deux points de prévalence pour ces mêmes années, la prévalence des Ac anti-VHC a significativement diminué, passant de 60% (IC95%:[51-68]) en 2004 à 44% (IC95%:[39-48]) en 2011 13, impliquant une diminution du nombre de personnes infectées chroniques par le VHC dans cette population. Concernant la population des transfusés, le risque de transmission du VHC était majeur avant la mise en place du dépistage systématique des Ac anti-VHC sur chaque don de sang. Depuis 1992, ce risque est devenu extrêmement faible, passant de 4,6 par million de dons en 1992-1994 14 à 0,03 par million de dons en 2012-2014 (données non publiées), grâce à l’amélioration de la sélection des donneurs de sang et à l’utilisation de tests de dépistage de plus en plus performants, incluant le dépistage génomique viral du VHC depuis juillet 2001. La quasi-absence de nouvelles contaminations VHC liées à la transfusion depuis 1992 ainsi que le vieillissement et la mortalité de la population des transfusés ont eu pour conséquence la diminution de nombre de personnes infectées chroniques par le VHC. Enfin, grâce à l’amélioration des mesures d’hygiène, le risque d’infection par le VHC associé aux soins a probablement continué à diminuer depuis 2004, même si des cas de transmission du VHC en milieu de soins sont encore documentés 15. La tendance à la diminution du nombre de personnes infectées chroniques en population générale entre 2004 et 2011 est également observée chez les nouveaux donneurs de sang, pour lesquels la prévalence des Ac anti-VHC est passée de 0,059% à 0,031% au cours de la période (données non publiées).

La méthode directe repose sur la combinaison d’estimations de tailles de populations et de prévalences dans des sous-groupes d’exposition diverse au VHC. Les sous-groupes retenus ici sont les plus importants, même si certains groupes n’ont pas pu être considérés, tel celui des personnes en situation de précarité sociale, en raison de l’absence de données disponibles (taille de la population et prévalence) ou du chevauchement avec d’autres sous-groupes déjà considérés, comme par exemple la population carcérale qui se recoupe en partie avec celle des usagers de drogues 16. Il est néanmoins possible que les sous-groupes retenus ne soient pas totalement indépendants les uns des autres. En outre, cette méthode nécessite de disposer d’estimations fiables des tailles et des prévalences dans chacun des sous-groupes. Pour les usagers de drogues, les estimations de prévalence semblent solides, car basées sur des enquêtes, avec des prélèvements biologiques, auprès d’échantillons aléatoires d’usagers de drogues fréquentant l’ensemble du dispositif spécialisés incluant les structures de réduction des risques et de prise en charge des addictions 13. La taille de cette population a pu être estimée à partir d’une enquête de l’OFDT 4 réalisée dans le même type de structures. Cependant, en raison de l’absence de données disponibles (taille de la population et prévalence), les usagers de drogues injecteurs et non injecteurs ne fréquentant pas ces structures n’ont pas pu être pris en compte, entraînant une probable sous-estimation du nombre d’usagers de drogues Ac anti-VHC positifs et ARN VHC positifs. À l’inverse, les estimations des nombres de personnes immigrées positives pour les Ac anti-VHC et l’ARN du VHC constituent une « fourchette haute » puisque, en l’absence d’autres données, les prévalences des Ac anti-VHC dans les pays d’origine ont été utilisées. Pour les personnes transfusées avant 1992, la taille de la population et la prévalence en 2011 ont été estimées à partir de celle de 2004 en tenant compte de la mortalité et du vieillissement de cette population depuis 2004. La non prise en compte des personnes de ce sous-groupe qui ont pu être traitées et guérir de leur hépatite C entre 2004 et 2011, conduit probablement à une estimation un peu élevée du nombre de personnes infectées chroniques pour ce sous-groupe, même si le génotype 1, prédominant chez les personnes contaminées par transfusion sanguine avant 1992 17, était associé à un taux de guérison faible avant l’arrivée des nouveaux traitements anti-VHC. Enfin, pour les personnes ne présentant pas les principales expositions à risque considérées, les choix qui ont été faits pour estimer la taille de la population et la prévalence nous semblent raisonnables.

Ainsi, les incertitudes concernant les paramètres utilisés pour chaque sous-groupe doivent conduire à interpréter avec une grande prudence les estimations du nombre de personnes Ac anti-VHC positives et ARN VHC positives dans chacun. Il convient de rappeler que l’objectif de ce travail était de fournir une estimation de la prévalence dans l’ensemble de la population. Compte-tenu des limites évoquées, le nombre de personnes infectées chroniques par le VHC dans la population des 18-80 ans en 2011 doit être considéré comme un ordre de grandeur, correspondant à une estimation haute.

En conclusion, ce travail a fourni, en l’absence de possibilité de réaliser une nouvelle enquête de prévalence en population générale, une estimation du nombre de personnes infectées chroniques par le VHC en 2011, possiblement en diminution par rapport à celle réalisée pour 2004. Cette estimation constitue un point de référence intermédiaire avant l’arrivée des nouveaux traitements contre l’hépatite C, qui sera utile pour mesurer l’impact de ceux-ci lorsque cette estimation sera renouvelée.

Remerciements

Nous tenons à remercier Éric Janssen (OFDT), Marie-Dominique Pauti (Médecins du Monde), ainsi que nos collègues de Santé publique France : Marie Molinier, Alexandra Doncarli et Marjorie Boussac-Zarebska pour la mise à disposition de données, ainsi que Yann Le Strat pour sa collaboration et Sophie Vaux pour la relecture de cet article.

Références

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Citer cet article

Pioche C, Pelat C, Larsen C, Desenclos JC, Jauffret-Roustide M, Lot F, et al. Estimation de la prévalence de l’hépatite C en population générale, France métropolitaine, 2011. Bull Epidémiol Hebd. 2016;(13-14):224-9. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2016/13-14/2016_13-14_1.html