Incidence et modes de transmission de l’hépatite B aiguë diagnostiquée en France, 2012-2014

// Incidence and routes of transmission of acute hepatitis B diagnosed in France, 2012-2014

Cécile Brouard (cecile.brouard@santepubliquefrance.fr), Corinne Pioche, Lucie Léon, Florence Lot, Josiane Pillonel, Christine Larsen
Santé publique France, Saint-Maurice, France
Soumis le 03.02.2016 // Date of submission: 02.03.2016
Mots-clés : Hépatite B | Incidence | Transmission | Vaccination anti-VHB | France
Keywords: Hepatitis B | Incidence | Transmission | Anti-HBV Immunization | France

Résumé

Objectifs –

1) Estimer l’incidence de l’hépatite B aiguë diagnostiquée et l’exhaustivité de la déclaration obligatoire (DO) de l’hépatite B aiguë en France en 2013 à partir de l’enquête LaboHep ; 2) Décrire les caractéristiques épidémiologiques des cas d’hépatite B aiguë ayant fait l’objet d’une DO.

Méthodes –

L’enquête LaboHep a été réalisée auprès d’un échantillon aléatoire de 1 504 laboratoires. Un cas aigu était défini par l’absence de portage chronique connu et la détection pour la première fois au laboratoire, en 2013, d’immunoglobulines (Ig) M anti-HBc. L’incidence de l’hépatite B aiguë a été estimée après imputation multiple des données manquantes et pondération. L’analyse des données de la DO, dont la définition de cas est plus large que celle de LaboHep, a porté sur les cas diagnostiqués entre 2012 et 2014. L’exhaustivité de la DO a été obtenue par le rapport du nombre de cas positifs pour les IgM anti-HBc déclarés par les biologistes (DO) en 2013 et du nombre de « cas à déclarer » estimé pour 2013 via LaboHep.

Résultats –

En 2013, le nombre de cas d’hépatite B aiguë diagnostiqués est estimé à 291 (IC95%:[254-329]), soit une incidence estimée à 0,44 (IC95%:[0,39-0,50]) pour 100 000 habitants. Il s’agissait majoritairement d’hommes (69% selon LaboHep 2013, 77% selon la DO 2012-2014), plus âgés en moyenne que les femmes (44 ans vs. 37 ans). Près de 80% des cas déclarés pour lesquels au moins une exposition à risque est retrouvée avaient une indication vaccinale. L’exhaustivité de la DO est estimée à 23,5%.

Discussion –

L’incidence de l’hépatite B aiguë diagnostiquée est faible, mais pourrait être considérablement réduite si les recommandations vaccinales étaient mieux appliquées. Les enquêtes LaboHep et la DO permettent de fournir des indicateurs indirects de l’impact de la politique vaccinale anti-VHB.

Abstract

Objectives –

1) To estimate the incidence of acute hepatitis B diagnosed and the completeness of mandatory notification (MN) of acute hepatitis B in France in 2013 from the LaboHep study; 2) To describe epidemiological characteristics of acute hepatitis B mandatory reported.

Methods –

The LaboHep study was conducted among a random sample of 1,504 laboratories. Acute cases were defined by the absence of known chronic carriage and by the detection for the first time in the lab of immunoglobulin (Ig) M anti-HBc. Acute hepatitis B incidence was estimated after multiple imputation of missing data and weighting. MN case definition is larger than that used in LaboHep. Data analysis concerned cases diagnosed between 2012 and 2014. MN completeness was obtained using the MN/LaboHep reportable cases ratio.

Results –

In 2013, the number of cases of diagnosed acute hepatitis B was estimated at 291 (CI95%:[254-329]), corresponding to an incidence estimate of 0.44 (CI95%:[0.39-0.50]) for 100,000 inhabitants. The patients were predominantly men (69% according to LaboHep 2013, 77% according to MN in 2012-2014), older on average than women (44 years vs. 37 years). Nearly 80% of reported cases for which at least one risk exposure was reported had a vaccine indication. MN completeness was estimated at 23.5%.

Discussion –

Incidence estimate of acute symptomatic hepatitis B is low, but should be definitively even lower if vaccine recommendations were better applied. LaboHep studies and MN provide indirect indicators for assessing the vaccination strategy impact.

Introduction

Le virus de l’hépatite B (VHB) se transmet principalement par voie sexuelle, par contact direct avec du sang infecté et par transmission de la mère à l’enfant. Après contamination, la phase aiguë de l’infection est rarement symptomatique et évolue dans environ 90% des cas vers la guérison spontanée. Deux types de complications peuvent néanmoins survenir : une forme fulminante (moins de 1% des cas symptomatiques), souvent mortelle en l’absence de transplantation hépatique, et un passage à la chronicité (persistance de la détection de l’antigène (Ag) HBs) avec un risque d’évolution vers la cirrhose et le carcinome hépatocellulaire. La prévention de l’hépatite B repose principalement sur la vaccination anti-VHB. Obligatoire chez les personnes exerçant une activité professionnelle les exposant à des risques de contamination, la vaccination anti-VHB est recommandée, depuis les années 1980, pour les personnes à risque élevé d’exposition au VHB et, depuis 1995, pour l’ensemble des nourrissons avec un rattrapage chez les adolescents âgés de 11 à 15 ans révolus 1. Si la couverture vaccinale anti-VHB a fortement progressé chez les jeunes enfants, passant de 27,5% en 1998 à 83,1% en 2014 pour la couverture vaccinale trois doses à l’âge de 24 mois, elle reste très insuffisante et sans progression chez les adolescents, dont moins de la moitié sont vaccinés 2. L’évaluation de la politique vaccinale anti-VHB repose principalement sur le suivi de la couverture vaccinale. L’incidence de l’hépatite B aiguë et la description épidémiologique des personnes nouvellement infectées, et leurs évolutions, constituent des indicateurs indirects de l’impact des stratégies vaccinales.

Cet article a pour objectifs de présenter : 1) l’estimation de l’incidence de l’hépatite B aiguë diagnostiquée en 2013 à partir de l’enquête LaboHep 2013 3 ; 2) les caractéristiques épidémiologiques des cas d’hépatite B aiguë diagnostiqués entre 2012 et 2014 et ayant fait l’objet d’une déclaration obligatoire (DO) ; 3) l’estimation de l’exhaustivité de la DO de l’hépatite B aiguë en 2013.

Méthodes

Enquête LaboHep 2013

LaboHep est une enquête transversale triennale, réalisée auprès d’un échantillon aléatoire de laboratoires de biologie médicale (LBM) publics et privés. Ces enquêtes comprennent un volet sur l’activité de dépistage des hépatites B et C 3 et un volet sur l’hépatite B aiguë 4. La dernière édition a été réalisée en 2014 auprès d’un échantillon de 1 504 LBM (l’échantillonnage est décrit par ailleurs 3).

Le recueil de données du volet hépatite B aiguë concernait le nombre de tests positifs pour les Immunoglobulines (Ig) M anti-HBc, pour la première fois en 2013 dans le LBM, et pour les personnes positives : le sexe, l’âge, le mois de prélèvement, les résultats des tests anticorps (Ac) anti-HBc totaux et AgHBs, la connaissance par le biologiste d’une augmentation importante des ALAT (alanine aminotransférase) et d’un portage chronique de l’AgHBs.

Définitions de cas

Pour l’estimation de l’incidence de l’hépatite B aiguë, un cas aigu était défini par la détection d’IgM anti-HBc, pour la première fois dans le LBM en 2013, en l’absence de portage chronique de l’AgHBs (figure 1).

Pour l’estimation de l’exhaustivité de la DO de l’hépatite B aiguë, un cas à déclarer était défini par la détection d’IgM anti-HBc, pour la première fois dans le LBM en 2013, que le biologiste ait indiqué « Non » ou « Ne sait pas » pour le portage chronique de l’AgHBs. En effet, lorsqu’ils initient la DO, les biologistes ont rarement connaissance d’un antécédent de portage chronique des personnes testées, statut qui est précisé secondairement par les médecins prescripteurs.

Figure 1 : Algorithme de classement des cas pour l’estimation de l’incidence de l’hépatite B aiguë diagnostiquée et de l’exhaustivité de la déclaration obligatoire (DO) de l’hépatite B aiguë, LaboHep 2013, France
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Analyse statistique

Pour l’estimation de l’incidence de l’hépatite B aiguë diagnostiquée, une imputation multiple a été réalisée car l’information sur le portage chronique de l’AgHBs, permettant de classer les cas en aigu ou chronique, était manquante pour près de la moitié des cas. Les variables retenues pour le modèle d’imputation étaient le sexe, l’âge, le type de LBM, les marqueurs sérologiques (AgHBs et Ac anti-HBc totaux), le nombre de tests IgM anti-HBc positifs pour la première fois en 2013 dans le LBM, la connaissance par le biologiste d’un portage chronique de l’AgHBs, l’augmentation importante des ALAT et la région. Sur ces neuf variables, six étaient incomplètes avec une proportion de données manquantes variant de 0,4% à 49,6% selon les variables. Au total, 100 bases ont été générées en appliquant la méthode d’imputation par équations chaînées 5. Après classement des cas à partir des données imputées, le nombre de cas aigus a été estimé en prenant en compte le plan de sondage et en réalisant un redressement par post-stratification sur l’activité de l’ensemble des LBM français (décrit par ailleurs 3). Ce nombre de cas a été rapporté à la population (estimations Insee au 1er janvier 2013). Les intervalles de confiance à 95% des estimations ont été calculés en tenant compte des variances intra- et inter-bases imputées.

Pour l’estimation de l’exhaustivité de la DO, le nombre de « cas à déclarer » par les biologistes en 2013 a été estimé à partir des données de LaboHep non complétées par l’imputation multiple, après prise en compte du plan de sondage et redressement sur l’activité des LBM.

Déclaration obligatoire de l’hépatite B aiguë

Dans le cadre de la DO, mise en place en 2003, la notification des cas est initiée par le biologiste puis complétée par le médecin prescripteur, qui renseigne : le contexte clinique, notamment l’antécédent d’hépatite B chronique (s’il en a connaissance), les antécédents vaccinaux et les expositions à risque vis-à-vis du VHB au cours des six mois précédant l’apparition des signes cliniques.

Un cas d’hépatite B aiguë est défini par l’absence de portage chronique de l’AgHBs et par la détection, pour la première fois :

  • des IgM anti-HBc ;
  • ou, en l’absence de réalisation de ce test, de l’AgHBs et des Ac anti-HBc totaux dans un contexte d’hépatite aiguë (augmentation importante des ALAT).

L’analyse descriptive des caractéristiques épidémiologiques des cas d’hépatite B aiguë déclarés a concerné les personnes diagnostiquées entre 2012 et 2014. La distribution par classe d’âge et par sexe des cas déclarés a été comparée à celle estimée à partir de LaboHep 2013.

Pour l’estimation de l’exhaustivité de la DO, le nombre de cas, ayant une sérologie IgM anti-HBc positive pour la première fois en 2013, déclarés par les biologistes (quelle que soit l’information apportée secondairement par le médecin prescripteur sur l’antécédent d’hépatite B) a été calculé. L’exhaustivité a ensuite été obtenue en rapportant ce nombre au nombre de « cas à déclarer » estimé à partir de l’enquête LaboHep 2013.

Les analyses ont été réalisées avec Stata® 12.1.

Résultats

Incidence de l’hépatite B aiguë diagnostiquée

Parmi les 1 504 LBM sollicités pour participer à LaboHep 2013, 739 (49%) ont répondu à l’enquête, les LBM publics plus souvent (62%) que les LBM privés (44%). Au total, 238 cas, pour lesquels des IgM anti-HBc avaient été détectés pour la première fois dans le laboratoire en 2013, ont été décrits par 98 LBM : 201 cas par les LBM publics et 37 cas par des LBM privés.

Dans l’échantillon, ces 238 cas étaient classés, selon les informations collectées, en 79 cas aigus, 41 cas chroniques et 118 cas n’étaient pas classables d’emblée en raison de données manquantes concernant la connaissance d’un portage chronique de l’AgHBs (figure 1).

Après imputation multiple des données manquantes, les 238 cas se répartissaient en 153 cas aigus et 85 cas chroniques.

Après pondération, le nombre de nouveaux cas d’hépatite B aiguë diagnostiquée en France, en 2013, était estimé à 291 (IC95%:[254-329]). Parmi eux, 69% étaient des hommes. La classe d’âge la plus représentée était celle des 40-59 ans, tant chez les hommes (41%) que chez les femmes (36%) (figure 2). Rapporté à la population française, ce nombre de cas correspondait à une incidence de 0,44 (IC95%:[0,39-0,50]) pour 100 000 habitants. L’incidence était plus de 2 fois plus élevée chez les hommes que chez les femmes : 0,63 (IC95%:[0,52-0,74]) vs. 0,27 (IC95%:[0,18-0,36]) pour 100 000 (figure 3). Cette différence était statistiquement significative pour les 40-59 ans. Cette classe d’âge était celle pour laquelle l’incidence estimée était la plus élevée pour les hommes (0,95/100 000 ; IC95%:[0,64-1,25]). Pour les femmes, l’incidence pour les classes d’âges des 20-39 ans et des 40-49 ans était semblable : respectivement 0,36 (IC95%:[0,14-0,57]) et 0,37 (IC95%:[0,14-0,60]) pour 100 000.

Figure 2 : Distribution selon le sexe et la classe d’âge des cas d’hépatite B aiguë diagnostiqués : 1) estimés par l’enquête LaboHep pour l’année 2013, 2) ayant fait l’objet d’une déclaration obligatoire (DO) entre 2012 et 2014, France
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Figure 3 : Estimation de l’incidence de l’hépatite B aiguë diagnostiquée en 2013 selon le sexe et la classe d’âge, LaboHep 2013, France
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Caractéristiques épidémiologiques des cas d’hépatite B aiguë déclarés

Le nombre de cas d’hépatite B aiguë diagnostiqués entre 2012 et 2014 et ayant fait l’objet d’une déclaration obligatoire était de 260. Il variait de 81 à 93 selon les années. Parmi l’ensemble des cas, 86% avaient une sérologie IgM anti-HBc positive. Plus des trois-quarts (77%) étaient des hommes (proportion significativement plus élevée que celle estimée à partir de LaboHep 2013). Les hommes étaient en moyenne plus âgés que les femmes (44 ans vs. 37 ans, p<10-2). Chez les hommes comme chez les femmes, les distributions selon la classe d’âge n’étaient pas significativement différentes de celles estimées à partir de LaboHep 2013 (figure 2).

L’infection se caractérisait par la présence d’un ictère pour 78%, des ALAT supérieures à 10 fois la normale pour 87%, une hospitalisation pour 61% et par une forme fulminante pour 4% des cas (n=10). L’évolution a été la guérison pour 6 cas, une greffe sans décès pour 1 cas, un décès pour 1 cas ; elle n’était pas documentée pour 2 cas.

Parmi les cas pour lesquels le statut vaccinal anti-VHB était connu (79%), 97% n’avaient reçu aucune dose de vaccin et 0,5% avaient reçu un schéma vaccinal complet (au moins trois doses).

Pour 37% des cas, aucune exposition à risque d’infection par le VHB n’était retrouvée. Les expositions à risque les plus souvent rapportées étaient une exposition sexuelle (38,5%) et un séjour dans un pays d’endémie pour le VHB (21,5%) (tableau). Près de 80% des cas pour lesquels au moins une exposition à risque était documentée avaient une indication vaccinale (49% parmi l’ensemble des cas).

Tableau : Répartition des expositions à risque au cours des 6 mois précédant le diagnostic d’hépatite B aiguë, déclaration obligatoire (DO), 2012-2014, France
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Exhaustivité de la déclaration obligatoire

En 2013, le nombre de « cas à déclarer » était estimé à 387 selon LaboHep alors que 91 cas ont été notifiés dans le cadre de la DO, conduisant à une exhaustivité de la DO de 23,5% pour les cas répondant à la définition d’une hépatite B aiguë à partir des IgM anti-HBc positifs.

Discussion

Ces résultats mettent en évidence que l’incidence annuelle estimée des cas d’hépatite B aiguë diagnostiqués est faible en France (0,44 pour 100 000 habitants ; IC95%:[0,39-0,50]) et qu’elle est plus élevée chez les hommes que chez les femmes. Les principales expositions à risque rapportées sont l’exposition sexuelle et le séjour dans une zone d’endémie du VHB. Une grande partie des infections diagnostiquées auraient pu être évitées si les recommandations vaccinales avaient été mieux appliquées.

L’estimation d’incidence pour 2013 n’est pas comparable à celle publiée pour 2010 à partir de la première édition de l’enquête LaboHep (incidence estimée à 1,6/100 000 ; IC95%:[1,2-2,0]) 4 du fait d’évolutions méthodologiques importantes entre les deux éditions de l’enquête. La définition de cas a, en effet, été restreinte en 2013 aux patients ayant une sérologie IgM anti-HBc positive. La méthode de pondération a également été affinée. L’application aux données 2010 d’une méthodologie proche de celle de l’enquête 2013 conduirait à une estimation plus faible pour 2010, de l’ordre de 0,6 pour 100 000 (400 cas). Notre estimation de l’incidence pour 2013 est également cohérente avec d’autres estimations européennes (0,77/100 000 en Angleterre en 2013 6 et 0,9/100 000 en Italie en 2012 7), même si ces comparaisons doivent être prudentes du fait de méthodes d’estimation et/ou de définitions de cas très hétérogènes.

L’évolution de la définition d’un cas d’hépatite B aiguë entre les deux éditions de l’enquête LaboHep avait pour objectif d’augmenter sa spécificité par rapport à la définition incluant, en cas d’IgM anti-HBc non testées, les personnes positives pour la première fois pour l’AgHBs et les Ac anti-HBc totaux dans un contexte d’hépatite aiguë. Il est cependant possible que des cas de réactivation d’une hépatite B chronique jusqu’alors non diagnostiquée, car pauci-ou asymptomatique, aient été considérés à tort comme des cas aigus, les IgM anti-HBc pouvant être également détectées dans ces formes 8,9. À l’inverse, cette estimation ne concerne que les cas aigus symptomatiques diagnostiqués. En appliquant un modèle développé en Angleterre 10, le nombre de nouvelles infections (symptomatiques et asymptomatiques) en 2013 serait estimé à 1 092 (IC95%:[845-1 338]), soit une incidence de 1,67 pour 100 000 habitants (IC95%:[1,29-2,04]).

L’estimation du nombre de cas d’hépatite B aiguë diagnostiquée à partir de LaboHep 2013 repose sur l’utilisation de l’imputation multiple. Il convient de rappeler que la mise en œuvre de cette méthode est basée sur l’hypothèse que ces données sont manquantes selon un mécanisme aléatoire. Cette hypothèse n’est pas testable statistiquement et l’impact d’éventuels biais d’estimation est difficilement évaluable. L’un des points forts de l’enquête LaboHep est qu’elle repose sur une stratégie d’échantillonnage et de redressement sur l’activité des laboratoires. La base de sondage est l’annuaire des LBM réalisant des sérologies VIH utilisé pour la surveillance de l’activité de dépistage du VIH 11. Cet annuaire présente l’avantage d’être mis à jour en continu, permettant ainsi de suivre et de prendre en compte l’évolution du réseau des LBM dans le temps. Entre 2010 et 2013, ce réseau, ainsi que les taux de participation à l’enquête, ont peu évolué.

Malgré ces imperfections, l’estimation de l’incidence de l’hépatite B aiguë diagnostiquée, répétée régulièrement selon une méthodologie conservée, constituera un indicateur épidémiologique pertinent, permettant d’évaluer la circulation virale dans la population et, par conséquent, l’impact des stratégies vaccinales 1. Cependant, il faudra attendre encore plusieurs années avant de pouvoir objectiver l’impact de la récente progression de la couverture vaccinale chez les jeunes enfants 2 (sous réserve que celle-ci se maintienne), sur l’incidence de l’hépatite B aiguë diagnostiquée, comme cela a été montré dans d’autres pays 12. En attendant, il est essentiel de renforcer le rattrapage vaccinal chez les adolescents, puisque moins d’un jeune sur 2 qui débute actuellement sa vie sexuelle est vacciné contre l’hépatite B 2. Dans cet objectif, les travaux permettant de mieux comprendre les réticences de certains parents vis-à-vis de la vaccination anti-VHB 13, tel le Baromètre santé Maladies infectieuses et santé sexuelle 2016, doivent se poursuivre afin d’adapter les messages de prévention. Un travail doit également être mené auprès des médecins généralistes, qui, bien qu’en majorité confiants vis-à-vis de la sécurité du vaccin anti-VHB, ne déclarent que pour un tiers d’entre eux proposer systématiquement le rattrapage vaccinal aux adolescents 14. En outre, la vaccination anti-VHB des personnes à risque 1 doit être encouragée pour protéger les jeunes générations insuffisamment vaccinées, mais aussi les générations précédentes. Près de 8 cas sur 10 d’hépatite B aiguë déclarés (pour lesquels au moins une exposition à risque était documentée) présentaient une indication vaccinale et auraient donc pu être évités par la vaccination. L’exposition sexuelle (partenaires AgHBs positif, hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, multipartenariat) et le séjour en zone d’endémie VHB constituaient les principales expositions à risque retrouvées. Pour près de 40% des cas d’hépatite B aiguë diagnostiqués, aucune exposition à risque n’avait pu être identifiée. Cette proportion, proche de celle observée en Angleterre (40%) 6, témoigne en partie de la difficulté à aborder certains sujets (sexualité, usage de drogues notamment) au cours d’une consultation médicale et confirme la pertinence des recommandations de vaccination généralisée des enfants.

En termes de représentativité et d’exhaustivité, la proportion élevée de cas hospitalisés (61%) parmi les cas déclarés suggère une surreprésentation des formes les plus sévères. L’exhaustivité de la DO reste faible puisque seul 1 cas sur 4 d’hépatite B aiguë présentant des IgM anti-HBc positives serait déclaré. À titre de comparaison, l’exhaustivité de la DO du VIH est estimée à 71% pour 2013 15. Des évolutions de la DO de l’hépatite B aiguë sont envisagées (mise en place de la télédéclaration, modification de la définition de cas et du circuit de la DO), mais leur impact sur l’exhaustivité sera à évaluer. Malgré ces limites, la DO constitue un outil complémentaire des enquêtes LaboHep en fournissant une description épidémiologique des cas déclarés, notamment des cas évitables par la vaccination.

En conclusion, l’incidence estimée de l’hépatite B aiguë diagnostiquée est faible en France, mais pourrait être considérablement réduite si les recommandations de vaccination, notamment vis-à-vis des adolescents, étaient mieux appliquées. Le dépistage des personnes à risque et des femmes enceintes, ainsi que la sérovaccination des nouveau-nés de mères infectées, doivent être également encouragés.

Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier l’ensemble des laboratoires de biologie médicale ayant accepté de participer à l’enquête LaboHep 2013, les biologistes et médecins ayant déclaré des cas d’hépatite B aiguë, ainsi que Françoise Cazein et Charly Ramus.

Références

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Citer cet article

Brouard C, Pioche C, Léon L, Lot F, Pillonel J, Larsen C. Incidence et modes de transmission de l’hépatite B aiguë diagnostiquée en France, 2012-2014. Bull Epidémiol Hebd. 2016;(13-14):237-43. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2016/13-14/2016_13-14_3.html