Niveau d’usage des autotests de dépistage pour le VIH et ses déterminants chez les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes en France, 2023
// HIV self-testing uptake and associated determinants among men who have sex with men in France, 2023
Résumé
Introduction –
Disponibles en pharmacie depuis 2016, les autotests VIH (ATVIH) sont vendus à environ 65 000 unités par an en France. Les produits se sont diversifiés et leur prix s’est réduit au fil des années. Des distributions gratuites portées par des associations dans les lieux de convivialité, mais aussi en ligne, ont été mises en place. Après sept ans de disponibilité et une démocratisation de l’usage des outils d’autodépistage lors de la pandémie de Covid-19, le profil des utilisateurs de cet outil de dépistage reste peu connu. L’objectif de cet article est de décrire les caractéristiques des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) qui ont utilisé un ATVIH au cours de la dernière année et les facteurs associés à cette utilisation.
Méthode –
Les données sont issues de l’Enquête rapport au sexe 2023 (Eras), enquête en ligne transversale et anonyme, auto-administrée et basée sur le volontariat.
Résultats –
L’usage d’un ATVIH au cours des 12 derniers mois a été déclaré par 14,3% des hommes et 4,0% l’ont utilisé pour leur dernier test. Les facteurs associés à l’utilisation des ATVIH sont : un niveau d’étude équivalent au bac ou inférieur, l’existence de difficultés financières, l’utilisation régulière d’applications de rencontre gay, le fait de ne pas être suivi régulièrement par un médecin et de faire plusieurs tests du VIH par an.
Discussion –
L’accès aux ATVIH fait partie intégrante de l’accès au système de soin et leur mise à disposition doit être pensée comme un élément de l’action de santé publique visant à diversifier les accès au dépistage dans le but de réduire le nombre de personnes ignorant leur statut sérologique.
Abstract
Introduction –
In France, approximately 65,000 HIV self-tests (HIVSTs) are sold in pharmacies per year since 2016. Over time, the range of products has diversified, and prices have decreased. Free distribution initiatives organised by associations in social venues, as well as online, have been established. However, seven years after HIV self-tests became available and following widespread use of self-testing kits during the COVID-19 pandemic, little is known about the profile of HIVST users. This article aims to describe the characteristics of men who have sex with men (MSM) who used an HIVST in the past year, as well as the factors associated with its use.
Method –
The data come from the “Rapport au sexe 2023” (ERAS) survey, a cross-sectional, anonymous, self-administered, online survey about sexual health based on voluntary participation.
Results –
HIVST use in the past 12 months was reported by 14.3% of men, with 4.0% using it for their last test. Factors associated with the use of HIVSTs include having an educational level equivalent to or lower than the baccalaureate, experiencing financial difficulties, regular use of dating apps, no regular contact with a doctor, and performing multiple HIV tests per year.
Discussion –
Access to HIVSTs represent an essential access to the healthcare system. The availability of HIVSTs should be considered a component of public health efforts aimed at diversifying testing access in order to reduce the number of people unaware of their serological status.
Introduction
Pour améliorer le dépistage du VIH et permettre de réduire le nombre de personnes ignorant leur statut sérologique, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a identifié les autotests VIH (ATVIH) comme un outil stratégique 1. Ce dispositif permet à une personne de réaliser elle-même un prélèvement et d’en lire le résultat de manière autonome. Cette approche démédicalisée du test de dépistage positionne l’ATVIH comme un outil d’autogestion de sa santé 2.
Les points forts de cet outil résident dans sa praticité, notamment par l’absence de contrainte de lieu ou d’horaire pour le réaliser, son usage privé et confidentiel, et la plus grande facilité d’usage dans des milieux où la réalisation de tests VIH peut être stigmatisée 3. L’ATVIH permet d’augmenter le dépistage, et sa distribution est coût-efficace parmi les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) 4,5.
Disponibles en France depuis 2016 6, les autotests VIH étaient vendus en pharmacie à environ 75 000 exemplaires par an jusqu’en 2020, puis entre 60 000 et 65 000 entre 2020 et 2022 7.
Une première description des utilisateurs HSH avait été réalisée en 2017, un an après sa mise à disposition 8. Parmi les HSH interrogés, 5% avaient alors déclaré avoir utilisé un ATVIH pour leur dernier test. Cette analyse avait montré que son usage concernait plus souvent les hommes les plus jeunes et multipartenaires au cours des 12 derniers mois. L’analyse avait aussi mis en évidence que cet usage était associé à un moindre recours aux dépistages pour les infections sexuellement transmissibles (IST) au cours des 12 derniers mois.
Depuis cette première étude, la pandémie de Covid-19 a permis une familiarisation de l’ensemble de la population à l’usage des outils d’autodépistage pour d’autres pathologies que le VIH. Le contexte propre aux ATVIH a également évolué. Les produits se sont diversifiés 9 et leur prix s’est réduit au fil des années, passant d’environ 25€ à 17€ en moyenne, recouvrant une gamme de prix unitaires allant de 14€ à 26€ en métropole (données IQVIA pour Santé publique France). Les modalités de diffusion se sont développées, avec des distributions gratuites portées par des associations dans les lieux de convivialité, lors d’actions de dépistage Trod (test rapide d’orientation diagnostique), mais aussi en ligne (1). L’ensemble de ces évolutions pourrait avoir entraîné des changements quant au profil des utilisateurs. L’objectif de cet article est de décrire les caractéristiques des HSH qui ont utilisé un autotest de dépistage du VIH au cours de la dernière année et les facteurs associés à cette utilisation.
Méthode
Cette analyse s’appuie sur les données de l’Enquête rapport au sexe (Eras), enquête transversale anonyme répétée, auto-administrée en ligne, basée sur le volontariat, dont la dernière édition s’est déroulée du 24 février au 6 avril 2023. Cette enquête est mise en œuvre sous la responsabilité scientifique de Santé publique France, avec le soutien de l’ANRS Maladies infectieuses émergentes (ANRS-MIE). Les participants ont été recrutés en ligne à partir de bannières sur des applications de rencontres géolocalisées gays, des sites d’information affinitaires gays, et de manière ciblée sur les réseaux sociaux. Les seuls critères d’inclusion pour participer étaient le fait d’être un homme et d’avoir 18 ans ou plus 10.
L’étude s’intéresse aux hommes cisgenres et transgenres, résidant en France, ayant été sexuellement actifs avec un homme au cours des douze derniers mois et qui ont réalisé au moins un dépistage VIH durant cette période. Ont été exclus de l’échantillon les hommes séropositifs dont le diagnostic datait de plus d’un an au moment de la passation du questionnaire.
L’utilisation d’un ATVIH a été étudiée à partir de deux questions de l’enquête :
–« Au cours des 12 derniers mois, avez-vous fait un test de dépistage avec un autotest VIH ? (test à faire soi-même, disponible en pharmacie, permettant de connaître le résultat en moins de 30 minutes à partir d’une goutte de sang) »
–« Où avez-vous fait votre dernier test de dépistage VIH/sida ? Dans un laboratoire d’analyses médicales AVEC ordonnance, Dans un laboratoire d’analyses médicales SANS ordonnance, Dans un Centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) ou un centre de santé sexuelle, Dans un hôpital lors d’une consultation, d’une hospitalisation ou aux urgences, Dans une association, un établissement de convivialité (bar, backroom, sauna), Chez moi avec un autotest, Dans un autre lieu »
La variable d’analyse principale de l’étude est l’usage d’un ATVIH au cours des douze derniers mois. Les hommes n’ayant pas indiqué avoir utilisé un autotest dans les douze mois, mais déclarant avoir réalisé leur dernier test VIH à domicile, ont été considérés comme utilisateurs (n=7).
La variable d’analyse secondaire est l’usage d’un autotest VIH au cours du dernier dépistage.
Pour analyser les facteurs associés à ces utilisations, plusieurs types de variables ont été mobilisés :
–des caractéristiques sociodémographiques : âge, niveau d’études, lieu de naissance, taille de la commune de résidence, situation financière, situation familiale ;
–des variables sur la socialisation : autodéfinition de l’orientation sexuelle, entourage amical, fréquentation régulière des applications de rencontres, fréquentation régulière des lieux de sociabilité gays ;
–des informations sur les comportements sexuels et préventifs : nombre de partenaires au cours des six derniers mois, utilisation d’une méthode de protection au dernier rapport sexuel quel que soit le type de partenaire. Cet indicateur a été construit en fonction des pratiques réalisées au dernier rapport sexuel et des méthodes de protection utilisées. Il est ainsi découpé : rapport sans pénétration anale, rapport avec pénétration anale protégée uniquement par un préservatif, rapport avec pénétration anale protégée au moins par le traitement comme prévention (TasP), rapport avec pénétration anale protégée au moins par la prophylaxie pré-exposition (PrEP), rapport avec pénétration anale ayant donné lieu uniquement à l’usage du TPE, et pénétration anale sans protection 11 ;
–les antécédents de dépistage et la relation au monde médical : le nombre de tests VIH réalisés dans les 12 mois précédant l’enquête, la réalisation d’un dépistage des autres IST (infections à chlamydia, gonocoques, syphilis, hépatite C et papillomavirus) dans l’année, le suivi régulier par un médecin.
Les associations entre la variable principale et les variables d’intérêt qualitatives ont été testées avec un test du Chi2 de Pearson. Les variables significatives au seuil de 5% lors de l’analyse bivariée ont été intégrées à un modèle de régression logistique binaire. L’âge a été intégré au modèle indépendamment de son association statistique afin de prendre en compte l’effet plusieurs fois souligné de cette variable dans les comportements de dépistage 12. Pour éviter le surajustement, les variables non significatives dans le modèle ont ensuite été exclues une à une du modèle. Les odds ratios sont exprimés en prenant en compte un intervalle de confiance de 95%.
Une analyse de la variable secondaire a été réalisée en miroir de l’analyse historique de l’étude de 2017 8. Le niveau d’utilisation est décrit dans cet article et le modèle de régression est disponible en supplément à cet article. Toutes les analyses statistiques ont été réalisées avec le logiciel Stata® 18.0.
Résultats
Les 10 494 hommes inclus dans notre échantillon sont majoritairement âgés de 30 ans ou plus (69,8%), nés en France (92,8%) et titulaires d’un diplôme supérieur au baccalauréat (78,2%). Pour ce qui est du lieu de résidence, 31,5% vivent en Île-de-France et 33,0% vivent dans une agglomération de moins de 20 000 habitants (dont 88,0% hors Île-de-France). La majorité des répondants sont à l’aise financièrement (64,2%). Ils s’identifient comme homosexuel pour 83,1% d’entre eux et vivent en couple avec un homme pour 43,9%. Le cercle amical des répondants est rarement composé en majorité de personnes homosexuelles (12,2%). L’utilisation régulière des applications de rencontres concerne 55,9% des répondants et 70,5% fréquentent régulièrement les lieux de convivialité gays comme les bars, les saunas ou les backrooms.
Parmi ces répondants sexuellement actifs dans l’année, la grande majorité avait eu plusieurs partenaires au cours des six derniers mois : 17,2% avaient eu un seul ou aucun partenaire, 32,0% entre 2 et 5, et 50,8% en avaient eu plus de 5.
Un quart des hommes (24,6%) ont déclaré ne pas avoir pratiqué de pénétration anale (PA) lors de leur dernier rapport sexuel et 27,8% ont déclaré une PA et n’avaient pas utilisé de protection contre le VIH. Le préservatif avait été utilisé de manière exclusive par 19,5%, la PrEP seule ou en association avec une autre protection avait été utilisée par 26,8%, le TasP par 1,1%. Le recours au traitement post-exposition (TPE) concerne 0,3% de l’échantillon.
La majorité avait un suivi régulier par un médecin (89,2%), avait réalisé plusieurs tests pour le VIH au cours de l’année (72,6%) et 89,9% un test pour une autre IST.
L’usage d’un ATVIH au cours des 12 derniers mois a été déclaré par 14,1% des hommes (tableau). Plusieurs variables significativement associées à l’usage de l’autotest en analyse bivariée ne l’étaient plus après ajustement. C’est le cas pour le lieu de résidence, la situation affective, l’orientation sexuelle et la composition du cercle amical.
De nombreuses associations, tant au niveau des caractéristiques sociodémographiques que des comportements de sociabilité ou de santé, étaient cependant significatives après ajustement.
L’usage de l’ATVIH au cours des douze derniers mois est plus déclaré par les hommes nés hors de France (16,7%, odds ratio ajusté, ORa=1,26 ; p<0,05). Cet outil est également plus utilisé par les hommes avec un niveau d’étude équivalent au bac ou inférieur (18,2%, ORa=1,32 ; p<0,001) et par ceux qui déclarent « être juste » financièrement ou ayant des dettes, par rapport aux hommes qui ne déclarent pas de telles difficultés (16,3% vs 12,9%, ORa=1,26 ; p<0,001).
Les hommes qui utilisent les applications de rencontre de manière régulière ont plus souvent recours aux ATVIH que ceux ne les utilisant pas ou peu (15,4% vs 12,5%, ORa=1,5 ; p<0,001). Si le nombre de partenaires dans l’année n’impacte pas l’usage de ces tests, le mode de protection utilisé a en revanche un effet. Les hommes utilisant la PrEP recourent moins aux ATVIH pour leur dépistage que les hommes ayant utilisé uniquement le préservatif pour protéger leur dernier rapport (ORa=0,6 ; p<0,001).
Les différences d’utilisation les plus importantes sont observées en fonction de la relation au système de soin. Ceux qui n’ont pas de suivi médical régulier sont 19,6% à avoir utilisé un ATVIH dans l’année (ORa=1,5, p<0,001), et ceux qui n’avaient pas réalisé de dépistage d’IST dans l’année sont 30,6% (ORa=3,5, p<0,001). Les hommes ayant effectué plusieurs tests de dépistage du VIH au cours des 12 mois précédents l’enquête ont une probabilité plus élevée d’avoir utilisé un ATVIH par rapport à ceux qui n’en ont réalisé qu’un seul (14,7%, ORa=1,8 ; p<0,001).
Par ailleurs, 4,0% des hommes ont eu recours à l’autotest VIH lors de leur dernier dépistage. L’analyse multivariée ne fait ressortir aucune variable associée, à l’exception de la réalisation de test IST au cours de la dernière année. Le tableau décrivant les facteurs associés à cet usage est présenté en annexe.
Discussion
Sept ans après la mise à disposition des ATVIH sur le marché en France, 14% des HSH en ont utilisé au cours de la dernière année pour réaliser un dépistage. La proportion de ceux l’ayant utilisé pour leur dernier dépistage reste équivalente à la proportion constatée en 2017 qui était de 5% 8. Les facteurs associés à une utilisation de l’ATVIH au cours de la dernière année révèlent un usage plus important de l’outil par les HSH nés à l’étranger. La découverte d’une séropositivité par ATVIH restait cependant rare dans cette population, entre 1,5% et 4% des nouveaux cas diagnostiqués entre 2015 et 2021 13.
Les ATVIH sont également utilisés par les hommes n’ayant pas de diplôme du supérieur et ceux rencontrant des difficultés financières. Ce résultat tranche avec ce qui est observé pour le recours global au dépistage du VIH qui est moins déclaré par les hommes ayant un faible niveau de diplôme en population générale 14. Cependant, l’enquête ne permet pas d’identifier les lieux d’obtention des ATVIH utilisés (pharmacies, distribution ou envoi par des associations, cabinet médicaux…) ni les relations des répondants avec les structures associatives promouvant cet outil ou le diffusant gratuitement. Une première hypothèse relative à la distribution gratuite de ces ATVIH auprès des populations précaires peut être évoquée pour expliquer ce résultat, sans pouvoir être confirmée. Une seconde hypothèse mobilisable serait que les avantages perçus, comme l’immédiateté, l’absence de recours à un tiers ou la protection vis-à-vis d’interaction discriminantes, surpassent le frein potentiel porté par le coût de l’ATVIH. Les solutions sans avance de frais étaient en 2023 limitées aux dépistages en centres dédiés, avec des contraintes horaires et géographiques importantes. L’investissement financier dans les ATVIH pourrait être acceptable dans l’économie globale d’accès au dépistage pour ces populations. L’évolution de ces usages après la mise en place de VIHTest, solution de dépistage sans avance de frais sur simple demande en laboratoire de ville, pourra éclairer cette hypothèse.
Les ATVIH devraient permettre de réduire les inégalités géographiques du fait de leur accessibilité. Aucune différence de recours à l’autodépistage basée sur le type d’agglomération de résidence n’a été mise en évidence dans cette étude. Pourtant, les différences entre zones urbaines et les villes de plus petite taille sont marquées lorsque l’on considère le recours global au dépistage 12. L’analyse réalisée en 2018 posait le même constat 8. Ce résultat est l’un des seuls qui se maintient au cours du temps, confirmant la place des ATVIH comme levier de réduction des inégalités territoriales dans l’accès au dépistage.
L’hypothèse du choix de l’autotest par les hommes marquant une certaine distance avec le système de santé qui avait été posée en 2017 est confirmée par notre analyse. Alors qu’ils sont moins utilisateurs de PrEP lorsqu’ils y sont éligibles 15, les hommes avec un niveau d’étude inférieur au bac utilisent l’ATVIH. Ce résultat est renforcé par les hommes qui ont déclaré dans notre étude ne pas être suivis régulièrement par un médecin et qui s’avèrent plus nombreux parmi les utilisateurs. La mise à disposition de l’autotest peut ainsi constituer une nouvelle opportunité pour ces hommes qui ont moins de chance de se voir proposer un dépistage par un professionnel de santé. Ce choix est aussi associé à une moindre réalisation de tests IST au cours de l’année. Dans un contexte où les épidémies d’IST sont particulièrement actives chez les HSH 7 et où le dépistage combiné du VIH et des IST est recommandé pour la population des HSH multipartenaires 16, ce fait retient l’attention. Toutefois, les données dont nous disposons ne permettent pas de conclure sur les niveaux d’acquisition d’IST par ces utilisateurs. Un essai contrôlé randomisé mené aux États-Unis entre 2010 et 2014 portant sur l’usage de l’autotest salivaire montrait qu’après 15 mois de suivi, le taux de positivité à chlamydia, gonocoque et syphilis ne différait pas entre les hommes ayant accès à des ATVIH à la demande et ceux étant invités à se dépister régulièrement en centre de santé 17. Des travaux complémentaires seraient donc à mener pour éclairer l’exposition réelle des utilisateurs d’ATVIH aux IST bactériennes.
Les résultats de cette étude effectuée auprès d’un échantillon non représentatif de volontaires ne peuvent être généralisés à l’ensemble de la population HSH. Ils soulignent cependant comment les différents modes de dépistage peuvent être mobilisés. La plus grande utilisation de l’ATVIH par les hommes ayant réalisé plusieurs dépistages dans l’année, et le fait que seule une faible part des utilisateurs l’ait utilisé pour leur dernier test montre que cet outil s’inscrit dans un recours diversifié aux modes de dépistage. Les atouts reconnus aux ATVIH résident dans le respect de la confidentialité, la praticité en terme d’horaires et d’organisation 3. Ces avantages peuvent expliquer que cet outil soit mobilisé pour répondre à un besoin répété, et limiter les frictions à la réalisation d’un dépistage régulier. Une autre limite de l’étude réside dans l’impossibilité d’identifier les dépistages réalisés par ATVIH qui auraient été effectués par une autre modalité si ceux-ci n’étaient pas disponibles. Toutefois, la proportion de HSH non dépistés au cours de la vie s’est réduit entre 2017 et 2021 et le nombre d’HSH ayant réalisé 3 tests ou plus a augmenté 12,18. Cette dynamique est en faveur de l’hypothèse d’une supplémentation des autres modalités de dépistage par l’ATVIH. Selon les modélisations effectuées par Hamilton et coll. 19 sur les différents profils de recours au dépistage, ces résultats supportent l’effet bénéfique des ATVIH dans l’amélioration du niveau de dépistage global chez les HSH.
Conclusion
Les résultats de cet article permettent de confirmer le potentiel des ATVIH dans la stratégie d’éradication de l’infection et son attrait pour des populations habituellement moins en contact avec le système de santé. Bien que les ATVIH soient réalisés en autonomie, l’accès à ceux-ci fait partie intégrante de l’accès au système de soin. La fourniture d’ATVIH doit être pensée comme un élément de l’action de santé publique visant à réduire le nombre de personnes ignorant leur statut. Les résultats de cette analyse invitent à renforcer le déploiement de cet outil. À cette fin, la dotation d’ATVIH aux associations par les pouvoirs publics doit appuyer des interventions qui ont montré leur efficacité comme la commande en ligne 20, ou la diffusion par les services de santé sexuelle pour un usage ultérieur 21. En 2023, le Center for Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis a diffusé près de 440 000 ATVIH par voie postale, dont 24% à des personnes n’ayant jamais été dépistées, conduisant à un taux de positivité de 2% 22. D’autres stratégies s’appuyant sur la distribution par les membres de la communauté sont également à l’étude 23. Ces actions s’intègrent dans un contexte global de diversification de l’offre. L’ouverture des tests pour plusieurs IST sans ordonnance en laboratoire, comme cela a été fait pour le VIH, pourra apporter une solution au déficit de dépistage IST constaté chez les utilisateurs d’ATVIH. Ceux-ci pourraient être les destinataires privilégiés de la promotion de cette nouvelle offre.
Remerciements
Nous remercions toutes les personnes qui ont pris le temps de répondre à cette enquête ; l’ANRS Maladies infectieuses émergentes pour son soutien, via notamment la mise à disposition d’un poste de moniteur d’études en sciences sociales ; Nicolas Etien, Virginie Bufkens, Cécile Marie (Santé publique France), Bérangère Gall et Solange Brugnaux (BVA) pour la qualité de leur travail dans la mise en œuvre de l’enquête ; nos partenaires associatifs pour leur soutien et relai des enquêtes dans leur réseau.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.