Augmentation du recours répété au dépistage VIH parmi les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes en France entre 2017 et 2019. Résultats de l’enquête Rapport au sexe
// Increase in frequency of repeat HIV testing among men who Have sex with men in France between 2017 and 2019. Results from the Rapport au Sexe Survey
Résumé
La répétition des tests de dépistage du VIH est un enjeu majeur de santé publique tout particulièrement parmi les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) qui restent une des populations les plus touchées par le VIH. L’objectif de cet article est de décrire l’évolution de la fréquence de recours au dépistage des HSH entre 2017 et 2019.
Les données sont issues des deux éditions de l’enquête Rapport au sexe (ERAS), enquête en ligne transversale et anonyme, auto-administrée et basée sur le volontariat, réalisée en 2017 et 2019. Un total de 33 661 HSH résidant en France, ayant eu au moins un rapport sexuel avec un homme dans les douze mois et ne se déclarant pas séropositifs pour le VIH ont été inclus dans les analyses.
La part de répondants n’ayant jamais réalisé de test de dépistage VIH au cours de la vie diminue significativement de 17% en 2017 à 15% en 2019, au bénéfice d’un recours plus fréquent dans les douze derniers mois (de 53% à 55%). La part des répondants de 2019 ayant réalisé trois tests et plus a également augmenté passant de 15% à 20%, et ce quelles que soient les caractéristiques des répondants. Si l’usage de la prophylaxie pré-exposition (PrEP) contribue fortement à cette augmentation, la tendance est également observée chez les HSH non usagers de PrEP.
La poursuite des campagnes d’incitation au dépistage ciblant la population HSH dans toute sa diversité et le déploiement d’une politique volontariste territorialisée sont des leviers essentiels au fléchissement de l’épidémie du VIH.
Abstract
The repetition of HIV screening tests is a major public Health challenge especially among men who have sex with men (MSM) who are disproportionately affected by the HIV epidemic. The aim of this study is to describe the evolution in the uptake and frequency of HIV testing among MSM between 2017 and 2019.
The data comes from Rapport au sexe (ERAS), a repeated cross-sectional online survey conducted in 2017 and in 2019. The participation was voluntary and anonymous and the questionnaire was self-administered. A total of 33,661 MSM living in France, who declared having had sex with at least one male partner in the previous 12 months and who self-reported they had not been tested HIV-positive for more than 12 months before the survey were included in the statistical analyses.
The proportion of MSM who had never been tested for HIV significantly decreased from 17% in 2017 to 15% in 2019 in favor of a more frequent use of HIV testing in the previous 12 months (from 53% to 55%). The part of the respondents who had been tested 3 times or more in the last 12 months increased from 15% in 2017 to 20% in 2019, whatever their characteristics. Although the use of pre-exposure prophylaxis (PrEP) contributed to this increase, we observed the same tendency among MSM who did not use PrEP.
To reverse the HIV epidemic, proactive territorialized policies and the continuation of HIV testing campaigns targeting MSM in all their diversity are the key levers.
Introduction
Le dépistage occupe une place centrale dans la lutte contre le VIH depuis le début de l’épidémie. L’émergence, ces dernières années, de la prévention dite diversifiée a accru son importance. En effet, l’efficacité de cette approche préventive nécessite la mise en œuvre d’une combinaison d’interventions comprenant l’utilisation de préservatifs, le niveau élevé de dépistage du VIH, l’initiation précoce du traitement antirétroviral et l’utilisation appropriée de la prophylaxie pré-exposition (PrEP) 1,2. Les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) restent une des populations les plus à risque d’acquérir le VIH en France. L’incidence du VIH dans cette population a été estimée à 1,15% alors que les délais entre diagnostic et contamination sont de l’ordre de 2,7 ans 3. L’augmentation et l’intensification de la couverture du dépistage du VIH sont donc primordiales pour infléchir la tendance de l’épidémie. C’est dans cette perspective que la haute autorité de santé (HAS) a réactualisé les recommandations de 2009-2010 4 insistant sur la nécessité d’augmenter la fréquence du dépistage en particulier pour les HSH pour lesquels un test tous les trois mois est conseillé 5. Aussi, afin d’actualiser nos connaissances, nous nous proposons dans cet article de décrire l’évolution de la fréquence de recours au dépistage des HSH, non séropositifs pour le VIH, sexuellement actifs au cours des douze derniers mois, à partir des deux éditions de l’enquête Rapport au sexe (ERAS), 2017 et 2019.
Méthode
Rapport au sexe est une enquête transversale répétée anonyme, auto-administrée, basée sur le volontariat. Elle a été réalisée du 16 février au 31 mars en 2017 et aux mêmes dates en 2019, sous la responsabilité scientifique de Santé publique France, avec le soutien de l’Agence nationale de recherches sur le sida et les Hépatites virales (ANRS – France Recherche nord & sud, Sida-HIV-hépatites).
Les participants ont été recrutés par le biais de différents supports digitaux. Des bannières ont été postées directement sur des sites internet de rencontres gays, des applications de rencontres géolocalisées gays (Grindr, Scruff, Hornet…) et des sites d’informations affinitaires gays (Têtu, Gayvox.fr, agendaQ...). Par ailleurs, des bannières ont été diffusées via des plateformes programmatiques. Les critères de diffusion étaient : le ciblage des hommes de 18 ans et plus, navigant sur des pages contenant des mots-clés en relation avec l’homosexualité et les rencontres entre hommes. De la même manière, sur les réseaux sociaux (Facebook), les hommes de plus de 18 ans ayant « liké » des contenus ou des pages en lien avec l’homosexualité ont été exposés aux bannières de la campagne. En cliquant sur ces dernières, les personnes étaient dirigées vers le site de l’enquête où des informations sur ses objectifs étaient présentées, ainsi que les conditions de participation et la confidentialité des données. Les participants étaient invités à donner leur consentement éclairé pour accéder au questionnaire en ligne. Aucune adresse IP n’a été collectée. Aucune incitation financière n’a été proposée. Les seuls critères d’inclusion pour participer étaient le fait d’être un homme et d’avoir 18 ans ou plus.
Quatre grandes parties comparables entre les deux éditions composaient le questionnaire : les caractéristiques sociodémographiques, le mode de vie et la socialisation, les comportements sexuels et préventifs au cours des 6 derniers mois et au cours du dernier rapport selon le type de partenaire (stable ou occasionnel), le dépistage du VIH et des autres infections sexuellement transmissibles (IST) au cours de la vie et des douze derniers mois. Le nombre de tests VIH au cours de l’année était demandé aux participants ayant déclaré avoir réalisé un test dans les 12 derniers mois.
Un total, sur les deux éditions, de 42 377 hommes ont complété les questionnaires. Seuls les hommes résidant en France, ayant eu au moins un rapport sexuel avec un homme dans les douze mois précédant l’enquête et ne se déclarant pas séropositifs depuis plus de douze mois pour le VIH ont été inclus dans les analyses (n=33 661 ; n=14 571 en 2017 et n=19 090 en 2019).
Les caractéristiques des participants des enquêtes 2017 et 2019 ont été comparées à l’aide du test du Chi2 et de régressions linéaires afin d’identifier les changements de profils entre les éditions.
La fréquence régulière ou la répétition de tests de dépistage du VIH dans l’année a été définie par le fait d’avoir réalisé 3 tests de dépistage et plus dans les 12 derniers mois à partir de la question sur le nombre de tests réalisés dans les 12 derniers mois.
Outre l’année de réalisation d’ERAS, plusieurs ensembles de variables ont été considérés dans l’analyse des facteurs associés à la fréquence de dépistage pour le VIH dans les 12 derniers mois :
–des caractéristiques sociodémographiques : l’âge, le niveau d’études, la région de résidence ;
–des variables sur la socialisation : l’autodéfinition de l’orientation sexuelle, la fréquentation des sites internet et/ou applications de rencontres, le lieu de rencontre du dernier partenaire ;
–des informations sur les comportements sexuels et préventifs : le nombre de partenaires au cours des six derniers mois, l’usage de la prophylaxie pré-exposition (PrEP) dans les six derniers mois, la non-utilisation de méthode de protection au dernier rapport sexuel (incluant le préservatif, la PrEP, le traitement comme outil de prévention pour les hommes séropositifs (treatment as prevention, TASP en anglais) et le traitement post-exposition (TPE), la pratique du Chemsex (consommation de cocaïne, GHB/GBL, amphétamines, MDPV, 3-MMC, 4-4-MMC…) lors du dernier rapport sexuel ;
–les antécédents des autres IST : diagnostic d’au moins une IST dans les douze derniers mois (infections à chlamydia et à gonocoques, syphilis, hépatite C et HPV).
Afin de décrire les facteurs associés au recours répété au dépistage, un modèle de régression logistique binaire a été mis en œuvre en excluant les répondants ayant utilisé la PrEP dans les six derniers mois. Les variables significatives au seuil de 5% lors de ces analyses bivariées ont été intégrées au modèle de régression multivariée. Les analyses statistiques ont été réalisées avec le logiciel Stata 14.1.
Résultats
Caractéristiques des répondants à ERAS 2017 et ERAS 2019 (n=33 661)
Le tableau 1 compare les caractéristiques des 19 090 répondants de 2019 résidant en France, actifs sexuellement dans les douze derniers mois et ne se déclarant pas séropositifs depuis plus de douze mois pour le VIH aux 14 571 de 2017. Les répondants de 2019 étaient plus âgés que ceux de 2017 avec un âge médian de 31 ans (intervalle interquartile, IQ : (23-43) contre 29 (IQ : (23-41)). Ils étaient plus diplômés et résidaient moins souvent en Île-de-France (tableau 1). La part de répondants nés à l’étranger reste faible (6%) sans différence entre les deux enquêtes. Si les répondants d’ERAS s’autodéfinissaient majoritairement homosexuels, en 2019 14% se définissaient bisexuels contre 11% en 2017 (p<0,001). Les lieux de convivialité gay, qu’ils soient physiques ou virtuels étaient moins fréquentés en 2019 qu’en 2017. En 2019, le nombre médian de partenaires sexuels déclaré au cours des 6 derniers mois était moindre qu’en 2017 : 2 (IQ : 1-7) vs 3 (IQ : 1-6). La proportion de répondants ayant utilisé la PrEP au cours des six derniers mois a augmenté passant de 3% en 2017 à 7% en 2019 (p<0,001). La part de répondants déclarant avoir utilisé un moyen de protection au cours de leur dernier rapport sexuel a augmenté entre 2017 et 2019 (39% vs. 41%, p<0,001). Toutes ces variables ont été incluses comme variables contrôles dans les analyses multivariées de tendance.
Fréquence de dépistage du VIH
La part de répondants n’ayant jamais réalisé de test de dépistage VIH au cours de la vie diminue significativement de 17% en 2017 à 15% en 2019 et se maintient après ajustement sur les caractéristiques sociodémographiques (ORa : 0,88 IC95% [0,85-0,94]). Cette diminution bénéficie au recours dans les 12 derniers mois passant de 53% à 55% (tableau 1). Cette hausse est significative et reste vraie après ajustement sur les caractéristiques sociodémographiques (ORa : 1,11 IC95% [1,06-1,16]).
La répartition du nombre de tests réalisés dans les 12 derniers mois montre une hausse du recours à partir du troisième test (figure). Ainsi, la part des répondants ayant réalisé trois tests et plus a augmenté, passant de 15% en 2017 à 20% en 2019. Cette augmentation est observée quelles que soient les caractéristiques des répondants. Les répondants ayant utilisé la PrEP dans les 6 derniers mois étaient déjà 81% à avoir fait trois tests et plus dans les 12 derniers mois en 2017, en 2019 ils étaient 88%. Après ajustement sur les variables sociodémographiques, les usagers de la PrEP avaient une probabilité 13 fois plus élevée que les non-utilisateurs d’avoir fait des tests de manière répétée (ORa : 13,63 IC95% [11,74-15,85]).
Pour autant, la part des répondants n’ayant pas utilisé la PrEP dans les 6 derniers mois et ayant eu recours au dépistage de manière répétée étaient également en augmentation : de 13% en 2017, elle passe à 15% en 2019 (p<0,001). Dans ce groupe de non-utilisateurs de la PrEP, l’augmentation du dépistage répété est observée chez la grande majorité des répondants (tableau 2), que ce soit chez les moins de 25 ans (10% en 2017 vs 13% en 2019) ou les bisexuels (8% vs 11%).
Des écarts territoriaux sont observés et qui, malgré les augmentations, se maintiennent en 2019. Ainsi, en 2019, 20% des franciliens et 17% des résidents de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) avaient réalisé trois tests ou plus, contre respectivement 16% et 12% en 2017. L’écart entre les résidents d’agglomérations de 100 000 habitants et plus et ceux de zones moins densément peuplées se creuse : le dépistage répété est passé respectivement de 16% à 19% pour les grandes agglomérations contre 11% à 12% pour les autres. De même, la part des répondants fréquentant les lieux de convivialité gay ou les sites et applications de rencontre ayant réalisé trois tests et plus augmentait (tableau 2). La proportion de dépistages répétés a particulièrement augmenté parmi les répondants multipartenaires : les répondants ayant rapporté 10 partenaires et plus dans les 6 derniers mois étaient 27% en 2017 à avoir eu recours au dépistage répété et 34% en 2019 alors que ceux ayant moins de cinq partenaires étaient 7% en 2017 et 9% en 2019. Parmi, les répondants utilisant un moyen de protection lors de leur dernier rapport sexuel, une augmentation est également observée (17% vs 21%). Cependant, la proportion de dépistage répété n’évoluait pas significativement chez les hommes âgés de 45 ans et plus (12% en 2019), ceux nés à l’étranger (19% en 2019), ceux n’ayant pas suivi d’études supérieures (12% en 2019), ceux résidant dans les départements et territoires d’outre-mer (10%).
Le tableau 3 présente les facteurs associés au fait d’avoir réalisé trois tests et plus dans l’année. Le fait d’avoir répondu à l’enquête en 2019, d’être âgé de moins de 45 ans, de résider en Île-de-France ou en région PACA, de demeurer dans une agglomération de 100 000 habitants et plus, de fréquenter les lieux de convivialité gay ou les sites et applications de rencontre, d’avoir eu au moins cinq partenaires dans les 6 derniers mois, d’avoir protégé son dernier rapport sexuel et d’avoir eu des antécédents d’IST dans les 12 derniers mois, était, de manière indépendante, associé positivement à la répétition des tests de dépistage dans l’année. Le fait de se définir bisexuel était significativement associé négativement au fait d’avoir réalisé trois tests et plus dans l’année.
Discussion
En 2019, 55% des HSH résidant en France, sexuellement actifs et non séropositifs pour le VIH dans les 12 derniers mois ont fait un test de dépistage dans l’année. Cette proportion a augmenté par rapport à la première édition de l’enquête ERAS en 2017, alors que la proportion de HSH jamais dépistés au cours de la vie à diminué, démontrant la forte sensibilisation des HSH à la nécessité de recourir au dépistage du VIH. C’est un élément particulièrement positif sachant que, grâce à un recrutement utilisant des méthodes de marketing de ciblage sur internet et les réseaux sociaux, les enquêtes ERAS permettent de toucher une plus grande diversité de profils d’HSH : moins franciliens, plus éloignés des modes de vie affinitaires gay 6. En 2019, 14% des répondants d’ERAS s’auto-définissaient bisexuels ou encore 41% n’avaient pas fréquenté de lieux de convivialité gay. Ainsi, des études ont montré que selon les méthodologies de recrutement utilisées des différences de niveau de dépistage étaient observés. Les HSH enquêtés dans des lieux de convivialité rapportaient un taux de dépistage dans les 12 derniers mois plus élevé que celui déclaré par des HSH enquêtés via internet, lui-même plus élevé que celui d’HSH enquêtés dans des échantillons représentatifs de la population générale 7,8. Ces constats confirment l’existence des différentes composantes de la population HSH en termes de recours aux soins, de sexualité, mais également de modes de vie.
Entre 2017 et 2019, la répétition du recours au dépistage a augmenté : de 15% en 2017, la part des HSH ayant réalisé trois tests et plus dans les 12 derniers mois est passée à 20%. Cette augmentation concerne l’ensemble des répondants, mais avec des écarts plus ou moins importants, mettant en lumière des groupes spécifiques, antérieurement identifiés 9, qui suivaient déjà les recommandations de dépistage annuel. Nos résultats confirment ainsi cette tendance. Les HSH qui se rapprochent des recommandations émises en 2017 par l’HAS sont âgés de 18-44 ans, vivent en Île-de-France ou en PACA, dans de grandes agglomérations, affinitaires, fréquentent les lieux de convivialité gay et les sites et applications de rencontres gay, ont un nombre de partenaires sexuels important et utilisent des moyens de protection.
Fréquence de dépistage et usage de la PrEP sont largement imbriqués. En effet, les modalités de suivi de la PrEP imposent à ses utilisateurs la réalisation de tests VIH tous les trois mois 10, afin de s’assurer qu’il n’y a pas de séroconversion sous traitement ARV. L’usage de la PrEP contribue fortement à l’augmentation de la fréquence du dépistage : les répondants d’ERAS utilisateurs de la PrEP dans les 6 derniers mois avaient une probabilité d’avoir réalisé trois tests et plus dans l’année 13 fois plus élevée que les non-utilisateurs. Pour autant, en 2019, les usagers de PrEP représentaient 25% des répondants ayant réalisé trois tests et plus dans l’année. Il était donc important de se focaliser sur les HSH n’ayant pas adopté la PrEP afin de vérifier leur adhésion aux recommandations récentes de l’HAS. Ainsi, dans ce groupe d’HSH, la répétition des tests a également augmenté entre 2017 et 2019. L’analyse des facteurs associés au recours réguliers au dépistage excluant les usagers de PrEP confirme cette augmentation avec un ORa de 1,34 dans une sous-population multipartenaires, fréquentant les lieux affinitaires, utilisant un moyen de protection lors de leur dernier rapport sexuel, mais aussi ayant eu un diagnostic d’IST dans les 12 derniers mois. L’adéquation dépistage répété, activité sexuelle importante et protection confirme des résultats constants et anciens issus des enquêtes menées auprès des HSH 9. Plusieurs de ces caractéristiques sont d’ailleurs des critères d’accès à la PrEP 10.
Nos résultats mettent en évidence des disparités régionales. L’Île-de-France et la région PACA enregistrent des augmentations significatives du dépistage répété chez les HSH. De même, des écarts importants perdurent entre résidents de zones urbaines et les autres. Ces différences mettent en lumière la question de l’accessibilité géographique au dépistage dans les zones rurales moins dotées que celles densément peuplées. Des dynamiques locales autour de la mise en œuvre de la prévention diversifiée ont probablement joué un rôle dans cette augmentation, par l’initiative d’actions facilitant l’accès au dépistage (distribution d’autotests via des associations) ou encore l’augmentation de consultations de PrEP. Alors que l’incidence du VIH et la part de HSH non diagnostiqués de ces deux régions étaient les plus élevées 3, un fléchissement de ces tendances est aujourd’hui envisageable et semble observé à Paris 11.
Cependant, pour certaines catégories de HSH, il n’est pas noté d’augmentation significative du dépistage répété. C’est le cas pour les HSH nés à l’étranger qui ont pourtant un délai médian plus élevé entre la contamination et le diagnostic VIH que les HSH nés en France 3. C’est également le cas pour les HSH peu diplômés, ne fréquentant pas les lieux de convivialité gay ou les applications de rencontre, ou encore ceux n’ayant pas protégé leur dernier rapport comme l’avaient déjà observé d’autres études 9. Des actions d’incitation au dépistage répété doivent être mises en œuvre envers ces populations plus à la marge.
Des limites méthodologiques doivent être soulignées pour cette étude. Les résultats de ces enquêtes ne peuvent être extrapolés à l’ensemble de la population des HSH 6. Certaines populations répondent peu à ce type d’enquête comme les HSH nés à l’étranger, ne permettant pas d’avoir une force statistique suffisante pour des analyses spécifiques en écho aux dernières données épidémiologiques de surveillance du VIH. Cependant, le recrutement par ciblage sur les réseaux sociaux a permis d’inclure un nombre important d’hommes avec des profils et des modes de vie diversifiés, dont des jeunes hommes, des HSH ne se définissant pas homosexuels ou des HSH vivant en zone rurale plus souvent distants de la scène gay.
Implications en santé publique
Ces nouvelles données décrivent une amélioration notable et significative des taux de dépistage et de leur répétition dans les populations à haut risque de contamination du VIH, grâce au développement de la PrEP, mais pas seulement. La nécessité d’un dépistage du VIH semble s’intégrer de plus en plus aux pratiques de prévention des HSH dans l’optique d’une prise en compte globale de leur santé. Dans ce contexte, il est essentiel de mettre en avant les bénéfices à se faire tester le plus largement possible. Des recherches qualitatives supplémentaires sont en cours avec pour objectif de mieux comprendre ces freins au dépistage et de les lever, et ce quel que soit le profil de la personne. Les différences régionales confirment l’intérêt du déploiement d’une politique volontariste territorialisée, à l’instar de ce qui a été fait à San Francisco et à Londres, et mis en place en France à travers des initiatives comme « Vers Paris Sans Sida » ou « Objectif sans Sida : Nice et les Alpes-Maritimes s’engagent ! ». Aujourd’hui, dans des pays comme la France disposant de toutes les méthodes médicales et préventives, le défi est bien celui d’un déploiement qui prenne en compte l’hétérogénéité des sexualités et des modes de vie de la population des HSH.
Remerciements
Nous remercions l’ANRS (France recherche Nord & Sud sida-HIV Hépatites) pour son soutien, via notamment la mise à disposition d’un poste de moniteur d’études en sciences sociales, ainsi que tous les hommes qui ont pris le temps de répondre à cette enquête.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.