Activité de dépistage du VIH et circonstances de découverte de l’infection à VIH, France 2018

// HIV screening activity and circumstances of new HIV diagnoses,
France 2018

Françoise Cazein (francoise.cazein@santepubliquefrance.fr)1, Cécile Sommen1, Josiane Pillonel1, Mathias Bruyand1, Charly Ramus1, Pierre Pichon1, Clara Da Costa1, Lotfi Benyelles1, Damien Thierry2, Céline Desouches2, Francis Barin2, Florence Lot1
1 Santé publique France, Saint-Maurice, France
2 Centre national de référence du VIH, laboratoire associé, CHU de Tours, France
Soumis le 16.09.2019 // Date of submission: 09.16.2019
Mots-Clés : VIH | Surveillance | Dépistage | Diagnostic | Test d’infection récente | Laboratoire | Biologie
Keywords : HIV | Surveillance | Screening | Diagnosis | Recent Infection Test | Laboratory | Biology

Résumé

Cet article présente un bilan de l’activité de dépistage du VIH en France en 2018 dans les laboratoires de biologie médicales et des circonstances des découvertes de séropositivité à partir des déclarations obligatoires du VIH.

En 2018, 5,80 millions (IC95% [5,74-5,86]) de sérologies VIH ont été réalisées (87/1 000 habitants), nombre en augmentation régulière depuis 2013 (+11%), alors que le taux de positivité (1,9/1 000 sérologies) a diminué (-13%).

Près de 6 200 personnes (IC95%: [5 897-6 412]) ont découvert leur séropositivité, nombre en diminution par rapport à 2017 (-7%). Les sérologies à l’origine de ces découvertes étaient le plus souvent réalisées en présence de signes cliniques ou d’un bilan biologique évocateurs d’infection à VIH (26%), lors d’un bilan systématique (20%) ou d’un dépistage orienté (20%).

En 2018, 25% des découvertes étaient précoces et 29% à un stade avancé de l’infection, proportions stables sur les trois dernières années. Les découvertes à un stade avancé concernaient particulièrement les usagers de drogues injectables (UDI) (55% parmi les UDI) et les hétérosexuels (33% parmi ceux nés en France, 35% parmi ceux nés à l’étranger).

Plus de la moitié (52%) des personnes découvrant leur séropositivité n’avaient jamais été testées pour le VIH auparavant, proportion plus élevée chez les UDI (81%) et les personnes nées en Afrique subsaharienne (65%), et plus faible (33%) chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH). Ces proportions étaient stables sur les trois dernières années.

La diminution du nombre de découvertes de séropositivité, couplée à une augmentation de l’activité de dépistage, peut refléter une diminution du nombre de personnes infectées non diagnostiquées et/ou une diminution de l’incidence depuis plusieurs années. Néanmoins, le nombre de personnes diagnostiquées à un stade avancé de l’infection montre que les efforts de sensibilisation au dépistage du VIH doivent être poursuivis.

Abstract

This article presents 2018 data on HIV testing in French medical laboratories and the circumstances of new HIV diagnoses, based on HIV mandatory notification.

In 2018, 5.80 million (95% CI: [5.74-5.86]) of HIV tests were performed (87/1000 inhabitants). This number increased steadily between 2013 and 2018 (+11%), while the positivity rate (1.9 per 1000 tests) decreased (-13%).

Nearly 6,200 people (95%CI: [5.897-6.412]) were newly diagnosed for HIV, a decrease compared to 2017 (-7%). The main reasons leading to HIV testing were clinical symptoms or biological results suggestive of HIV infection (26%), systematic check-up (20%) or oriented testing (20%).

Among new HIV diagnoses in 2018, 25% were early and 29% were done at an advanced stage of infection, these proportions were unchanged over the last 3 years. Injecting drug users (IDUs) and heterosexuals either born in France or abroad, are more likely to be diagnosed at an advanced stage of their infection, respectively 55%, 33% and 35%.

More than half (52%) of diagnosed people had never been tested for HIV in their lifetime. This proportion is higher among IDUs (81%) and people born in sub-Saharan Africa (65%), and lower among men who have sex with men (MSM) (33%). These proportions remained unchanged over the past 3 years.

The decrease in the number of HIV diagnoses, while screening activity continues to increase, probably reflects a decrease in the number of HIV+ undiagnosed people, and / or a decrease in HIV incidence for several years. Nevertheless, the number of people diagnosed at an advanced stage of infection shows that efforts to raise awareness of HIV testing must be continued.

Introduction

Le dépistage est un enjeu majeur dans la lutte contre le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Il doit permettre de diagnostiquer les personnes infectées le plus tôt possible après leur contamination, pour qu’elles puissent bénéficier rapidement d’une prise en charge et d’un traitement antirétroviral 1. Ce traitement permet à la fois de diminuer drastiquement la morbidité et la mortalité des personnes infectées et de supprimer le risque de transmission du VIH si la charge virale est indétectable (TASP pour Treatment As Prevention). C’est pourquoi un dépistage au moins une fois dans la vie de toute personne de 15 à 70 ans et un dépistage répété des personnes appartenant aux populations les plus exposées sont actuellement recommandés en France 2,3.

Afin de contribuer à l’orientation et à l’évaluation de la politique de lutte contre le VIH, Santé publique France recueille, analyse et publie chaque année les données transmises par les professionnels de santé. Ainsi, cet article actualise les données précédemment publiées en décrivant d’une part, l’activité de dépistage en laboratoire de biologie médicale (à partir de la surveillance LaboVIH) et, d’autre part, les nombres de diagnostics d’infection à VIH et les circonstances des découvertes de séropositivité en France en 2018 (à partir de la déclaration obligatoire (DO) du VIH), et leur évolution par rapport aux années précédentes. La description des découvertes de séropositivité en 2018 en termes d’âge, sexe et mode de contamination a été publiée précédemment 4.

Objectifs et méthodes

Activité de dépistage du VIH (LaboVIH)

Les données d’activité de dépistage du VIH sont issues du système de surveillance LaboVIH, qui a pour objectifs (1) de suivre l’évolution du nombre de sérologies VIH réalisées et de sérologies confirmées positives ; (2) de calculer l’exhaustivité de la DO du VIH (de l’ordre de 70% à l’échelle nationale 5) à partir du nombre de sérologies positives, ce qui permet d’estimer le nombre réel de découvertes de séropositivité VIH. La surveillance LaboVIH inclut les sérologies réalisées par l’ensemble des laboratoires, quel que soit le lieu de prélèvement (ville, hôpital ou clinique, Centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic des infections par le VIH, les hépatites virales et les infections sexuellement transmissibles (CeGIDD), etc.), la présentation ou non d’une prescription médicale, l’anonymat ou pas, la gratuité ou pas. Elle inclut également les tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) réalisés par les laboratoires, mais exclut les sérologies VIH réalisées à l’occasion d’un don de sang (près de 3 millions par an).

Santé publique France sollicite chaque semestre tous les laboratoires de biologie médicale, publics et privés (environ 4 200 sites), pour recueillir le nombre de personnes testées pour le VIH et le nombre de personnes confirmées positives pour la première fois pour le laboratoire. Une personne est comptée plusieurs fois si elle a réalisé plusieurs sérologies dans l’année. Une sérologie positive n’est comptée qu’une seule fois pour un laboratoire donné, mais plusieurs fois si elle est confirmée par plusieurs laboratoires.

Les estimations présentées correspondent à l’activité de l’ensemble des laboratoires, qu’ils aient répondu ou non à LaboVIH. Les nombres de sérologies VIH réalisées et de sérologies positives ont été estimés en considérant que les laboratoires participants constituent un échantillon issu d’un plan de sondage stratifié sur la région et le type de laboratoire (hospitaliers ou de ville), afin d’utiliser les propriétés de l’estimateur de Horvitz-Thomson 6. Par convention, la catégorie « laboratoires hospitaliers » inclut les laboratoires des hôpitaux et cliniques, alors que celle des « laboratoires de ville » comprend, outre les laboratoires de ville privés, les centres de santé, dispensaires, etc. Les médianes des nombres de sérologies ont été préférées aux moyennes pour calculer les poids de sondage ajustés par la non-réponse, afin de générer des estimations plus robustes au biais de non-participation 7. Ces poids ont permis d’estimer les valeurs centrales en utilisant un estimateur par prédiction. Les variances des nombres de sérologies réalisées et de sérologies positives ont été estimées par bootstrap.

Les données présentées dans cet article sont le nombre de sérologies VIH réalisées, le taux de sérologies réalisées calculé comme le nombre de sérologies rapporté à la population, et le taux de positivité défini par la proportion de sérologies positives pour 1 000 sérologies réalisées, sur la période 2010-2018.

Circonstances de découverte de séropositivité VIH (DO du VIH)

L’analyse des circonstances de découverte de séropositivité VIH est basée sur les données de la DO du VIH (données du 31 mars 2019 corrigées pour les délais de déclaration, la sous-déclaration et les valeurs manquantes) 4,5 et sur les résultats du test d’infection récente, réalisé par le laboratoire associé du Centre national de référence (CNR) du VIH, au CHU de Tours 8. Ce test, réalisé sur les échantillons transmis par les biologistes réalisant la DO du VIH, permet de distinguer les contaminations de moins de six mois en moyenne au moment du diagnostic, des contaminations plus anciennes. La DO du VIH a pour objectifs de dénombrer et de décrire les personnes qui découvrent leur séropositivité au VIH 4 et de fournir des données permettant de calculer l’incidence du VIH 9,10.

Les variables utilisées sont le motif de réalisation de la sérologie ayant conduit au diagnostic, les antécédents de sérologie VIH et le diagnostic précoce ou à un stade avancé de l’infection. Les motifs de réalisation de la sérologie ont été regroupés en classes, utilisées pour la correction pour les valeurs manquantes. Les niveaux de détail plus fins (comme le bilan prénatal pour les femmes) et l’initiative de la sérologie n’ont pas été corrigés et sont donc présentés sur les données brutes, en excluant les valeurs manquantes. La définition utilisée ici pour le diagnostic « précoce » repose sur des données fournies soit par le biologiste (profil de séroconversion), soit par le clinicien (stade clinique de primo-infection), soit par le CNR du VIH (test d’infection récente positif). Cette définition du diagnostic précoce est restreinte par rapport à celle utilisée dans les précédentes publications des données de la DO VIH 11. L’ancienne définition incluait également les personnes non sida diagnostiquées avec 500 CD4/mm3 ou plus. Cette définition incluait probablement des personnes contaminées plusieurs années avant leur diagnostic, ce qui ne correspondait pas véritablement au terme « précoce ». Le stade « avancé » est défini par un stade sida ou un taux de lymphocytes CD4<200/mm3 au moment du diagnostic, en l’absence de primo-infection. Le stade « intermédiaire » correspond à l’ensemble des autres situations.

Les termes utilisés « hétérosexuels », « hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) » et « usagers de drogues injectables (UDI) » se rapportent au mode de contamination le plus probable, tel qu’indiqué par les cliniciens dans la DO.

Résultats

Activité de dépistage du VIH (LaboVIH)

Participation des laboratoires

Pour l’année 2018, 81% (3 422/4 227) des laboratoires de biologie médicale ont participé à l’enquête LaboVIH. Cette participation est en diminution par rapport aux années précédentes (87% en 2017), à la fois pour les laboratoires hospitaliers (de 92% en 2017 à 89% en 2018) et pour les laboratoires de ville (de 86% à 80%).

Comme chaque année, le taux de participation varie selon les régions (de 58% à 100%) et les départements (de 33% à 100%).

Sérologies VIH réalisées

Le nombre de sérologies VIH réalisées dans les 4 227 laboratoires de biologie médicale recensés en 2018 est estimé à 5,80 millions (intervalle de confiance à 95%, IC95%: [5,74-5,86]), en augmentation de 3% par rapport à 2017. L’activité de dépistage a augmenté régulièrement entre 2013 et 2018 (+11%) (figure 1).

Quel que soit le lieu de prélèvement, les sérologies sont réalisées pour les trois quarts d’entre elles, comme les années précédentes, par les laboratoires de ville (76%), et pour un quart (24%) par les laboratoires hospitaliers.

En 2018, environ 290 000 [261 458-319 286] sérologies VIH ont été réalisées dans un cadre anonyme, soit 5% de l’ensemble des sérologies. Le nombre de sérologies VIH réalisées dans un cadre anonyme a diminué depuis 2015 (-17%).

Figure 1 : Nombre de sérologies VIH réalisées et taux de positivité, France, 2010-2018
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Avec 1,47 millions [1,44-1,51] de sérologies réalisées en 2018, l’Île-de-France concentre un quart de l’activité nationale de dépistage.

Le taux de sérologies réalisées en 2018 est de 87 sérologies pour 1 000 habitants. Comme les années précédentes, les taux de sérologies pour 1 000 habitants sont plus élevés dans les départements français d’Amérique (DFA), en Île-de-France, à La Réunion, en Provence-Alpes-Côte d’Azur et à Mayotte (figure 2a).

Sérologies VIH confirmées positives

En 2018, le taux de positivité des sérologies VIH est de 1,88 [1,86-1,90] pour 1 000, en diminution par rapport aux années précédentes (-13% entre 2013 et 2018) (figure 1).

Ce taux est plus élevé pour les laboratoires hospitaliers, 4,92 [4,77-5,06] pour 1 000, que pour les laboratoires de ville : 0,925 [0,92-0,93] pour 1 000.

Le taux de positivité est plus élevé parmi les sérologies anonymes : 2,83 [2,54-3,11] pour 1 000 que parmi celles non anonymes : 1,83 [1,81-1,84] pour 1 000. Il ne diffère pas entre les sérologies anonymes effectuées en ville ou à l’hôpital. Le taux de positivité des sérologies anonymes a diminué au cours du temps (-22% entre 2013 et 2018).

Le taux de positivité est très variable selon les régions, de 0,7 à 6,9 pour 1 000. Comme les années précédentes, il est plus élevé dans les DFA (de 2,1 en Martinique à 6,9 en Guyane), en Île-de-France (3,3) et dans la région Centre-Val de Loire (2,7) (figure 2b).

Figure 2 : Taux de sérologies VIH pour 1 000 habitants (2a) et taux de positivité du VIH pour 1 000 sérologies réalisées (2b), par région. France 2018
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Circonstances de découverte de séropositivité VIH (DO du VIH)

L’ensemble des tests VIH réalisés en 2018 a conduit à la découverte de séropositivité chez 6 155 personnes [5 897-6 412], nombre en diminution de 7% par rapport à 2017, après plusieurs années de stabilité. Cette diminution s’observe principalement chez les personnes nées en France (-9%).

L’évolution du nombre de découvertes de séropositivité sur les cinq dernières années a été décrite précédemment 4. Elle diffère selon le mode de contamination et le sexe (figure 3) :

diminution chez les HSH nés en France (-16%, p<0,001) mais augmentation chez les HSH nés à l’étranger (+38%, p<0,001) ;

diminution chez les hétérosexuels (hommes et femmes) nés en France (-22%, p=0,001) ;

stabilité chez hétérosexuels nés à l’étranger, observée chez les femmes alors qu’une diminution est observée chez les hommes (-14%, p=0,002) ;

diminution chez les UDI (-27%, p=0,006).

Figure 3 : Nombre de découvertes de séropositivité VIH par mode de contamination, sexe et lieu de naissance. France 2010-2018
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Motif de réalisation de la sérologie VIH ayant permis le diagnostic

Parmi les personnes ayant découvert leur séropositivité en 2018, les motifs de réalisation de la sérologie VIH les plus fréquemment rapportés sont la présence de signes cliniques (1) ou un bilan biologique évocateurs d’infection à VIH (26%), un bilan systématique (20%) et un dépistage dit orienté (par la présence d’une infection concomitante comme une infection sexuellement transmissible (IST) ou une hépatite virale, une exposition ancienne au VIH ou l’appartenance à une population exposée) (20%). Les sérologies réalisées à la suite d’une exposition récente au VIH ne représentent que 13% des découvertes. Après une augmentation de la part des dépistages orientés et une diminution de la part des découvertes réalisées à la suite de la présence de signes cliniques ou en raison d’une exposition récente, la répartition des motifs de réalisation du test s’est stabilisée entre 2015 et 2018.

Cette répartition varie selon le mode de contamination et le pays de naissance (figure 4).

Figure 4 : Répartition des découvertes de séropositivité VIH selon le motif de réalisation de la sérologie ayant permis le diagnostic. France 2010-2018
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La présence de signes cliniques ou d’un bilan biologique évocateur reste le premier motif de réalisation du test ayant permis le diagnostic chez les hétérosexuels nés en France (36%) et les UDI (31%).

Les hétérosexuels nés à l’étranger sont plus souvent diagnostiqués à l’occasion d’un bilan systématique (30%), notamment un bilan prénatal chez les femmes (19% (2) des femmes nées à l’étranger). Le dépistage orienté concerne environ 20% des découvertes chez les HSH et les hétérosexuels, qu’ils soient nés en France ou à l’étranger, plus rarement chez les UDI (12%). L’exposition récente au VIH est un motif de dépistage plus fréquent chez les HSH nés en France découvrant leur séropositivité (23%) que chez ceux nés à l’étranger (16%). Aucune évolution significative de la répartition de ces motifs de dépistage n’a été observée sur les trois dernières années chez les personnes nées en France découvrant leur séropositivité, que ce soit chez les HSH ou les hétérosexuels (figure 4). Les hétérosexuels nés à l’étranger constituent la seule population pour laquelle la part des dépistages orientés parmi les découvertes de séropositivité continue à augmenter.

Parmi les découvertes de séropositivité en 2018, 21% résultaient d’une sérologie réalisée à la demande du patient et 79% à l’initiative du professionnel de santé (3). Les HSH ont plus souvent l’initiative de la demande de sérologie (30%) que les hétérosexuels (16%). Cette répartition est différente quand le motif du test est une exposition récente au VIH : dans cette situation, la sérologie est majoritairement à l’initiative du patient (54%).

Diagnostics précoces

Les diagnostics précoces, définis par un profil de séroconversion, un stade clinique de primo-infection ou un test d’infection récente positif, représentent 25% des découvertes chez les adultes en 2018, proportion stable par rapport aux années précédentes.

La part des diagnostics précoces varie avec le mode de contamination et le pays de naissance (figure 5). Elle est plus élevée chez les HSH : 42% chez ceux nés en France, 26% chez ceux nés à l’étranger. Chez les hétérosexuels, elle est deux fois plus élevée parmi ceux nés en France (29%) que parmi ceux nés à l’étranger (13%). Chez les UDI, elle est plus faible : 8%. Aucune évolution notable de ces proportions n’est observée sur les trois dernières années dans ces populations.

Figure 5 : Découvertes de séropositivité VIH selon le caractère précoce, intermédiaire ou à un stade avancé de l’infection, du diagnostic. France 2010-2018
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En 2018, plus de 1 500 personnes ont été diagnostiquées précocement pour leur infection à VIH : environ 750 HSH nés en France, 300 hétérosexuels nés à l’étranger, 250 hétérosexuels nés en France, 200 HSH nés à l’étranger et 10 UDI.

Diagnostics à un stade avancé

Depuis 2013, la part des diagnostics à un stade avancé de l’infection (stade sida ou <200 CD4/mm3, hors primo-infection) parmi les découvertes de séropositivité reste stable ; elle est de 29% en 2018.

La part des diagnostics à un stade avancé reste plus importante chez les UDI (55% en 2018) que chez les hétérosexuels (35%), et plus faible chez les HSH (21%) (figure 5). Elle est plus élevée parmi les personnes nées à l’étranger (33%) que parmi celles nées en France (24%).

En 2018, environ 1 700 personnes ont découvert leur séropositivité alors qu’elles étaient déjà à un stade avancé de l’infection à VIH : cela concerne environ 850 hétérosexuels nés à l’étranger, environ 300 HSH nés en France, près de 300 hétérosexuels nés en France, environ 150 HSH nés à l’étranger et 80 UDI.

Antécédents de dépistage

Plus de la moitié (52%) des personnes découvrant leur séropositivité en 2018 n’avaient jamais été testées pour le VIH auparavant, un tiers (33%) avaient été testées un an ou plus avant leur diagnostic et 15% dans l’année précédant leur diagnostic. Cette proportion est très différente selon le mode de contamination et le pays de naissance. Les hétérosexuels sont moins testés que les HSH et les personnes nées à l’étranger moins que celles nées en France.

La part des personnes jamais testées est la plus élevée chez les hétérosexuels nés à l’étranger (66%) et la part des personnes déjà testées dans l’année précédant la découverte est la plus élevée chez les HSH nés en France (29%) (figure 6).

Figure 6 : Découvertes de séropositivité VIH selon les antécédents de dépistage. France 2010-2018
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Parmi trois populations faisant l’objet de recommandations de dépistage répété (HSH, personnes nées en Afrique subsaharienne et UDI), la part de celles ayant été testées dans l’année précédant leur diagnostic est minoritaire : respectivement de 27%, 7% et 5%. Un tiers (33%) des HSH diagnostiqués en 2018 n’avaient jamais été testés pour le VIH auparavant, cette proportion atteint 65% chez les personnes nées en Afrique subsaharienne (65% chez les femmes et 64% chez les hommes) et 81% chez les UDI.

Discussion

Avec 5,8 millions de sérologies VIH réalisées en 2018, l’activité de dépistage continue à progresser en France. Ce nombre, en augmentation régulière depuis 2013, pourrait encore augmenter avec la mise en place dans chaque région, à compter de 2019, de campagnes annuelles de dépistage du VIH, des hépatites et des IST. Le nombre de sérologies VIH réalisées dans un cadre anonyme a en revanche diminué depuis 2015, probablement en lien avec la disparition des Consultations de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) en janvier 2016, remplacées par les Cegidd, dans lesquels l’anonymat est possible, mais pas systématique.

Cette évolution est également constatée dans le système national des données de santé (SNDS), qui fournit des informations sur les sérologies VIH réalisées dans le secteur privé et ayant fait l’objet d’un remboursement 12. Une extraction réalisée à partir des données du SNDS montre une tendance à l’augmentation du nombre de sérologies remboursées depuis 2013 avec, entre 2017 et 2018, une augmentation plus marquée (+7%). L’intérêt de ces données est surtout de fournir des informations sur l’âge et le sexe des personnes testées : en 2018, 3,8 millions de sérologies VIH ont été remboursées, dont 64% pour des hommes et 36% pour des femmes. La majorité (62%) de ces sérologies ont bénéficié à des adultes de 25 à 49 ans, 19% à des jeunes de 15 à 24 ans et 18% à des seniors de 50 ans et plus.

L’augmentation de l’activité de dépistage s’est accompagnée d’une baisse du taux de positivité. Le taux de positivité des sérologies VIH reste plus élevé lorsqu’elles sont réalisées dans un cadre anonyme, cette modalité de dépistage bénéficie donc toujours à une population plus exposée. Néanmoins, le taux de positivité diminue à la fois parmi les sérologies anonymes et non anonymes. Cela peut indiquer, par rapport aux années précédentes, que le dépistage a moins bénéficié aux populations les plus exposées au VIH, ou que le nombre de personnes vivant avec le VIH, mais non encore diagnostiquées diminue ou encore que l’incidence du VIH (nombre de nouvelles contaminations) diminue.

Les données de dépistage du VIH issues de LaboVIH permettent de suivre l’évolution de l’activité de dépistage, mais représentent des nombres de sérologies, et non des nombres de personnes. Une même personne testée positive plusieurs fois dans plusieurs laboratoires différents (volonté de confirmation, nouveau test réalisé à l’occasion d’un déménagement ou d’un changement de lieu de prise en charge, etc.) est comptée plusieurs fois dans ce système de surveillance.

Les données sur l’activité de dépistage présentées ici reposent sur les informations fournies par les biologistes via LaboVIH. Par rapport aux années précédentes, leur participation à LaboVIH a diminué, en lien probablement avec leur charge de travail importante et leurs multiples sollicitations. Si les méthodes de correction utilisées permettent d’obtenir une estimation fiable de l’activité de dépistage du VIH à l’échelle nationale, la baisse de participation pose problème pour la fiabilité des estimations aux échelles régionale et départementale. Ces données servant également à l’estimation d’autres indicateurs importants que sont le nombre de découvertes de séropositivité et l’incidence du VIH, toute diminution de participation à LaboVIH compromet aussi la production de ces indicateurs à une échelle géographique fine. Pour pallier ces difficultés, une solution à moyen terme serait de mettre en place une extraction de données à partir des systèmes d’information des laboratoires. Dans cette attente, une forte implication de l’ensemble des professionnels de santé dans la surveillance reste nécessaire.

Les circonstances de découvertes de séropositivité permettent d’éclairer les évolutions du nombre et des caractéristiques des personnes diagnostiquées. Le nombre de découvertes de séropositivité VIH et l’incidence du VIH sont deux indicateurs différents et à ne pas confondre. En effet, les personnes qui découvrent leur séropositivité une année donnée ont pu être contaminées une ou plusieurs années auparavant. Les évolutions de ces deux indicateurs, nombre de découvertes et incidence, ne sont pas simultanées en raison du délai entre la contamination et le diagnostic (délai médian estimé à 3,3 ans 9). La diminution du nombre de diagnostics en 2018 pourrait résulter d’un plus faible recours au dépistage des personnes infectées, d’une diminution de l’incidence au cours des dernières années, ou d’une diminution du nombre de personnes infectées mais non diagnostiquées ; les données disponibles permettent d’explorer ces explications possibles :

Les antécédents de recours au dépistage avant le diagnostic et la part des diagnostics précoces ou à un stade avancé de l’infection n’ont pas varié au cours des trois dernières années. Cette stabilité n’est pas en faveur d’une modification récente du recours au dépistage des personnes vivant avec le VIH ;

Les dernières estimations disponibles pour l’incidence faisaient état d’environ 5 700 à 6 600 contaminations en 2014 9,10. Une tendance à la diminution globale de l’incidence était déjà observée à cette date. Ces estimations, réalisées à partir des données sur les découvertes de séropositivité, seront réactualisées en incluant les découvertes de 2018 et permettront de mettre en évidence l’évolution de l’incidence depuis 2014 ;

Les proportions de diagnostics précoces, intermédiaires et à un stade avancé sont stables sur les trois dernières années. Cela indique que la diminution du nombre de découvertes observée en 2018 concerne de manière proportionnée les personnes contaminées quelques mois avant leur diagnostics (qui sont donc des cas incidents) et des personnes contaminées auparavant, mais jamais testées (épidémie « cachée » 13). Les diagnostics précoces étant minoritaires (27%), même chez les HSH nés en France (44%) qui sont les principaux bénéficiaires de la diminution du nombre de diagnostics, on peut en conclure que les contaminations anciennes ont plus de poids dans la diminution du nombre de diagnostics que l’incidence en 2018.

La diminution récente du nombre global de découvertes de séropositivité résulte d’évolutions différentes selon les groupes de population. Aucune diminution n’est observée chez les femmes hétérosexuelles nées à l’étranger ni chez les HSH nés à l’étranger, ce qui pourrait être expliqué par des raisons différentes : chez les femmes, une vulnérabilité liée au parcours migratoire et à l’arrivée sur le territoire qui les expose au VIH, un bénéfice moindre du TASP en raison d’un dépistage tardif chez leurs partenaires masculins ; chez les HSH, un recours au dépistage qui pourrait avoir augmenté sur les années récentes mais qui reste tardif et un accès moindre à la PrEP (prophylaxie pré-exposition). Il est donc nécessaire de porter également une attention particulière à ces populations

L’analyse des antécédents de recours au test du VIH des personnes qui découvrent leur séropositivité montre que plus de la moitié d’entre elles (un tiers des HSH, deux tiers des personnes nées en Afrique subsaharienne et plus de 80% des UDI) n’avaient jamais été testés avant leur diagnostic. Ces proportions ne montrent aucune tendance à la diminution depuis 2013. Le recours au dépistage dans ces populations est donc bien en deçà des dernières recommandations de la haute Autorité de santé. Celle-ci préconisait en 2017 2 le maintien de la proposition de dépistage généralisé à la population générale et l’augmentation de la fréquence de dépistage du VIH au sein des populations les plus exposées au VIH : HSH (tous les trois mois), personnes originaires de zones de forte prévalence de l’infection, notamment d’Afrique subsaharienne et des caraïbes, et UDI (tous les ans). Le non recours au test du VIH d’une partie des populations exposées est aussi retrouvé dans les enquêtes de comportement. Ainsi, dans la population décrite par l’enquête Rapport au sexe (ERAS) 2019 14, 15% des HSH n’avaient jamais réalisé de dépistage du VIH.

Conclusion

Le nombre de découvertes de séropositivité diminue en 2018, après plusieurs années de stabilité, dans un contexte où l’activité de dépistage continue à augmenter. Cette diminution, ne concernant que la dernière année, restera à confirmer avec une année de recul supplémentaire. En effet, en raison des délais de déclaration, l’incertitude associée aux estimations issues de la déclaration obligatoire du VIH est toujours plus importante sur le dernier point. La diminution du nombre de découvertes concerne principalement les HSH et les hétérosexuels nés en France, pour lesquels les recours au test en amont du diagnostic et les diagnostics précoces sont plus fréquents que chez les hétérosexuels nés à l’étranger ou les UDI. Cette diminution est probablement le reflet d’une diminution du nombre de personnes infectées, mais non encore diagnostiquées et/ou d’une diminution de l’incidence depuis plusieurs années.

Néanmoins, environ 1 700 personnes ont été diagnostiquées à un stade avancé de l’infection en 2018, dont 450 HSH, plus de 1 100 hétérosexuels et près de 100 UDI. Dans une perspective de réduction de l’épidémie, il est indispensable de poursuivre la sensibilisation à la nécessité du dépistage du VIH auprès des populations les plus concernées par ce retard au diagnostic et auprès des professionnels de santé à leur contact.

Remerciements

Nous remercions les biologistes qui participent à LaboVIH et à la déclaration obligatoire (DO) du VIH ; les cliniciens et les techniciens d’études cliniques qui participent à la déclaration obligatoire du VIH et du sida ; les CoreVIH ; les médecins de santé publique en agence régionale de santé et leurs collaborateurs.
Au sein de Santé publique France, nous remercions :

la direction appui, traitement et analyses de données (DATA) pour le suivi d’e-DO (Daniel Dubois), l’extraction des données du SNDS (Elodie Moutengou) et le soutien pour la réalisation des graphiques (Pascale Bernillon) ;

la direction des systèmes d’information (DSI) pour le soutien à e-DO (Jérémie Saillant) ;

les cellules régionales pour l’animation du réseau de déclarants en région et la valorisation des données régionales.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

1 Prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH.Recommandations du groupe d’experts. Sous la direction du Pr Philippe Morlat et sous l’égide du CNS et de l’ANRS.Chapitre Prévention et dépistage. [Internet]. 2019. https://cns.sante.fr/actualites/prise-en-charge-du-vih-recommandations-du-groupe-dexperts/
2 Haute Autorité de santé. Réévaluation de la stratégie de dépistage de l’infection à VIH en France. Synthèse, conclusions et recommandations. Saint-Denis: HAS; 2017. 41 p. https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/
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3 Stratégie nationale de santé sexuelle. Agenda 2017-2030. Paris: Ministère des Affaires sociales et de la Santé ; 2017. 75 p. https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/strategie_nationale_sante_sexuelle.pdf
4 Bulletin de santé publique VIH/Sida. Octobre 2019. Découvertes de séropositivité VIH et diagnostics de sida. France, 2018. Saint-Maurice: Santé publique France; 2019. 6 p. https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/infections-sexuellement-transmissibles/vih-sida/documents/bulletin-national/bulletin-de-sante-publique-vih-sida.-octobre-2019
5 Bulletin de santé publique infection à VIH. Surveillance de l’infection à VIH (dépistage et déclaration obligatoire), 2010-2017. Saint-Maurice: Santé publique France; 2019. 6 p. https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/infections-sexuellement-transmissibles/vih-sida/documents/bulletin-national/bulletin-de-sante-publique-infection-a-vih.-mars-2019.
6 Horvitz DG, Thompson DJ. A generalization of sampling without replacement from a finite universe. JASA. 1952; 47(260):663-85.
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10 Sommen C, Cazein F, Le Strat Y, Pillonel J, Lot F, Le Vu S, et al. Updated estimates of HIV incidence for France, 2003-2014. 9th IAS Conference on HIV Science; 2017 July 23-26, Paris, France.
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12 Tuppin P, Rudant J, Constantinou P, Gastaldi-Ménager C, Rachas A, de Roquefeuil L, et al. Value of a national administrative database to guide public decisions: From the système national d’information interrégimes de l’Assurance maladie (SNIIRAM) to the système national des données de santé (SNDS) in France. Rev Epidemiol Sante Publique. 2017; Suppl 4: S149-S67.
13 Prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH. Recommandations du groupe d’experts. Sous la direction du Pr Philippe Morlat et sous l’égide du CNS et de l’ANRS. Chapitre Épidémiologie de l’infection à VIH en France. [Internet]. 2019. https://cns.sante.fr/actualites/prise-en-charge-du-vih-recommandations-du-groupe-dexperts/
14 Velter A, Duchesne L, Lydié N. Augmentation du recours répété au dépistage VIH parmi les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes en France entre 2017 et 2019. Résultats de l’enquête Rapport au Sexe. Bull Epidémiol Hebd. 2019;(31-32):648-56. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2019/31-32/2019_31-32_5.html

Citer cet article

Cazein F, Sommen C, Pillonel J, Bruyan M, Ramus C, Pichon P, et al. Activité de dépistage du VIH et circonstances de découverte de l’infection à VIH, France 2018. Bull Epidémiol Hebd. 2019;(31-32):615-24. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2019/31-32/2019_31-32_1.html

(1) Pouvant correspondre à une primo-infection symptomatique ou à des signes cliniques évocateurs d’une infection plus ancienne
(2) Proportion calculée sur les données brutes, à partir des 54% de découvertes chez les femmes pour lesquelles pays de naissance et motif de réalisation de la sérologie sont renseignés en 2018.
(3) Proportions calculées sur les données brutes, à partir des 53% de découvertes pour lesquelles l’initiative de la demande de sérologie est renseignée en 2018.