Activité de dépistage et diagnostic du VIH, des Hépatites B et C, et des autres IST en CeGIDD, France, 2018

// Screening activity and diagnosis of HIV, Hepatitis B and C, and other STIs in CeGIDD, France, 2018

Corinne Pioche1 (corinne.pioche@santepubliquefrance.fr), Ndeindo Ndeikoundam1, Aminata Sarr2, Françoise Cazein1, Mathias Bruyand1, Delphine Viriot1, Jean-Christophe Comboroure2, Sophie Florence3, André Cabié4, Nadia Valin5, Pervenche Martinet6, Josiane Pillonel1, Florence Lot1
1 Santé publique France, Saint Maurice, France
2 Direction générale de la santé (DGS), Paris, France
3 CeGIDD Le figuier, Paris, France
4 Corevih de Martinique, Fort-de-France, France
5 CeGIDD, Hôpital St Antoine, Paris, France
6 CeGIDD, Conseil départemental des Bouches-du-Rhône, France
Soumis le 11.09.2019 // Date of submission: 09.11.2019
Mots-clés : CeGIDD | Dépistage | Diagnostic | Hépatite B | Hépatite C | VIH | Syphilis | Gonococcie | Chlamydia trachomatis | HPV | IST | Infection sexuellement transmissible
Keywords: CeGIDD | Screening | Diagnosis | Hepatitis B virus | Hepatitis C virus | HIV | Syphilis | Gonococcal infection | Chlamydia trachomatis | HPV | STI | Sexually Transmitted Infection

Résumé

Introduction –

Les Centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) ont été mis en place en France en 2016, avec des missions élargies en santé sexuelle. Cet article présente l’activité de dépistage du VIH, des hépatites B (VHB) et C (VHC) et autres infections sexuellement transmissible (IST), ainsi que l’activité de vaccination menées par les CeGIDD en 2018. Il montre aussi leur évolution depuis 2016.

Méthode –

Les CeGIDD renseignent chaque année un rapport d’activité et de performance (RAP), destiné à l’agence régionale de santé (ARS) puis centralisé par la Direction générale de la santé (DGS). Ont été exploitées les données sur le nombre de consultations médicales, le profil des consultants, l’activité de dépistage et de diagnostic des infections à VIH, VHB, VHC, Chlamydia trachomatis (CT), gonocoque et papillomavirus, de la syphilis (nombre de tests réalisés par sexe et nombre de tests positifs par sexe), ainsi que l’activité de vaccination contre l’hépatite B et le papillomavirus.

Résultats –

En 2018, le nombre de consultations médicales réalisées, renseigné par 279 CeGIDD parmi les 317 existants, s’élève à 746 000. Parmi les consultants, 59,0% étaient des hommes, 40,8% des femmes et 0,2% des personnes transgenres. Près des deux tiers (64,3%) étaient des femmes de moins de 25 ans ou des hommes de moins de 30 ans, proportion en augmentation par rapport à 2016 (54,1%). En 2018 les taux de positivité étaient de : 6,72% pour les infections à CT, 2,92% pour la gonococcie, 1,43% pour la syphilis, 1,20% pour le VHB, 0,73% pour le VHC et 0,38% pour le VIH. Les taux de positivité des infections à CT, du VIH et du VHC ont diminué de manière significative sur 2016-2018, et pour la syphilis sur 2017-2018. L’activité de vaccination contre le VHB ou contre l’HPV a fortement augmenté entre 2016 et 2018, toutefois, le nombre de vaccinations débutées reste moindre que le nombre d’indications vaccinales.

Conclusion –

Les CeGIDD accueillent des personnes plus exposées au VIH, au VHB et aux autres IST, comme en témoignent des taux de positivité plus élevés que ceux retrouvés en population générale. Les données 2016-2018 montrent néanmoins une diminution de ces taux de positivité pour plusieurs IST dont le VIH, sans doute en lien avec une hausse de la part de jeunes consultants.

Abstract

Introduction –

The Free Centers for Information, Screening and Diagnosis (CeGIDD) was implemented in France 2016, with expanded missions in sexual health. This article presents the screening activity of screening for HIV, hepatitis B and C and other STIs and the vaccination activity reported by the CeGIDD centers in 2018, as well as their evolution since 2016.

Methods –

The CeGIDDs provide an annual report (activity and performance report) for the Regional Health Agencies (ARS), which is them centralized by the General Directorate for Health (DGS). The data used was based on the number of medical consultations, the profile of consultants, the activity of screening and diagnosis of HIV, HBV, HCV, Chlamydia trachomatis (CT), gonorrhea, and papillomavirus, and syphilis infections (number of tests performed by sex and number of positive tests by sex), as well as the vaccination activity against hepatitis B and papillomavirus.

Results –

In 2018, the number of medical consultations carried out was reported by 279 CeGIDD, among the 317 existing ones, and amounts to 746,000. Of the consultants, 59.0% were men, 40.8% were women and 0.2% of transgender people. Nearly two-thirds (64.3%) were women under 25 or men under 30, an increase from 54.1% in 2016. In 2018, the positivity rates were 6.72% for CT infections, 2.92% for gonorrhea, 1.43% for syphilis, 1.20% for HBV, 0.73% % for HCV and 0.38% for HIV. Positivity rates for CT infections, HIV and HCV infections have significantly decreased in 2016-2018 and syphilis in 2017-2018. The HBV or HPV vaccination activity increased significantly between 2016 and 2018, however, the number of vaccinations started remains lower than the number of vaccine indications.

Conclusion –

CEGIDD centers capture a population at higher risk of HIV, HBV and other STIs, as evidenced by higher positivity rates than those found in the general population. The 2016-2018 data nevertheless show a decrease in these positivity rates for several STIs including HIV, probably related to an increase in the proportion of young consultants.

Introduction

Créés par la loi de finances de la sécurité sociale de 2015, les CeGIDD, Centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic des infections par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles (IST), ont été mis en place au 1er janvier 2016 sous la responsabilité des Agences régionales de santé (ARS). Les CeGIDD ont pour missions la prévention, le dépistage et le diagnostic des infections par le VIH, des hépatites virales et des autres IST, le traitement ambulatoire des IST, ainsi que la prévention des autres risques liés à la sexualité dans une approche globale de santé sexuelle (vaccination, éducation à la sexualité, prescription de contraception, détection des violences et des troubles sexuels). Les CeGIDD ont vocation à accueillir tout consultant, mais doivent porter une attention particulière aux populations les plus exposées ou les plus éloignées du système de soins.

Les informations sur l’activité de ces structures et sur les populations accueillies sont des indicateurs utiles à la mise en œuvre et à l’évaluation de la stratégie nationale de santé sexuelle 1. Chaque année, les CeGIDD doivent transmettre un rapport d’activité et de performance (RAP) à leur ARS via une plateforme dématérialisée. Ces RAP sont ensuite compilés par la Direction générale de la santé (DGS), ce qui a permis de dresser un bilan de la première année de fonctionnement des CeGIDD 2. Afin de suivre l’activité de dépistage du VIH, des hépatites et des autres IST, ainsi que l’activité de vaccination au sein des CeGIDD, les données épidémiologiques des RAP ont été analysées pour l’année 2018 et sur la période 2016-2018.

Méthode

Dans les RAP, les CeGIDD fournissent des données sur leur fonctionnement (horaires d’ouverture, existence éventuelle d’antennes (1), personnel) et leur budget, ainsi que des données agrégées sur leurs activités (actions réalisées « hors les murs », nombre de consultations et motifs, quelques caractéristiques sur les publics accueillis, activité de dépistage). Dans le cadre de cet article, seuls les résultats concernant le nombre de consultations médicales – dont la proportion de consultations pour prophylaxie pré-exposition au VIH (PrEP) –, le profil des consultants ainsi que l’activité de dépistage et de vaccination sont présentés.

Données analysées

Les analyses ont porté sur les bases de données des RAP de 2016, 2017 et 2018. Pour chaque année, le taux de réponse a été calculé sur la base des CeGIDD ayant fourni le nombre de consultations médicales réalisées, rapporté au nombre de CeGIDD recensées lors de la réalisation du premier bilan d’activité 2.

Les données concernant les publics accueillis ont permis de comptabiliser le nombre total d’hommes, de femmes et de personnes transgenres ayant consulté, ainsi que le nombre de femmes de moins de 25 ans et d’hommes de moins de 30 ans. Par ailleurs, a été analysés le nombre de consultants plus particulièrement exposés, selon les 6 catégories définies dans le RAP : hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), hétérosexuel(le)s multipartenaires (≥2 partenaires dans les 12 derniers mois), migrants, usagers de drogues (UD), personnes en situation de prostitution et personnes en situation de précarité. À noter qu’une même personne pouvait être comptabilisée dans plusieurs de ces catégories.

Concernant l’activité de dépistage, ont été analysés le nombre de tests réalisés et le nombre de diagnostics, de façon globale et par sexe, pour les infections suivantes : infection à VIH, hépatite B (Ag HBs), hépatite C (Ac anti-VHC), syphilis (hors cicatrice sérologique), infection à gonocoque – par culture et/ou réaction en chaîne par polymérase (PCR), quelle que soit la localisation –, infection à Chlamydia trachomatis (CT) par PCR, en distinguant les femmes de plus ou moins 25 ans et les hommes de plus ou moins 30 ans, et infection à papillomavirus (HPV) : nombre de frottis réalisés, de pathologies cervico-utérines et de diagnostics de condylomes. L’activité de dépistage par test rapide d’orientation diagnostique (TROD) a aussi été analysée pour le VIH et le VHC (virus de l’hépatite C), de façon indépendante à l’activité de dépistage par sérologie.

L’activité de vaccination (nombre de personnes ayant une recommandation vaccinale contre le VHB ou l’HPV, nombre de personnes ayant débuté une de ces deux vaccinations et nombre de doses de vaccin injectées) a également été analysée.

Analyse statistique

L’activité de consultations médicales a été décrite pour chaque région par le nombre total et le nombre médian, plutôt que le nombre moyen, afin de donner un moindre poids aux valeurs extrêmes. Il en a été de même pour la description des publics accueillis au niveau national.

Concernant l’activité de dépistage, des taux de positivité ont été calculés en rapportant le nombre de tests positifs sur le nombre total de tests réalisés. Le nombre de tests réalisés et les taux de positivité ont été présentés par région, par sexe et, pour l’infection à CT, par classe d’âge. La comparaison des médianes a été réalisée à l’aide du test de Wilcoxon avec un seuil de significativité de 5%. Les évolutions des taux de positivité ont été testées par un Chi2 de tendance. L’analyse des données a été réalisée avec le logiciel Stata 14.2 (Stata Corporation, Collège Station, Texas, États-Unis).

Résultats

Sur les 317 CeGIDD recensés en 2016, 279 ont transmis leur nombre de consultations médicales réalisées en 2018, soit un taux de réponse de 88%, stable par rapport aux deux années précédentes (85% en 2016 et 89% en 2017). Ce taux variait selon les régions, il était plus faible en 2018 notamment en Île-de-France et en Bourgogne-Franche-Comté. Dans ces deux régions, il a diminué par rapport à 2016 (tableau 1).

Tableau 1 : Activité de consultation médicale des CeGIDD selon la région, données RAP-CeGIDD, 2016-2018
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Le nombre total de consultations médicales déclarées en 2018 s’élevait à 746 248. Parmi ces consultations, 22 909 (3,1%) étaient des consultations initiales ou de suivi d’une PrEP, proportion en augmentation par rapport à 2016 (0,4%). Le nombre médian de consultations médicales par CeGIDD a augmenté, passant de 1 269 en 2016 à 1 422 en 2018 (tableau 1). La médiane de consultations médicales par région était plus élevée en 2018 en Martinique, Guyane, Bretagne et Île-de-France.

En 2018, les CeGIDD ont accueilli un total de 402 487 consultants, dont 237 591 hommes (59,0%), 164 181 femmes (40,8%) et 715 personnes transsexuelles (0,2%). Les consultants étaient majoritairement (64,3%) de jeunes adultes (moins de 25 ans chez les femmes et moins de 30 ans chez les hommes), proportion qui a augmenté par rapport à 2016 (54,1%). La proportion de mineurs était de 7,3% parmi l’ensemble des consultants.

La répartition des publics plus particulièrement exposés, pour lesquels l’information était disponible, est présentée dans le tableau 2. Le nombre médian d’hétérosexuel(le)s multipartenaires accueillis au niveau national était le plus important et a augmenté entre 2016 et 2018. Venaient ensuite les personnes migrantes, les HSH, les personnes en situation de précarité et les UD.

Tableau 2 : Description des consultants accueillis en CeGIDD et plus particulièrement exposés, données des RAP CeGIDD, 2016-2018
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Activité de dépistage et taux de positivité du VIH

En 2018, 322 019 sérologies VIH ont été réalisées en CeGIDD (nombre stable par rapport à 2016) et 1 231 ont été confirmées positives (dont 1 038 étaient des découvertes de séropositivité et 193 réalisées chez des personnes qui connaissaient déjà leur positivité), soit un taux de positivité de 0,38%. Ce taux était plus élevé chez les hommes que chez les femmes (0,43% versus 0,30% ; p<10-3), et a diminué par rapport à 2016 (0,45%, p<10-4) (tableau 3).

Tableau 3 : Activité de dépistage* et taux de positivité du VIH, des Hépatites B et C et des IST selon le sexe,
données des RAP CeGIDD, 2016-2018
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Les taux de positivité les plus élevés (supérieurs à 0,50%) ont été observés en Guyane (1,14%), Martinique (0,75%), Île-de-France (0,59%) et Guadeloupe (0,57%), (tableau 4).

Tableau 4 : Taux de positivité* (%) du VIH, des hépatites B et C et des IST selon la région, données des RAP-CeGIDD, 2016-2018
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Le nombre de TROD VIH réalisés a augmenté, passant de 44 340 en 2016 à 50 720 en 2018, tandis que le taux de positivité a diminué, de 0,53% à 0,43%.

Activité de dépistage et taux de positivité du VHB et du VHC

Le nombre de dépistages de l’Ag HBs était de 220 895 en 2018, dont 2 647 ont été retrouvés positifs, soit un taux de positivité de 1,20% (tableau 3). Ce taux a fluctué entre 2016 et 2018.

En 2018, les taux de positivité les plus élevés étaient retrouvés dans les régions Centre-Val de Loire (3,37%), Guyane (2,02%), Normandie (1,47%) et Île-de-France (1,45%). (tableau 4).

En ce qui concerne l’hépatite C, le nombre de recherches des Ac anti-VHC était de 207 999 en 2018 (+12% par rapport à 2016), dont 1 516 étaient positifs. Le taux de positivité était de 0,73% et a diminué par rapport à 2016 (0,83%, p=0,001). Il était plus élevé chez les hommes que chez les femmes (respectivement 0,89% versus 0,46% en 2018 ; p<10-3) et diminuait pour les deux sexes sur la période.

En 2018, ce taux dépassait 1% dans les régions Centre-Val de Loire (1,76%) et hauts-de-France (1,30%).

Le nombre de TROD VHC réalisés a plus que doublé entre 2016 et 2018, passant de 2 190 à 5 306, alors que le taux de positivité est resté stable sur la période (1,5%).

Activité de dépistage et taux de positivité de la syphilis

En 2018, le nombre de sérologies de dépistage de la syphilis était de 220 405 (+11% par rapport à 2016) (tableau 3). Le nombre de syphilis diagnostiqués en 2018 était de 3 160, dont 2 062 syphilis récentes (contaminations datant de moins de 1 an). Alors que le nombre de syphilis diagnostiquées était stable entre 2016 et 2018, la part des syphilis récentes a augmenté passant de 47% à 65%.

Le taux de positivité de la syphilis a fluctué entre 2016 (1,51%) et 2018 (1,43%), avec une diminution significative entre 2017 et 2018 (p=0,005). Il était 7 fois plus élevé chez les hommes (2,02%) que chez les femmes (0,29%). Il était également plus élevé dans les régions hauts-de-France (2,68%), Martinique (2,48%), La Réunion (1,97%), Île-de-France (1,78%) et Occitanie (1,77%). (tableau 4).

Activité de dépistage et taux de positivité de la gonococcie

Le nombre de dépistages de la gonococcie réalisés par PCR et/ou culture était de 305 535 en 2018 (+75% par rapport à 2016) (tableau 3). Cette augmentation a concerné aussi bien les hommes que les femmes.

Le nombre de gonococcies diagnostiquées a également augmenté de 75%, passant de 5 079 diagnostics en 2016 à 8 916 en 2018. Le taux de positivité est donc resté stable sur la période (2,92%). Il était plus élevé chez les hommes que chez les femmes (respectivement 3,83% versus 1,23% en 2018 ; p<10-3). En France métropolitaine, les taux étaient supérieurs à 3% dans les régions Occitanie (4,38%), Île-de-France (3,87%) et hauts-de-France (3,12%), tandis que dans les DOM, étaient concernées la Guyane (3,80%), la Martinique (3,70%) et la Guadeloupe (3,19%) (tableau 4).

Activité de dépistage et taux de positivité de l’infection à CT

En 2018, le nombre de dépistages de CT était de 332 004 (+37% par rapport à 2016) (tableau 3). Le taux de positivité a diminué, passant de 7,97% en 2016 à 6,72% en 2018 (p<10-4). Il était plus élevé chez les femmes que chez les hommes (respectivement 8,09% versus 6,32% en 2018 ; p <10-3).

Parmi les personnes pour lesquelles la classe d’âge était renseignée (89%), le taux de positivité était plus élevé chez les femmes de moins de 25 ans (9,57%) que chez celles de 25 ans et plus (5,45%). Chez les hommes, il était de 7,30% chez les moins de 30 ans comparé à 4,61% chez les 30 ans et plus.

Le taux de positivité était supérieur à 8% dans les DOM (Guadeloupe, Martinique, Guyane et La Réunion) ainsi qu’en Nouvelle Aquitaine et Centre-Val de Loire (tableau 4).

Activité de dépistage de l’infection à papillomavirus humain

Un total de 2 147 frottis a été réalisé en 2018 (+25% par rapport à 2016) et a permis de déceler 203 pathologies cervico-utérines. Le taux de positivité était de 9,5% en 2018, en baisse par rapport à 2016 (13,7%).

Le nombre de condylomes diagnostiqués a augmenté de 37% entre 2016 et 2018 (de 2 189 à près de 3 000), aussi bien chez les hommes que chez les femmes.

Activité de vaccination contre l’hépatite B et le papillomavirus

Concernant l’hépatite B, le nombre de personnes pour lesquelles une vaccination a été recommandée en CeGIDD a doublé entre 2016 et 2018, passant de 23 890 à 45 460. Il en est de même pour le nombre de personnes ayant débuté une vaccination, passant de 6 360 à 12 830. En 2018, 20 100 doses de vaccins contre l’hépatite B ont été injectées (versus 13 737 en 2016).

En 2018, une vaccination contre l’HPV a été recommandée à plus de 8 000 personnes et une vaccination a été débutée pour 1 657 d’entre elles, en progression par rapport aux années précédentes (159 en 2016). En 2018, 2 740 doses de vaccin contre l’HPV ont été administrées versus 242 en 2016.

Discussion

L’analyse réalisée à partir des données agrégées disponibles dans les RAP présente plusieurs limites. Tout d’abord, le nombre total de CeGIDD existants chaque année depuis 2016 n’est pas précisément connu, d’où une difficulté à calculer un taux de réponse annuel global et régional, ainsi qu’à redresser les données en tenant compte des non-répondants. Malgré ces incertitudes, le taux de réponses semble assez stable entre 2016 et 2018, même s’il a varié dans certaines régions, ce qui peut notamment influencer les évolutions du nombre de consultations et de dépistages réalisés, voire des taux de positivité. Cette difficulté est notamment liée au fait que le taux de réponse a diminué en Île-de-France, alors qu’il s’agit de la région qui compte le plus grand nombre de CeGIDD et que la situation épidémiologique y est particulière. Une analyse à sites constants n’a pas pu être conduite en raison de l’absence d’un identifiant unique par structure.

Une autre limite est le fait que certains items ne sont pas complétés par certains CeGIDD, d’où des dénominateurs variables (exemple : le nombre total de dépistages ne correspond pas à la somme des dépistages réalisés par sexe). Par ailleurs, malgré un guide de remplissage, certains items pourraient ne pas avoir été complétés de manière homogène par l’ensemble des structures. Enfin, concernant la syphilis, l’interprétation de la sérologie, au vu de la clinique, est parfois difficile pour exclure les cicatrices sérologiques ou pour déterminer le stade de la maladie.

Compte tenu de ces limites, il est difficile de dire si l’activité en CeGIDD a augmenté entre 2016 et 2018. En effet, sur la base des données disponibles, le nombre total de consultations médicales réalisées est resté stable, mais le nombre médian de ces consultations a augmenté. Les données des RAP sont néanmoins utiles pour décrire l’activité des CeGIDD pour l’année 2018 et les évolutions des taux de positivité par rapport à 2016.

Concernant l’activité de dépistage déclarée, elle a augmenté sur 2016-2018 de façon importante pour les infections à gonocoque et à CT (respectivement +75% et +37%). L’augmentation du nombre de dépistages de ces deux IST est aussi observée sur la même période, mais également depuis une dizaine d’années, dans les données de remboursement de l’Assurance maladie (données publiées dans ce numéro (2)). Cette augmentation observée en CeGIDD est sans doute en partie liée à une augmentation du nombre de jeunes consultants et du nombre de personnes vues en consultation pour une Prep. Les jeunes adultes ont été la cible des recommandations de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (Anaes) de 2003 pour les infections à CT (dépistage systématique des femmes de moins de 25 ans, des hommes de moins de 30 ans et des sujets ayant plus d’un partenaire sexuel dans l’année quel que soit leur âge) 3. En 2011, la haute Autorité de santé, qui a succédé à l’Anaes, préconisait de réaliser un dépistage ciblé de l’infection à gonocoque au sein des populations présentant des facteurs de risque et à l’ensemble des personnes consultant dans des structures de dépistage. Elle proposait également d’utiliser des tests multiplex gonocoque/CT, compte tenu de la fréquence des coïnfections par ces agents pathogènes 4. La recherche plus fréquente d’infections à CT dans les populations cibles s’est probablement accompagnée d’une recherche conjointe des gonococcies. Il faut néanmoins noter que la réévaluation, en 2018, de la stratégie de dépistage des infections à CT a montré que seul un quart des structures interrogées (CeGIDD, CPEF, SSU ou centres d’orthogénie) avaient pu appliquer les recommandations de 2003, le frein principal déclaré étant l’absence d’un financement spécifique pour ce dépistage 5.

Les données montrent également que l’activité de dépistage réalisée par TROD VIH ou VHC a augmenté, notamment concernant les TROD VHC. Ces augmentations sont sans doute en lien avec des actions de dépistage « hors les murs » plus fréquentes en 2018 qu’en 2016 (+31%), actions destinées aux publics exposés et éloignés du système de soins. Si depuis le 1er Août 2016, il existe un arrêté précisant les conditions de réalisation des TROD VIH et VHC en milieu médico-social ou associatif, l’utilisation des TROD syphilis et VHB n’est pas pour l’instant pas encore encadrée par un décret.

Il est intéressant de situer l’activité de dépistage en CeGIDD par rapport à l’ensemble des dépistages réalisés une même année. L’activité de dépistage du VIH en CeGIDD représente ainsi 5,6% de l’ensemble des sérologies réalisées en 2018 (voir l’article sur le dépistage du VIH dans ce numéro (3)). De la même manière, l’activité de dépistage des hépatites B et C en CeGIDD peut être rapportée à l’activité France entière estimée grâce à l’enquête LaboHep 2016 6. La part représentée par les CeGIDD dans cette activité globale était de 5,2% pour l’Ag HBs et de 4,5% pour les Ac anti-VHC. Concernant les IST bactériennes, l’activité globale de dépistage avait été estimée grâce à l’enquête LaboIST 2016. Par rapport à cette activité globale en France entière, la part des dépistages réalisés en CeGIDD en 2016 était de 5,8% pour les infections à CT, 7,5% pour la syphilis et 7,9% pour les infections à gonocoque (données non publiées). Toutes ces proportions sont néanmoins des chiffres sous-estimés dans la mesure où un certain nombre de CeGIDD n’ont pas déclaré leur activité de dépistage.

Le nombre de sérologies VIH confirmées positives en CeGIDD représente 11,3% de l’ensemble des sérologies confirmées positives en France (10 883 en 2018) (données publiées dans ce numéro (3)). Concernant les hépatites B et C, le nombre de tests confirmés positifs en CeGIDD représentait respectivement 7,2% et 5,0% de l’ensemble des tests positifs en France en 2016, estimés respectivement à 33 962 tests Ag HBs positifs et 30 229 tests Ac anti-VHC positifs 6. Pour les IST bactériennes, la proportion de diagnostics réalisés en CeGIDD par rapport à l’ensemble des diagnostics en 2016 était de 10,2% pour les infections à gonocoque et 7,3% pour les infections à CT 7. Il s’agit là encore de proportions sous-estimées compte tenu du défaut d’exhaustivité des RAP.

Au total, la comparaison entre la part des dépistages réalisés en CeGIDD et la part des infections qui y sont diagnostiquées montre que les CeGIDD captent une population plus exposée au VIH, au VHB et aux autres IST. Les taux de positivité y sont plus élevés. En revanche, rapportée à l’ensemble de l’activité France entière, la part de diagnostics d’hépatite C effectués en CeGIDD est assez comparable, ce qui est sans doute le reflet d’un faible nombre d’UD consultant dans ces structures, sachant qu’ils sont prioritairement pris en charge dans des structures de soins spécialisées de type Caarud ou Csapa. Par ailleurs, la transmission du VHC lors d’un rapport sexuel est rare et essentiellement le fait de rapports sexuels traumatiques ou sanglants.

Les taux de positivité des infections dépistées en CeGIDD ont plutôt tendance à diminuer entre 2016 et 2018, ce qui pourrait s’expliquer par une baisse du taux de réponse des CeGIDD d’Île-de-France, une diminution de l’incidence en ce qui concerne le VIH ou un élargissement du dépistage vers un public moins exposé. Les données concernant les consultants sont malheureusement difficiles à interpréter pour étayer cette dernière hypothèse car, recueillies sous une forme agrégée, elles ne permettent pas de calculer des taux de positivité selon leur profil. On peut néanmoins noter que la proportion de jeunes consultants a augmenté entre 2016 et 2018 et que, s’ils constituent une population très exposée aux infections à CT et à gonocoque, ce n’est pas le cas pour le VIH. La diversité de l’offre de prise en charge en santé sexuelle dans les CeGIDD pourrait attirer un public plus large que celui prioritairement visé. Une collaboration entre les CeGIDD et la médecine de ville permettrait d’impliquer davantage les médecins généralistes et les gynécologues dans le dépistage des IST et le suivi des patients. Mais des recommandations de dépistage selon une approche populationnelle et générationnelle seraient nécessaires pour aider ces médecins à savoir qui dépister et pour quelles infections.

Les résultats montrent qu’à l’exception de l’infection à CT les taux de positivité des IST sont plus élevés chez les hommes que chez les femmes. Ce constat est cohérent avec le fait que les hommes, et notamment les HSH, sont particulièrement concernés par le VIH et les autres IST, en raison de comportements sexuels à risque. En France, les HSH représentent 45% des découvertes de séropositivité VIH en 2018, 81% des diagnostics de syphilis récente et 71% des diagnostics de gonococcie dans le réseau de surveillance volontaires des IST 8.

Les données montrent également que les taux de positivité du VIH et des IST bactériennes sont plus élevés dans certaines régions, en particulier dans les départements français d’Amérique. Dans son rapport de 2018, le Conseil national du sida et des hépatites virales 9 avait déjà émis un certain nombre de recommandations en matière de prévention et prise en charge de l’ensemble des IST en Guyane et dans les Antilles françaises. En France métropolitaine, les régions Île-de-France, Centre-Val de Loire et Occitanie sont plus particulièrement concernées par l’ensemble des IST. S’agissant plus spécifiquement du VIH, ces régions sont également celles où la proportion de sérologies confirmées positives par l’ensemble des laboratoires est la plus élevée (article sur le dépistage du VIH, dans ce numéro 3). Les campagnes de sensibilisation, d’information et de prévention devraient être intensifiées dans les régions les plus touchées.

Concernant l’activité de vaccination contre l’hépatite B et l’HPV, les CeGIDD se sont progressivement impliqués entre 2016 et 2018. Néanmoins le nombre de vaccinations débutées reste moindre que le nombre d’indications vaccinales. À noter que l’activité de vaccination contre l’hépatite B a sans doute été limitée en 2016 en raison des difficultés d’approvisionnement en vaccins cette année-là.

Pour pouvoir améliorer les connaissances sur l’évolution des caractéristiques des publics accueillis dans les CeGIDD et mieux contribuer à l’évaluation du dépistage dans ces structures, une surveillance épidémiologique a été mise en place en 2018. Chaque année, les CeGIDD doivent faire parvenir à Santé publique France une extraction de leurs données individuelles enregistrées lors de chaque consultation. Cette extraction devant être dans un format défini, beaucoup de CeGIDD ont des difficultés à fournir cette base, notamment les CeGIDD ne disposant pas d’un logiciel adapté. On observe néanmoins une montée en charge progressive de la participation des CeGIDD à cette surveillance, qui permettra notamment d’analyser l’activité de dépistage et de diagnostic en fonction du profil des consultants.

Conclusion

Les IST représentent un problème de santé publique majeur, en raison des complications à long terme qu’elles induisent (douleurs pelviennes, infections génitales hautes, infertilité, cancer). Dans un contexte d’augmentation des IST depuis plusieurs années, les CeGIDD ont un rôle essentiel à jouer dans la stratégie de lutte contre ces infections et plus largement en santé sexuelle. Ces structures, qui accueillent des publics très exposés à l’ensemble des IST, comme en témoignent des taux de positivité plus élevés qu’en population générale, sont des lieux privilégiés pour un dépistage et une prise en charge globale. Ils doivent être connus de tous et être en capacité d’accueillir tout consultant, en créant également des liens avec la médecine de ville. Le recueil d’indicateurs doit être maintenu et amélioré afin de pouvoir suivre les évolutions de l’activité de dépistage et de diagnostic, au vu des caractéristiques des consultants, et réorienter si besoin les stratégies de dépistage.

Remerciements

Nous remercions l’ensemble des personnels des CeGIDD et les référents Santé sexuelle des ARS pour la transmission de leurs données via le logiciel Solen, sans lesquels cette analyse n’aurait pas été possible.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

1 Ministère des Affaires sociales et de la Santé. Stratégie nationale de santé sexuelle. Agenda 2017-2030. Paris: DGS. 2017. 75 p. https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/strategie_nationale_sante_sexuelle.pdf
2 Lailler G, Comboroure JC, Florence S, Troussier T, Pilorgé F, Sarr A. Premier bilan sur l’activité des CeGIDD, France, 2016. Bull Epidémiol Hebd. 2018(40-41):818-26. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2018/40-41/2018_40-41_5.html​
3 Haute Autorité de santé. Évaluation du dépistage des infections uro-génitales basses à Chlamydia trachomatis en France. Saint-Denis La Plaine: HAS 2003. 95 p. https://www.has-sante.fr/jcms/c_464119/fr/evaluation-du-depistage-des-infections-uro-genitales-basses-a-chlamydia-trachomatis-en-france-2003
4 Haute Autorité de santé. Dépistage et prise en charge de l’infection à Neisseria gonorrhoeae : état des lieux et propositions. Saint-Denis La Plaine: HAS 2010. 144 p. http://www.has-sante.fr/jcms/c_1031777/fr/depistage-et-prise-en-charge-de-l-infection-a-neisseria-gonorrhoeae-etat-des-lieux-et-propositions
5 Haute Autorité de santé. Réévaluation de la stratégie de dépistage des infections à Chlamydia trachomatis. Saint-Denis La Plaine: HAS 2018. http://www.has-sante.fr/jcms/c_2879401/fr/reevaluation-de-la-strategie-de-depistage-des-infections-a-chlamydia-trachomatis
6 Pioche C, Léon L, Vaux S, Brouard C, Lot F. Dépistage des hépatites B et C en France en 2016, nouvelle édition de l’enquête LaboHep. Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire. 2018(11):188-95. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2018/11/2018_11_1.html
7 Ngangro Ndeindo N, Bouvet de la Maisonneuve P, Le Strat Y, Fouquet A, Viriot D, Fournet N, et al. Estimations nationales et régionales du nombre de diagnostics d’infections à Chlamydia et à gonocoque en France en 2016. Saint-Maurice: Santé publique France. 2018. 6 p. http://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/infections-sexuellement-transmissibles/chlamydiae/documents/rapport-synthese/estimations-nationales-et-regionales-du-nombre-de-diagnostics-d-infections-a-chlamydia-et-a-gonocoque-en-france-en-2016
8 Ndeikoundam Ngangro N, Viriot D, Fournet N, Pioche C, De Barbeyrac B, Goubard A, et al. Bacterial sexually transmitted infections in France: Recent trends and patients’ characteristics in 2016. Euro Surveill. 2019;24(5):1-8.
9 Conseil National du Sida et des hépatites virales. Avis et recommandations sur la prévention et la prise en charge des IST en Guyane et dans les Antilles françaises. Paris : CNS. 2018. 117 p. 

Citer cet article

Pioche C, Ndeikoundam N, Sarr A, Cazein F, Bruyand M, Viriot D, et al. Activité de dépistage et diagnostic du VIH, des hépatites B et C, et des autres IST en CeGIDD, France, 2018. Bull Epidémiol Hebd. 2019;(31-32):625-33. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2019/31-32/2019_31-32_2.html

(1) Les antennes sont définies comme des lieux fixes aménagés, dépendant de la structure principale.
(2) Voir l’article de Delphine Viriot et coll. dans ce numéro.
(3) Voir l’article de Françoise Cazein et coll. Dans ce numéro.