Dépistage des IST bactériennes dans le secteur privé en France, 2006-2018
// Bacterial STI screening in the private sector in France, 2006-2018
Résumé
Introduction –
En complément du préservatif, le dépistage et le traitement des infections sexuellement transmissibles (IST) bactériennes sont des axes stratégiques majeurs de la lutte contre ces infections. Cet article analyse l’évolution du dépistage des IST dans le secteur privé en France, à partir des données individuelles de remboursement de soins de l’Assurance maladie.
Méthode –
Les données de remboursement de l’Assurance maladie permettent de connaître le nombre de personnes dépistées pour la syphilis et les infections à Chlamydia trachomatis ou à gonocoque dans les laboratoires privés (laboratoires de ville et des établissements de santé privés). Les taux nationaux et régionaux de dépistage ont été calculés pour 1 000 personnes âgées de 15 ans et plus, selon l’âge et le sexe. Les tendances ont été décrites depuis 2006, avec un focus sur la période 2016-2018.
Résultats –
En 2018, 2,1 millions de personnes ont été testées pour une infection à Chlamydia trachomatis, soit un taux de 39 pour 1 000 habitants, avec une augmentation de 9% par rapport à 2016. Près de 1,6 millions de personnes ont eu un dépistage du gonocoque, soit un taux de 30 pour 1 000, en forte augmentation par rapport à 2016 (+18%). Pour ces deux infections, bien que les taux soient plus élevés chez les 25 ans et plus, l’augmentation de l’activité de dépistage entre 2016 et 2018 est deux fois plus importante chez les jeunes de moins de 25 ans par rapport aux 25 ans et plus, quel que soit le sexe. Le nombre total de personnes testées pour la syphilis est de 1,8 millions en 2018 (soit un taux de 33 pour 1 000 habitants), en diminution de 7% par rapport à 2016. Cette diminution, observée pour la première fois depuis 2006, concerne seulement les femmes.
Conclusion –
L’augmentation du dépistage des infections à Chlamydia trachomatis et à gonocoque de 2006 à 2018, chez les jeunes de moins de 25 ans, pourrait résulter d’une meilleure sensibilisation des populations et des professionnels de santé suite aux campagnes de prévention. Dans un contexte où les données de surveillance montrent que le nombre de diagnostics de ces IST continue à augmenter, il est essentiel de poursuivre les efforts en termes de diversification de l’offre de dépistage et de ciblage des populations exposées, pour parvenir à contrôler les épidémies. La stabilité de l’activité de dépistage de la syphilis, alors que celle des autres IST bactériennes augmente, nécessitera d’être confirmée les années suivantes.
Abstract
Introduction –
In addition to condom use, testing and treatment are main strategies to control the transmission of bacterial sexually transmitted infections (STIs). This article analyzes the evolution of STI testing in the private sector in France using individual Health insurance reimbursement data.
Method –
Reimbursement data of the national Health insurance enable to monitor the number of persons tested for syphilis, Chlamydia trachomatis or gonococcal infections in private laboratories in France. National and regional testing rates were calculated per 1,000 inhabitants aged 15 and over, by age and sex. Trends were described since 2006 with a focus on 2016-2018 period.
Results –
In 2018, 2.1 million people were tested for Chlamydia trachomatis, with a rate of 39 per 1,000 inhabitants and an increase of 9% from 2016 to 2018. Nearly 1.6 million people were tested for gonorrhea in 2018, with a rate of 30 per 1,000 inhabitants and a sharp increase of 18% since 2016. For these two STI, although testing rates are Higher in populations aged 25 and over, the testing activity doubled between 2016 and 2018 in younger people (<25 years), regardless of their sex. The total number of people tested for syphilis is 1.8 million in 2018 (a rate of 33 per 1,000 population), down 7% from 2016. This decrease, observed for the first time since 2006, concerns only women.
Conclusion –
The increase in the number of tests for Chlamydia trachomatis and gonococcal infections from 2006 to 2018 in young people under 25 years of age might result from a better awareness of the general population and Health professionals following prevention campaigns. In a context of increasing STI diagnoses, improvements of the testing offer and its diversification toward most exposed populations remain crucial to control these epidemics. The stability of the syphilis screening activity, while that of other bacterial STIs increases, will need to be confirmed in the years to come.
Introduction
Le nombre très élevé de diagnostics d’infections sexuellement transmissibles (IST) bactériennes montre l’importance du poids de ces infections en France 1. En complément du préservatif, le dépistage est un élément essentiel permettant de réduire le risque de transmission et de limiter la survenue de complications par le diagnostic précoce et le traitement 2.
Le dépistage systématique des infections à Chlamydia trachomatis était recommandé depuis 2003 chez les femmes de moins de 25 ans et les hommes de moins de 30 ans, dans les centres de dépistage anonymes et gratuits du VIH (CDAG), les centres d’information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles (CIDDIST) (1), les centres de planification et d’éducation familiale (CPEF) et les centres d’orthogénie 3. Depuis septembre 2018, ce dépistage a été étendu à d’autres lieux de diagnostic (cabinet de médecine générale, gynécologie et sage-femme). Il est recommandé pour toutes les femmes sexuellement actives de 15 à 25 ans, ainsi que pour les femmes et les hommes présentant des facteurs de risque quel que soit leur âge 4.
Le dépistage de la syphilis et de la gonococcie est ciblé pour les populations ayant des rapports sexuels non protégés : hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), personnes ayant des partenaires multiples, partenaire sexuel avec une IST, personne avec une IST récente… Par ailleurs un dépistage de la syphilis est obligatoire chez les femmes enceintes lors du 1er trimestre de la grossesse 5,6.
Afin de contribuer à l’évaluation de la stratégie de dépistage des IST en France, cet article analyse l’activité de dépistage de trois IST bactériennes (syphilis, infection à Chlamydia trachomatis et gonococcie) dans le secteur privé de 2006 à 2018, aux niveaux national et régional, à partir des données de l’Assurance maladie.
Méthode
Source des données
Le système national des données de santé (SNDS) centralise les données de remboursement des tests de dépistage d’IST par l’Assurance maladie (environ 63 millions de bénéficiaires, soit 95% de la population). Ces données individuelles permettent de connaître l’activité de dépistage des laboratoires privés (laboratoires de ville et établissements de soins privés) par sexe et âge, en France entière et par région, via des algorithmes sélectionnant les tests remboursés 7.
Infections à Chlamydia trachomatis
Pour les infections à Chlamydia trachomatis, l’acte de dépistage sélectionné est une recherche de Chlamydia trachomatis par test d’amplification des acides nucléiques (TAAN) (code 5257). Suite à la modification de la nomenclature des actes biologiques (NABM) en 2018, le code 5301 (recherche de Chlamydia trachomatis et/ou Neisseria Gonorrhoeae par amplification génique) a été également pris en compte 8.
Infections à gonocoque
Pour les infections à gonocoque, seule la recherche de Neisseria gonorrhea par culture (codes 5202 et 5203) était remboursée pour le dépistage du gonocoque jusqu’en 2017. Depuis juin 2018, la réalisation d’une recherche par TAAN étant inscrite à la NABM (code 5301), ces trois codes ont donc été sélectionnés 8.
Syphilis
Pour la syphilis, jusqu’en 2018, une combinaison de tests était recommandée pour dépister l’infection : tests tréponémiques (TT) et tests non tréponémiques (TNT) [5]. Les codes suivants ont ainsi été sélectionnés : sérodiagnostic de dépistage (code 1326), sérodiagnostic de titrage (code 1327) associée à une recherche d’IgM (immunoglobulines M, code 1330) ou une recherche de tréponèmes par examen direct (code 0246) ou par immunofluorescence (code 5291) 9.
À la suite de la modification de la NABM en 2018, l’association systématique d’un TT et d’un TNT a été remplacée par un seul TT sur Ig totales, qui sera confirmé par un TNT quantitatif en cas de positivité 8. Les codes suivants ont donc été inclus :
–1256 (recherche d’Ig totales),
–1257 (TNT avec titrage),
–1258 (nouveau TNT en cas de suspicion de séroconversion) 8,9.
Analyses
Le terme de dépistage correspond à la recherche de pathogènes chez des patients asymptomatiques ou symptomatiques, les données de l’Assurance maladie ne permettant pas d’identifier la présence ou non de symptômes. Les taux de dépistage correspondent au nombre de personnes ayant eu au moins un remboursement pour un dépistage d’IST rapporté à la population française de 15 ans et plus (données Insee). Ils ont été calculés selon le sexe et l’âge, aux niveaux national et régional. Une analyse interrégionale a été également conduite en distinguant les départements d’outre-mer (DOM), l’Île-de-France (IDF) et les autres régions métropolitaines hors IDF. Les taux régionaux ont été standardisés par âge et par sexe. Les tendances épidémiologiques ont été décrites depuis 2006 avec un focus sur la période 2016-2018.
Résultats
Infections à Chlamydia trachomatis
En 2018, 2,1 millions de personnes ont été testées pour une infection à Chlamydia trachomatis en secteur privé. La majorité des personnes testées sont des femmes (77%). Le taux national de dépistage est de 38,7 pour 1 000 habitants de 15 ans et plus (figure 1). Ce taux est trois fois plus élevé chez les femmes (57,3 pour 1 000) par rapport aux hommes (18,4 pour 1 000). Les taux les plus élevés sont observés chez les 25 à 29 ans (167,9 pour 1 000) pour les femmes et chez les 30 à 34 ans (45,8 pour 1 000) pour les hommes. Pour les populations ciblées par les recommandations les taux sont de 86,5 pour 1 000 femmes de moins de 25 ans et 12 pour 1 000 hommes de moins de 30 ans.
Entre 2006 et 2014, l’activité de dépistage augmente régulièrement et de façon plus marquée à partir de 2015. L’augmentation est globalement plus élevée chez les hommes (+13%) par rapport aux femmes (+8%) entre 2016 et 2018. Cependant par classe d’âge, sur cette période l’augmentation du dépistage est près de deux fois plus élevée pour les femmes de moins de 25 ans (+14%) par rapport à celles de 25 ans et plus (+7%). De même, le dépistage augmente deux fois plus chez les hommes de moins de 30 ans (+22%) comparativement à ceux de 30 ans et plus (+12%).
Une tendance à la hausse est globalement observée dans les trois interrégions (IDF, DOM et autres régions métropolitaines) entre 2016 et 2018. Alors que le taux de dépistage dans les DOM et en IDF augmente respectivement de 4 et 6%, celui dans les autres régions métropolitaines évolue de façon plus importante (+11%). En 2018, l’activité de dépistage est supérieure à celle du niveau national dans cinq régions métropolitaines et dans les DOM hors Mayotte. Ces régions métropolitaines sont la Provence-Alpes-Côte d’Azur (50,1 pour 1 000), l’Occitanie (45,3 pour 1 000), la Corse (44,3 pour 1 000), l’Île-de-France (41,8 pour 1 000) et le Grand Est (40,3 pour 1 000). Dans les DOM hors Mayotte, l’activité de dépistage est deux fois plus importante qu’en métropole, avec un taux maximum de 84,9 pour 1 000 en Guadeloupe (figure 2).
Gonococcies
En 2018, 1,6 millions de personnes ont été testées dans les laboratoires privés, soit un taux de 29,6 pour 1 000 habitants, en forte augmentation (+18%) par rapport à 2016 (figure 3). La majorité des personnes testées sont des femmes (83%), et le taux de dépistage est quatre fois plus élevé chez elles que chez les hommes (46,9 pour 1 000 vs 10,6 pour 1 000). Les taux de dépistage les plus élevés sont observés chez les 25-29 ans (136,5 pour 1 000) pour les femmes et chez les 30 à 34 ans (29,2 pour 1 000) pour les hommes. Les taux sont de 64,1 pour 1 000 femmes de moins de 25 ans et de 12,5 pour 1 000 hommes de moins de 30 ans.
L’augmentation du dépistage entre 2016 et 2018 est plus marquée chez les hommes (+37%) que chez les femmes (+14%) (figure 3). Sur cette période le dépistage augmente deux fois plus chez les moins de 25 ans (+32%) par rapport aux plus de 25 ans (+15%), quel que soit le sexe.
Une tendance similaire à la hausse est globalement observée en IDF, dans les DOM et les autres régions métropolitaines entre 2016 et 2018. Des taux supérieurs au taux national sont observés en Provence-Alpes-Côte d’azur (36,9 pour 1 000), Occitanie (35,0 pour 1 000), Corse (34,7 pour 1 000), Île-de-France (31,9 pour 1 000), Grand Est (31,6 pour 1 000) et dans les DOM hors Mayotte. L’activité de dépistage dans ces DOM est deux fois supérieure à celle de la métropole (figure 4).
Syphilis
Près de 1,8 millions de personnes ont été testées pour la syphilis en 2018, dont une majorité de femmes (68%) (figure 5). Le taux national de dépistage est de 33,2 pour 1 000 habitants, pour la première fois en diminution depuis 2006 (-7% entre 2016 et 2018). En 2018, ce taux est de 43,3 pour 1 000 femmes et de 22,3 pour 1 000 hommes. Les taux les plus élevés sont observés chez les 25-29 ans pour les femmes (146,4 pour 1 000) et les 30-34 ans pour les hommes (47,4 pour 1 000).
Entre 2016 et 2018, le taux de dépistage des hommes augmente de 2%, alors que celui des femmes diminue de 10%. Le dépistage des femmes de plus de 24 ans diminue trois fois plus (-12%) que celui des moins de 25 ans (-4%). À l’inverse, le dépistage des hommes de moins de 30 ans augmente de 6%, tandis que celui des plus de 30 ans reste stable.
Entre 2016 et 2018, le taux de dépistage diminue dans les trois interrégions, respectivement de 10% dans les DOM, de 8% en en IDF et de 6% dans les autres régions métropolitaines.
En 2018, le taux de dépistage est supérieur au taux national en Provence-Alpes-Côte d’Azur (37,9 pour 1 000), Île-de-France (37,6 pour 1 000), Occitanie (35,9 pour 1 000) et dans les DOM hors Mayotte. L’activité de dépistage dans ces DOM est deux fois supérieure à celle de la métropole (figure 6).
Discussion
L’activité de dépistage des IST du secteur privé ne représente pas la totalité des tests réalisés en France. En effet, ces données n’incluent ni le dépistage réalisé dans les lieux à vocation de dépistage comme les CeGIDD, les CPEF et les centres d’orthogénie, où le dépistage proposé est gratuit, ni l’activité de dépistage hospitalière publique.
« Néanmoins, avec 2,1 millions de personnes testées en 2018 pour l’infection à Chlamydia trachomatis, 1,8 pour la syphilis et 1,6 pour la gonococcie, ces données mettent en évidence le rôle important du secteur privé dans le dispositif de dépistage. Sur la base des estimations nationales issues de l’enquête LaboIST, le secteur privé représente environ 45% des 4,2 millions de tests Chlamydia trachomatis, 62% des 2,2 millions de recherches de gonocoque et 73% des 2,6 millions de recherches de syphilis réalisées en France en 2016 (données non publiées).
Une tendance globale à l’augmentation de l’activité de dépistage dans le secteur privé est observée jusqu’en 2017 pour ces trois IST et se poursuit en 2018 pour les infections à Chlamydia trachomatis et à gonocoque. Il aurait été intéressant de comparer l’évolution de ces données issues du secteur privé à celles du secteur public. Cette comparaison pourra se faire sur les années récentes, grâce aux enquêtes nationales LaboIST réalisées pour les années 2016 et 2018 auprès de l’ensemble des laboratoires 1. Cette tendance à l’augmentation est néanmoins cohérente avec celle du dépistage du VIH depuis plusieurs années en France (+11% entre 2013 et 2018), sachant que le nombre de sérologies VIH réalisées par les laboratoires a été estimé à 5,8 millions en 2018 (dont 76% en laboratoires de ville) 10.
D’un point de vue géographique, les données montrent de fortes disparités régionales. Dans les DOM hors Mayotte, l’activité de dépistage est près de deux fois supérieure à celle de la métropole pour la syphilis et les infections à Chlamydia trachomatis et à gonocoque. En métropole, l’activité de dépistage est plus importante en IDF que dans les autres régions. Des taux de diagnostics plus élevés sont également observés en Outre-mer et en IDF 1, ce qui pourrait être lié en partie à cette forte activité de dépistage, mais aussi à une prévalence plus importante des IST dans ces régions. Il faut également s’interroger sur les contextes régionaux où les taux de dépistage sont les plus bas, comme dans les régions du Nord de la France et Mayotte, les disparités régionales pouvant provenir de différences territoriales d’offres et d’accès aux structures de soins.
L’analyse des données de l’Assurance maladie a permis de montrer une augmentation régulière de l’activité de dépistage des infections à Chlamydia trachomatis de 2006 à 2015 dans le secteur privé (environ +4% chaque année), suivie d’une évolution plus marquée en 2016 (+9%). Le pic d’évolution observé en 2016 pourrait résulter en partie de la communication autour du contexte de recrudescence des IST et des recommandations de dépistage de la Société française de dermatologie 11,12.
Entre 2016 et 2018, les données mettent en évidence une augmentation du dépistage deux fois plus importante des infections à Chlamydia trachomatis chez les femmes de moins de 25 ans (par rapport à celles de 25 ans et plus) et chez les hommes de moins de 30 ans (par rapport à ceux de 30 ans et plus). Cela montre une amélioration du dépistage de ces populations en secteur privé, alors que ce secteur n’était pas directement visé par les recommandations antérieures à 2018 3. Cependant les taux observés chez les femmes de moins de 25 ans (87 pour 1 000) et les hommes de moins de 30 ans (12 pour 1 000) sont encore respectivement deux et quatre fois inférieurs à ceux observés chez les femmes de 25 à 29 ans et chez les hommes de 30 à 34 ans. Il y a ainsi encore une marge de progression pour inciter davantage au dépistage les plus jeunes, d’autant plus que les femmes de moins de 25 ans sont les plus concernées par cette infection 1.
Il est possible de comparer les données françaises avec celles publiées par Public Health England sur l’activité de dépistage des structures non spécialisées en Angleterre, qui présentent des similarités avec le secteur privé en France, sachant que d’autres offres de dépistage comme le dépistage en ligne sont proposées en Angleterre 13.
En termes de volume, l’activité de dépistage dans le secteur privé en France (2,1 millions de tests, soit un taux de 38,7 pour 1 000) est comparable à celle de l’Angleterre, où 1,8 millions de tests (soit un taux de 40 pour 1 000) ont été réalisés dans des structures non spécialisées parmi les 3,3 millions de tests d’infection à Chlamydia trachomatis effectués dans ce pays en 2018 14.
Une augmentation régulière du dépistage du gonocoque dans le secteur privé est observée jusqu’en 2017, alors que seule la recherche du gonocoque par culture était remboursée. Une augmentation très marquée du dépistage est ensuite observée en 2018 et peut s’expliquer en partie par le remboursement des TAAN pour la recherche du gonocoque depuis juin 2018.
L’augmentation du dépistage du gonocoque est deux fois plus importante entre 2016 et 2018 parmi les jeunes de moins de 25 ans par rapport aux plus de 25 ans, quel que soit le sexe. Cependant le taux de dépistage chez les moins de 25 ans (35,4 pour 1 000) reste encore bien inférieur à celui des 25 à 29 ans (80,1 pour 1 000), illustrant l’importance de proposer une offre de dépistage adaptée aux populations les plus jeunes, les moins de 25 ans étant les plus concernés par cette infection 1.
En Angleterre, 1,8 millions de dépistages du gonocoque ont été réalisés en 2018, avec une tendance à la hausse depuis 2016 14. Ce volume total (structures spécialisées ou non) étant quasiment équivalent à celui du dépistage réalisé en secteur privé en France, on peut en déduire que l’activité globale de dépistage en France est certainement supérieure à celle de l’Angleterre.
La part très importante de femmes parmi les personnes testées pour une syphilis en 2018, supérieure à 65%, est en lien avec le dépistage anténatal obligatoire réalisé au premier trimestre. Une diminution de ce dépistage est mise en évidence chez les femmes pour la première fois dans le secteur privé en 2018 depuis 2006, avec une diminution plus marquée chez les femmes de 25 ans et plus. Cependant cette tendance reste à consolider.
À titre de comparaison, 1,4 millions de dépistage de la syphilis ont été réalisés hors dépistage anténatal en Angleterre en 2018 (structures spécialisées ou non) 14. Avec près de 700 000 tests anténataux effectués sur une année 15, l’activité totale de dépistage en Angleterre serait de 2,1 millions, soit un nombre similaire aux données françaises issues du secteur privé. On peut ainsi en déduire que l’activité globale de dépistage en France est certainement supérieure à celle de l’Angleterre. une forte augmentation de la syphilis observée en Angleterre entre 2016 et 2018 a conduit à l’élaboration d’un plan d’action spécifique renforçant les mesures de prévention contre la syphilis et notamment le dépistage 16.
Conclusion
Ces données montrent une augmentation globale du dépistage des infections à Chlamydia trachomatis et à gonocoque en secteur privé depuis 2006, avec une augmentation plus marquée depuis 2016 chez les jeunes de moins de 25 ans. Ceci pourrait résulter d’une meilleure sensibilisation de la population générale et des professionnels de santé, suite aux actions de prévention menées notamment auprès des jeunes. La diminution du dépistage de la syphilis observée chez les femmes en 2018 nécessite d’être consolidée ultérieurement.
En France, l’augmentation du nombre de diagnostics d’IST bactériennes peut résulter de la progression de l’activité de dépistage, mais elle interroge également sur l’amélioration encore nécessaire des pratiques pour contrôler les épidémies d’IST. L’offre de dépistage devrait encore s’élargir avec l’application des nouvelles recommandations de 2018 concernant les infections à Chlamydia trachomatis en visant notamment les médecins généralistes et pas uniquement les structures de dépistage. Néanmoins, des recommandations de dépistage pour l’ensemble des IST selon une approche populationnelle et générationnelle seraient également nécessaires. Dans un contexte où la diffusion des IST bactériennes est loin d’être contrôlée, le préservatif reste le seul outil de prévention primaire. En cas de rapport non protégé, le dépistage est indispensable pour la mise en œuvre d’un traitement efficace, afin d’interrompre les chaînes de transmission.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.
Références
du_depistage_de_la_syphilis.2.pdf
stis-ncsp_ann18.pdf