Diagnostics d’infection à VIH chez des hommes nés à l’étranger, contaminés par rapports sexuels entre hommes, France, 2012-2021

// HIV diagnoses among men born abroad, infected by sex between men, France, 2012–2021

Françoise Cazein1 (francoise.cazein@santepubliquefrance.fr), Amber Kunkel1, Annie Velter1, Karl Stefic2, Florence Lot1
1 Santé publique France, Saint-Maurice
2 Centre national de référence du VIH, CHU de Tours
Soumis le 15.09.2023 // Date of submission: 09.15.2023
Mots-clés : Diagnostic d’infection à VIH | Hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes | Migrants
Keywords: HIV diagnoses | Men who have sex with men | Migrants

Résumé

Introduction –

Les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) nés à l’étranger constituent une population particulièrement vulnérable vis-à-vis du VIH. L’objectif de cet article est de décrire les nouveaux diagnostics d’infection à VIH dans cette population en France, à partir de la déclaration obligatoire du VIH.

Matériel et méthode –

L’analyse a porté sur les diagnostics d’infection à VIH en 2021 chez des HSH nés à l’étranger, déclarés au 30 juin 2022, et les tendances observées sur la période 2012 à 2021 ont été décrites.

Résultats –

En 2021, le nombre d’HSH nés à l’étranger découvrant leur séropositivité a été estimé à 582 (intervalle de confiance à 95%, IC95%: [496-668]), soit 12% de l’ensemble des découvertes. Le nombre de découvertes dans cette population a augmenté régulièrement entre 2012 et 2019, alors qu’il a diminué chez les HSH nés en France et s’est stabilisé chez les hétérosexuel(le)s. L’âge médian des HSH nés à l’étranger ayant découvert leur séropositivité en 2021 était de 31 ans au moment du diagnostic. Ils étaient nés principalement en Afrique subsaharienne (33%, part en augmentation depuis 2012), en Amérique ou aux Caraïbes (24%, part en diminution), en Afrique du Nord (18%) ou en Europe (15%). Cette répartition par région de naissance est différente de celle observée chez les hétérosexuel(le)s né(e)s à l’étranger, qui étaient très majoritairement né(e)s en Afrique subsaharienne (76%). Le délai médian entre arrivée en France et diagnostic des HSH nés à l’étranger était de 3 ans. La part des diagnostics précoces était de 28% et celle des diagnostics tardifs, de 40%. Lors de la découverte de séropositivité VIH, 37% des HSH nés à l’étranger étaient co-infectés par une infection sexuellement transmissible (IST) bactérienne, proportion en augmentation depuis 2012.

Discussion-conclusion –

 Ces données soulignent la diversité des origines géographiques de la population des HSH nés à l’étranger diagnostiqués pour le VIH en France, et l’intérêt de la promotion du dépistage et de la PrEP en direction de cette population.

Abstract

Introduction –

 Foreign-born men who have sex with men (MSM) are at particular risk of contracting HIV. The present article describes HIV diagnoses in France for this population, based on mandatory HIV reporting.

Methods –

 Our analysis focused on HIV diagnoses among foreign-born MSM in 2021, as reported by June 30, 2022, and any trends observed over the period 2012 to 2021 were described.

Results –

In 2021, the number of foreign-born MSM who discovered being HIV-positive was estimated at 582 (95% confidence interval [95%CI]: 496–668), or 12% of all positive diagnoses. The number of new diagnoses in this population rose steadily between 2012 and 2019, while it fell among French-born MSM and stabilized among heterosexuals. The median age of foreign-born MSM was 31 at time of diagnosis. They were mainly born in sub-Saharan Africa (33%, increasing since 2012), America or the Caribbean (24%, decreasing), North Africa (18%) or Europe (15%). This distribution by region of birth differs from that observed among foreign-born heterosexuals, who were overwhelmingly born in sub-Saharan Africa (76%). The median time between arrival in France and diagnosis for foreign-born MSM was 3 years. The proportion of early diagnoses was 28% and late diagnoses 40%. At the time of HIV-diagnosis, 37% of foreign-born MSM were co-infected with a bacterial STI, an increasing proportion since 2012.

Discussion-conclusion –

 This data highlight the diversity of geographical origins among foreign-born MSM diagnosed with HIV in France, and the importance of promoting screening and PrEP for this population.

Introduction

Les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) constituent une population particulièrement exposée à l’infection par le VIH 1 d’une part, et à des discriminations et des violences d’autre part 2, qui peuvent avoir un impact sur leur santé physique et mentale. Par ailleurs, les personnes nées à l’étranger ayant migré en France présentent une vulnérabilité particulière vis-à-vis de cette infection, que ce soit en raison d’une prévalence élevée dans le pays d’origine, des risques de contamination liés aux conditions du parcours migratoire ou des situations de précarité rencontrées après l’arrivée en France.

Les HSH nés à l’étranger cumulent ces deux facteurs de vulnérabilité. De fait, les données de surveillance du VIH en France ont montré une augmentation des nouveaux diagnostics dans cette population jusqu’en 2019 3, contrastant avec la diminution ou la stabilité observées chez les HSH nés en France et chez les hétérosexuel(le)s.

Le système de surveillance de l’infection à VIH coordonné par Santé publique France repose principalement sur la déclaration obligatoire (DO) des nouveaux diagnostics d’infection à VIH. Les données recueillies permettent de connaître le nombre et les caractéristiques des personnes découvrant leur séropositivité, afin d’orienter les actions de prévention, de dépistage et de prise en charge, et d’apporter des éléments permettant leur évaluation. Cet article a pour objectif de décrire les infections à VIH diagnostiquées entre 2012 et 2021 chez les hommes nés à l’étranger contaminés par rapports sexuels entre hommes.

Matériel et méthode

La DO du VIH repose sur une déclaration parallèle du biologiste ayant confirmé le diagnostic d’infection à VIH et du clinicien prescripteur du test, sur la base d’un code d’anonymat. Il est aussi demandé au biologiste d’adresser au Centre national de référence du VIH un échantillon issu du fond de tube ayant permis le diagnostic, pour notamment la réalisation d’un test d’infection récente. La DO du VIH se fait en ligne depuis 2016, via l’application e-DO (1).

Parmi les diagnostics d’infection à VIH déclarés, sont décrites principalement dans cet article les découvertes de séropositivité pour la personne. Il s’agit de diagnostics chez des personnes qui ignoraient leur séropositivité ou la connaissaient depuis moins d’un an. En complément, sont décrits brièvement les diagnostics chez des personnes connaissant leur séropositivité avant d’arriver en France, mais dont le premier test réalisé en France dans l’année de leur arrivée constitue une « découverte » pour le système de soins français. L’enjeu et les besoins de prise en charge pour ces deux catégories de personnes sont les mêmes : intégrer rapidement le système de soins pour bénéficier du traitement antirétroviral, soit dans le cadre d’une initiation pour celles découvrant leur séropositivité ou non prises en charge jusque-là, soit d’une poursuite de manière à éviter une rupture de traitement préjudiciable.

L’analyse porte sur les hommes cisgenres (hommes dont l’identité de genre est en accord avec leur sexe biologique), ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), nés à l’étranger, et dont l’infection à VIH (quel que soit le stade) a été diagnostiquée entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2021, avec un focus sur l’année 2021.

À partir des déclarations reçues jusqu’au 30 juin 2022, le nombre annuel de diagnostics d’infection à VIH a été estimé en corrigeant les données pour prendre en compte la sous-déclaration, les délais de déclaration et les données manquantes. La méthode de correction a été brièvement décrite précédemment 4. Des indicateurs ont également été analysés : les évolutions du nombre de cas durant la période d’étude, les caractéristiques sociodémographiques (âge, région de domicile et lieu de naissance, catégorie socioprofessionnelle), le motif de réalisation du test ayant permis le diagnostic, les antécédents de sérologie VIH, les co-infections par une infection sexuellement transmissible (IST) bactérienne, et le caractère précoce ou tardif du diagnostic VIH qui repose sur la combinaison de plusieurs indicateurs. Le diagnostic précoce est défini par un profil virologique de séroconversion, un stade clinique de primo-infection ou un test d’infection récente positif, indiquant que la contamination a eu lieu moins de 6 mois en moyenne avant le diagnostic. Le diagnostic tardif est défini par un stade clinique de sida ou par un taux de lymphocytes CD4<350/mm3 en l’absence de primo-infection 5,6. Le stade intermédiaire correspond à l’ensemble des autres situations.

Certaines données n’ont pas fait l’objet des corrections mentionnées ci-dessus. Elles ont été décrites à partir des données brutes (c’est-à-dire non corrigées), après exclusion des valeurs manquantes. Il s’agit du détail des pays de naissance, du délai entre l’arrivée en France et le diagnostic, des diagnostics réalisés suite à un test rapide d’orientation diagnostique (Trod), un autotest ou une demande de PrEP, et des caractéristiques des nouveaux diagnostics de sida : connaissance de la séropositivité et prise de traitement antirétroviral avant le sida.

Les caractéristiques des diagnostics d’infection à VIH chez les HSH nés à l’étranger ont été comparées à celles des HSH nés en France et des hétérosexuel(le)s (hommes et femmes contaminés lors de rapports hétérosexuels) né(e)s en France ou à l’étranger.

Les comparaisons des données brutes se sont basées sur un test du Chi2 ou test de Fisher pour les variables qualitatives, ou de Wilcoxon-Mann-Whitney pour les variables quantitatives. Les comparaisons des données corrigées se sont basées sur les intervalles de confiance à 95% (IC95%).

Résultats

Les HSH nés à l’étranger découvrant leur séropositivité VIH

Entre 2012 et 2021, le nombre d’HSH nés à l’étranger ayant découvert leur séropositivité VIH est estimé à 5 507 (intervalle de confiance à 95%, IC95%: [5 286-5 728]), soit 9% [9-10] de l’ensemble des découvertes. Sur la même période, les HSH nés en France représentaient 32% [31-33] des découvertes, les hétérosexuel(le)s né(e)s à l’étranger 39% [38-40], et les hétérosexuel(le)s né(e)s en France 16% [15-17].

Les évolutions du nombre de découvertes de séropositivité parmi ces quatre populations sont contrastées. Ce nombre a augmenté jusqu’en 2019 chez les HSH nés à l’étranger puis s’est stabilisé, alors qu’il a diminué entre 2015 et 2020 chez les HSH nés en France (figure 1). Chez les hétérosexuel(le)s né(e)s à l’étranger, le nombre de découvertes est resté relativement stable jusqu’en 2019 avant de chuter fortement en 2020, tandis que chez les hétérosexuel(le)s né(e)s en France, il a diminué lentement et régulièrement de 2012 à 2020. Dans ces quatre populations, le nombre de découvertes s’est stabilisé entre 2020 et 2021.

Figure 1 : Évolution du nombre de découvertes de séropositivité à VIH par population, France, 2012-2021
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En 2021, le nombre d’HSH nés à l’étranger découvrant leur séropositivité est estimé à 582 [496-668], soit 12% [10-13] des découvertes. Les HSH nés en France représentaient 32% [30-34] des découvertes en 2021, et les hétérosexuel(le)s né(e)s à l’étranger ou en France respectivement 36% [34-38] et 16% [14-17].

En 2021, l’âge médian des HSH nés à l’étranger au diagnostic était de 31 ans : 19% avaient moins de 25 ans, 71% entre 25 et 49 ans, et 10% avaient 50 ans et plus. Cet âge médian était plus élevé chez les HSH nés en France (34 ans, p=0,002) et les hétérosexuel(le)s né(e)s à l’étranger (38 ans, p<0,0001) ou en France (39 ans, p<0,0001). L’âge médian des HSH nés à l’étranger, entre 32 et 33 ans en 2012 et 2013, s’est stabilisé depuis 2014 entre 29 et 31 ans.

Les lieux de naissance des HSH nés à l’étranger diagnostiqués en 2021 étaient principalement l’Afrique subsaharienne (33%), l’Amérique ou les Caraïbes (24%), l’Afrique du Nord (18%) et l’Europe (15%). Parmi ceux nés en Afrique subsaharienne, 19% étaient nés en Côte d’Ivoire, 18% au Sénégal, 12% en République démocratique du Congo, 9% au Cameroun et 6% à Madagascar. La quasi-totalité des HSH nés en Amérique/Caraïbes étaient nés en Amérique latine, dont le Brésil (38%), la Colombie (12%), le Vénézuéla (10%) et le Pérou (7%). La moitié des HSH nés en Afrique du nord (48%) étaient nés en Algérie et 31% au Maroc. Un quart des HSH nés en Europe (24%) étaient nés au Portugal et 21% en Italie. La part des HSH nés en Afrique subsaharienne (33% [27-38] en 2021) est très différente de celle observée chez les hétérosexuel(le)s né(e)s à l’étranger (76% [72-79]). Les lieux de naissance des HSH nés à l’étranger ont varié sur la période d’étude. En 2012, la part de ceux nés en Afrique subsaharienne et en Europe était identique (22%), la première a progressivement augmenté alors que la seconde diminuait.

Les HSH nés à l’étranger ayant découvert leur séropositivité en 2021 étaient domiciliés le plus souvent en Île-de-France (51%), en Provence-Alpes-Côte d’Azur (8%) et en Auvergne-Rhône-Alpes (7%). Environ la moitié (51% des HSH et 48% des hétérosexuel(le)s) des personnes nées à l’étranger diagnostiquées en 2021 étaient domiciliées en Île-de-France, alors que ce n’était le cas que d’environ un quart des personnes nées en France (28% des HSH et 23% des hétérosexuel(le)s). L’Île-de-France rassemble environ la moitié des HSH nés à l’étranger, quel que soit leur lieu de naissance : Afrique subsaharienne, Amérique ou Caraïbes, ou Europe. De plus, 27% des HSH nés en Amérique ou aux Caraïbes diagnostiqués en 2021 étaient domiciliés en Guyane, région qui ne compte que moins de 1% des HSH nés ailleurs.

En 2021, 31% [25-37] des HSH nés à l’étranger étaient sans profession au moment du diagnostic, 21% [16-26] étaient ouvriers, 20% [15-25] employés et 20% [15-26] étaient cadres ou exerçaient une profession intellectuelle. Cette répartition ne différait pas selon le lieu de naissance des HSH nés à l’étranger. La part des sans profession était plus élevée que chez les HSH (12% [10-14]) ou les hétérosexuel(le)s (13% [10-17]) né(e)s en France, mais proche de celle des hétérosexuel(le)s né(e)s à l’étranger (36% [33-39]). La part d’HSH nés à l’étranger sans profession est stable autour de 30% depuis 2014.

Parmi les HSH nés à l’étranger découvrant leur séropositivité en 2021, le délai médian entre leur arrivée en France et la découverte de leur séropositivité était de 3 ans : 21% étaient arrivés en France l’année de leur diagnostic, et 32% depuis 10 ans ou plus. Ce délai médian était de 2 ans chez les HSH nés en Afrique subsaharienne, comme ceux nés en Amérique ou dans les Caraïbes. Il était plus long (9 ans) pour les HSH nés en Afrique du Nord (p=0,048). Le délai médian depuis l’arrivée en France n’était pas significativement différent de celui observé chez les hétérosexuel(le)s né(e)s à l’étranger (2 ans, p=0,11). Entre 2012 et 2021, la part des découvertes de séropositivité des HSH dans l’année de leur arrivée en France a fluctué entre 21% et 33%, et celle des découvertes 10 ans ou plus après l’arrivée, entre 21% et 45%.

Chez les HSH nés à l’étranger, l’infection à VIH a été découverte le plus souvent en raison d’un risque récent d’exposition au VIH (26% [21-31] en 2021), à l’occasion d’un dépistage orienté par une exposition ancienne au VIH ou par une autre pathologie (24% [19-29]), ou en présence de signes cliniques ou biologiques évocateurs du VIH (21% [16-26]). Cette répartition ne différait pas selon le lieu de naissance. Les découvertes réalisées suite à un Trod positif concernaient 10% des HSH nés à l’étranger, alors que les demandes de PrEP ou les confirmations d’un autotest positif étaient des circonstances moins fréquentes (respectivement 4% et 1,5%). Les HSH nés à l’étranger ont été plus souvent diagnostiqués à la suite d’une exposition récente que les hétérosexuel(le)s né(e)s en France (16% [12-19]) ou à l’étranger (8% [6-10]), mais dans une proportion similaire à celle des HSH nés en France (28% [25-32]), et moins souvent en raison de signes cliniques ou biologiques que ces autres populations. Ils étaient plus souvent diagnostiqués à la suite d’un Trod ou à une demande de PrEP que les hétérosexuel(le)s né(e)s en France ou à l’étranger (respectivement 4%, p=0,001 et 0%, p<0,001).

En 2021, 28% [23-34] des HSH nés à l’étranger ont été diagnostiqués précocement et 40% [34-46] tardivement (figure 2). Cette répartition ne différait pas selon le lieu de naissance des HSH nés à l’étranger. Les diagnostics précoces étaient plus fréquents chez les HSH nés à l’étranger que chez les hétérosexuel(le)s né(e)s à l’étranger (11% [9-14]). Cette proportion était de 36% [32-40] chez les HSH nés en France. Les diagnostics tardifs chez les HSH nés à l’étranger étaient moins fréquents que chez les hétérosexuel(le)s né(e)s en France (46% [40-51]) ou à l’étranger (58% [54-61]). Cette proportion était de 32% [28-35] chez les HSH nés en France. Chez les HSH nés à l’étranger, ces proportions ont fluctué sans tendance particulière depuis 2012, alors qu’est observée une diminution récente des diagnostics précoces chez les HSH nés en France (de 47% [44-50] en 2017 à 36% [32-40] en 2021).

Figure 2 : Distribution des découvertes de séropositivité à VIH selon le caractère précoce ou tardif du diagnostic et la population, France, 2012-2021
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Les pratiques de dépistage avant la découverte de la séropositivité peuvent être approchées par la déclaration du dernier test VIH négatif. Parmi les HSH nés à l’étranger diagnostiqués en 2021, 25% [20-31] avaient été testés négatifs moins d’un an avant leur découverte de séropositivité, 32% [26-37] déclaraient un test négatif plus ancien, et 43% [36-50] n’avaient jamais été testés pour le VIH. Cette répartition ne différait pas selon le lieu de naissance des HSH nés à l’étranger. La part des HSH nés à l’étranger jamais testés avant leur diagnostic était moindre que chez les hétérosexuel(le)s né(e)s à l’étranger (70% [66-73]). Cette proportion était de 34% [30-37] en 2021 chez les HSH nés en France et de (55% [49-61]) chez les hétérosexuel(le)s né(e)s en France.

Lors de la découverte de séropositivité en 2021, 37% [32-43] des HSH nés à l’étranger étaient co-infectés par une IST bactérienne (figure 3), cette proportion ne différait pas selon le lieu de naissance. La proportion de co-infection par IST ne différait pas non plus de celle observée chez les HSH nés en France (40% [36-43]). Elle a augmenté dans les deux populations : de 22% [17-27] en 2012 à 37% [32-43] en 2021 chez les HSH nés à l’étranger. Ces proportions de co-infection par IST étaient nettement plus élevées chez les HSH que chez les hétérosexuel(le)s né(e)s en France (16% [12-20]) ou à l’étranger (7% [5-9]).

Figure 3 : Proportion de co-infections par une infection sexuellement transmissible bactérienne* parmi les découvertes de séropositivité VIH selon les populations, France, 2012-2021
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Les HSH nés à l’étranger, connaissant leur séropositivité, diagnostiqués dans l’année de leur arrivée en France

Sur l’ensemble de la période 2012-2021, 564 [488-639] HSH nés à l’étranger, connaissant leur séropositivité avant d’arriver en France, ont été diagnostiqués dans l’année de leur arrivée, soit 19% de l’ensemble des personnes diagnostiquées selon ces critères. Leur nombre a augmenté jusqu’en 2020, puis s’est stabilisé. Ce nombre, ajouté à celui des 5 507 découvertes de séropositivité décrites plus haut, porte à 6 071 [5 837–6 304] le nombre total de nouveaux diagnostics en France chez des HSH nés à l’étranger entre 2012 et 2021.

En 2021, 68 [45-92] HSH nés à l’étranger, se sachant séropositifs avant d’arriver en France, ont été diagnostiqués pour la première fois en France dans l’année de leur arrivée. Leur âge médian était de 31 ans. Près de la moitié (45%) d’entre eux était nés en Amérique latine, 18% en Afrique subsaharienne, 9% en Afrique du Nord et 9% en Europe de l’Ouest.

Discussion-conclusion

Les données issues de la DO du VIH ont permis d’estimer le nombre de découvertes de séropositivité VIH chez des HSH nés à l’étranger en 2021 (582 [496-668]), de constater son augmentation jusqu’en 2019, et d’observer certaines caractéristiques spécifiques de cette population.

La DO du VIH présente l’avantage d’une couverture nationale et d’une définition de cas homogène et suivie dans le temps. Ces données présentent cependant des limites, liées à la sous-déclaration. Des calculs de correction sont alors effectués pour estimer au mieux le nombre réel de diagnostics. Par ailleurs, les déclarations sont parfois incomplètes, notamment sur le mode de contamination qui n’est pas toujours recherché par le clinicien dès la première consultation suivant le diagnostic. Cependant les doublons (un quart des diagnostics déclarés par un clinicien font l’objet d’une déclaration ultérieure par un autre praticien) permettent souvent de compléter la première déclaration. Les valeurs restant manquantes sont estimées par une méthode d’imputation multiple 4, qui permet de s’affranchir du caractère incomplet des données.

Les données de surveillance du VIH montrent une évolution préoccupante des diagnostics d’infection à VIH chez les HSH nés à l’étranger, dont le nombre augmente régulièrement, notamment chez ceux nés en Afrique subsaharienne. Cette augmentation peut être liée, sans qu’il soit possible à partir des données de surveillance d’en faire la part, à une augmentation des migrations d’HSH originaires de pays où les relations sexuelles entre hommes sont illégales ou sujettes à discrimination, ou à une augmentation des contaminations avant, pendant, ou après le parcours de migration. Un autre facteur explicatif pourrait être une moindre difficulté sur les années récentes pour les HSH à indiquer leur orientation sexuelle aux professionnels de santé, et pour les médecins à aborder ce sujet avec des personnes migrantes.

Ces diagnostics ne sont pas limités à des primo-arrivants, puisque seul un cinquième des découvertes de séropositivité sont faites l’année de l’arrivée en France. Pour les personnes arrivées depuis plusieurs années, les données de surveillance ne permettent pas de faire la part des contaminations avant ou après l’arrivée en France. Les contaminations en France ne peuvent être exclues, la promotion des différents outils de prévention est donc nécessaire auprès de ce public.

Certaines caractéristiques des HSH nés à l’étranger découvrant leur séropositivité sont intermédiaires entre celles des HSH nés en France et des hétérosexuel(le)s né(e)s à l’étranger. Comme les HSH nés en France, ils sont plus souvent diagnostiqués à la suite d’une exposition récente et présentent plus de co-infections par une autre IST, reflétant des situations d’exposition au virus plus fréquentes et des diagnostics moins tardifs que chez les hétérosexuel(le)s. Comme les hétérosexuel(le)s né(e)s à l’étranger, ils sont plus souvent sans profession au moment du diagnostic, source de précarité financière, plus souvent diagnostiqués à la suite d’un dépistage orienté que les personnes nées en France. Les HSH nés à l’étranger semblent en partie bénéficier des informations circulant dans la communauté HSH, et des actions de dépistage visant cette communauté, mais ils cumulent des facteurs de vulnérabilité des HSH et ceux des personnes nées à l’étranger.

Bien que les antécédents de dépistage montrent un meilleur recours au test des HSH nés à l’étranger que les hétérosexuel(le)s, ils restent loin des recommandations de la Haute Autorité de santé 7 pour les HSH : un test tous les 3 mois. La part importante des diagnostics tardifs et des personnes jamais testées avant le diagnostic montre que ce recours reste insuffisant. Ceci s’explique sans doute par des occasions manquées de proposition du test, mais également aussi par des difficultés d’accès aux soins pour cette population (méconnaissance des lieux de dépistage, autres priorités liées à une situation précaire, crainte en raison d’une situation irrégulière sur le territoire…).

Les circonstances du diagnostic montrent que les HSH nés à l’étranger ont été, plus souvent que ceux nés en France ou que les hétérosexuel(le)s, diagnostiqués suite à la réalisation d’un Trod, outil qui montre tout son intérêt dans cette population qui reste difficile à atteindre. En effet, une part de ces HSH nés à l’étranger font l’objet d’injonctions à l’hétérosexualité de leur entourage, rendant difficile l’affirmation de leur orientation sexuelle, les empêchant d’intégrer les homosociabilités, d’accéder aux ressources préventives communautaires 8 et d’être atteints par les programmes de promotion de santé sexuelle destinés aux HSH 9. Les actions de dépistage associatives ciblant l’ensemble des HSH ou les publics afro-latino-caribéens rendent compte de cette difficulté. Comprendre les modes de sociabilité de ces HSH nés à l’étranger par la mise en œuvre d’études dédiées semble nécessaire dans l’optique de mettre en place des actions de prévention adaptées.

Au-delà des découvertes de séropositivité, les besoins d’initiation ou de poursuite de prise en charge médicale concernent également le premier diagnostic en France des HSH qui arrivent sur le territoire alors qu’ils connaissaient déjà leur séropositivité.

Au total, ces données attestent d’une diversité d’origines géographiques de la population des HSH nés à l’étranger diagnostiqués pour le VIH, qui s’est accrue au cours du temps, ainsi que du besoin de renforcer dans cette population à la fois le recours au dépistage pour réduire le délai au diagnostic, et l’accès à la PrEP pour améliorer la prévention des contaminations pouvant survenir en France.

Remerciements

Nous remercions les professionnels de santé ayant déclaré les diagnostics d’infection à VIH et de sida, Lotfi Benyelles, Maria-Clara Da Costa, Pierre Pichon, Charly Ramus (Santé publique France) pour la gestion des DO VIH/sida, Céline Desouche, Damien Thierry (CNR du VIH) pour la réalisation des tests d’infection récente.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

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Citer cet article

Cazein F, Kunkel A, Velter A, Stefic K, Lot F. Diagnostics d’infection à VIH chez des hommes nés à l’étranger, contaminés par rapports sexuels entre hommes, France, 2012-2021. Bull Épidémiol Hebd. 2023;(24-25):508-14. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2023/24-25/2023_24-25_1.html