Violences homophobes subies par les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes en 2019.
Enquête Rapport au sexe

// Homophobic violence against men who have sex with men in 2019.
Rapport au Sexe Survey

Lucie Duchesne (lucie.duchesne@santepubliquefrance.fr), Nathalie Lydié, Annie Velter
Santé publique France, Saint-Maurice
Soumis le 12.12.2019 // Date of submission: 12.12.2019
Mots-clés : Homophobie | Hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes | Discrimination
Keywords: Homophobia | Men who have sex with men | Discrimination

Résumé

Malgré des avancées récentes dans la reconnaissance des droits des minorités sexuelles et de genre, les attitudes violentes et discriminatoires à leur encontre persistent. L’objectif de cet article est de mesurer la part des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) victimes d’actes homophobes au cours des 12 mois précédant l’enquête, qu’il s’agisse d’injures ou d’agressions physiques, et de décrire leurs caractéristiques ainsi que les facteurs associés au fait d’avoir vécu ces actes. Les données sont issues de l’enquête Rapport au sexe (ERAS), enquête transversale en ligne, anonyme et auto-administrée, basée sur le volontariat et réalisée auprès des HSH en 2019.

Au total, 23 777 hommes ont été inclus dans l’analyse. Au début de l’année 2019, 28% des HSH interrogés déclaraient avoir été victimes d’injures à caractère homophobe et 5% avaient été agressés physiquement au cours des 12 mois précédant l’enquête. Ces actes s’étaient déroulés préférentiellement dans les lieux publics, suivis par les lieux de travail et d’études et au sein de la famille. Quel que soit le contexte, les facteurs associés au fait d’avoir subi des insultes ou des agressions homophobes étaient le fait d’être jeune, de ne pas avoir fait d’études supérieures et d’être étudiant ou sans emploi.

Les résultats de cette étude mettent en avant le caractère pérenne des actes homophobes dans la société française. Les combattre passe par le renforcement des actions au niveau individuel, institutionnel et populationnel, afin non seulement de protéger les personnes LGBT, mais aussi de soutenir les personnes discriminées pour minimiser les effets de ces violences sur tous les aspects de leur vie.

Abstract

Despite some progress in recognizing the rights of lesbian, gay, bisexual, and transgender people (LGBT), they still face discrimination and violence. The aim of the present study was to determine the rate and characteristics of men who have sex with men (MSM) who have experienced homophobic acts, whether verbal or physical aggressions, and associated factors over a 12-month period. We used data from Rapport au sexe – an anonymous online cross-sectional survey of MSM – conducted in France in 2019.

A total of 23,777 men were included in the analysis. In 2019, 28% of men reported that they were the target of homophobic slurs, and 5% were physically assaulted within the previous 12 months. This violence happened mostly in public places, followed by workplaces or places of study and family spheres. The factors associated with homophobic violence were being young, having a high-school diploma or lower, and being unemployed or being a student.

These results highlight that homophobic violence persists in the French society. The fight against homophobia requires actions across three different levels: individual, institutional, and population levels. These actions must support and protect LGBT people in order to minimize the impact of stigma on all aspects of their lives.

Introduction

Depuis le début des années 1980, en France, les droits pour les personnes lesbiennes, gay, bisexuelles et transgenres (LGBT) n’ont cessé d’évoluer avec notamment la dépénalisation de l’homosexualité et le retrait de l’homosexualité des maladies mentales en 1981, la pénalisation des propos haineux et discriminatoires en raison de l’orientation sexuelle en 2004 et l’ouverture du mariage et de l’adoption pour les couples de même sexe en 2013. Ces avancées ont été accompagnées de débats qui ont mis en lumière des propos LGBTphobes dans la société française. L’écart est encore grand entre l’égalité formelle, garantie par la loi, et l’égalité réelle au quotidien. Les progrès dans la reconnaissance des droits n’ont pas suffi à mettre fin aux attitudes discriminatoires et violentes à l’encontre des personnes LGBT 1.

Qu’elle s’exprime de façon physique ou verbale, les LGBTphobies impactent la santé des minorités sexuelles : l’anxiété, le stress, les épisodes dépressifs, les idéations suicidaires et les tentatives de suicide sont plus souvent rapportés par ces populations que par le groupe majoritaire (ie la population hétérosexuelle) 2,3,4. Par le seul fait de vivre dans un environnement où elles se sentent stigmatisées, jugées et discriminées, les minorités sexuelles subissent un haut niveau de stress chronique qui nuit à leur santé mentale 5. Au-delà des effets sur leur santé mentale, leur santé physique est aussi impactée notamment par la persistance, dans le milieu médical, de comportements discriminants qui entravent l’accès aux soins des personnes LGBT 6.

Aucune donnée récente n’a estimé le niveau de discriminations homophobes vécues par les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) vivant en France, ni n’a identifié quels sont ceux les plus à risque de subir ces violences. Il est donc essentiel de bien caractériser ces hommes afin d’adapter au mieux les actions visant à les protéger et de s’assurer qu’ils en bénéficient réellement.

Les objectifs de cet article sont de mesurer la part des HSH ayant été la cible d’actes à caractère homophobe au cours des 12 mois précédant l’enquête, qu’il s’agisse d’agressions physiques ou d’injures. Il s’agira ensuite de décrire les caractéristiques des répondants et les contextes dans lesquels les violences ont eu lieu et enfin de déterminer les facteurs associés au fait d’avoir subi ces discriminations.

Méthodes

L’Enquête rapport au sexe (ERAS) 2019 est une enquête en ligne transversale anonyme, auto-administrée, basée sur le volontariat et sans incitation financière qui s’adresse spécifiquement aux HSH. Elle a été réalisée du 16 février au 31 mars 2019 sous la responsabilité scientifique de Santé publique France, avec le soutien de France Recherche Nord & Sud Sida-HIV Hépatites (ANRS). Les participants ont été recrutés via les réseaux sociaux, les applications et sites de rencontre gays, ainsi que les sites affinitaires. Des bannières ont également été diffusées via des plateformes programmatiques. Les personnes exposées à ces bannières étaient les hommes de 18 ans et plus ayant fait des recherches en ligne, ayant navigué sur des pages web ou ayant “liké” des contenus en relation avec la sexualité entre hommes. En cliquant sur ces dernières, les personnes étaient dirigées vers un site dédié à l’enquête sur lequel figuraient des informations sur les objectifs de l’enquête, les conditions de participation et la confidentialité des données. Les participants étaient invités à donner leur consentement éclairé pour accéder au questionnaire en ligne. Aucune adresse IP n’a été collectée. Les critères d’inclusion pour participer étaient le fait d’être un homme de 18 ans ou plus.

L’objectif principal de l’enquête était de mesurer l’appropriation de la prévention diversifiée parmi les HSH vivant en France, mais d’autres thèmes ont été abordés comme les discriminations. Le questionnaire, divisé en quatre parties, documente les caractéristiques sociodémographiques, le mode de vie, la socialisation, le vécu d’expériences homophobes ainsi que les comportements sexuels et préventifs au cours des six derniers mois et au dernier rapport selon le type de partenaire.

Les discriminations homophobes étaient appréhendées à partir de questions suivantes :

1) « Au cours des 12 derniers mois, avez-vous été victime d’injures en raison de votre homosexualité ? a) sur le lieu de travail ou d’études, b) dans le voisinage ou dans l’espace public, c) dans la famille » ;

2) « Au cours des 12 derniers mois, avez-vous été victime d’agressions physiques en raison de votre homosexualité ? a) sur le lieu de travail ou d’études, b) dans le voisinage ou dans l’espace public, c) dans la famille ».

La population d’étude était celle des hommes vivant en France et s’auto-définissant homosexuels ou bisexuels et les hommes s’auto-définissant hétérosexuels ou refusant de se définir par rapport à leur sexualité mais rapportant des relations sexuelles avec des hommes au cours de leur vie. Ils constituent la catégorie « HSH » telle que définie par l’ONUSIDA (Programme commun des Nations unies sur le VIH/sida) en 2011 7.

Toutes les analyses statistiques ont été réalisées avec le logiciel Stata® 14.2. Afin de définir les facteurs associés au fait d’avoir été discriminé selon le contexte, trois régressions logistiques multivariées ont été menées. Les variables significatives au seuil de 20% en analyse bivariée ont été retenues pour l’analyse multivariée. Le seuil de significativité retenu pour les analyses multivariées était de 5%.

Résultats

Le questionnaire d’ERAS 2019 a été complété par 24 308 hommes. Les 23 777 hommes qui résidaient en France (métropole, départements et régions françaises d’outre-mer et collectivités d’outre-mer [DROM-COM]) ont été retenus dans l’analyse.

Les répondants avaient 32 ans en médiane, étaient nés majoritairement en France métropolitaine (91%) ou dans les DROM-COM (4%). Ils avaient majoritairement un niveau d’étude supérieur au baccalauréat (68%), vivaient en milieu urbain (84%), exerçaient une activité professionnelle (66%) et se sentaient à l’aise financièrement (57%). Près des trois quarts des répondants se définissaient « homosexuels », 15% « bisexuels », 7% « hétérosexuels » et 5% refusaient de se définir par rapport à leur sexualité. Une minorité évoluait dans un cercle d’amis majoritairement homosexuels (9%).

Sur l’ensemble des répondants, 28% (n=6 678) ont déclaré avoir subi au moins un acte de discrimination homophobe au cours des 12 derniers mois. Parmi eux, 82% ont été injuriés verbalement, 17% ont été injuriés et agressés et 1% « exclusivement » agressés.

Les discriminations s’expriment dans différentes sphères de la vie publique et privée. Ainsi 20% des répondants ont été victimes de discrimination dans un lieu public, 10% l’ont été sur leur lieu de travail ou d’études et 9% l’ont été au sein de leur famille. Certains hommes ont déclaré avoir subi des actes homophobes dans plusieurs lieux à la fois comme le montre la figure.

Figure : Répartition en pourcentage des lieux dans lesquels les répondants résidant en France ont été victimes d’au moins un acte homophobe dans les douze derniers mois, selon les contextes. ERAS 2019, France (N=6 678)
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Les caractéristiques et les facteurs associés au fait d’avoir subi des injures ou actes homophobes dans différents contextes durant les 12 derniers mois sont présentés dans le tableau. L’âge médian des hommes qui ont été victimes d’homophobie dans les lieux publics était de 27 ans contre 24 ans pour ceux qui déclaraient l’avoir été sur leur lieu de travail ou d’études ou encore dans la sphère familiale.

Tableau : Caractéristiques des hommes ayant des rapports avec les hommes et ayant subi des injures ou agressions physiques selon les lieux où elles se sont déroulées et leurs facteurs associés. ERAS 2019, France (N=23 777)
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Quel que soit le contexte considéré, le pourcentage d’hommes déclarant avoir été injuriés ou agressés diminuait avec l’âge, passant, dans les lieux publics, de 27% parmi les 18-24 ans à 13% parmi les 45 ans et plus ; sur le lieu de travail ou d’étude, de 17% parmi les 18-24 ans à 7% parmi les 30-44 ans ; et dans le milieu familial de 14% parmi les moins de 25 ans à 6% parmi les 30-44 ans.

Des différences apparaissent également selon le niveau d’études ou la situation professionnelle : les hommes ayant un niveau d’étude inférieur ou égal au baccalauréat étaient toujours plus nombreux à déclarer des actes homophobes (de 10% à 20% selon les milieux) que ceux ayant fait des études supérieures (prévalence inférieure à 10%). De la même manière, plus d’un quart des hommes sans emploi ou étudiants déclaraient des actes homophobes dans l’espace public, contre 17% pour ceux exerçant une activité professionnelle.

Les hommes se définissant homosexuels, ayant un cercle d’amis majoritairement homosexuels, fréquentant les lieux de convivialité gay et/ou utilisant les applications et sites de rencontre étaient particulièrement exposés, avec des prévalences rapportées qui oscillaient entre 10% et 20% selon les milieux.

Enfin, les hommes habitant dans une grande ville déclaraient davantage avoir été victimes de violences dans des lieux publics (23% vs 18%), mais ils avaient été moins souvent victimes de violences sur leur lieu de travail ou d’étude et dans leur famille (tableau).

Discussion

L’enquête ERAS 2019 indique que 28% des répondants ont été victimes d’insultes homophobes et 5% ont été physiquement agressés du fait de leur orientation sexuelle dans les 12 mois précédant l’enquête. Le niveau de ces actes homophobes reste stable depuis plus de deux décennies si l’on se réfère aux Enquêtes Presse Gays, et ce malgré une amélioration déclarée de l’acceptation de l’homosexualité en population générale et la progression continue de leurs droits. La tendance à la hausse depuis 2017 des témoignages recensés par l’association SOS Homophobie vient appuyer cet apparent paradoxe 6. Il est pourtant la résultante d’un même phénomène : la marche de la société française vers une plus grande tolérance vis-à-vis des minorités sexuelles. Cette évolution provoque un double mouvement. D’un côté, des manifestations violentes et visibles à l’égard des LGBT de la part de personnes dont le système de représentation hiérarchise les orientations sexuelles dans un ordre social perçu comme naturel et établi et, de l’autre, l’abaissement du seuil de tolérance à l’homophobie qui tend à rendre illégitime toutes les formes de LGBTphobies et pousse probablement les personnes qui en sont victimes à davantage les déclarer.

Les résultats d’ERAS montrent que les hommes âgés de moins de 25 ans sont ceux qui rapportent le plus avoir été exposés à ce type de violence, quel que soit le contexte. Si ce sont dans les lieux publics que les jeunes répondants déclarent être le plus victimes d’actes homophobes, les milieux scolaire et familial restent des espaces « à risque » pour les jeunes. En effet, dans ces milieux où la conformité de stéréotype de genre est fortement ancrée, l’affirmation de son orientation sexuelle expose les jeunes homosexuels à des comportements hostiles à leur égard. De même, malgré une évolution positive de l’acceptation de l’homosexualité par l’entourage proche entre 1985 et 2004, en 2019, la sphère familiale reste le théâtre d’actes homophobes pour plus de 14% des répondants de moins de 25 ans. Les jeunes homosexuels semblent donc soumis aux mêmes difficultés à traverser l’épreuve du coming out que leurs aînés au même âge, bien que l’âge de l’affirmation de soi et des coming-out soit plus précoce pour les jeunes générations 8.

En milieu scolaire, les manifestations de l’homophobie se traduisent, selon un rapport du ministère de l’Éducation nationale de 2013 9, par des harcèlements caractérisés par la répétition et l’humiliation publique, des agressions verbales qui tendent à se banaliser et, plus rarement, des violences physiques. Les témoignages recueillis par l’association SOS-Homophobie indiquent que ces actes se produisent pour moitié au lycée et sont perpétrés par d’autres jeunes lycéens 6. La banalité des actes homophobes auxquels de nombreux jeunes HSH sont confrontés est particulièrement préoccupante compte tenu de l’effet observé de cette stigmatisation sur leur santé : troubles psychiques, tentatives de suicide 2,5,10, sur-risque de consommation de substances psychoactives et comportements sexuels à risque 11,12. Depuis plusieurs années, le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse mène des actions d’information et de sensibilisation contre la haine anti-LGBT envers les collégiens, les lycéens et l’ensemble des membres de la communauté éducative afin de prévenir les violences et les discriminations, d’accompagner les victimes et de soutenir les jeunes LGBT face aux difficultés qu’ils peuvent rencontrer 13.

Quels que soient les contextes, les répondants ayant un faible niveau socioéconomique sont plus susceptibles que les autres d’être victimes d’actes homophobes : les répondants n’ayant pas suivi d’études supérieures ou ceux en situation de précarité professionnelle (chômage, RSA…). Ces résultats ne différent pas de ceux observés en 2004 dans l’Enquête Presse Gay 5. Ils corroborent des recherches qualitatives qui soulignent les expériences difficiles liées à l’identité homosexuelle dans les trajectoires socio-biographiques des homosexuels issus de milieux populaires 14,15. Dans la sphère familiale, les hommes sans emploi étaient les plus à risque de subir des actes homophobes. Bien que l’homophobie familiale soit présente dans tous les milieux sociaux 14,16, nos résultats tendent à montrer que les hommes les moins favorisés y seraient plus exposés. Dans le milieu professionnel, les répondants les plus exposés à des actes homophobes dans les 12 derniers mois étaient ceux au chômage au moment de l’enquête. Ces résultats sont cohérents avec ceux de L. Parini et A. Lloren 17, qui ont montré que la précarité de l’emploi favorise la discrimination au travail des personnes LGBT. Dans les lieux publics aussi, les HSH sans emploi ou n’ayant pas suivi d’études supérieures déclarent avoir été davantage ciblés par des actes homophobes.

Des différences dans le vécu des discriminations apparaissent entre les hommes résidant en milieu urbain, périphérique ou rural. Les répondants résidant dans des villes de moins de 100 000 habitants ont davantage subi des actes homophobes sur leur lieu de travail et dans leur famille, mais ont moins été victimes d’homophobie dans l’espace public. À l’opposé, le fait de vivre dans une ville de plus de 100 000 habitants est associé à plus de discriminations dans l’espace public (23% des urbains contre 17% parmi les HSH résidant en zone rurale). Des travaux ont montré que les grandes villes sont perçues par les homosexuels comme des espaces privilégiés où ils se sentent plus en sécurité pour affirmer leur identité et vivre librement leur sexualité 15,18. A contrario, hors des villes, l’homosexualité est vécue « dans une forme de discrétion et de privatisation » 14. Si des espaces de sociabilité spécifiques existent, ils restent le plus souvent invisibles aux yeux des hétérosexuels 19. Ces différences dans le mode de vie participent à rendre les HSH des grandes villes plus visibles aux yeux de la société que dans les petites villes ou à la campagne 18,20 ; cette visibilité les expose à une plus grande stigmatisation, comme le confirment nos résultats. Ainsi, se définir homosexuel, évoluer dans un cercle d’amis majoritairement homosexuels, fréquenter des lieux de convivialité gay ou encore être dans une relation de couple avec un homme sont associés au fait d’avoir été victimes d’actes homophobes.

Cette étude comporte des limites qu’il convient de prendre en compte. Nous avons utilisé un échantillon de convenance pour cette enquête, ce qui implique que les résultats ne sont pas généralisables à l’ensemble de la population des HSH vivant en France. Néanmoins, la campagne de recrutement sur Internet a permis d’inclure un nombre important d’HSH avec des profils diversifiés en termes d’âge, de niveau d’éducation, de niveau socioéconomique et de lieu de résidence. Par ailleurs, la question des discriminations n’étant pas centrale dans ERAS, il n’est pas possible d’éclairer davantage le contexte dans lequel les discriminations sont survenues et notamment leur éventuel lien avec le coming out. Des enquêtes dédiées, y compris qualitatives, permettraient de documenter ce sujet de manière plus approfondie.

Nos résultats confirment que l’homophobie touche l’ensemble des HSH tout au long de leur trajectoire biographique, avec des périodes particulièrement critiques. Ses manifestations violentes altèrent à la fois leur santé physique et mentale. Aussi, il est nécessaire de promouvoir une culture de diversité et de respect en menant des actions s’adressant à toutes et tous pour contrer la haine, les préjugés et les attitudes négatives portant atteinte aux HSH et aux personnes LGBT en général. La prise de conscience et la lutte passent notamment par des actions à différents niveaux : individuel, institutionnel et populationnel 21. Au niveau individuel, il est nécessaire de soutenir les personnes discriminées pour minimiser les effets de ces violences sur tous les aspects de leur vie, en leur facilitant notamment l’accès à des dispositifs d’écoute et de soutien. Au niveau institutionnel, des initiatives promouvant la diversité dans les milieux scolaires et professionnels, ainsi que des formations visant à lutter contre les préjugés peuvent être mises en œuvre. Au niveau populationnel, la mise en place de campagnes médiatiques de lutte contre les discriminations et l’élaboration de lois et de politiques protégeant les personnes LGBT sont à privilégier.

Remerciements

Les auteurs remercient tous les hommes qui ont pris le temps de répondre à cette enquête, ainsi que l’ANRS (France Recherche Nord & Sud Sida-hiv Hépatites) pour son soutien, via notamment la mise à disposition d’un poste de moniteur d’études en sciences sociales.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

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20 Valentine G, Skelton T. Finding oneself, losing oneself: The lesbian and gay ‘scene’as a paradoxical space. Int J Urban Reg Res. 2003;27(4):849-66.
21 Administratrice en chef de la santé publique au Canada. Lutte contre la stigmatisation : vers un système de santé plus inclusif. Ottawa: Agence de la santé publique du Canada; 2019. https://www.canada.ca/fr/sante-publique/
organisation/publications/rapports-etat-sante-publique-canada-administrateur-chef-sante-publique/lutte-contre-stigmatisation-vers-systeme-sante-plus-inclusif.html

Citer cet article

Duchesne L, Lydié N, Velter A. Violences homophobes subies par les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes en 2019. Enquête rapport au sexe. Bull Epidémiol Hebd. 2021;(6-7):105-11. http://beh.santepublique
france.fr/beh/2021/6-7/2021_6-7_2.html