Étude du profil des bénéficiaires du dispositif VIHTest, dépistage sans frais et sans ordonnance du VIH, dans cinq régions françaises
// Study on users of VIHTest, the scheme for free HIV tests without prescription, in five French regions
Résumé
Introduction –
Depuis le 1er janvier 2022, le dépistage du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) sans frais et sans ordonnance est disponible dans tous les laboratoires de ville via le dispositif VIHTest. L’offre a été généralisée, compte tenu des résultats de l’expérimentation « Au labo sans ordo » (Also). Une enquête de Santé publique France a été déployée dans cinq régions afin de monitorer le déploiement de ce dispositif.
Méthodes –
Une enquête transversale a été menée du 15 septembre 2023 au 15 mars 2024 au sein d’une sélection de laboratoires volontaires en Grand Est, Normandie, Occitanie, Guadeloupe et Martinique. Un auto-questionnaire anonyme en ligne était proposé par les laboratoires aux assurés sociaux de plus de 18 ans qui réalisaient un dépistage du VIH. Le profil des usagers VIHTest a été comparé à celui des personnes dépistées par ordonnance à l’aide d’une régression logistique multivariée, ajustée sur le genre, l’orientation sexuelle, l’âge et les variables avec un p≤0,2 en univarié. Les résultats ont été analysés dans chaque région séparément.
Résultats –
Au total, 6 531 questionnaires ont été analysés dont 2 004 (30,7%) tests prescrits et 4 257 (69,3%) VIHTest. En comparaison de la population dépistée sur ordonnance, l’offre VIHTest attirait une population plus âgée. Le reste des caractéristiques associées à l’offre VIHTest différait selon la région. À titre d’exemple, en Occitanie et en Normandie, les usagers de VIHTest avaient moins d’antécédents de dépistage du VIH et présentaient moins de facteurs d’exposition sexuelle que les usagers de tests prescrits.
Conclusion –
Notre enquête a montré que le profil des utilisateurs de VIHTest varie d’une région à l’autre, et diffère du profil des utilisateurs de l’expérimentation Also. Elle a fourni d’autres informations intéressantes sur le déploiement de l’offre. L’hétérogénéité des résultats selon les régions soutient et renforce la nécessité d’une gestion locale de l’offre. Elle a également permis de mettre en évidence le rôle central joué par les laboratoires dans la promotion et le déploiement de VIHTest. Ces résultats ouvrent des pistes de réflexion intéressantes, notamment avec l’élargissement du dispositif aux autres IST pour les moins de 26 ans.
Abstract
Introduction –
Following the “Au Labo Sans Ordo” (ALSO) pilot, the VIHTest scheme was introduced in January 2022 to rollout free HIV screening without prescription in all medical laboratories of France. To monitor the scheme’s progressive implementation, Santé publique France conducted a survey within five regions across the country.
Methods –
A cross-sectional survey was conducted from 15 September 2023 to 15 March 2024 in a selection of volunteer laboratories in Grand Est, Normandy, Occitania, Guadeloupe and Martinique. During this period, participating laboratories offered an anonymous, self-administered, online questionnaire to any adult with social security coverage who was undergoing HIV screening. The profile of individuals using VIHTest was compared with people tested by prescription using multivariate logistic regression, adjusted for group, age and variables with a univariate p≤0.2. The results were analysed for each region separately.
Results –
A total of 6,531 questionnaires were analysed including 2,004 (30.7%) prescription test users and 4,257 (69.3%) VIHTest users. Compared with the population tested on prescription, VIHTest users were older. The other characteristics associated with VIHTest users differed from region to region. For example, in Occitania and Normandy, VIHTest users reported fewer previous HIV tests and fewer sexual exposure factors than prescription test users.
Conclusion –
Although our survey did not reveal the same profile for VIHTest users as the profile described in the pilot scheme ALSO, it did provide other interesting information about uptake. The difference in results from one region to another further supports the need for local management of VIHTest. The survey also highlighted how laboratories were central to the promotion and implementation of the scheme. These results open up interesting perspectives for discussion, particularly with a view to extending the scheme to other sexually transmitted infections for young people under the age of 26.
Introduction
À la suite des recommandations mondiales de l’Onusida (Programme commun des Nations unies sur le VIH/sida) visant l’éradication du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), la France s’est engagée à atteindre en 2020 l’objectif « 95-95-95 » : 95% des personnes vivant avec le VIH diagnostiquées, 95% des personnes diagnostiquées traitées par antirétroviraux, 95% des personnes traitées ayant une charge virale indétectable 1. En 2016, seuls 86% des patients séropositifs étaient diagnostiqués malgré l’augmentation constante de l’activité de dépistage 2. Par ailleurs, plus du quart des diagnostics étaient posés à un stade avancé de la maladie (28% en 2022), particulièrement chez les plus de 50 ans et les personnes nées à l’étranger 3. Le retard au diagnostic est d’autant plus regrettable qu’un traitement antirétroviral débuté tôt permet, en plus de l’amélioration significative du pronostic des patients, de rendre la charge virale indétectable et d’empêcher ainsi la transmission du virus 4. Le dépistage constitue donc un enjeu majeur du diagnostic précoce et de la lutte contre l’épidémie 5.
En 2019, un dispositif de dépistage du VIH sans avance de frais et sans ordonnance en laboratoire de ville a été évalué au sein de deux départements français (Paris et Alpes Maritimes) dans le cadre de l’expérimentation « Au labo sans ordo » (Also) 6,7,8. Son évaluation a conclu à sa capacité à augmenter le volume du dépistage du VIH et à recruter des catégories de populations auparavant moins bien dépistées, et ainsi susceptibles de contribuer au maintien de l’épidémie cachée de VIH. Cette population était notamment constituée d’hommes hétérosexuels, de plus 50 ans, et habituellement plus éloignés du système de soin. S’appuyant sur ces résultats positifs, le dispositif a été généralisé à toute la France sous le nom de VIHTest en 2022.
Dans certaines régions, le besoin d’une enquête de monitoring du déploiement de VIHTest a été remonté. Celle-ci visait à évaluer le nombre de bénéficiaires du nouveau dispositif, à décrire leur profil sociodémographique et comportemental par rapport à la population dépistée sur prescription, et ainsi à confirmer que VIHTest touche une population différente. Afin de fournir des indicateurs homogènes et comparables entre territoires, Santé publique France s’est saisie de cette mission en conduisant une étude selon trois axes. Le premier axe avait pour objectif d’évaluer le déploiement du dispositif VIHTest et la contribution à l’offre globale de dépistage à partir des données du Système national des données de santé (SNDS) 9. Le deuxième axe avait pour objectif, à partir des données de monitoring du déploiement de VIHTest, de vérifier que les résultats de l’expérimentation Also étaient transposables sur d’autres territoires. Le troisième axe avait pour objectif d’évaluer la perception des laboratoires d’analyses et de biologie médicales sur la mise en place du dispositif et sur ses perspectives de développement. Cet article présente les résultats du deuxième axe sur l’enquête auprès des bénéficiaires de VIHTest.
Méthode
Une enquête transversale descriptive a été menée du 15 septembre 2023 au 15 mars 2024 dans cinq régions françaises : Grand Est, Normandie, Occitanie, Guadeloupe (incluant Saint-Martin et Saint-Barthélemy) et Martinique.
La population source de l’étude était constituée des assurés sociaux de plus de 18 ans, réalisant un dépistage du VIH (sur prescription ou dans le cadre de VIHTest) dans un des laboratoires de biologie médicale de ville participant à l’enquête.
La sélection des laboratoires a été réalisée en deux étapes. Une pré-sélection a été faite avec les unions régionales des professionnels de santé (URPS) biologistes dans le but de solliciter les entités juridiques des plus grands groupes de laboratoires pour participer à l’enquête. Ils disposaient de sites de prélèvement situés en zone rurale et en zone urbaine, et représentaient à eux seuls environ 80% des prélèvements en Grand Est, en Normandie, et en Occitanie. Puis parmi eux, les laboratoires ont été recrutés sur la base du volontariat. En Guadeloupe et en Martinique, tous les groupements de laboratoires ont participé à l’enquête.
Recueil des données
Les données ont été recueillies via un auto-questionnaire anonyme, en français. Il était accessible en ligne (LimeSurvey®), via un QR-code transmis aux participants volontaires par les laboratoires. Il comportait 25 questions dont certaines n’étaient proposées qu’en fonction des réponses précédentes. Les principales variables recueillies portaient sur le profil sociodémographique, le dépistage du VIH et les indicateurs d’exposition sexuelle. Sa durée était estimée à moins de 5 minutes. Au début du questionnaire, les répondants devaient préciser s’ils avaient déjà répondu à ce questionnaire, de manière à identifier les doublons sur une base déclarative. Les personnes cochant qu’elles avaient déjà répondu étaient amenées directement à la fin du questionnaire et leur deuxième questionnaire a été exclu de l’analyse.
Promotion de l’enquête
Chaque laboratoire participant recevait des affiches et des cartes avec le QRcode permettant d’accéder au questionnaire. Il assurait ensuite sa propre stratégie de promotion du dispositif envers ses usagers.
En Normandie et en Occitanie, des webinaires de formation ont été réalisés à l’intention des laboratoires par les cellules régionales de Santé publique France et/ou les CoreVIH et les agences régionales de santé (ARS).
Analyses statistiques
La base de données a été extraite sous Excel® et analysée à l’aide du logiciel R (The R foundation, Vienna, Austria, version 4.1.3). Les questionnaires incomplets et les doublons ont été exclus de l’analyse. La variable « Groupe » (femme, homme hétérosexuel, homme ayant des rapports avec des hommes (HSH)) a été construite selon les mêmes modalités que dans Also, en croisant le genre du participant et le sexe des partenaires des 12 derniers mois, pour permettre de comparer les deux enquêtes.
Les résultats ont été analysés dans chaque région séparément afin de prendre en compte les spécificités démographiques, du profil de l’épidémie de VIH, et de déploiement de l’enquête 10.
Une analyse descriptive globale a été réalisée sur les différentes variables recueillies puis un test de comparaison de pourcentages (Chi2 ou Fisher selon les conditions d’application) a été utilisé pour comparer les usagers VIHTest à ceux des tests prescrits. Une analyse multivariée a ensuite été réalisée par une régression logistique, avec ajustement sur la variable « Groupe », l’âge (en classe) et les variables dont la p-valeur était inférieure ou égale à 0,2 en analyse univariée.
L’avis d’un comité éthique ou de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) n’était pas nécessaire puisqu’il s’agissait d’une enquête transversale anonyme sur la base du volontariat. Le contenu et le mode de diffusion du questionnaire ont été validés par le délégué à la protection des données de Santé publique France.
Résultats
Après exclusion de 1 575 questionnaires incomplets et 299 doublons, 6 531 questionnaires ont été inclus dans l’analyse (2 004 dans le groupe « Test prescrit » et 4 527 dans le groupe « VIHTest »). Les répondants dépistés via VIHTest étaient plus nombreux que ceux dépistés sur prescription médicale en Martinique, Normandie et Occitanie. En Grand Est, on observait l’inverse, et en Guadeloupe, les proportions de tests prescrits et de VIHTest étaient similaires (tableau 1).
Caractéristiques des répondants dépistés via VIHTest par rapport aux répondants dépistés sur prescription médicale
Les résultats des analyses figurent dans les tableaux 2 et 3. Seuls les résultats significatifs en analyse univariée sont présentés ci-dessous, toujours sous le format suivant : description des caractéristiques associées aux usagers de VIHTest comparativement aux personnes dépistées sur prescription médicale.
Catégories sociodémographiques
Les usagers de VIHTest étaient :
–En Grand Est, autant d’hommes hétérosexuels, moins souvent des femmes et plus souvent des HSH ;
–En Normandie et Occitanie, plus souvent des hommes hétérosexuels et moins souvent des HSH.
Ils étaient plus souvent âgés de 40 ans ou plus en Grand Est, Normandie, et Occitanie. Ils étaient plus souvent nés en outre-mer ou à l’étranger en Grand Est. Ils résidaient plus souvent à l’étranger en Guadeloupe. Enfin, ils avaient un niveau d’étude plus bas en Grand Est, en Normandie, et en Occitanie.
Indicateurs d’expositions à risque
Ils avaient plus souvent eu moins de 6 partenaires sexuels au cours des 12 derniers mois en Guadeloupe, Normandie et Occitanie par rapport aux personnes dépistées sur prescription médicale.
En Normandie et Occitanie, ils étaient moins souvent sous prophylaxie pré-exposition (PrEP) au moment de l’enquête et avaient moins souvent été traités pour une infection sexuellement transmissible (IST) dans l’année. Ils avaient moins souvent un antécédent de dépistage du VIH en Grand Est, en Normandie, et en Occitanie.
Analyse multivariée
Les résultats significatifs en analyse multivariée figurent dans les tableaux 2 et 3. Après ajustement, les caractéristiques indépendamment associées aux usagers de VIHTest, comparativement à ceux des tests prescrits, étaient :
–dans les cinq régions : un âge plus élevé, et une fréquence plus faible de réalisation concomitante d’autres examens que le dépistage du VIH (avec des odds ratio, OR, très différents selon la région) ;
–en Occitanie et Normandie : moins d’antécédents de dépistage du VIH, un plus faible nombre de partenaires sexuels dans l’année, et une prise de PrEP moins fréquente ;
–en Occitanie : moins fréquemment un HSH ou un homme hétérosexuel vs une femme, et moins fréquemment un traitement d’une IST dans l’année ;
–en Grand Est : être nés plus fréquemment en outre-mer ou à l’étranger.
Les différences retrouvées en analyse multivariée portaient donc, en fonction des régions, sur l’âge, les facteurs de risque individuels, le pays de naissance, l’opportunité de la réalisation du dépistage et les antécédents médicaux vis-à-vis des IST.
Focus sur les participants dépistés via le dispositif VIHTest
Pourquoi avoir choisi de réaliser le dépistage via le dispositif VIHTest ?
Les usagers de VIHTest devaient choisir une ou plusieurs réponse(s) parmi : « pour le côté pratique », « car les centres de dépistage sont trop compliqués », « car il n’y a pas besoin d’ordonnance », « pour une autre raison ». La réponse la plus fréquente était :
–en Grand Est, en Normandie, en Guadeloupe, et en Martinique : « Pour le côté pratique » ;
–en Occitanie : « Pour une autre raison ».
Les participants ayant répondu « Pour une autre raison » devaient préciser leur choix par une réponse rédactionnelle courte. Un dépistage sur proposition du laboratoire était la principale raison évoquée. La part des VIHTest réalisée sur proposition du laboratoire représentait :
–en Normandie et en Occitanie : plus du quart des VIHTest ;
–en Grand Est, en Martinique et en Guadeloupe : environ 10% des VIHTest.
Les autres raisons récurrentes étaient une campagne de dépistage, pour participer à l’enquête ou au décours d’un autre examen, sans préciser s’il s’agissait d’une initiative personnelle ou du laboratoire.
Si le dispositif n’avait pas existé, près de la moitié des usagers de VIHTest en Normandie et en Occitanie n’auraient pas fait de dépistage (figure 1), tandis qu’en Grand Est, en Martinique et en Guadeloupe, plus de 70% auraient réalisé le dépistage autrement.
Test d’opportunité
Les tests d’opportunité (dépistage du VIH via VIHTest réalisé à l’occasion d’autres examens biologiques) concernaient la majorité des usagers de VIHTest dans les cinq régions de l’enquête. Par rapport aux usagers d’un VIHTest isolé, les usagers d’un test d’opportunité (tableau 4) :
–étaient plus âgés en Grand Est, en Normandie et en Occitanie ;
–étaient plus souvent une femme, moins souvent un homme hétérosexuel ou un HSH en Normandie et en Occitanie ;
–avaient eu moins de partenaires sexuels au cours des 12 derniers mois en Normandie et en Occitanie.
Connaissance du dispositif VIHTest
Dans l’ensemble des régions, excepté en Martinique, près de 30% des participants dépistés sur prescription médicale ont répondu connaître l’existence du dispositif VIHTest :
–Grand Est : 192/638 (30,1%) ;
–Normandie : 99/271 (36,5%) ;
–Occitanie : 289/969 (29,8%) ;
–Guadeloupe : 23/73 (31,5%) ;
–Martinique : 12/53 (22,6%).
Les modalités de connaissance du dispositif ont été évaluées par une question à choix multiple, posée aux usagers de VIHTest et à ceux dépistés sur prescription médicale ayant répondu positivement à la question précédente (figures 2a et 2b).
Les deux réponses les plus fréquentes étaient une prise de connaissance du dispositif « grâce au laboratoire » et « via des affiches/flyers », dans des proportions différentes selon la région et la modalité de dépistage.
Ainsi, en Normandie et en Occitanie, la part des répondants ayant découvert le dispositif grâce au laboratoire représentait plus de 75% des usagers VIHTest et était nettement plus élevée que parmi les participants dépistés sur prescription médicale. En Grand Est, cette proportion différait moins selon la modalité de dépistage, avec un peu plus de la moitié des usagers VIHTest ayant découvert le dispositif grâce au laboratoire contre 40% des participants dépistés sur prescription médicale.
Discussion
Dans le cadre du monitoring du dispositif VIHTest, cette enquête, représentant l’un des trois axes de l’étude mise en œuvre, avait comme objectif de confirmer la capacité du dispositif à recruter une population plus éloignée du dépistage et présentant des caractéristiques différentes de la population se faisant habituellement dépister sur ordonnance, ainsi que cela avait été démontré lors de l’expérimentation Also. L’enquête a donc reposé sur le volontariat sans nécessité d’inférence sur l’ensemble de la population cible 11.
Comparaison avec Also
En premier lieu, la méthode de diffusion des questionnaires différait entre l’évaluation Also (questionnaire papier) et cette enquête (questionnaire en ligne). La diffusion via un QR-code du questionnaire a pu limiter la population touchée dans cette enquête à un profil de personnes disposant d’un smartphone et à l’aise avec l’informatique.
Dans l’enquête Also-Usager 6,7,8, l’offre Also représentait 12% des dépistages des répondants. Comparativement aux participants avec un test prescrit, les usagers Also étaient plus souvent un homme hétérosexuel, multipartenaire dans l’année. L’âge (variable continue) ne différait pas entre les deux groupes.
Les résultats observés en 2023 dans les régions de notre enquête diffèrent par certains aspects de ceux de l’enquête Also. Notre enquête ne retrouve pas de surreprésentation des hommes hétérosexuels parmi les usagers de VIHTest. Ils étaient plus âgés dans les 5 cinq régions et avaient plus souvent eu aucun ou moins de six partenaires sexuels dans l’année en Normandie et en Occitanie. Au total, ces résultats suggèrent qu’une population non habituellement dépistée via la prescription (personnes de 50 ans ou plus, moins d’antécédent de dépistage du VIH) a pu être recrutée via VIHTest. Cependant, les différences observées avec Also pourraient également être dues à des différences au niveau des laboratoires sur la façon de proposer VIHTest aux usagers en vie réelle par rapport à l’expérimentation. Il semble que le public ayant répondu à l’enquête se caractérise par la moindre fréquence des comportements à risque d’une contamination par le VIH.
Différences entre régions dans l’enquête
Il n’a pas toujours été possible de mettre statistiquement en évidence des spécificités pour la Guadeloupe et la Martinique en raison de petits effectifs, la plupart de leurs résultats doivent donc s’apprécier de manière descriptive et au regard de l’analyse pour l’ensemble des régions.
Dans notre enquête, on observait des résultats hétérogènes selon la région de dépistage. Ainsi, l’Occitanie a recruté un nombre plus important de participants que la Normandie ou que la région Grand Est. De plus, en Occitanie et dans une moindre mesure en Normandie, les répondants ayant bénéficié de VIHTest étaient plus nombreux que ceux dépistés grâce à un test prescrit, alors qu’on observait l’inverse en Grand Est.
L’hétérogénéité observée entre les régions des caractéristiques comparées des usagers de VIHTest et de tests prescrits pourrait s’expliquer par des différences dans le déploiement et la promotion du dispositif VIHTest et/ou de l’enquête, chaque laboratoire ayant mis en œuvre sa propre stratégie de promotion envers ses usagers.
Par exemple, en Occitanie, 298 laboratoires préleveurs ont accepté de participer à l’enquête. Ils étaient gérés par 19 laboratoires principaux, dont 10 faisaient partie d’un même groupe qui totalisait, en 2021, 88% de l’activité de sérologie VIH des laboratoires participants. Facilitée par un partenariat solide avec l’URPS biologie Occitanie, la mobilisation des laboratoires a été particulièrement dynamique dans ce groupe très majoritaire dans la région. Ce contexte pourrait expliquer la part élevée de l’Occitanie parmi les répondants à l’enquête et probablement leur profil particulier.
Ainsi, une promotion plus active de VIHTest, à un plus large public, par les laboratoires pourrait expliquer pourquoi les usagers de VIHTest sont plus âgés et moins exposés au risque d’infection. De même, la proportion de participants ayant découvert le dispositif VIHTest grâce aux laboratoires était plus importante dans les régions de l’enquête où les participants dépistés par VIHTest étaient plus nombreux. Elle était nettement moins fréquente parmi les dépistages sur ordonnance. Dans ces régions, on observait également parmi les VIHTest une part plus importante de tests d’opportunité. À l’inverse, en Grand Est, où les dépistages par VIHTest étaient minoritaires, des parts plus basses de participants ayant découvert le dispositif grâce au laboratoire et de tests d’opportunités étaient observées. Cela reflète une moindre promotion par les laboratoires de VIHTest et illustre l’importance du rôle joué par les laboratoires dans le déploiement de l’offre.
Dans les régions où la promotion du dispositif par les laboratoires semblait la plus active, l’offre VIHTest a d’avantage permis de recruter une population nouvelle qui échappait habituellement au dépistage. À l’inverse, dans les régions où la promotion du dispositif semblait moindre, la majorité des usagers de l’offre VIHTest aurait réalisé leur dépistage même en l’absence du dispositif, via d’autres offres déjà existantes. Ces usagers sont issus du transfert depuis les autres offres de dépistages vers VIHTest. Ainsi, les laboratoires semblent également avoir favorisé un meilleur recrutement des personnes cibles du dispositif VIHTest.
Les différences régionales observées dans l’enquête semblent être une piste intéressante pour discuter de l’impact des différentes mesures de promotion prises localement. Elles soulignent le rôle prépondérant des laboratoires dans le recrutement des usagers et dans la possibilité pour le dispositif VIHTest d’atteindre ses objectifs initiaux.
Conclusion
Cette enquête a permis de décrire les caractéristiques démographiques, sociales et comportementales de personnes dépistées pour le VIH, via le dispositif VIHTest ou via un test prescrit, dans plusieurs régions avec un protocole unique, dans le cadre d’un monitoring. Elle a confirmé que le dispositif peut recruter des personnes non habituellement dépistées par ordonnance (personnes de 50 ans ou plus et personnes ayant moins d’antécédent de dépistage du VIH).
Les caractéristiques associées à l’utilisation du dispositif VIHTest varient également selon les régions. Cela témoigne de l’influence du rôle joué par les laboratoires dans le déploiement du dispositif et de l’impact des différentes mesures de promotion prises localement.
Ces résultats pourront contribuer au pilotage de la politique de santé déployée localement sur la thématique, en particulier dans le cadre de l’élargissement du dispositif aux autres IST pour les moins de 26 ans, prévu par la loi du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023 12.
Remerciements
Les auteurs remercient les laboratoires d’analyses médicales participants et les URPS biologistes pour leur mobilisation sur l’enquête.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.