Profils des usagers du programme « Au labo sans ordo », dépistage du VIH sans ordonnance et sans frais en laboratoire de biologie médicale

// Profiles of the ALSO program users, a free HIV testing supply in walk-in medical labs in France

Karen Champenois1 (karen.champenois@inserm.fr), Margot Annequin2, Pamela Ngoh2, Irit Touitou3, France Lert2, Philippe Bouvet de la Maisonneuve3, Julie Valbousquet3, Erwan Le Hô4, Nathalie Lydié5, Eve Plenel2, Pascal Pugliese3
et le Groupe ALSO*
1 IAME, UMR 1137, Inserm, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris Cité, Paris
2 Vers Paris sans sida, Paris
3 Service des maladies infectieuses – Corevih Paca-Est, CHU Nice
4 Objectif sida zéro, Nice
5 Santé publique France, Saint-Maurice

* Le Groupe ALSO (« Au labo sans ordo ») : Laurence Dauffy, Laurence Dumondin et les équipes
de l’Assurance maladie de Paris, Gwenaelle Tasset et les équipes de l’Assurance maladie des Alpes-Maritimes, Anne-Claire Haye, Gérard Ughetto et les équipes du Service médical de l’Assurance maladie, Florence Orsini, Said Oumeddour et la sous-direction de prévention et promotion de la santé
de l’Assurance maladie, Jean-Claude Azoulay et l’URPS Biologie Île-de-France (IDF), Boris Loquet,
Jean-Marc Dubertrand et l’URPS Biologie Paca, les présidents et présidentes, ainsi que les techniciens et techniciennes d’études cliniques des Corevih Paca-Est, IDF Sud, IDF Nord, IDF Centre et IDF Ouest, Christophe Caissotti (Corevih Paca-Est), Frédéric Goyet, Corinne Chouraqui (Agence régionale de santé Île-de-France), Anne Souyris (Ville de Paris).

Soumis le 16.07.2020 // Date of submission: 07.16.2020
Mots-clés : VIH | Dépistage | Laboratoire de biologie médicale | CeGIDD
Keywords: HIV | Testing | Medical laboratory | Public STI clinic

Résumé

Introduction –

Depuis le 1er juillet 2019, le programme « Au labo sans ordo » (ALSO) offre, à Paris et dans les Alpes-Maritimes, un dépistage du VIH sans ordonnance et sans frais dans tous les laboratoires de biologie médicale de ville. Cet article décrit les usagers du programme ALSO et compare leurs caractéristiques à celles des personnes qui ont recours au dépistage du VIH en laboratoire sur prescription médicale ou en CeGIDD.

Méthodes –

Une étude transversale a été menée la semaine du 18 au 23 novembre 2019 dans 240 laboratoires et 11 CeGIDD, dans les deux départements. Un autoquestionnaire anonyme était proposé par le personnel d’accueil aux personnes majeures qui réalisaient un test VIH. Deux modèles de régression logistique ont permis de comparer les usagers ALSO aux personnes avec (1) un test prescrit ; (2) un dépistage en CeGIDD.

Résultats –

L’analyse portait sur 3 144 questionnaires (295 usagers ALSO, 2 138 personnes avec un test prescrit et 711 usagers des CeGIDD). Comparativement aux personnes avec un test prescrit, ALSO attirait davantage d’hommes hétérosexuels (42% vs 28%), bien insérés socialement mais assez éloignés du soin (32% vs 21% consultaient ≤1 fois/an), multipartenaires (60% vs 49%). Les CeGIDD touchaient une population plus jeune (42% vs 21% <25 ans) et plus exposée au VIH : 24% étaient HSH (vs 15%), 79% multipartenaires et 53% (vs 19%) présentaient ≥1 indicateur d’exposition.

Conclusion –

Le programme ALSO, décrit par les usagers comme pratique et accessible, attire une population distincte des autres offres, notamment davantage d’hommes hétérosexuels souvent moins atteints par les actions de dépistage.

Abstract

Introduction –

Since July 1st, 2019, the “Au labo sans ordo” (ALSO) program offers a free HIV testing solution, without prescription, in any walk-in medical laboratory in Paris and the Alpes-Maritimes. This article describes the ALSO program users’ profile and compares their characteristics to those of the persons who get tested for HIV in labs with a prescription or in public STI clinics.

Methods –

A cross-sectional survey was conducted on the week of November 18-23, 2019 in 240 medical laboratories and 11 public STI clinics in both regions. An anonymous self-administered questionnaire was proposed to every adult who got tested for HIV. Two logistic regression models were used to compare ALSO users to (1) prescription test users and (2) STI clinics clients.

Results –

3,144 questionnaires were analyzed (295 ALSO users, 2,138 prescriptions test users and 711 STI clinics clients). Compared to people with a prescribed test, ALSO attracted more heterosexual men (42% vs 28%), better established socially but quite far from care (32% vs 21% see a doctor once a year), with multiple sexual partners (60% vs 49%). Public STI clinics attracted a younger population (42% vs 21% <25 years old), more exposed to HIV: 24% were MSM (vs 15%), 79% had multiple partners and 53% (vs 19%) had more than one exposure indicator.

Conclusion –

The ALSO program, described by its users as practical and accessible, attracts a population that differs from other testing offers, notably more heterosexual men who are often less reached by screening programs.

Introduction

Les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) en matière de dépistage du VIH insistent à la fois sur le dépistage de toute la population au moins une fois dans la vie et sur le dépistage répété des populations clés, jusqu’à un dépistage trimestriel des hommes qui ont des relations sexuelles avec les hommes (HSH) 1. Ces dix dernières années, des innovations importantes ont permis d’élargir l’offre de dépistage, comme le dépistage communautaire et les autotests. Les TROD (tests rapides d’orientation diagnostique) ont permis aux associations d’aller vers les populations les plus exposées au VIH. Bien qu’il reste marginal en nombre de tests réalisés, ce type d’actions s’est montré efficace pour identifier les personnes séropositives 2,3. Malgré cela, la proportion de personnes vivant avec le VIH non diagnostiqué diminue peu 4,5. Alors que le nombre annuel de sérologies augmente jusqu’à atteindre 5,8 millions en 2018, le nombre de découvertes de séropositivité reste stable autour de 6 000 chaque année 6.

Le dépistage, clé de voute du soin et de la prévention, doit donc encore être intensifié. Les motifs donnés par les personnes qui utilisent l’autotest pour se dépister 7 ou encore les points forts de centres comme Dean Street Express à Londres 8 sont la praticité, l’accessibilité et la rapidité. Il est nécessaire, tout en continuant à innover, de faciliter l’accès au dépistage de proximité, sans rendez-vous et sur des plages horaires larges. C’est l’objectif du programme « Au labo sans ordo » (ALSO). À Paris et dans les Alpes-Maritimes, il s’agit de proposer un dépistage du VIH sans ordonnance et sans frais dans tous les laboratoires de biologie médicale de ville (voir l’article de F. Lert et coll. dans ce numéro du BEH).
Cette expérimentation, qui a débuté le 1er juillet 2019, initialement pour un an, est évaluée en termes de fréquentation, de capacité à détecter et orienter les personnes recevant un résultat positif pour le VIH et d’acceptabilité pour les personnels des laboratoires à proposer cette nouvelle offre de dépistage.

L’objectif de cet article est de décrire les personnes qui ont utilisé le programme ALSO pour leur dépistage du VIH et de comparer leurs caractéristiques à celles des personnes qui ont eu recours au dépistage du VIH en laboratoires sur prescription médicale ou en CeGIDD (Centre gratuit d’information, de dépistage et diagnostic du VIH, des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles).

Méthodes

Il s’agit d’une étude transversale, menée la même semaine dans toutes les structures participantes,
du 18 au 23 novembre 2019, soit environ cinq mois après le lancement du programme ALSO. Deux cent quarante laboratoires ont effectivement participé (134/157 à Paris et 106/106 dans les Alpes-Maritimes)
et 11 CeGIDD (9/11 à Paris et 2/2 dans les Alpes-Maritimes).

Un autoquestionnaire papier succinct et anonyme était proposé par le personnel d’accueil à toutes les personnes majeures qui réalisaient, durant cette semaine d’étude, un test de dépistage du VIH du programme ALSO, prescrit sur ordonnance ou dans le cadre du CeGIDD. Les personnes qui acceptaient de participer remplissaient l’autoquestionnaire dans la salle d’attente et le glissaient ensuite dans une urne opaque.

Les questions à choix multiples portaient sur le profil sociodémographique, la santé en général et le dépistage du VIH en particulier, ainsi que sur les profils d’exposition au VIH. La catégorisation femme, homme hétérosexuel, homme homosexuel ou bisexuel (HSH) a été construite en croisant le genre et la pratique sexuelle sur les cinq dernières années.

L’étude était anonyme et conforme à la méthodologie de référence 004 de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil, MR 0614181119). Les participants ont reçu une note d’information écrite. Le fait de remplir le questionnaire et de le mettre dans l’urne valait accord de participation. Le résultat du test de dépistage n’était pas mis en correspondance du questionnaire rempli.

Des méthodes descriptives ont été utilisées pour caractériser les usagers de chaque offre. Les usagers ALSO ont été comparés à ceux des tests prescrits dans une première analyse, puis à ceux des CeGIDD dans une seconde analyse. Des modèles de régression logistique multivariés, ajustés notamment sur le département, l’âge et les facteurs d’exposition sexuelle au VIH ont été réalisés afin d’identifier les variables associées à chaque offre de dépistage. Les analyses ont été réalisées avec le logiciel Stata® 14.2.

Résultats

Sur la semaine de l’étude, 3 812 questionnaires ont été recueillis, 3 078 en laboratoires (2 190 à Paris et 888 dans les Alpes-Maritimes) et 734 en CeGIDD (654 à Paris et 80 dans les Alpes-Maritimes). Parmi eux, 62 questionnaires ont été exclus car plus de 50% des données étaient manquantes (N=3 750). Parmi les questionnaires recueillis en laboratoires, l’information ALSO / test prescrit, remplie par le personnel d’accueil, était manquante dans 57% des cas. Grâce à une question sur le contexte du dépistage réalisé le jour de l’enquête, 710 questionnaires ont pu être reclassés ; les 606 autres ont été exclus de l’analyse (16%). La proportion d’exclus était plus importante dans les laboratoires parisiens que dans les Alpes-Maritimes (21% versus 15%, p<0,001). Par rapport aux participants des laboratoires inclus dans l’analyse, les 606 participants exclus étaient plus souvent des hommes hétérosexuels (35% versus 30%, p=0,04) que des femmes et étaient plus âgés (32% versus 21% avaient ≥45 ans, p<0,0001). Ils n’étaient pas différents sur les autres variables.

L’analyse a porté sur 3 144 questionnaires dont 295 usagers ALSO, 2 138 personnes avec un test du VIH sur prescription médicale et 711 usagers des CeGIDD. Leurs caractéristiques sont détaillées dans le tableau 1. Les différences présentées ci-dessous sont toutes significatives en analyse univariée.

Tableau 1 : Caractéristiques des personnes dépistées pour le VIH dans le programme ALSO, au laboratoire avec une prescription médicale (TP) et en CeGIDD, la semaine d’étude du 18 au 23 novembre 2019
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L’offre ALSO a attiré des personnes de tout âge (âge médian 32 ans, écart interquartile, IQR=25-43), d’un niveau socioéconomique élevé (70% avaient un niveau d’éducation universitaire et 70% un emploi) et davantage d’hommes hétérosexuels (42%) que les deux autres offres. Comparativement, les personnes avec des tests prescrits étaient plus souvent des femmes (57% versus 42% des usagers ALSO). Les CeGIDD ont attiré, quant à eux, des personnes plus jeunes (42% avaient moins de 24 ans versus 21% des usagers ALSO) et plus souvent étudiants (32% versus 14% des usagers ALSO), davantage d’HSH (24% versus 15% des usagers ALSO) et de personnes nées à l’étranger (26% avec un délai médian de 4 ans depuis l’arrivée en France versus 18% et 9 ans chez les usagers ALSO).

Concernant le dépistage du VIH réalisé le jour de l’enquête, 37% des personnes qui demandaient un test ALSO réalisaient aussi d’autres examens biologiques versus 95% des tests prescrits et 73% des personnes en CeGIDD. Parmi les usagers ALSO, 17% réalisaient le premier dépistage du VIH de leur vie contre 25% des personnes en CeGIDD. Toute offre confondue, la proportion de primo-testants était moindre chez les HSH (5%) que chez les hommes hétérosexuels (22%) ou les femmes (18%). Parmi les personnes déjà testées au cours de leur vie, chez celles qui réalisaient un test ALSO ou un test prescrit, le dernier test était le plus souvent ancien contrairement aux personnes fréquentant un CeGIDD (54% et 52% respectivement avaient un dernier test datant de plus d’un an versus 41% en CeGIDD).

Les participants devaient choisir parmi une liste, la ou les raisons (3 maximum) pour lesquelles ils s’étaient rendus à cet endroit pour leur dépistage. Parmi les usagers ALSO, les 3 motifs les plus fréquents étaient : la proximité du lieu de résidence (64%), la praticité (sans rendez-vous, 31%) et la proximité du lieu de travail (24%). Parmi les tests prescrits, il s’agissait de la proximité du lieu de résidence (71%), de la praticité (20%) et de la compétence de l’équipe du laboratoire (18%). Enfin en CeGIDD, il s’agissait d’abord de la gratuité (63%), puis de la proximité du lieu de résidence (47%) et de la praticité (43%). L’anonymat a été coché par 29% des personnes en CeGIDD contre 9% des usagers ALSO et 1% des personnes avec un test prescrit. La majorité des participants habitait dans le département du lieu de dépistage, mais, à Paris, une part plus importante de participants résidait dans un autre département de la région (37% des usagers des CeGIDD, 25% des usagers ALSO et 19% des personnes avec un test prescrit).

Parmi les usagers ALSO, 6% n’avaient pas d’assurance maladie (Aide médicale d’État, sans couverture ou ne sait pas) ; ils étaient 3% parmi les tests prescrits et 15% parmi les usagers des CeGIDD. En outre, 75% des usagers ALSO déclaraient un médecin traitant contre 81% des personnes avec un test prescrit et 58% des participants en CeGIDD. De même, 32% des usagers ALSO n’avaient consulté qu’une fois ou moins un médecin dans les 12 mois précédents contre 21% des personnes avec un test prescrit et 34% des usagers des CeGIDD.

La quasi-totalité des participants avait eu au moins un partenaire sexuel au cours des 12 derniers mois. En médiane, les usagers ALSO avaient eu 3 partenaires [1-5], les personnes avec un test prescrit 2 [1-4] et les usagers des CeGIDD 4 [2-8]. Quelle que soit l’offre de dépistage, le multipartenariat était fréquent : 30% des participants avec un test ALSO, 28% avec un test prescrit et 48% avec un test en CeGIDD avaient 4 partenaires ou plus sur l’année. Les participants en CeGIDD avaient moins souvent un partenaire principal (51% versus 62% des tests ALSO et 67% des tests prescrits). Ils rapportaient également plus souvent des indicateurs d’exposition au VIH dans les cinq dernières années (partenaires VIH+ ou originaires d’un pays endémique, plusieurs partenaires en même temps ou avoir déjà eu recours au traitement post-exposition du VIH : 33% versus 19% des personnes avec un test ALSO et prescrit) et avaient craint d’avoir été infectés par le VIH au cours de leur vie (47% versus 39% des usagers ALSO et 29% des personnes avec un test prescrit).

Les odds ratios (OR) de l’analyse multivariée sont présentés dans le tableau 2. Comparativement aux tests prescrits, les caractéristiques indépendamment associées aux usagers ALSO étaient : être un homme hétérosexuel ou dans une moindre mesure HSH, avoir au moins 2 partenaires dans l’année (versus 0-1) mais moins souvent ≥2 indicateurs d’exposition au VIH (versus 0), avoir déjà craint d’être infecté par le VIH, ne pas avoir d’assurance maladie et consulter peu le médecin.

Tableau 2 : Analyses multivariées comparant les caractéristiques des personnes réalisant un test ALSO à celles des personnes (1) avec un dépistage sur prescription médicale (N=2 428) ; (2) recourant au CeGIDD (N=1 003), la semaine d’étude du 18 au 23 novembre 2019
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Par rapport aux usagers des CeGIDD, les personnes qui ont utilisé un test ALSO étaient plus âgées (≥30 ans), plus souvent en emploi, avaient moins de partenaires et moins d’indicateurs d’exposition au VIH et étaient plus souvent couvertes par l’assurance maladie.

Discussion

Cette étude menée une semaine donnée, à distance du démarrage du programme et de tout événement incitatif au dépistage (comme la journée mondiale du sida ou la campagne Sidaction) a montré que le dépistage du VIH ALSO attirait une population différente des personnes fréquentant les laboratoires avec une prescription médicale ou les CeGIDD. Comparativement aux personnes avec un test prescrit réalisé dans les mêmes laboratoires, ALSO attirait davantage d’hommes hétérosexuels, bien insérés socialement mais assez éloignés du soin dans le sens où ils consultaient peu souvent un médecin et avaient moins souvent déclaré un médecin traitant à l’Assurance maladie. Cette population, plus à risque d’être diagnostiquée tardivement pour le VIH, est le plus souvent peu atteinte par les autres offres de dépistage 9,10,11. Dans les laboratoires de l’étude, 95% des tests étaient prescrits dans le cadre de bilan de santé, en particulier les bilans prénataux chez les femmes trentenaires. Les CeGIDD, eux, touchaient une population plus jeune, plus étudiante, avec un niveau socioéconomique plus bas (emploi, assurance maladie) et une part plus importante de personnes issues des populations clés (HSH, personnes nées à l’étranger). En termes d’exposition au VIH, sur l’ensemble des offres, la proportion de personnes multipartenaires était importante (57% avaient plus de deux partenaires sur l’année et 13%, plus de 10), et plus élevée que dans les enquêtes en population générale 12. Ils étaient également nombreux à avoir déjà craint d’être infecté par le VIH montrant que ces offres, particulièrement les CeGIDD mais pas uniquement, attirent des personnes qui se perçoivent exposées au VIH.

Outre la question d’atteindre les personnes clés, il est intéressant de voir comment le programme ALSO s’inscrit dans le recours au dépistage. Dix-sept pour cent des usagers ALSO se dépistaient pour la première fois, ce qui est dans les mêmes proportions que le dépistage sur prescription et un peu moins que les CeGIDD qui touchaient une population plus jeune donc moins dépistée. En revanche, les personnes qui se dépistaient très régulièrement ne semblent pas avoir utilisé plus souvent un test ALSO (le dernier test datant de moins de six mois pour 17% des participants). Il est probable que les personnes qui se dépistent régulièrement aient des habitudes de dépistage qui n’évoluent pas rapidement vers une nouvelle offre. Une autre hypothèse est qu’une offre de dépistage du VIH isolément ne soit pas suffisante. Les personnes, notamment les HSH, qui se dépistent plusieurs fois par an, recherchent une offre complète de santé sexuelle comprenant le VIH et les IST 13. Pour ces personnes, il serait intéressant d’évaluer une offre ALSO comprenant VIH et IST, des kits d’autoprélèvement pharyngé ou anal pouvant être mis à disposition dans les laboratoires.

Proximité et praticité étaient les motifs mis en avant pour avoir choisi un test ALSO, mettant ainsi en valeur son accessibilité. À Paris, le programme a attiré une proportion plus importante de personnes des départements limitrophes à ceux de l’expérimentation, montrant qu’il s’agit d’un point d’intérêt. Enfin, la différence observée entre les départements d’étude entre ALSO et CeGIDD, s’explique par le fait que l’offre en CeGIDD est moins développée dans les Alpes-Maritimes qu’à Paris, laissant d’autant plus de place pour une nouvelle offre dans ce département. Par ailleurs, 37% des personnes ayant réalisé un test ALSO déclaraient avoir réalisé d’autres examens biologiques le même jour suggérant un effet d’opportunité important.

La force de cette étude est d’avoir caractérisé les usagers de trois offres de dépistage la même semaine, une semaine ordinaire, et en plus d’évaluer le nouveau programme ALSO, de pouvoir fournir des données inédites sur les usagers du dépistage sur prescription et des CeGIDD. Les usagers du dépistage sur prescription médicale sont très rarement décrits et les enquêtes sur les usagers des centres de dépistage sont anciennes 14 ou incomplètes 15. Pour des raisons de faisabilité, l’étude n’a pas été menée auprès des personnes dépistées par les associations. Les profils de ces personnes sont encore différents puisqu’elles sont ciblées, le plus souvent dans des actions de dépistage « en allant vers », pour leur vulnérabilité au VIH. L’étude présente cependant des limites. Lorsqu’on compare les participants à l’enquête aux données de l’Assurance maladie pour le mois de novembre 2019 dans les laboratoires (données non présentées), on observe que la population d’étude est plus jeune dans les deux offres suggérant une participation moindre des personnes plus âgées à l’enquête et notamment des hommes de plus de 55 ans. Le défaut d’indexation des questionnaires en test ALSO / prescrit par le personnel d’accueil, qui a conduit à exclure 600 questionnaires (dont 12% sont des hommes de plus de 55 ans), contribue à cette différence mais ne l’explique pas complètement. Il diminue également la puissance statistique de l’étude. Cependant, les personnes dont le questionnaire a été écarté, hormis le genre et l’âge, n’ont pas des caractéristiques différentes de la population incluse. Enfin, la taille des sous-populations de femmes, hommes hétérosexuels et HSH était trop faible pour mettre en évidence les déterminants du recours au dépistage propres à chacune.

Cette étude durant la première phase du programme ALSO a montré que l’offre attire une population bien insérée socialement mais assez éloignée du soin, exposée au VIH par le multipartenariat et davantage d’hommes hétérosexuels souvent moins touchés par les autres offres de dépistage. Cette population qui se distingue des autres offres et le nombre constant de tests ALSO réalisés chaque mois (voir l’article de F. Lert et coll. dans ce numéro) démontrent que cette nouvelle offre a sa place dans le dispositif de dépistage en France et pourrait contribuer à atteindre l’objectif des recommandations de la HAS d’être dépistés pour le VIH au moins une fois dans la vie 1. De plus, son accessibilité et la praticité semblent être des atouts majeurs notamment lorsque l’offre en CeGIDD est réduite comme dans les Alpes-Maritimes. L’expérimentation est prolongée jusqu’en décembre 2020. Une nouvelle enquête en novembre 2020 nous permettra d’évaluer s’il existe une évolution des profils des usagers ou du recours à ALSO au cours du temps et si le programme s’intègre dans l’offre globale de dépistage du VIH.

Remerciements

Les coûts de l’expérimentation sont supportés par les partenaires : les tests par l’Assurance maladie, la communication par les collectivités territoriales partenaires, les plateformes OSZ et VPSS et l’ARS Paca. La recherche évaluative est financée par l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS), Santé publique France et les ARS Île-de-France et PACA.
Nous remercions vivement les équipes des laboratoires et des CeGIDD pour leur participation active à l’enquête ainsi que l’ensemble des répondants.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

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Citer cet article

Champenois K, Annequin M, Ngoh P, Touitou I, Lert F, Bouvet de la Maisonneuve P, et al.
et le Groupe ALSO. Profils des usagers du programme « Au labo sans ordo », dépistage du VIH sans ordonnance et sans frais en laboratoire de biologie médicale. Bull Epidémiol Hebd. 2020(33-34):657-65. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2020/33-34/2020_33-34_2.html