Le taux d’attaque : il est défini par le nombre de malades rapporté à la population à la fin d’une épidémie ou d’une vague épidémique Le taux d’attaque observé à l’issue de l’épidémie survenue à La Gloria au Mexique [5] variait fortement selon l’âge : 61% chez les enfants de moins de 15 ans vs 29% chez les adultes, suggérant une transmissibilité et/ou une susceptibilité plus importante pour les enfants et adolescents.
Le taux de létalité : il s’agit de la proportion de personnes infectées qui décèderont de la maladie. Plusieurs phénomènes rendent difficile l’estimation du taux de létalité du nouveau virus de la grippe A(H1N1)v. D’une part, le nombre cumulé de cas identifiés par la surveillance conduit très souvent à une sous-estimation du nombre total de cas infectés. C’est le cas en particulier au Mexique où les formes bénignes ou modérées n’étaient pas notifiées. Pour prendre en compte ce phénomène, les estimations publiées dans Science de la taille de la population infectée sur le territoire mexicain sont basées sur les cas importés (diagnostiqués auprès de voyageurs à leur retour du Mexique), car la surveillance intensive des syndromes grippaux mise en place dans de nombreux pays auprès de cette population de voyageurs, a garanti un recensement plus rapide et complet que la surveillance locale au Mexique. D’autre part, l’estimation en temps réel de la létalité est soumise à un phénomène de censure à droite : en effet, parmi les cas diagnostiqués toujours malades à la date du calcul (qui interviennent dans le dénominateur du taux de létalité), on ne sait pas combien décèderont (et contribueront in fine au numérateur). Les estimations ne prenant pas en compte ce phénomène manquent de fiabilité dans les premières phases d’une épidémie [10-11]. Parmi les différentes estimations présentées dans Science [5] variant selon les hypothèses sur la durée de séjour des visiteurs et le nombre de décès considérés (nombre total ou seulement les confirmés), les auteurs retiennent une fourchette de 0,3 à 1,5%, et une valeur plus plausible de 0,4%. Ces estimations reposent sur l’hypothèse que la distribution des délais entre l’apparition des symptômes et le décès chez les cas résidents au Mexique est similaire à celle des délais entre l’apparition des symptômes et la confirmation des cas importés du Mexique [1]. Les premiers chiffres évoqués par les données disponibles pour le reste de l’Amérique du Nord sont à interpréter avec prudence mais semblent toutefois en faveur d’une létalité plus faible [12].
Le taux de complication : son estimation est soumise aux mêmes biais que l’estimation du taux de létalité. Elle peut être approchée par le taux d’hospitalisation quand celui-ci reflète la prise en charge des cas sévères. Ce taux est disponible pour le Mexique et les États-Unis pour les mêmes tranches d’âge pour la période du 1er mars au 5 mai [13] : globalement il est de 5% au Mexique et de 6% aux États-Unis ; quand les effectifs sont supérieurs à 50, les taux d’hospitalisation les plus élevés sont observés de manière concordante chez les adultes de 30 à 44 ans aux États-Unis (13%) et au Mexique (10%) et chez les enfants aux États-Unis uniquement (14%).
Proportion de formes symptomatiques : pour estimer cette proportion, il est nécessaire de recourir à des études de séroprévalence qui ne sont pas disponibles à ce jour. Ces dernières nécessitent la disponibilité d’un test sérologique spécifique au nouveau virus. Une estimation de cette proportion à 86% (IC95% : 69-100) a été obtenue à partir d’une modélisation des données de l’épidémie de La Gloria au Mexique [5].
Depuis la reconnaissance de l’émergence du nouveau virus A(H1N1)v et de sa diffusion mondiale, on dispose de premiers éléments quantifiés quant à sa transmissibilité. Ces estimations préliminaires vont continuer d’évoluer avec la progression de la diffusion et le recul avec lequel les travaux sont menés. Aussi, il n’est pas surprenant d’avoir des estimations différentes dans des populations dont la structure et la fréquence des contacts sociaux diffèrent. Les premières estimations indiquent, cependant, des taux de reproduction supérieurs à la grippe saisonnière et du niveau des pandémies passées. L’intervalle de génération estimé au Mexique apparaît inférieur aux valeurs estimées pour les pandémies passées, ce qui illustre pour une part la variabilité de cette grandeur selon les données servant à son estimation. En effet, l'intervalle de génération peut être prolongé au sein d'un foyer (de l'ordre de 3 jours), alors qu'il pourrait être plus court en d'autres lieux (école, lieu de travail) par le simple effet du retrait rapide des personnes symptomatiques de la chaine de transmission. Pour les paramètres d’impact sanitaire (taux d’attaque, sévérité, létalité, formes asymptomatiques) les estimations restent peu précises pour le moment. La létalité observée au Mexique en avril semble avoir été supérieure à celle de la grippe saisonnière, un phénomène qui n'a pas été retrouvé dans le reste des pays du monde. Finalement, il sera essentiel de continuer à monitorer ces paramètres au cours du temps, via la veille et la surveillance, afin de détecter tout changement susceptible d'être utile à la gestion et au contrôle de la pandémie.
Figure : Impact de l’intervalle de génération sur la dynamique d’une maladie transmissible : deux maladies ayant un taux de reproduction similaire, de l’ordre de 2, mais un intervalle de génération différent (respectivement 3 et 9 jours), conduisent à un nombre de cas cumulés (hors cas initial) sur une période de 9 jours de 14 pour la première (correspondant aux 3 générations successives de cas) et de 2 pour la seconde.
(1) Wallinga J, Teunis P. Different epidemic curves for severe acute respiratory syndrome reveal similar impacts of control measures. Am J Epidemiol. 2004; 160:509-16.
(2) Cauchemez S, Boëlle PY, Donnelly CL, Ferguson NM, Thomas G, Lueng GM, et al. Real-time estimates in early detection of SARS. Emerg Infect Dis. 2006; 12: 110-3.
(3) Wallinga J, Teunis P. How generation intervals shape the relationship between growth rates and reproductive numbers. Proc R Soc. Ser B 2007; 274: 599-604.
(4) Roberts MG, Heesterbeek JA. Model-consistent estimation of the basic reproduction number from the incidence of an emerging infection. J Math Biol. 2007; 55(5-6): 803-16.
(5) Fraser C, Donnelly CA, Cauchemez S, Hanage WP, Van Kerkhove MD, Hollingsworth, et al. Pandemic Potential of a Strain of Influenza A (H1N1) : Early Findings. Science. 2009 May 14. [Epub ahead of print]
(6) Centers for Disease Control and Prevention (CDC). Update: Novel Influenza A (H1N1) virus infection – Mexico, March-May, 2009. MMWR Morb Mortal Wkly Rep. 2009 June 5;58(21):585-9.
(7) Boëlle PY, Bernillon P, Desenclos JC. A preliminary estimation of the reproduction ratio for new influenza A(H1N1) from the outbreak in Mexico, March-April 2009. Euro Surveill. 2009;14(19):pii=19205.
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(9) Surveillance Group for New Influenza A(H1N1) Virus Investigation and Control in Spain. New influenza A(H1N1) virus infections in Spain, April-May 2009. Euro Surveill. 2009;14(19):pii=19209.
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(11) Yip PS, Lau EH, Lam KF, Huggins RM. A chain multinomial for estimating the real-time fatality rate of a disease, with an application to severe acute respiratory syndrome. Am J Epidemiol. 2005; 161:700-6.
(12) Lipsitch M, Riley S, Cauchemez S, Ghani AC, Ferguson NM. Managing and Reducing Uncertainty in an Emerging Influenza Pandemic. N Engl J Med. 2009 May 28. [Epub ahead of print]
(13) Centers for Disease Control and Prevention (CDC). Update: novel influenza A (H1N1) virus infections - worldwide, May 6, 2009. MMWR Morb Mortal Wkly Rep. 2009 May 8;58(17):453-8.