Dépistage des hépatites B et C en 2021 en France, enquête LaboHEP

// Hepatitis B and C testing in 2021 in France, LaboHEP survey

Cécile Brouard (cecile.brouard@santepubliquefrance.fr), Stella Laporal, Françoise Cazein, Leïla Saboni, Mathias Bruyand, Florence Lot
Santé publique France, Saint-Maurice
Soumis le 11.04.2023 // Date of submission: 04.11.2023
Mots-clés : Hépatite C | Hépatite B | Dépistage | Laboratoire de biologie médicale
Keywords: Hepatitis C | Hepatitis B | Testing | Laboratory

Résumé

Objectif –

Estimer l’activité de dépistage de l’hépatite C (anticorps (Ac) anti-VHC) et de l’hépatite B (antigène (Ag) HBs) et les nombres de personnes diagnostiquées positives aux niveaux national, régional et départemental en 2021 et comparer ces indicateurs à ceux estimés en 2016.

Méthodes –

L’enquête LaboHEP 2021 a été réalisée auprès de l’ensemble des laboratoires de biologie médicale (LBM) publics et privés. Le nombre de tests Ac anti-VHC et Ag HBs et le nombre de personnes diagnostiquées positives dans le LBM déclarant ont été recueillis. Les estimations ont été réalisées en tenant compte de la participation et après redressement sur l’activité des LBM.

Résultats –

En 2021, 5,1 millions (intervalle de confiance à 95%, IC95%: [4,9-5,4]) de tests anti-VHC et 5,4 millions [5,1-5,7] de tests Ag HBs ont été réalisés en France, soit une augmentation de respectivement 24% et 25% par rapport à 2016. Les taux de personnes diagnostiquées positives pour les Ac anti-VHC et l’Ag HBs étaient respectivement de 51/100 000 et 55/100 000 habitants en 2021, en hausse par rapport à 2016 (respectivement 45 et 51/100 000), tandis que les taux de positivité, estimés respectivement à 0,67% et 0,69%, étaient en baisse (0,73% et 0,79% en 2016). De fortes variations des taux de dépistage et de personnes diagnostiquées positives sont observées selon les départements.

Conclusion –

L’activité de dépistage des hépatites B et C en 2021 est élevée et poursuit son augmentation par rapport aux années précédentes. Ces estimations sont utiles pour orienter et mesurer l’impact de la stratégie de dépistage.

Abstract

Objective –

To estimate hepatitis C (anti-HCV antibodies) and hepatitis B (hepatitis B surface antigen HBs Ag) testing activity and the number of people tested positive in 2021 at the national, regional and departmental level and to compare these indicators to those estimated in 2016.

Methods –

The 2021 LaboHEP survey included all public and private medical laboratories operating in France. The number of anti-HCV and HBs Ag tests and the number of people tested positive in the reporting lab were collected. Estimates were performed taking participation into account and after adjustment for the activity of all laboratories.

Results –

In 2021, 5.1 million (95% confidence interval, 95%CI: [4.9-5.4]) anti-HCV tests and 5.4 million [5.1-5.7] HBs Ag tests were performed in France, corresponding to an increase of 24% and 25% respectively compared to 2016. The rates of people tested positive for anti-HCV and HBs Ag in 2021 were 51/100,000 and 55/100,000 inhabitants respectively, up from 2016 (45 and 51/100,000, respectively), while the positivity rates, estimated at 0.67% and 0.69% respectively, decreased (0.73% and 0.79% in 2016). There is wide variation in the rates of testing and of diagnosed people by department.

Conclusion –

Hepatitis B and C testing activity in 2021 is high and continues to increase from previous years. These estimates are useful for guiding and measuring the impact of the screening strategy.

Introduction

Le dépistage et le diagnostic des infections par les virus des hépatites B (VHB) et C (VHC) constituent un enjeu important de santé publique malgré des différences en termes de prévention et de traitement. Pour l’hépatite C, les antiviraux à action directe (AAD), constituent depuis 2014, un traitement extrêmement efficace qui permet d’obtenir une guérison virologique chez plus de 95% des patients traités et réduit leur risque de survenue de carcinome hépatocellulaire (CHC) et de décès 1. Ce traitement permet aussi de réduire le risque de transmission, en particulier dans certaines populations particulièrement exposées, telles que les usagers de drogues ou les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) multipartenaires. Pour l’hépatite B, le diagnostic précoce permet, dans un premier temps, la mise en place de mesures de prévention de l’entourage (dépistage, vaccination), puis l’instauration d’un suivi et dans certains cas d’un traitement. En effet, le traitement n’est jusqu’à présent pas recommandé pour l’ensemble des patients 2. Actuellement, il ne permet qu’exceptionnellement la guérison fonctionnelle (i.e, perte de l’antigène – Ag – HBs), mais limite la survenue de complications hépatiques sévères (cirrhose ou CHC).

En 2016, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’est fixé comme objectif d’éliminer les hépatites virales d’ici 2030, avec pour cible opérationnelle d’atteindre 90% des personnes infectées qui sont diagnostiquées 3. Cependant, le diagnostic des personnes infectées par le VHC et le VHB reste complexe en raison de l’absence fréquente et durable de symptômes et de possibles difficultés pour identifier et/ou atteindre les personnes particulièrement exposées. Afin d’améliorer l’accès au dépistage, des progrès ont été accomplis au cours des dernières années, notamment en termes d’outils avec la possibilité d’utiliser les Tests rapides d’orientation diagnostique (Trod) pour la détection des anticorps (Ac) anti-VHC depuis 2016 4 et l’antigène (Ag) HBs depuis 2021 5 en milieu médico-social ou associatif. Au cours des dernières années, des actions innovantes de dépistage 6 et de « test-and-treat » 7 ont été menées, ainsi que des campagnes de dépistage impulsées par des associations (1) ou les autorités sanitaires (campagnes régionales annuelles) 8.

Depuis les années 2000, Santé publique France réalise une surveillance épidémiologique de l’activité de dépistage des hépatites B et C afin de contribuer à l’évaluation de la stratégie de dépistage. Depuis 2010, cette surveillance repose notamment sur des enquêtes transversales triennales, LaboHEP, réalisées auprès des laboratoires de biologie médicale (LBM) publics et privés 9. La dernière édition de cette enquête datait de 2016 et la suivante, prévue en 2020 sur l’activité de 2019, a dû être reportée de deux ans du fait de la pandémie de Covid-19 ayant fortement mobilisé les LBM.

Cet article présente les estimations des nombres de tests de détection des Ac anti-VHC et de l’Ag HBs et de personnes diagnostiquées positives au niveau national, régional et départemental en 2021 à partir de l’enquête LaboHEP 2021, et les compare aux estimations de 2016.

Méthodes

Recueil de données

L’enquête LaboHEP 2021 a été réalisée auprès de l’ensemble des LBM publics et privés, soit 4 303 LBM identifiés dans le cadre des enquêtes LaboVIH annuelles 10. Les LBM ont été sollicités pour compléter un web-questionnaire.

Les données recueillies étaient :

l’activité de dépistage, définie comme le nombre de prélèvements réalisés en 2021 pour recherche des Ac anti-VHC ou de l’Ag HBs ;

le nombre de personnes diagnostiquées positives pour ces marqueurs, définies comme les personnes positives pour la première fois dans le LBM en 2021. Une personne positive n’était comptée qu’une seule fois pour un LBM donné, mais plusieurs fois si elle était trouvée positive par plusieurs LBM.

Le recueil concernait donc l’ensemble des tests remboursés ou non, avec ou sans prescription médicale quel que soit le lieu de prélèvement (LBM de ville, hôpital, Centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic des infections par les virus de l’immunodéficience humaine, des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles – CeGIDD –).

L’enquête s’est déroulée de mars à juin 2022. Les laboratoires ont été relancés jusqu’à quinze fois, dont trois fois par téléphone.

Analyses

Les indicateurs ont été estimés en tenant compte de la participation et en effectuant un redressement pour l’ensemble des LBM par type de laboratoires (privés ou publics) et par région (pour les estimations régionales et nationales) ou par département (pour les estimations départementales).

Pour le redressement, les données d’activité utilisées étaient :

pour les LBM privés (LBM de ville ou d’établissements privés de santé), le nombre d’actes de dépistage d’Ac anti-VHC et Ag HBs remboursés par l’Assurance maladie en 2021 (données du Système national des données de santé – SNDS –) ;

pour les LBM publics (établissements publics de santé, Service de Santé des Armées et autres LBM publics), l’activité de dépistage du VIH, estimée par région pour 2021 grâce aux données de l’enquête LaboVIH 10, en faisant l’hypothèse d’une bonne corrélation entre l’activité de dépistage du VIH et celle du VHB et du VHC par laboratoire. Les données du SNDS n’ont en effet pas pu être utilisées car elles ne couvrent pas actuellement les dépistages réalisés lors d’une hospitalisation dans les établissements publics de santé.

Pour le calcul du taux de participation, est considéré comme répondant à l’enquête tout laboratoire ayant fourni au moins l’une des données demandées.

Les indicateurs présentés sont, pour 2021, le nombre de tests Ac anti-VHC et Ag HBs réalisés, le nombre de personnes diagnostiquées positives dans le LBM déclarant et le taux de positivité. Ce dernier a été défini comme étant le rapport du nombre de personnes diagnostiquées positives sur l’activité de dépistage.

Les deux premiers indicateurs ont été rapportés à la population vivant en France (estimations provisoires de l’Institut national de la statistique et des études économiques – Insee –, arrêtées fin 2021).

Les estimations départementales et régionales ne sont présentées que si les taux de participation des LBM privés et publics sont tous deux supérieurs à 15%.

L’ensemble des indicateurs ont été comparés à ceux estimés en 2016.

Les analyses ont été réalisées avec le logiciel Stata® 14.2.

Résultats

Participation

Parmi 4 303 LBM, 2 557 ont participé à l’enquête, soit un taux de participation de 59%, plus élevé dans les laboratoires publics (268/335, soit 80%) que dans les laboratoires privés (2 289/3 968, soit 58%).

Les taux de participation par région variaient de 30% en Île-de-France à 100% en Corse. Quatre autres régions avaient un taux de participation inférieur au taux national : Bretagne (40%), Guadeloupe (42%), Auvergne-Rhône-Alpes (53%) et Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca, 58%). Pour les LBM publics, seuls un des deux laboratoires de Guyane et deux parmi les quatre laboratoires de La Réunion ont participé à l’enquête. Pour les laboratoires privés, les taux de participation les plus faibles étaient observés en Île-de-France (27%), en Bretagne (34%), en Guadeloupe (38%) et à Mayotte (un seul des deux laboratoires).

Les taux de participation par département variaient de 10% (Haute-Saône) à 100% (dans 17 départements). Aucun LBM privé n’a participé dans un département et aucun LBM public dans huit autres départements (figure 1).

Figure 1 : Nombre de laboratoires de biologie médicale participants et taux de participation par département pour les laboratoires privés (a) et les laboratoires publics (b), enquête LaboHEP 2021, France
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Dépistage des anticorps anti-VHC

Activité de dépistage

En 2021, le nombre de tests Ac anti-VHC réalisés a été estimé à 5,1 millions (intervalle de confiance à 95%), IC95%: [4,9-5,4], dont 3,9 millions [3,7-4,1] dans les LBM privés (76%) et 1,2 millions [1,0-1,4] dans les LBM publics. Par rapport à 2016, ce nombre a augmenté de 24%. Cette augmentation est observée dans toutes les régions, mais de façon plus marquée en Guyane (+107%), Corse (+60%), Pays de la Loire (+59%) et Bretagne (+52%) qu’en Île-de-France (+6%) ou dans les Hauts-de-France (+10%) (tableau 1).

Tableau 1 : Estimations du nombre de tests Ac anti-VHC réalisés, du nombre de personnes diagnostiquées positives dans le laboratoire et du taux de positivité en 2016 et 2021 selon la région, enquêtes LaboHEP, France
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Rapporté à la population française, le nombre estimé de tests Ac anti-VHC en 2021 était de 76 pour 1 000 habitants (vs. 62/1 000 hab. en 2016). Il était nettement plus élevé dans les départements et régions d’outre-mer (DROM) (129/1 000) qu’en France métropolitaine (74/1 000). Les taux régionaux étaient les plus faibles en Bourgogne-Franche-Comté (55/1 000), Centre-Val-de-Loire (56/1 000) et Bretagne (58/1 000) et les plus élevés en Île-de-France (101/1 000), Paca (92/1 000) et Occitanie (80/1 000) pour la France métropolitaine. Dans les DROM, les taux étaient de 189/1 000 en Guyane, 148/1 000 en Martinique, 147/1 000 en Guadeloupe, 107/1 000 à La Réunion et 90/1 000 à Mayotte. En France métropolitaine, les taux départementaux étaient supérieurs à 100/1 000 hab. dans 4 départements : Paris (201/1 000), les Alpes-Maritimes (109/1 000), l’Hérault (105/1 000) et le Val-de-Marne (102/1 000) (figure 2a).

Nombre de personnes diagnostiquées positives et taux de positivité

Le nombre de personnes diagnostiquées positives pour les Ac anti-VHC en 2021 a été estimé à 34 185 [30 862-37 509], dont 19 978 dans les LBM privés (58%) et 14 207 dans les LBM publics. Par rapport à 2016, ce nombre estimé a augmenté de 13%. L’évolution entre 2016 et 2021 était très variable selon les régions avec une légère diminution en Île-de-France (-4%) et dans les Hauts-de-France (-4%) et une augmentation de 139% et 175% en Martinique et Guyane respectivement (mais les effectifs et les taux de participation en 2016 pour ces deux DROM étaient faibles) (tableau 1).

Rapporté à la population française, le nombre estimé de personnes diagnostiquées positives pour les Ac anti-VHC était de 51/100 000 hab. (respectivement, 50 et 53/100 000 pour la France métropolitaine et les DROM), en hausse par rapport à 2016 (45/100 000 hab.). En France métropolitaine, les taux les plus élevés étaient observés en Île-de-France (90/100 000), notamment dans les départements de Paris (173/100 000), du Val-de-Marne (109/100 000) et de la Seine-Saint-Denis (97/100 000), en région Paca (75/100 000), en particulier dans les Alpes-Maritimes (187/100 000) et le Vaucluse (104/100 000), et en Occitanie (57/100 000), notamment dans l’Hérault (80/100 000) (figure 2b). Dans les DROM, les taux estimés variaient de 142/100 000 en Guyane à 25 et 26/100 000 hab. respectivement pour La Réunion et Mayotte.

Le taux de positivité des tests Ac anti-VHC a été estimé à 0,67% [0,63-0,70] pour l’ensemble des LBM, en légère baisse par rapport à 2016 (0,73%). Il était plus élevé dans les LBM du secteur public que dans ceux du privé (respectivement 1,18% et 0,51%) et en France métropolitaine (0,70%) que dans les DROM (0,41%). Les taux les plus importants étaient observés en Île-de-France (0,89%) en France métropolitaine et en Guyane (0,75%) pour les DROM.

Figure 2 : Nombre de tests Ac anti-VHC et Ag HBs pour 1 000 habitants (hab.) et nombre de personnes diagnostiquées positives dans le laboratoire pour 100 000 hab. par département, enquête LaboHEP 2021, France
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Dépistage de l’antigène HBs

Activité de dépistage

En 2021, le nombre de tests Ag HBs réalisés a été estimé à 5,4 millions [5,1-5,7], dont 4,2 millions [4,0-4,4] dans les LBM privés (78%) et 1,2 millions [1,0-1,4] dans les LBM publics. Par rapport à 2016, ce nombre a augmenté de 25%. Cette augmentation est observée dans toutes les régions, mais de façon plus marquée dans certaines régions comme la Guyane (+92%), la Corse (+52%) et la région Nouvelle-Aquitaine (+50%) qu’en Île-de-France (+5%) ou dans les Hauts-de-France (+13%) (tableau 2).

Rapporté à la population française, le nombre estimé de tests Ag HBs était de 80 pour 1 000 habitants (vs. 65/1 000 hab. en 2016). Il était nettement plus élevé dans les DROM (148/1 000) qu’en France métropolitaine (78/1 000). En France métropolitaine, les taux régionaux étaient les plus faibles en Bourgogne-Franche-Comté (59/1 000), Centre-Val-de-Loire (64/1 000) et Bretagne (64/1 000) et les plus élevés en Île-de-France (104/1 000), Paca (92/1 000) et en Occitanie (81/1 000). Dans les DROM, les taux étaient de 209/1 000 en Guyane, 167/1 000 en Guadeloupe, 155/1 000 en Martinique, 127/1 000 à La Réunion et 117/1 000 à Mayotte. En France métropolitaine, les taux départementaux étaient supérieurs à 100/1 000 hab. dans 3 départements : Paris (190/1 000), les Alpes-Maritimes (111/1 000), et le Val-de-Marne (110/1 000) et l’Hérault (105/1 000) (figure 2c).

Nombre de personnes diagnostiquées positives et taux de positivité

Le nombre de personnes diagnostiquées positives pour l’Ag HBs en 2021 a été estimé à 37 462 [33 188-41 736], dont 23 273 dans les LBM privés (62%) et 14 189 dans les LBM publics. Par rapport à 2016, ce nombre estimé a augmenté de 10%. L’évolution entre 2016 et 2021 était très variable selon les régions avec une diminution observée dans plusieurs régions, dont La Réunion (-20%), la Normandie (-14%), et une augmentation importante dans d’autres régions, comme dans les Hauts-de-France (+85%) et la Corse (+162%) (tableau 2).

Rapporté à la population française, le nombre estimé de personnes diagnostiquées positives pour l’Ag HBs en 2021 était de 55/100 000 hab. (vs. 51/100 000 hab. en 2016), plus élevé dans les DROM (93/100 000) qu’en France métropolitaine (54/100 000). En France métropolitaine, les taux les plus élevés étaient observés en Île-de-France (138/100 000), en particulier à Paris (268/100 000), dans le Val-de-Marne (178/100 000) et en Seine-Saint-Denis (146/100 000), et dans les Alpes-Maritimes (197/100 000) (figure 2d). Les taux estimés pour les DROM variaient de 244/100 000 à Mayotte, 157/100 000 en Guyane à 39/100 000 hab. à La Réunion.

Le taux de positivité des tests Ag HBs a été estimé à 0,69% [0,64-0,74] pour l’ensemble des LBM, en baisse par rapport à 2016 (0,79%). Il était nettement plus élevé dans les LBM publics que dans les LBM privés (respectivement 1,17% et 0,55%) et légèrement plus élevé en France métropolitaine (0,70%) que dans les DROM (0,62%). Les taux les plus importants étaient observés en Île-de-France (1,32%) en France métropolitaine et à Mayotte (2,08%) pour les DROM (tableau 2).

Tableau 2 : Estimations du nombre de tests Ag HBs réalisés, du nombre de personnes diagnostiquées positives dans le laboratoire et du taux de positivité en 2016 et 2021 selon la région, enquêtes LaboHEP, France
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Discussion

Cette nouvelle édition de l’enquête LaboHEP a permis d’estimer à respectivement 5,1 et 5,4 millions les nombres de tests Ac anti-VHC et Ag HBs réalisés par les LBM en France en 2021, soit un niveau de dépistage élevé, correspondant à respectivement à 76 et 80 tests pour 1 000 habitants en 2021. On note une augmentation de l’activité de dépistage de respectivement 24% et 25% par rapport aux estimations de 2016 9. Cette hausse est observée depuis le début des années 2000 au travers des données de remboursement du SNDS 11. Concernant le dépistage de l’hépatite C, les données du SNDS pour la période 2014-2021 12 montrent que les tests réalisés concernaient principalement des personnes différentes d’une année sur l’autre, conduisant à un nombre élevé de personnes dépistées au moins une fois pour les Ac anti-VHC entre 2014 et 2021 : plus de 25 millions 12. Ces résultats suggèrent ainsi un dépistage large de la population, comme préconisé par les rapports de recommandations sur la prise en charge des hépatites B et C, qui étaient en faveur d’un dépistage universel des hépatites B et C 13,14. Fin 2019, considérant l’insuffisance d’éléments en faveur du coût-efficacité du dépistage universel de l’hépatite C, la Haute Autorité de santé a cependant recommandé un dépistage de l’hépatite C ciblé sur les personnes à risque élevé d’exposition 15.

L’enquête LaboHEP 2021 montre que le dépistage des hépatites B et C est principalement réalisé par les LBM privés (plus des trois quarts des tests), mais le taux de positivité des tests est deux fois plus élevé dans les LBM publics. L’activité de dépistage varie fortement selon les zones géographiques avec, comme dans les éditions 2013 et 2016 de l’enquête, un taux de tests Ac anti-VHC et Ag HBs près de deux fois plus élevé dans les DROM qu’en France métropolitaine. Ce recours plus élevé au dépistage avait aussi été suggéré par les résultats du Baromètre santé DROM 2014 qui montraient une proportion de personnes déclarant avoir déjà été dépistées, plus élevée qu’en France métropolitaine 16. Dans l’Hexagone, les taux de dépistage pour les Ac anti-VHC et l’Ag HBs les plus importants étaient retrouvés en Île-de-France (notamment à Paris et dans le Val-de-Marne), en Paca (en particulier dans les Alpes-Maritimes) et en Occitanie comme en 2013 et en 2016 9,17. L’Île-de-France est la région qui a connu la plus faible progression du nombre de tests réalisés entre 2016 et 2021 (+6% pour le VHC, +5% pour le VHB), mais c’était la région hexagonale qui avait eu la plus forte augmentation entre 2013 et 2016 9.

En 2021, les nombres de personnes diagnostiquées positives pour les Ac anti-VHC et l’Ag HBs ont augmenté respectivement de 13% et 10% par rapport à 2016 au niveau national, mais avec des évolutions très contrastées selon les régions. Les taux de personnes diagnostiquées positives ont été estimés à respectivement 51 et 55 pour 100 000 habitants pour le VHC et le VHB en 2021 (versus 45 et 51/100 000 en 2016). Les taux les plus élevés pour les Ac anti-VHC étaient observés en Île-de-France, Paca et Occitanie, régions pour lesquelles les taux d’initiations d’AAD entre 2014 et 2021 12, de nouveaux bénéficiaires de l’ALD (affection de longue durée) pour l’hépatite C en 2019 11,18 et de patients avec un diagnostic d’hépatite chronique C parmi les patients hospitalisés en 2020 19 étaient les plus élevés. Pour l’Ag HBs, les taux de personnes nouvellement diagnostiquées positives étaient maximaux dans les régions Île-de-France, Guyane et particulièrement à Mayotte, régions pour lesquelles les taux de nouveaux bénéficiaires de l’ALD pour l’hépatite B en 2019 18 et de patients hospitalisés avec un diagnostic d’hépatite chronique B en 2020 19 étaient aussi les plus élevés. Concernant Mayotte, l’enquête Unono Wa Maore a confirmé que l’hépatite B constitue un problème de santé publique, avec une prévalence élevée (3%) et une couverture vaccinale insuffisante en population générale 20. Une étude de santé en Guyane intérieure, prévue prochainement, pourrait permettre de disposer d’estimations de prévalence du VHB et du VHC en population générale.

En 2021, les taux de positivité estimés étaient de 0,67% et 0,69% respectivement pour les Ac anti-VHC et l’Ag HBs, en baisse par rapport à 2016 (respectivement 0,73% et 0,79%). Cette baisse pourrait s’expliquer par une baisse de la prévalence de ces marqueurs et/ou par un moindre ciblage du dépistage du fait de l’augmentation de l’activité de dépistage. Afin de mieux approcher les nouveaux diagnostics d’infection par le VHC, des données sur le nombre de tests de détection de l’ARN VHC et de personnes diagnostiquées positives ont été recueillies lors de LaboHEP 2021, mais leur exploitation n’a pas été possible en raison d’une complétude et d’une qualité insuffisantes. Les données de remboursement issues du SNDS montrent une diminution du nombre annuel de personnes testées pour l’ARN VHC depuis 2017 11, qui pourrait s’expliquer par une diminution du nombre de personnes infectées, grâce à la disponibilité des AAD depuis 2014 12.

Par rapport aux données issues du SNDS, les enquêtes LaboHEP présentent l’avantage de concerner l’activité de l’ensemble du secteur public (consultations, mais aussi hospitalisations) et de recueillir des données sur les résultats des tests. Cependant, l’estimation du nombre de personnes diagnostiquées positives est à interpréter avec prudence dans la mesure où une même personne peut être comptabilisée plusieurs fois, si elle a été confirmée positive dans plusieurs LBM en 2021. La principale limite de ces enquêtes est qu’elles sont lourdes à mettre en place et représentent une charge de travail supplémentaire pour les laboratoires. Ainsi, malgré de très nombreuses relances, le taux de participation s’est avéré insuffisant, voire nul, dans certains départements, ne permettant pas de produire des estimations ou limitant leur robustesse. Afin d’optimiser la participation des laboratoires, l’enquête 2021 a été réalisée conjointement à l’enquête LaboVIH 10 et a été allégée par rapport à l’enquête de 2016 (pas de recueil de données individuelles sur le sexe et l’âge des personnes diagnostiquées positives). La pérennisation du Système d’information national de dépistage populationnel de la Covid-19 (SI-DEP), déployé pour le suivi des dépistages de SARS-CoV-2, et son extension à d’autres pathologies comme les hépatites B et C, dans le cadre d’un Entrepôt des données de biologie (ENDB), constituent une réelle opportunité pour alléger la charge de travail des laboratoires et améliorer la qualité des données épidémiologiques recueillies.

Dans le contexte de l’objectif mondial d’élimination des hépatites B et C d’ici 2030, ces données sur le dépistage et le diagnostic demeurent essentielles pour identifier les territoires les plus concernés, orienter les campagnes de prévention et de promotion du dépistage en population générale et suivre l’impact de la stratégie de dépistage et des évolutions thérapeutiques.

Remerciements

Nous remercions tous les biologistes qui ont participé à l’enquête LaboHEP 2021, ainsi que Charly Ramus, assistant technique à Santé publique France.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

1 Carrat F, Fontaine H, Pol S. Impact clinique du traitement de l’hépatite C chronique par les antiviraux d’action directe. Résultats de la cohorte prospective ANRS CO 22-Hepather. Bull Épidémiol Hebd. 2020;(31-32):623-31. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2020/31-32/2020_31-32_3.html
2 EASL 2017 Clinical Practice Guidelines on the management of hepatitis B virus infection. J Hepatol. 2017;67(2):370-98.
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Citer cet article

Brouard C, Laporal S, Cazein F, Saboni L, Bruyand M, Lot F. Dépistage des hépatites B et C en 2021 en France, enquête LaboHEP. Bull Épidémiol Hebd. 2023;(15-16):276-86. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2023/15-16/2023_15-16_1.html

(1) SOS Hépatites. Campagne : Du bruit contre l’hépatite C. https://soshepatites.org/notre-campagne-bruyante