Dépistage des hépatites B et C en France en 2013, enquête LaboHep

// Hepatitis B and C screening in France in 2013, LaboHep study

Corinne Pioche, Lucie Léon, Christine Larsen, Florence Lot, Josiane Pillonel, Cécile Brouard (c.brouard@invs.sante.fr) Institut de veille sanitaire, Saint-Maurice, France
Soumis le 02.04.2015 // Date of submission: 04.02.2015
Mots-clés : Dépistage | Hépatite B | Hépatite C | Laboratoires | France
Keywords: Screening | Hepatitis B virus | Hepatitis C virus | Laboratories | France

Résumé

Objectifs –

Estimer l’activité de dépistage de l’hépatite C (anticorps (Ac) anti-VHC) et de l’hépatite B (antigène (Ag)HBs) en 2013 dans les laboratoires d’analyses de biologie médicale (LABM), aux niveaux national et régional, et en suivre l’évolution par rapport à 2010.

Méthodes –

Les données suivantes ont été collectées pour 2013 auprès d’un échantillon aléatoire de 1 504 LABM : le nombre de tests Ac anti-VHC et AgHBs réalisés, le nombre de tests confirmés positifs, le sexe et l’âge des personnes confirmées positives pour la première fois dans le laboratoire. Les estimations ont été réalisées en tenant compte du plan de sondage et après redressement sur l’activité des LABM.

Résultats –

Le nombre de tests anti-VHC et AgHBs réalisés en France en 2013 est estimé respectivement à 3,6 millions [IC95%: 3,4-3,9] et 3,8 millions [IC95%: 3,5-4,0], en augmentation de 6% et 12% par rapport à 2010. Le taux de positivité est stable par rapport à 2010, estimé à 0,9% pour les anti-VHC et à 0,8% pour l’AgHBs en 2013. Ces indicateurs varient selon les régions. Les DROM (départements et régions d’outre-mer) se caractérisent, par rapport à la métropole, par une activité de dépistage plus importante pour les Ac anti-VHC (respectivement 79/1 000 habitants vs. 55/1 000 hab.) et pour l’AgHBs (89/1 000 hab. vs. 57/1 000 hab.) et un taux de positivité plus faible pour les Ac anti-VHC (0,3% vs. 0,9%), mais nettement plus élevé pour l’AgHBs à Mayotte (3,4%) ou en Guyane (1,5%) (vs. 0,8% en métropole).

Conclusion –

Cette nouvelle édition de l’enquête LaboHep a mis en évidence une activité de dépistage élevée, en augmentation par rapport à 2010, ainsi que des disparités régionales marquées, notamment entre la métropole et les DROM.

Abstract

Objectives –

To estimate screening activity of hepatitis C (anti-HCV virus anti-bodies) and hepatitis B (surface antigen HBsAg) in 2013 in laboratories at the national and regional level and to follow up trends since 2010.

Methods –

From a random sample of 1,504 laboratories, 2013 data were collected including: the number of anti-HCV and HBsAg tests performed, the number of positive confirmed tests, gender and age of the individuals confirmed to be positive for the first time in each laboratory. The estimations were performed taking into account the sampling design and the laboratories screening activity.

Results –

The number of anti-HCV and HBsAg tests performed in France was estimated respectively at 3.6 million tests [CI95%:3.4-3.9] and at 3.8 million tests [CI95%:3.5-4.0], increasing of 6% and 12% compared to 2010. The estimated positivity rate in 2013 was 0.9% for anti-HCV and 0.8% for HBsAg, and was constant compared to 2010. These indicators varied according to regions: the DROM (overseas territories) compared to mainland, were characterized by a higher screening activity of anti-HCV (respectively 79/1,000 inhabitants vs. 55/1,000 inhabitants) and HBsAg (89/1,000 inhabitants vs. 57/1,000 inhabitants) and a lower rate of positivity of anti-HCV (0.3% vs. 0.9%), but a markedly higher rate of positivity of HBsAg in Mayotte and French Guiana (respectively, 3.4% and 1.5% respectively vs. 0.8% in metropolitan France).

Conclusion –

This 2013 LaboHep survey has shown an increase in anti-HCV and HBsAg screening activity in France compared to 2010, as well as regional disparities, especially between the DROM and mainland France.

Introduction

Le dépistage des infections par les virus des hépatites B (VHB) et C (VHC) constitue plus que jamais un enjeu de santé publique. L’arrivée de molécules antivirales d’action directe représente un tournant majeur dans le traitement de l’hépatite C, en aboutissant à la guérison pour plus de 90% des patients traités 1. Pour l’hépatite B, même si les traitements actuels n’entraînent pas de guérison virologique, ils permettent le contrôle du virus chez la majorité des patients, réduisant ainsi le risque de développement d’une cirrhose et d’un carcinome hépatocellulaire. Le dépistage limite les risques de transmission en permettant l’accès au traitement des personnes infectées et la mise en place de mesures de prévention, notamment la vaccination anti-VHB des personnes exposées non immunisées et de l’entourage des porteurs chroniques du VHB. Depuis quelques années, les acteurs et les outils de dépistage se sont diversifiés. Les tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) pourraient permettre à très court terme, pour le VHC, d’élargir l’offre de dépistage en dehors des structures médicales classiques 2,3. Dans ce contexte, la situation de sous-dépistage des hépatites B et C est peu acceptable. Environ la moitié des personnes infectées chroniques par le VHB ou le VHC était non diagnostiquée en 2004 en population générale métropolitaine, soit respectivement 150 000 et 100 000 personnes non diagnostiquées 2,4. De nouvelles préconisations de dépistage ont été formulées dans le rapport de recommandations 2014 sur la prise en charge des personnes infectées par les virus de l’hépatite B ou de l’hépatite C 2.

Afin de fournir des indicateurs contribuant à l’évaluation de l’impact des stratégies de dépistage, l’Institut de veille sanitaire (InVS) a développé, dès 2000, une surveillance de l’activité de dépistage des hépatites B et C qui repose, depuis 2010, sur des enquêtes transversales triennales réalisées auprès d’un échantillon aléatoire de laboratoires d’analyses de biologie médicale (LABM), les enquêtes LaboHep 5. L’objectif de ces enquêtes est de produire des indicateurs nationaux et régionaux de dépistage des anticorps (Ac) anti-VHC et de l’antigène HBs (AgHBs) et de suivre leur évolution dans le temps. Cette nouvelle édition 2013 a en outre pour but de produire, pour la première fois, des estimations pour chaque département et région d’outre-mer (DROM).

Méthodes

Échantillonnage

L’enquête LaboHep 2013 a été réalisée en 2014 auprès d’un échantillon de 1 504 LABM, constitué par sondage aléatoire stratifié sur le type de laboratoire (privé, public, Service de santé des Armées, autres types) et sur sa localisation géographique (22 régions en métropole et 5 DROM : Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Martinique et Mayotte), à partir des 4 293 LABM constituant la base régulièrement mise à jour pour la surveillance de l’activité de dépistage du VIH (LaboVIH) 6. L’ensemble des laboratoires a été sollicité pour participer, à l’exception des LABM privés métropolitains pour lesquels seul un quart d’entre eux ont été tirés au sort par région. Pour chaque LABM, un mois a été tiré au sort pour le recueil des caractéristiques sociodémographiques des personnes nouvellement diagnostiquées Ac anti-VHC ou AgHBs positives en 2013 dans le laboratoire.

Recueil de données

Les données ont été recueillies pour tout patient âgé d’au moins un an et concernaient : 1) l’activité de dépistage, définie comme le nombre de prélèvements réalisés en 2013 pour recherche des Ac anti-VHC ou de l’AgHBs, quelle que soit l’indication (dépistage, contrôle/confirmation ou indication non précisée)  ; 2) le nombre de prélèvements pour recherche d’Ac anti-VHC ou de l’AgHBs confirmés positifs en 2013 pour la première fois dans le laboratoire ; 3) l’âge et le sexe des personnes confirmées Ac anti-VHC ou AgHBs positives pour la première fois dans le laboratoire au cours du mois tiré au sort. Deux relances écrites ont été effectuées auprès de tous les LABM tirés au sort, et une relance supplémentaire a été réalisée par téléphone auprès des LABM des DROM.

Analyses

Les indicateurs ont été estimés en prenant en compte le plan de sondage et en effectuant un redressement par post-stratification sur l’activité de l’ensemble des LABM français. Pour les LABM privés, les données d’activité utilisées étaient le nombre d’actes de dépistage anti-VHC et AgHBs par région remboursés par l’Assurance maladie en 2013 (Sniir-AM : Système national d’informations inter-régimes de l’assurance maladie). Pour les LABM publics, en l’absence de données d’activité anti-VHC et AgHBs disponibles, le redressement a été effectué à partir de l’activité de dépistage du VIH estimée par région pour 2013 à partir de l’enquête LaboVIH 6, en faisant l’hypothèse d’une bonne corrélation entre l’activité de dépistage du VIH et des hépatites B et C par laboratoire. Concernant les caractéristiques individuelles des personnes confirmées anti-VHC ou AgHBs positives, le redressement a permis d’extrapoler à l’ensemble de l’année les données recueillies sur un mois. Les données des LABM du Service de santé des Armées et des autres types laboratoires non privés ont été regroupées avec celles des LABM publics.

Le taux de positivité a été défini comme le rapport du nombre de tests confirmés positifs sur le nombre de tests réalisés. Les indicateurs estimés ont été rapportés à la population vivant en France (estimations provisoires Insee, arrêtées fin 2014). Les analyses ont été réalisées avec le logiciel Stata® 12.0.

Résultats

Parmi les 1 504 LABM sélectionnés, 897 (60%) ont participé à l’enquête LaboHep. Le taux de participation était plus élevé dans les laboratoires publics (67%) que dans les laboratoires privés (57%). Il variait de 41% en Guadeloupe à 100% à Mayotte.

Dépistage des Ac anti-VHC

Activité de dépistage des Ac anti-VHC

En 2013, elle est estimée à 3,6 millions de tests (intervalle de confiance à 95%, IC95%: [3,4-3,9]), dont 2,5 millions [IC95%: 2,3-2,7] dans les LABM privés et 1,1 million [IC95%: 0,9-1,3] dans les LABM publics, soit une augmentation de 6% par rapport à 2010 (7% et 5% dans les laboratoires privés et publics respectivement). Rapportée à la population, l’activité de dépistage anti-VHC est estimée à 55 tests pour 1 000 habitants (53/1 000 en 2010). Elle était plus importante dans les DROM (79/1 000) qu’en métropole (56/1 000), notamment en Guadeloupe (98/1 000), en Martinique (86/1 000) et à La Réunion (80/1 000) (figure 1a). Comme en 2010, les régions métropolitaines pour lesquelles elle était la plus élevée étaient l’Île-de-France, Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca), le Languedoc-Roussillon et la Lorraine avec respectivement 77, 76, 65 et 64 tests/1 000.

Figure 1 : Activité sérologique des anticorps (Ac) anti-VHC et de l’antigène (Ag)HBs et nombres de tests Ac anti-VHC et AgHBs confirmés positifs. Enquête LaboHep, France, 2013
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Nombre de tests anti-VHC confirmés positifs et taux de positivité anti-VHC

Le nombre de tests anti-VHC confirmés positifs pour la première fois en 2013 est estimé à 32 537 [IC95%: 28 117-36 956] (16 285 dans les LABM privés et 16 252 dans les LABM publics). Rapporté à la population, il est estimé à 49 pour 100 000 habitants (vs. 46/100 000 en 2010). Comme en 2010, c’est en Île-de-France qu’il était le plus élevé (109/100 000), suivie par les régions Languedoc-Roussillon et Paca, avec respectivement 71 et 67 tests/100 000. Dans les DROM, le nombre de tests confirmés positifs pour les anti-VHC était nettement plus faible, estimé à 22/100 000 habitants (figure 1b).

Le taux de positivité pour les Ac anti-VHC est estimé à 0,9% [IC95%: 0,8-1,0] pour l’ensemble des LABM français, stable par rapport à 2010. Il était plus élevé dans les LABM publics (1,4%) que dans les LABM privés (0,6%). L’Île-de-France était la région pour laquelle il était le plus élevé (1,4%) aussi bien dans les LABM publics que privés (respectivement 2,1% et 1,1%). Dans les DROM, les taux de positivité étaient plus bas qu’en métropole (0,9%), variant de 0,02% à Mayotte à 0,4% en Guadeloupe et en Guyane.

Distribution des personnes confirmées anti-VHC positives par classe d’âges et sexe

La majorité (63%) des personnes confirmées anti-VHC positives pour la première fois en 2013 étaient des hommes, leur moyenne d’âge était de 49 ans (médiane à 48 ans). Les classes d’âges les plus représentées chez les hommes étaient celles des 40-49 ans (31%) et des 50-59 ans (24%). La moyenne d’âge des femmes confirmées positives était de 52 ans (médiane à 51 ans), les classes d’âges les plus représentées étant les 60-69 ans (23%) et les 40-49 ans (19%) (figure 2).

Figure 2 : Distribution par sexe et âge des personnes confirmées positives pour les anticorps (Ac) anti-VHC. Enquête LaboHep, France, 2013
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Dépistage de l’AgHBs

Activité de dépistage de l’AgHBs

En 2013, elle est estimée à 3,8 millions de tests [IC95%: 3,5-4,0], dont 2,7 millions [IC95%: 2,4-2,8] dans les LABM privés et 1,1 million [IC95%: 0,9-1,3] dans les LABM publics, soit une augmentation de 11% par rapport à 2010 (12% et 8% dans les laboratoires privés et publics respectivement). Rapportée à la population française, l’activité de dépistage AgHBs est estimée à 58 tests pour 1 000 habitants (53/1 000 en 2010) (figure 1c). Elle était plus importante dans les DROM (89/1 000) qu’en métropole (57/1 000), variant de 67/1 000 en Guyane à 98/1 000 en Guadeloupe. Comme en 2010, les régions métropolitaines pour lesquelles l’activité de dépistage AgHBs était la plus élevée étaient l’Île-de-France (79/1 000) et Paca (75/1 000).

Nombre de tests AgHBs confirmés positifs et taux de positivité AgHBs

Le nombre de tests AgHBs confirmés positifs pour la première fois en 2013 est estimé à 32 101 [IC95%: 27 773-36 430] (17 277 dans les LABM privés et 14 824 dans les LABM publics). Rapporté à la population française, il est estimé à 49 pour 100 000 habitants, en augmentation par rapport à 2010 (34/100 000) (figure 1d). Mayotte présentait un nombre de tests confirmés positifs par habitant particulièrement important (242/100 000). Dans les autres DROM, il était également élevé notamment en Guyane (101/100 000) et en Guadeloupe (92/100 000). En métropole, l’Île-de-France (133/100 000) restait la région pour laquelle le nombre de tests confirmés positifs pour l’AgHBs était le plus important.

Le taux de positivité AgHBs est estimé à 0,8% [IC95%: 0,7-0,9] pour l’ensemble des LABM français (vs. 0,7% en 2010). Il était plus élevé dans les LABM publics que dans les privés (respectivement 1,3% et 0,6%) et dans certains DROM, comme Mayotte (3,4%) ou la Guyane (1,5%), qu’en métropole (0,8%). Comme en 2010, en métropole, c’était en Île-de-France que le taux de positivité était le plus élevé (1,7%), aussi bien dans les LABM publics (2,4%) que dans le privé (1,3%).

Distribution des personnes confirmées AgHBs positives par classe d’âges et sexe

Les personnes confirmées AgHBs positives pour la première fois en 2013 étaient plus fréquemment des hommes (52%), leur moyenne d’âge était de 43 ans (médiane à 40 ans). Les classes d’âges les plus représentées chez les hommes étaient les 30-39 ans (28%) et les 40-49 ans (24%). La moyenne d’âge des femmes confirmées AgHBs positives était de 41 ans (médiane à 35 ans). Les classes d’âges 30-39 ans et 20-29 ans étaient les plus représentées (respectivement 30% et 22%) (figure 3).

Figure 3 : Distribution par sexe et âge des personnes confirmées positives pour l’AgHBs. Enquête LaboHep, France, 2013
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Discussion

Cette nouvelle édition de l’enquête triennale LaboHep a permis d’estimer le nombre de tests anti-VHC et AgHBs réalisés en 2013 dans les LABM français à respectivement 3,6 et 3,8 millions. Près de 70% de l’activité de dépistage était réalisée dans les laboratoires privés pour ces deux marqueurs. Par rapport à l’édition précédente de 2010 5, l’activité de dépistage était en augmentation, de 6% pour les Ac anti-VHC et 11% pour l’AgHBs, légèrement plus marquée dans les laboratoires privés que dans les laboratoires publics. Pour la même période, les données de remboursements de l’assurance maladie montrent également une hausse de 12% pour le secteur privé. Cette tendance à l’augmentation de l’activité de dépistage est observée depuis le début des années 2000 dans les laboratoires, que le dépistage soit anonyme (Consultations de dépistage anonyme et gratuit, CDAG) ou non 7,8. En parallèle, le taux de positivité a régulièrement diminué de 2000 à 2006 et tend à se stabiliser depuis 7, ce que confirment les résultats des deux éditions de LaboHep 2010-2013 5. Ces tendances pourraient s’expliquer par un dépistage plus large ciblant moins les personnes à risque mais aussi, pour le VHC, à une diminution du nombre de personnes infectées non diagnostiquées. Un travail récent a ainsi estimé que le nombre de personnes de 18-80 ans non diagnostiquées pour une hépatite C chronique, en population générale, était passé de 100 868 en 2004 à 74 102 en 2014 4,9. Les tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) pour le VHC, prochainement disponibles en milieu médico-social et inter-associatif, pourraient contribuer à diminuer encore le pool de personnes infectées méconnaissant leur statut en facilitant l’accès au dépistage des personnes les plus vulnérables 3.

Un des points forts des enquêtes LaboHep est qu’elles reposent sur une stratégie d’échantillonnage et de redressement qui permet de fournir des estimations nationales et régionales. Les résultats de LaboHep 2013 témoignent d’importantes disparités régionales. En métropole, les régions Île-de-France et Paca sont celles où l’activité de dépistage et le nombre de tests positifs pour les Ac anti-VHC, rapportés à la population, sont les plus élevés. Ces résultats s’expliquent probablement par plusieurs facteurs, comme la proportion plus élevée de personnes immigrées (18% pour l’Île-de-France vs. 9% en métropole, Insee, recensement 2012) ou de personnes âgées d’au moins 65 ans, plus susceptibles d’avoir été contaminées par transfusion sanguine avant les années 1990 (20,1% en Paca vs. 17,1% en métropole, Insee, recensement 2011) ou encore un usage de drogues plus fréquent (quel que soit le mode de consommation), comme le suggère la proportion légèrement plus élevée de personnes rapportant une expérimentation de cocaïne en population générale en 2010 (6% en Paca et 4% en Île-de-France vs. 3,6% en métropole) 10. Pour l’AgHBs, l’Île-de-France se démarque des autres régions métropolitaines par une activité de dépistage, mais surtout un nombre de tests positifs rapportés à la population nettement plus élevés, en lien probable avec la proportion importante de personnes immigrées.

LaboHep 2010 n’avait pas permis de réaliser des estimations des indicateurs de dépistage pour chacun des DROM en raison d’une participation insuffisante des laboratoires tirés au sort dans ces régions. En modifiant le plan de sondage et en effectuant une relance plus active des laboratoires des DROM, l’édition 2013 a fourni des estimations pour chacun des DROM, mettant en évidence une situation contrastée entre les différents DROM et la métropole. Les DROM se caractérisent, par rapport à la métropole, par une activité de dépistage anti-VHC et AgHBs plus importante, un taux de positivité plus faible pour les Ac anti-VHC, mais plus élevé pour l’AgHBs dans certains d'entre eux, tels Mayotte et la Guyane. Ce taux de positivité plus faible pour les Ac anti-VHC dans les DROM pourrait refléter une prévalence du VHC plus basse qu’en métropole (prévalence des Ac anti-VHC estimée à 0,55% en population générale en Guadeloupe en 2007 11), en lien notamment avec un usage de drogues sans doute moins fréquent. L’étude Escapad, réalisée chez les jeunes de 17 ans, montre ainsi, sur la période 2005-2011, des proportions d’usagers de substances psychoactives (cocaïne, crack, ecstasy, héroïne, amphétamines…) au cours de la vie et au cours de l’année, deux à quatre fois plus faibles en Guadeloupe, Martinique et à La Réunion qu’en métropole 12. Concernant l’AgHBs, le taux de positivité plus de trois fois supérieur à Mayotte qu’en métropole retrouvé dans LaboHep 2013 est cohérent avec le contexte épidémiologique particulier de ce département. Mayotte se caractérise en effet par une immigration importante en provenance des Comores, où la prévalence de l’AgHBs est élevée, expliquant en partie le taux élevé de positivité des tests AgHBs réalisés en 2010-2012 dans les CDAG (4,4%) 7 et la prévalence de l’AgHBs, estimée à 3,4% chez les femmes enceintes suivies à Mayotte en 2008-2009 13.

Les personnes nouvellement confirmées positives pour l’anti-VHC et pour l’AgHBs sont majoritairement des hommes, dans notre enquête de 2013 comme dans celle de 2010. Les femmes confirmées positives pour l’hépatite C sont un peu plus âgées que les hommes, alors qu’on observe le phénomène inverse pour l’hépatite B, avec des femmes nettement plus jeunes que les hommes. Ces caractéristiques sociodémographiques s’expliquent certainement par des facteurs de risque liés au sexe et à l’âge (pour l’hépatite C : transfusion sanguine, usages de drogues), mais aussi par le dépistage prénatal de l’AgHBs. Elles sont cohérentes avec celles observées à partir d’autres systèmes de surveillance 8,14,15.

Notre enquête présente plusieurs limites. L’annuaire des LABM réalisant des sérologies VIH utilisé pour la surveillance de l’activité de dépistage du VIH a été choisi comme base de sondage en raison de son exhaustivité et de sa mise à jour en continu. Il est cependant possible que cette base ne soit pas totalement exhaustive vis-à-vis des LABM réalisant des sérologies anti-VHC et AgHBs. Il convient d’insister sur le fait que l’estimation du nombre de tests anti-VHC ou AgHBs confirmés positifs pour la première fois ne doit pas être interprétée comme une estimation du nombre de personnes nouvellement diagnostiquées, dans la mesure où une même personne peut être comptabilisée plusieurs fois, notamment si elle est positive dans des LABM différents.

Face à l’enjeu que constitue actuellement le dépistage des hépatites B et C du fait des possibilités de traitement et de prévention, le rapport de recommandations 2014 sur la prise en charge des personnes infectées par les virus de l’hépatite B ou de l’hépatite C a préconisé de poursuivre la stratégie de dépistage ciblé sur les facteurs de risque de contamination et d’élargir le dépistage du VHC et du VHB à une partie de la population générale, indépendamment de ses expositions à risque 2. Si ces préconisations donnent lieu à des recommandations de la Haute Autorité de santé, les enquêtes triennales LaboHep constitueront un outil précieux pour contribuer à évaluer l’impact de ces nouvelles stratégies de dépistage.

Remerciements

Nous tenons à remercier l’ensemble des LABM qui nous ont adressé leurs données pour l’enquête LaboHep 2013. Nous remercions également Françoise Cazein, Marlène Leclerc et Charly Ramus pour leur collaboration.

Références

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Citer cet article

Pioche C, Léon L, Larsen C, Lot F, Pillonel J, Brouard C. Dépistage des hépatites B et C en France en 2013, enquête LaboHep. Bull Epidémiol Hebd. 2015;(26-27):478-84. http://www.invs.sante.fr/beh/2015/26-27/2015_26-27_1.html