Sentiment d’information et pratiques déclarées de dépistage vis-à-vis des hépatites B et C en population générale ultramarine. Enquête Baromètre santé DOM 2014

// Level of self-perceived information and reporting of screening practices for hepatitis B and C in the French overseas general population. the Health Barometer 2014 for overseas departments

Cécile Brouard (cecile.brouard@santepubliquefrance.fr), Arnaud Gautier, Sophie Vaux, Jean-Baptiste Richard
Santé publique France, Saint-Maurice, France
Soumis le 15.12.2017 // Date of submission: 12.15.2017
Mots-clés : VHB | VHC | Hépatite | Dépistage | Outre-mer
Keywords: VHB | VHC | Hepatitis | Screening | Overseas

Résumé

Si les connaissances et pratiques déclarées vis-à-vis des hépatites B et C ont fait l’objet de plusieurs études en population générale métropolitaine, peu de données sont disponibles dans les départements et régions d’Outre-mer (DROM). Un module sur les hépatites B et C a ainsi été intégré au Baromètre santé réalisé en 2014 en Martinique, Guadeloupe, Guyane et à La Réunion, auprès d’échantillons représentatifs de la population générale de 15-75 ans. Cet article décrit le sentiment d’information et les pratiques déclarées de dépistage vis-à-vis des hépatites B et C, ainsi que leurs facteurs associés en population générale ultramarine.

Les principaux résultats montrent : (1) un très faible sentiment d’information, avec plus de 60% des répondants se déclarant plutôt mal ou très mal informés sur les hépatites virales ou ne sachant pas ce que sont ces infections. Le sentiment d’information déclaré était moindre chez les plus jeunes et les moins diplômés ; (2) un dépistage déclaré plus fréquent dans les DROM qu’en France métropolitaine : 30 à 40% des répondants (selon les DROM) ont déclaré avoir déjà été dépistés pour l’hépatite B ou l’hépatite C au cours de la vie versus respectivement 15% et 19% en France métropolitaine en 2010.

Cette étude met en évidence, comme en France métropolitaine mais de façon plus importante, la nécessité d’améliorer les connaissances de la population générale ultramarine sur les hépatites B et C, afin de renforcer le recours des personnes exposées aux pratiques de prévention : dépistage et vaccination (hépatite B).

Abstract

Knowledge and practices for hepatitis B and C in general population have been documented in metropolitan France. However, few data are available in French overseas territories (DROM). A module about hepatitis B and C was included in the Health Barometer, conducted in 2014 among representative samples of general population aged 15-75 years in Martinique, Guadeloupe, French Guyana and Réunion Island. This article describes the level of self-perceived information and reported screening practices for hepatitis B and C, as well as their associated factors in overseas general population.

The main results show: (1) a very weak self-perceived information, with more than 60% of the respondents who reported feeling rather poorly or very poorly informed about viral hepatitis or who did not know what these infections were. The self-perceived information was lower among the youngest and least graduated respondents. (2) Screening was more frequently reported in the DROM than in metropolitan France: 30-40% of respondents (depending on the DROM) reported that they had already been screened for hepatitis B or C versus 15% and 19%, respectively, in metropolitan France in 2010.

This study highlights, as observed in metropolitan France but more markedly, the need to improve the knowledge of the overseas general population on hepatitis B and C, in order to strengthen the use prevention practices by people who are exposed: screening and vaccination (hepatitis B).

Introduction

Les hépatites B et C sont des maladies infectieuses du foie dues aux virus des hépatites B (VHB) et C (VHC). Ces virus peuvent être transmis par du sang contaminé, par contact direct (ex : transfusion) ou indirect par réutilisation de matériel d’injection contaminé (ex : usage de drogue avec partage de matériel, infections associées aux soins), ainsi que, pour le VHB, par voie sexuelle et de la mère à l’enfant.

La France métropolitaine est une zone de faible endémicité pour les hépatites B et C. Les nombres de personnes ayant une infection chronique, en population générale adulte métropolitaine, ont été estimés à 192 700 pour le VHC en 2011 (0,42%) 1 et à 280 800 pour le VHB en 2004 (0,65%) 2. Dans les départements et régions d’Outre-mer (DROM), à l’exception de La Réunion, la prévalence de l’hépatite B chronique serait plus élevée qu’en France métropolitaine : de 1,4% à 5% selon les populations et les études 3. Pour l’hépatite C, les données disponibles ne permettent pas de conclure sur la prévalence 3. Pour les deux virus, l’activité de dépistage est plus importante dans les DROM qu’en France métropolitaine 4.

Depuis fin 2013, le traitement de l’hépatite chronique C a connu une évolution thérapeutique majeure avec l’arrivée des antiviraux d’action directe (AAD), qui permettent la guérison de plus de 90% des patients. Réservé tout d’abord aux patients dont la pathologie était à un stade avancé, l’accès à ces traitements a été étendu en 2016 aux patients asymptomatiques (stade de fibrose F0 ou F1) 5. Les recommandations de dépistage des hépatites B et C ont évolué ces dernières années. En 2014 les recommandations, qui ciblaient depuis 2001 les personnes exposées au risque d’infection, ont été étendues aux hommes de 18 à 60 ans et aux femmes enceintes dès la première consultation prénatale 3. Étant donné l’évolution récente des traitements de l’hépatite C et l’extension de l’accès à tous les patients infectés chroniques, les experts ont recommandé en 2016 le dépistage de l’hépatite C à tous les adultes quel que soit leur sexe 6.

Si les représentations sociales vis-à-vis des hépatites B et C ont fait l’objet de plusieurs études en population générale métropolitaine, montrant une méconnaissance de ces maladies 7,8,9,10, peu de données sont disponibles en population générale ultramarine. Un module sur les hépatites B et C a ainsi été intégré au Baromètre santé réalisé en 2014 en Martinique, Guadeloupe, Guyane et à La Réunion, auprès d’échantillons représentatifs de la population générale âgée de 15 à 75 ans.

L’objectif de cet article est de décrire le sentiment d’information et les pratiques déclarées de dépistage vis-à-vis des hépatites B et C, et leurs facteurs associés pour chaque DROM.

Méthode

L’enquête téléphonique s’est déroulée d’avril à novembre 2014, auprès de 2 026 personnes en Martinique, 2 028 en Guadeloupe, 2 015 en Guyane et 2 094 à La Réunion. Les numéros de téléphone, fixe et mobile, ont été générés aléatoirement à partir des racines attribuées par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep). Un ménage était éligible s’il comportait au moins une personne âgée de 15 à 75 ans parlant le français ou le créole. Le répondant était sélectionné par tirage au sort parmi les membres éligibles d’un foyer sur téléphone fixe ou, parmi les utilisateurs réguliers du téléphone mobile, sur mobile. Les données ont été pondérées par le nombre d’individus éligibles et de lignes téléphoniques au sein du ménage puis calées sur les données du recensement de la population en 2011 11.

Les données recueillies sur les hépatites B et C concernaient :

(1) le sentiment d’information : « Avez-vous, vous personnellement, le sentiment d’être très bien, plutôt bien, plutôt mal ou très mal informé(e) au sujet des hépatites virales ? » ;

(2) le dépistage : « Avez-vous déjà effectué un test de dépistage de l’hépatite C / de l’hépatite B ? » ; et, en cas de réponse positive : « Avez-vous ou avez-vous déjà eu l’hépatite C / l’hépatite B ? ».

Des analyses bivariées et multivariées ont été réalisées indépendamment pour chacun des DROM. Les variables explicatives étudiées étaient : sexe, classe d’âge (15-30, 31-45, 46-60, 61-75 ans), revenus par unité de consommation (en terciles), diplôme (aucun, niveau <Bac, Bac, niveau >Bac), situation professionnelle (travail, chômage, autres), bénéficiaire du RSA (12 mois), lieu de naissance (DOM, France métropolitaine, autre), en couple, parent d’enfant de 0 à 6 ans, expérimentateur de drogues par voie intraveineuse ou intranasale.

Les pourcentages pondérés ont été comparés par le test du Chi2 de Pearson. Les odds ratios ajustés (ORa), issus de régressions logistiques, ont été comparés par le test de Wald. Pourcentages et ORa sont présentés avec les intervalles de confiance à 95% (IC95%). L’analyse statistique a été réalisée avec le logiciel Stata®13SE (StataCorp, États-Unis).

Résultats

L’ensemble des résultats issus des analyses bivariées et multivariées a été publié dans un rapport spécifique, où sont présentées aussi les comparaisons avec les résultats d’études menées en France métropolitaine 12. Seuls les résultats les plus significatifs sont présentés dans cet article.

Sentiment d’information sur les hépatites virales

Dans les DROM, moins de 40% des personnes déclaraient avoir le sentiment d’être plutôt bien ou très bien informées sur les hépatites virales (figure 1). Cette proportion variait de 32,0% [29,6-34,4] à La Réunion à 38,5% [36,1-40,9] en Guadeloupe et 38,6% [36,2-41,0] en Martinique. Une large majorité de personnes s’estimaient plutôt mal ou très mal informées sur les hépatites virales ou indiquaient ne pas savoir ce que c’est, de 61,0% [58,6-63,4] en Martinique à 67,6% [65,2-70,0] à La Réunion.

Figure 1 : Sentiment d’information déclaré concernant les hépatites virales (en %) dans les DROM et en France métropolitaine, 2014
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En analyse multivariée, le sentiment d’être plutôt bien ou très bien informé sur les hépatites virales ne diffère pas significativement selon le sexe des répondants dans les différents DROM.

Dans tous les DROM, le sentiment d’être bien informé était le plus faible chez les 15-30 ans, puis augmentait avec l’âge. Les différences sont particulièrement marquées entre les répondants de 61-75 ans et ceux de 15-30 ans (Martinique : 45,1% vs 30,7%, ORa: 2,3 [1,6-3,4], Guadeloupe : 43,7% vs 30,7%, ORa: 1,6 [1,1-2,3], Guyane : 49,5% vs 27,7%, ORa: 2,3 [1,4-3,6] et La Réunion : 40,7% vs 25,6, ORa: 2,1 [1,3-3,3].

De même, le sentiment d’être bien informé sur les hépatites virales était significativement plus fréquent chez les répondants ayant un diplôme (dès niveau < Bac) que chez ceux n’en ayant pas.

Des spécificités sont observées selon les DROM. En Guyane et à La Réunion, les répondants ayant un enfant âgé de 6 ans ou moins étaient moins nombreux à se déclarer bien informés que ceux n’en ayant pas : Guyane : 28,6% vs 36,6%, ORa: 0,7 [0,5-1,0] ; La Réunion : 23,5% vs 34,2%, ORa: 0,7 [0,5-0,9]. En Guadeloupe, les personnes ayant déclaré une expérimentation de drogues par voie intraveineuse ou intranasale ont moins fréquemment indiqué se sentir bien informées sur les hépatites virales que celles n’ayant déclaré aucune consommation : 21,2% vs 38,8%, ORa: 0,4 [0,2-0,9]. La taille de cette population en Guadeloupe est estimée à 1,7% [1,1-2,3].

Dépistage de l’hépatite C

Le recours au dépistage de l’hépatite C au cours de la vie a été déclaré par plus de 30% des répondants dans les DROM, plus fréquemment en Antilles-Guyane (38,7% [36,3-41,1] en Martinique, 40,2% [37,8-42,6] en Guadeloupe, 46,3% [43,6-49,0] en Guyane) qu’à La Réunion (31,4% [29,1-33,8]) (figure 2).

Figure 2 : Recours déclaré au test de dépistage de l’hépatite C au cours de la vie (en %) dans les DROM, 2014 et en France métropolitaine, 2010
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En analyse multivariée, le recours au dépistage de l’hépatite C était déclaré plus fréquemment par les femmes que par les hommes en Guadeloupe (44,0% vs 35,6%, ORa: 1,4 [1,1-1,7]) et à La Réunion (34,4% vs 28,2%, ORa: 1,4 [1,1-1,8]).

Dans tous les DROM, le recours déclaré variait significativement avec l’âge. Les répondants de 15-30 ans étaient ceux déclarant le plus faible recours au dépistage de l’hépatite C en Martinique (26,1%), en Guadeloupe (25,3%) et en Guyane (38,9%), les différences étant significatives avec les répondants de toutes les autres classes d’âge en Martinique et en Guadeloupe, et uniquement avec les répondants âgés de 61-75 ans en Guyane. Les répondants âgés de 61-75 ans et 15-30 ans étaient ceux rapportant les plus faibles recours au dépistage de l’hépatite C à La Réunion (23,9% et 24,5% respectivement).

Dans tous les DROM, le recours au dépistage de l’hépatite C était plus fréquemment rapporté par les répondants âgés de 31-45 ans (Martinique : 46,5%, Guadeloupe : 51,8%, Guyane : 54,3%, La Réunion : 41,4%) et par les répondants diplômés.

Les répondants déclarant une expérimentation de drogues par voie intraveineuse ou intranasale étaient plus nombreux à déclarer un dépistage pour l’hépatite C que les non expérimentateurs en Guyane (69,9% vs 45,5%, ORa: 3,0 [1,4-6,1]) et à La Réunion (69,9% vs 30,5%, ORa: 3,9 [1,8-8,2]). La même tendance est observée en Martinique (46,8% vs 38,6%) et Guadeloupe (53,4% vs 40,0%), mais sans différence significative.

En Martinique et à La Réunion, le recours déclaré au dépistage était plus fréquent chez les répondants ayant un enfant âgé de 6 ans ou moins que chez ceux n’en ayant pas.

Parmi les personnes déclarant avoir déjà été dépistées pour l’hépatite C, 1,7% [0,7-2,6] en Martinique, 2,1% [0,9-3,2] à La Réunion, 4,3% [2,7-5,9] en Guadeloupe et 4,5% [2,8-6,1] en Guyane indiquaient avoir ou avoir eu l’hépatite C. Cette proportion ne varie pas significativement selon le sexe en Martinique, en Guyane et à La Réunion. Elle était cependant plus élevée chez les femmes que chez les hommes (6,1% vs 1,6%, p<0,01) en Guadeloupe, et plus élevée chez les répondants âgés de 46 à 75 ans que chez ceux âgés de 15-45 ans dans tous les DROM, sauf la Martinique.

Dépistage de l’hépatite B

Le recours au dépistage de l’hépatite B au cours de la vie a été déclaré par 34,6% [32,3-36,9] des répondants en Martinique, 39,8% [37,4-42,2] en Guadeloupe, 44,6% [41,9-47,3] en Guyane et 31,7% [29,4-34,0] à La Réunion (figure 3).

Figure 3 : Recours déclaré au test de dépistage de l’hépatite B au cours de la vie (en %) dans les DROM, 2014 et en France métropolitaine, 2010
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En analyse multivariée, les femmes déclaraient un recours au dépistage de l’hépatite B significativement plus fréquent que les hommes en Guadeloupe (42,7% vs 36,2%, ORa: 1,3 [1,0-1,6]), Guyane (47,4% vs 41,6%, ORa: 1,4 [1,1-1,8]) et à La Réunion (36,1% vs 26,9%, ORa: 1,6 [1,3-2,1]).

Dans tous les DROM, ce recours était le plus important chez les répondants de 31-45 ans, même si, par rapport à ceux âgés de 15-30 ans, les différences ne sont significatives en analyses multivariées qu’en Guadeloupe (52,1% vs 24,0%, ORa: 2,5 [1,8-3,6]) et à La Réunion (42,1 vs 26,4%, ORa: 1,4 [1,0-2,0]).

Le recours au dépistage était plus souvent déclaré par les répondants diplômés que par ceux ne l’étant pas dans tous les DROM.

Le dépistage était significativement plus fréquemment déclaré par les parents d’enfants de 6 ans ou moins dans tous les DROM, sauf en Guyane. À La Réunion, les répondants déclarant une expérimentation de drogues par voie intraveineuse ou intranasale faisaient plus fréquemment état d’un dépistage pour l’hépatite B que les non expérimentateurs (63,4% vs 31,0%).

Parmi les personnes déclarant avoir déjà été dépistées pour l’hépatite B, 2,4% [1,0-3,8] en Martinique, 3,2% [1,6-4,8] à La Réunion, 4,8% [3,1-6,5] en Guadeloupe et 5,0% [3,3-6,6] en Guyane indiquaient avoir ou avoir eu l’hépatite B. Cette proportion ne varie pas significativement selon le sexe en Martinique, en Guyane et à La Réunion. Elle était en revanche plus élevée chez les hommes que chez les femmes en Guadeloupe (5,2% vs 4,5%, p<0,01) et plus élevée chez les répondants âgés de 46 à 75 ans que chez ceux âgés de 15-45 ans, en Guadeloupe (7,9 vs 1,9, p<0,001) et à La Réunion (6,9 vs 1,4, p<0,001).

Discussion

Le Baromètre santé DOM est la première enquête à fournir des résultats quantitatifs sur les représentations de la population générale ultramarine vis-à-vis des hépatites B et C.

Les analyses bivariées et multivariées ont été réalisées spécifiquement pour la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et La Réunion afin que chaque DROM puisse bénéficier des analyses propres à son territoire et orienter, le cas échéant, les mesures de prévention. Ces données ont été comparées à celles obtenues en France métropolitaine lors d’études antérieures (Baromètre santé 2014 pour le sentiment d’information, Baromètre santé 2010 pour le recours au dépistage) 12.

Cette étude met en exergue le très faible sentiment d’information des personnes interrogées sur les hépatites virales. Plus de 60% des répondants déclaraient avoir le sentiment d’être plutôt mal ou très mal informés sur les hépatites virales ou ne pas savoir ce que sont ces infections. Ce pourcentage atteint presque 65% en Guyane et 68% à La Réunion. Ce défaut d’information parait plus marqué qu’en France métropolitaine, où 56,6% [54,9-58,3] des répondants au Baromètre santé 2014 ont indiqué se sentir plutôt mal ou très mal informés. La comparaison doit cependant rester prudente en l’absence de proposition de la réponse « Ne sait pas ce que c’est » en France métropolitaine. Ce constat conforte le fait d’une méconnaissance de la population générale vis-à-vis des hépatites B et C, déjà documentée en France métropolitaine 3,8,9,10.

Le sentiment d’être plutôt bien ou très bien informé sur les hépatites virales augmentait avec l’âge et le niveau d’études dans tous les DROM, observation qui se retrouve plus globalement sur le niveau d’information ressenti concernant l’ensemble des thèmes proposés 13. L’influence de l’âge a également été observée en France métropolitaine 9,10. Moins d’un tiers des personnes de 15-30 ans se déclarent bien informées, alors que cette classe d’âge est particulièrement concernée par le risque de contamination par le VHB et le VHC (sexualité, tatouage, piercing, consommation de drogues…). La communication mériterait ainsi d’être renforcée, notamment auprès de cette classe d’âge.

Il n’a en revanche pas été retrouvé d’association entre le sentiment d’information et le sexe dans les DROM, contrairement à ce qui a été observé en France métropolitaine, où les femmes avaient montré un meilleur niveau de connaissance sur les modes de transmission des hépatites B et C et l’existence d’une vaccination contre l’hépatite B que les hommes 7,9.

Le moindre sentiment d’information observé chez les expérimentateurs de drogues par voie intraveineuse ou intranasale en Guadeloupe par rapport aux non expérimentateurs est préoccupant, et pourrait s’expliquer par une consommation de drogues illicites potentiellement circonscrite à une population marginalisée ayant moins accès à l’information 14. La taille de cette population en Guadeloupe chez les moins de 65 ans est cependant limitée et estimée à 1,7% [1,1-2,3] dans notre étude 12. Il convient donc de rester prudent étant donné la faible taille de cet échantillon sur ce territoire. La taille exacte de la population d’expérimentateurs de drogues par voie intraveineuse uniquement ne peut être estimée, mais elle est faible, comme rapporté dans d’autres études 15. Le moindre sentiment d’information chez les parents de jeunes enfants en Guyane et à La Réunion, comme cela a été observé en France métropolitaine, pose question dans la mesure où ces parents, notamment les mères, sont susceptibles d’avoir reçu des informations sur l’hépatite B lors du dépistage prénatal obligatoire ou de la vaccination anti-VHB recommandée pour les nourrissons. Ces résultats invitent à renforcer l’information dispensée par les professionnels de santé à ces occasions.

Selon les DROM, entre 30 et à 40% des répondants ont déclaré avoir été dépistés pour l’hépatite B ou l’hépatite C. En Guyane, ces pourcentages atteignent 46,3% pour le VHC et 44,6% pour le VHB.

Les proportions de personnes déclarant avoir été dépistées sont ainsi deux à trois fois plus élevées dans les DROM qu’en France métropolitaine (19,7% pour le VHC et 15,2% pour le VHB en 2010), ce qui est cohérent avec une activité de dépistage plus importante dans les DROM pour les deux virus 12,16.

Concernant les facteurs associés à la déclaration de recours au dépistage, les femmes déclarent plus souvent que les hommes avoir été dépistées pour les hépatites B et C en Guadeloupe et à La Réunion et pour l’hépatite B en Guyane. Ceci est cohérent avec les données de remboursement de l’Assurance maladie, qui indiquent que les femmes représentaient, en 2015, respectivement 63% et 67% des personnes dépistées pour l’hépatite C et l’hépatite B dans le secteur privé en France entière 16. Les répondants âgés de 31 à 45 ans étaient ceux déclarant le recours au dépistage le plus important pour l’hépatite C et l’hépatite B dans les DROM. Ceci a également été observé en France métropolitaine 12. Ces résultats sont cohérents avec la distribution d’âge des personnes réalisant un test de dépistage pour la France entière 16.

Dans tous les DROM, les répondants diplômés rapportaient un recours au dépistage des hépatites B et C plus important que les non diplômés, comme observé en France métropolitaine 9,10. Il n’est cependant pas possible de savoir si les répondants les plus diplômés étaient réellement plus dépistés ou s’ils avaient une meilleure connaissance d’avoir réalisé un dépistage.

L’expérimentation de drogues par voie intraveineuse ou intranasale est également associée à un recours déclaré plus important au dépistage de l’hépatite C en Guyane et des hépatites B et C à La Réunion. Cependant, seuls 65-70% des expérimentateurs déclaraient avoir été dépistés au moins une fois au cours de la vie, ce qui est insuffisant lorsque l’on considère l’importance de ce facteur de risque.

Parmi les personnes ayant déclaré un dépistage, la proportion de personnes indiquant avoir ou avoir eu l’hépatite B ou l’hépatite C variait de 1,7 à 5% selon le virus et le DROM. Pour les deux virus, les pourcentages sont proches en Martinique et à La Réunion, et environ deux fois plus importants en Guyane et en Guadeloupe. Ce même gradient est retrouvé dans le nombre de tests confirmés positifs pour l’hépatite B ou l’hépatite C (pour 100 000 habitants) dans les laboratoires de biologie médicale en 2013 4,16. En revanche, l’écart entre les proportions de personnes déclarant avoir été infectées semble faible entre le VHC et le VHB, au regard des données de surveillance qui mettent en évidence des taux de tests positifs (pour 100 000 habitants) trois fois plus élevés en moyenne pour le VHB que pour le VHC dans les DROM (à l’exception de Mayotte). Cela pourrait être en partie lié à une confusion entre l’hépatite B et l’hépatite C 9. S’agissant de données déclaratives, dans un contexte de méconnaissance de la population générale vis-à-vis des hépatites B et C et du faible taux de dépistage des personnes infectées (environ 50% en 2004 2), ces pourcentages ne doivent en aucun cas être considérés comme des prévalences.

D’autres limites peuvent être citées, comme le nombre restreint de questions sur les représentations vis-à-vis des hépatites B et C, ce qui ne permet pas d’étudier de façon approfondie les connaissances, attitudes, perceptions et pratiques de la population générale vis-à-vis de ces infections, ni leurs liens avec les expositions à risque des personnes interrogées, comme cela a pu être réalisé pour le VIH 17. Cette enquête téléphonique n’a pas pu être conduite à Mayotte du fait de son contexte socioéconomique et démographique particulier. Une enquête spécifique est ainsi nécessaire. Les comparaisons des données des DROM avec celles de la France métropolitaine doivent rester prudentes du fait de méthodologies différentes (changement sur la modalité de réponse du sentiment d’information sur les hépatites virales). Les différences observées entre DROM et métropole peuvent s’expliquer, en partie, par des populations dont les distributions par âge, niveaux socioéconomiques et culturels sont différentes, et ce d’autant plus que les connaissances déclarées dans les DROM apparaissent moins bonnes chez les plus jeunes et les moins diplômés. Des analyses comparant spécifiquement les données de chaque DROM à celles de la métropole seraient ainsi nécessaires pour répondre sur ces différences.

Cette étude investigue le sentiment d’information de la population et non pas son niveau d’information. Le sentiment d’information est un facteur subjectif qui peut notamment être dépendant du niveau socioculturel des personnes interrogées. L’étude n’avait pas pour objectif de comparer les différences observées entre DROM sur les connaissances et les pratiques déclarées.

Cette étude met en évidence, et de façon encore plus importante qu’en France métropolitaine 7,8,9,10, la nécessité d’améliorer les connaissances de la population générale sur les hépatites B et C, afin d’amener les personnes exposées à prendre conscience de leurs facteurs d’expositions et de susciter le recours à des pratiques de prévention : dépistage et vaccination contre l’hépatite B. Elle suggère également le rôle des professionnels de santé pour l’identification des personnes les plus à risque, la prescription des dépistages et l’information des personnes. Dans cet objectif, il est important de renforcer la sensibilisation des médecins aux hépatites B et C.

Remerciements

Nous remercions l’ensemble des participants de l’enquête Baromètre santé DOM 2014.

Références

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2 Meffre C. Prévalence des hépatites B et C en France en 2004. Saint-Maurice: Institut de veille sanitaire; 2006. 176 p. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=4362
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Citer cet article

Brouard C, Gautier A, Vaux S, Richard JB. Sentiment d’information et pratiques déclarées de dépistage vis-à-vis des hépatites B et C en population générale ultramarine. Enquête Baromètre santé DOM 2014. Bull Epidémiol Hebd. 2018;(11):204-9. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2018/11/2018_11_3.html