Prévalence de l’infection par le virus de l’hépatite B (VHB) et couverture vaccinale contre le VHB chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes fréquentant des lieux de convivialité gay de cinq villes françaises. Étude PREVAGAY 2015
// Prevalence of hepatitis B virus (HBV) infection and vaccine coverage against HBV in men who have sex with men attending gay venues in five French cities. the PREVAGAY 2015 survey
Résumé
L’objectif de cette étude était d’estimer la prévalence du virus de l’hépatite B (VHB) et la couverture vaccinale (CV) contre le VHB déclarée chez les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes (HSH) fréquentant les lieux de convivialité gay en 2015 et de décrire les facteurs associés.
Une enquête transversale anonyme, PREVAGAY 2015, utilisant une méthode d’échantillonnage probabiliste (Time-Location Sampling) et la méthode généralisée du partage des poids, a été menée auprès des HSH fréquentant les bars, saunas et backrooms de cinq villes françaises (Paris, Lille, Lyon, Montpellier et Nice) entre septembre et décembre 2015. Un questionnaire comportemental et un autoprélèvement au bout du doigt de sang capillaire déposé sur papier buvard ont été collectés. La recherche de l’antigène de surface du VHB (AgHBs) a été réalisée avec la trousse Elisa Monolisa™ HBsAg ULTRA.
Parmi les 2 645 HSH retenus pour l’analyse, 18 étaient porteurs de l’AgHBs. La prévalence pour le VHB a été estimée à 0,6% [IC95%: 0,2-1,3], sans différence significative entre les villes. Chez les HSH séropositifs pour le VIH (n=433), la prévalence a été estimée à 1,5% [0,6-3,6]. La couverture vaccinale contre le VHB déclarée a été estimée à 63,0% [60,0-65,9].
Ces résultats incitent à la diffusion de messages globaux de prévention de santé sexuelle couplant la vaccination et les actions de dépistage.
Abstract
The aim of this study was to estimate the prevalence of HBV infection and reported vaccine coverage (VC) against HBV in men who have sex with men (MSM) attending gay venues in 2015, and secondly to describe the associated factors.
An anonymous cross-sectional survey, using a time-location sampling method and the generalized weight share method, was conducted among MSM attending gay venues in five French cities (Paris, Lille, Lyon, Montpellier, and Nice) between September and December 2015. Behavioral questionnaires and finger-prick whole blood spoted on filter paper (DBS) were collected. Samples were screened using the Monolisa™ HBsAg ULTRA Elisa assay.
Among the 2,645 MSM investigated in the survey, 18 were hepatitis B surface antigen (HBsAg)-positive, representing HBsAg seroprevalence of 0.6% [CI95%: 0.2-1.3] without significant differences between cities. In HIV-positive MSM (n=433), HBsAg seroprevalence was estimated at 1.5% [0.6-3.6]. Vaccination coverage against hepatitis B was estimated at 63.0% [60.0-65.9].
These results suggest that general messages about sexual health dealing with vaccination and screening should be disseminated.
Introduction
La France est un pays de faible endémicité pour l’infection chronique par le virus de l’hépatite B (VHB). Les principaux modes de transmission sont les rapports sexuels et l’exposition à du sang contaminé. En 2004, la prévalence de l’antigène HBs (AgHBs) avait été estimée à 0,7% (IC95%: [0,5-0,9]) dans l’ensemble de la population française métropolitaine et à 1,1% [0,7-1,7] chez les hommes 1. Dans cette même étude, la prévalence de l’AgHBs chez les personnes ayant eu 10 partenaires sexuels ou plus au cours des 12 derniers mois avait été estimée à 1,3% [0,7-2,3] 1. Les personnes qui ont de multiples partenaires sexuels sont exposées au risque d’infection par le VHB et sont ainsi ciblées par les recommandations vaccinales contre le VHB 2.
En 2009, l’étude PREVAGAY menée auprès d’un échantillon d’hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes (HSH) fréquentant 14 établissements de convivialité gay volontaires à Paris avait permis d’estimer, pour la première fois, la prévalence de l’AgHBs à 1,4% dans cette population 3. En 2015, PREVAGAY a été étendue, en plus de Paris, à quatre autres villes (Lille, Lyon, Montpellier et Nice), en s’appuyant sur un plan de sondage probabiliste. Elle a été menée sous la responsabilité scientifique de l’Institut de veille sanitaire (devenu Santé publique France depuis le 1er mai 2016), en partenariat avec les Centres nationaux de référence (CNR) pour le VIH et pour les hépatites virales B, C et Delta, l’Équipe nationale d’intervention en prévention et santé pour les entreprises (Enipse) et l’Inserm, et avec le soutien financier de l’ANRS (France Recherche Nord&Sud Sida-HIV Hépatites), de Sidaction et des Agences régionales de santé (ARS) des régions concernées par les cinq villes de l’étude.
Cette étude avait notamment pour objectifs d’estimer les prévalences des infections par le VIH, le VHB et le virus de l’hépatite C (VHC) chez les HSH fréquentant les lieux de convivialité gay des cinq villes et d’en analyser les facteurs associés. Cet article présente les estimations de séroprévalence de l’AgHBs et de couverture vaccinale (CV) déclarée contre le VHB dans cette population, ainsi que la description des facteurs associés à la séroprévalence et à la vaccination.
Méthode
Déroulement de l’étude
L’étude PREVAGAY 2015 est une enquête multicentrique de séroprévalence du VIH et des hépatites virales B et C, réalisée auprès des HSH fréquentant les lieux de convivialité gay à Lille, Lyon, Montpellier, Nice et Paris de septembre à décembre 2015. La méthode d’échantillonnage probabiliste Time-Location Sampling (TLS) a été utilisée 4,5. Les hommes éligibles pour participer à l’étude devaient être volontaires, âgés d’au minimum 18 ans, lire et parler le français et avoir eu au moins un rapport sexuel avec un homme au cours des 12 derniers mois. L’étude comprenait un autoprélèvement de sang capillaire au bout du doigt avec dépôt sur papier buvard et le remplissage d’un questionnaire sur tablette électronique. Le buvard et le questionnaire étaient appariés par un numéro d’anonymat. Les participants étaient informés qu’ils n’obtiendraient aucun résultat individuel, mais recevaient systématiquement la liste des lieux de dépistage de la ville.
Les variables recueilles par l’autoquestionnaire concernaient notamment : les caractéristiques sociodémographiques, l’orientation sexuelle, la fréquentation des lieux de convivialité gay, les pratiques sexuelles (fist-fucking, pratiques hard, nombre de partenaires dans l’année), l’usage de produits psychoactifs (au cours des rapports sexuels, la pratique du Slam (1) avec ou sans partage de matériel d’injection), la santé (statut vis-à-vis du VIH ou du VHC, antécédents d’infections sexuellement transmissibles (IST)), les attitudes de prévention (réalisation de dépistage du VHC et du VIH, déclaration de vaccinations contre l’hépatite B et contre le méningocoque C). La méthodologie complète a été précédemment décrite 6,7.
Analyses biologiques
La détection de l’AgHBs a été réalisée en microplaque, à l’aide de la trousse Elisa Monalisa™ HBs Ag ULTRA (Bio-Rad, Marnes-la-Coquette, France). Les analyses ont été réalisées par le CNR des hépatites B, C et Delta (hôpital Henri Mondor, Créteil).
La recherche des anticorps anti-VIH a été réalisée par le CNR VIH avec le test Genscreen™ ULTRA HIV Ag-Ab (Bio-Rad), comme précédemment décrit 7.
Analyses
Les données biologiques et comportementales ont été pondérées en tenant compte du poids de chaque établissement, du poids individuel et des fréquentations dans les établissements investigués, selon la méthode généralisée du partage des poids. Dans les analyses, le plan de sondage à deux degrés (créneaux-établissements et individus) stratifié par ville a été pris en compte 6. Des régressions de Poisson avec variance robuste ont été utilisées pour modéliser le statut VHB puis la CV contre le VHB déclarée en fonction des facteurs potentiellement associés, et estimer les ratios de prévalence (RP) 8. Les variables testées sont celles précédemment citées.
Seules les variables avec un p<0,1 dans les modèles univariés ont été incluses dans les modèles multivariés. Après des analyses pas à pas descendantes, seules les variables avec un p<0,05 ont été conservées dans les modèles finaux. Les interactions et colinéarités ont été testées. Au-delà des résultats par ville, seules les variables incluses dans les modèles multivariées sont présentées dans les tableau 1 et 2. Ces tableaux présentent les prévalences, CV déclarées contre l’hépatite B, RP, RP ajusté (RPa) et intervalles de confiance à 95% (IC95%). L’analyse statistique a été réalisée avec le logiciel Stata®12 (StataCorp, États-Unis).
Aspects éthiques
Le protocole de l’étude a été approuvé par le Comité de protection des personnes (CPP) d’Île-de-France VI de la Pitié-Salpêtrière, ainsi que par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) dans le cadre de la recherche biomédicale.
Résultats
Sur la base du volontariat, 60 établissements de convivialité gay répartis dans les cinq villes ont accepté de participer à l’étude : 26 bars et clubs, 19 saunas et 15 backrooms. Sur les 5 324 hommes invités à participer, les données du questionnaire et les résultats de l’autoprélèvement pour l’AgHBs étaient disponibles pour 2 645 HSH.
Description de la population
La population de l’étude a été précédemment décrite 7 et ses principales caractéristiques sont présentées dans les tableau 1 et 2. L’âge médian des 2 645 HSH inclus dans cette analyse était de 41 ans et la prévalence pour le VIH était estimée à 14,3% [12,0-17,0]. Les HSH nés à l’étranger représentaient 17,1% [14,7-19,7] des HSH fréquentant les lieux de convivialité gays et ceux nés en Afrique subsaharienne et en Asie, zones de forte endémie pour l’AgHBs, 2,2% [1,3-3,6].
Description de la population séropositive pour le VHB
Sur les 2 645 HSH inclus dans l’étude, 18 étaient porteurs de l’AgHBs. L’âge médian des HSH séropositifs pour l’AgHBs était de 35 ans (IQ : [30,0 ; 44,0]), 60,8% [46,2-73,7] se déclaraient homosexuels, 69,2% [39,7-88,5] utilisaient des sites de rencontres géolocalisées ou des sites Internet, 97,8% [91,9-99,4] fréquentaient des lieux où les rapports sexuels sont possibles, 95,9% [87,7-98,7] déclaraient avoir eu au moins une pénétration anale avec des partenaires occasionnels dans l’année, 45,7% [25,6-67,3] avoir eu au moins une pénétration anale non protégée avec des partenaires occasionnels dans l’année et 33,7% [15,2-59,0] à avoir eu au moins une IST dans l’année. Respectivement, 2,2% [0,5-10,2] et 11,3% [2,7-36,4] des HSH séropositifs pour le VHB déclaraient avoir eu des pratiques hard ou pratiqué le fist avec un partenaire occasionnel dans l’année, mais aucun ne déclarait avoir pratiqué le Slam au cours de la vie (tableau 1). Deux HSH étaient nés à l’étranger (Afrique du Nord et Europe de l’Est), mais vivaient en France.
Prévalence estimée de l’infection VHB
La prévalence de l’AgHBs était estimée à 0,6% [0,3-1,3]. Parmi les HSH séropositifs pour le VIH (n=433), la prévalence était estimée à 1,5% [0,6-3,6] alors qu’elle était de 0,4% [0,1-1,3] parmi les HSH séronégatifs (n=2 212). Parmi les 18 HSH porteurs de l’AgHBs, la prévalence du VIH était estimée à 36,9% [11,6-72,4]. La prévalence de la co-infection VIH-VHB était estimée à 0,2% [0,08-0,5].
La prévalence de l’infection VHB variait selon les villes, sans différence significative (tableau 1). La prévalence était de 0,6% [0,2-0,4] chez les moins de 40 ans et de 0,5% [0,2-1,1] chez les 40 ans et plus (p non significatif). La prévalence était de 0,7% [0,3-1,7] chez les HSH déclarant au moins une pénétration anale avec partenaires occasionnels dans l’année et non significativement différente de celle chez ceux n’en déclarant pas (0,09% [0,03-0,3]).
En analyse multivariée, être porteur de l’AgHBs était associé au fait de résider dans les Alpes-Maritimes, d’avoir fait des études supérieures, d’être dans une situation financière juste, difficile ou d’avoir des dettes, de fréquenter des lieux où les rapports sexuels sont possible (saunas, backrooms, lieux de drague extérieurs), d’avoir eu au moins une pénétration anale avec un partenaire occasionnel dans l’année. La vaccination contre l’hépatite B était protectrice. Il était également retrouvé une association entre être porteur de l’AgHBs et le fait de ne pas avoir eu de pratiques hard avec des partenaires occasionnels dans l’année.
Couverture vaccinale déclarée contre l’hépatite B
Parmi les 2 645 HSH, la CV contre l’hépatite B était estimée à 63,0% [60,0-65,9] ; 22,2% [19,6-25,0] déclaraient ne pas être vaccinés et 14,8% [12,6-17,4] ne savaient pas. En excluant les réponses « ne sait pas », pour comparaison avec d’autres études, la CV chez les HSH était estimée à 73,9% [70,8%-76,8%].
La CV estimée chez les HSH séropositifs pour le VIH (65,2% [57,6-72,1],) n’était pas significativement différente de celle estimée chez les HSH séronégatifs (62,6% [59,3-65,7]). La CV chez les HSH séropositifs pour le VIH méconnaissant leur statut (non diagnostiqués) était estimée à 37,2% [17,1-62,9].
La CV contre le VHB était estimée à 90,1% [74,5-97,0] chez les HSH infectés par le VHC (ayant un ARN VHC détectable), à 62,8% [59,7-65,7] chez ceux non infectés pour le VHC. Cette CV était estimée à 82,2% [58,9-93,7] chez les HSH ayant déclaré la consommation de produits psychoactifs par injection avant ou pendant les rapports sexuels au cours de l’année et à 69,4% [62,3-75,7] chez ceux ayant déclaré la consommation de produits psychoactifs par voie intranasale (sniff).
En analyse multivariée, être vacciné contre l’hépatite B était associé au fait de résider dans l’Hérault, d’avoir fait des études supérieures, d’être à l’aise financièrement, d’avoir eu au moins une IST dans l’année, d’avoir fait un dépistage de l’hépatite C dans l’année, d’être infecté par le VHC et d’être vacciné contre le méningocoque C (tableau 2).
D’autres associations significatives en analyse univariée ne se maintenaient pas en analyse multivariée (fréquentation de sites de rencontres géolocalisées ou sur site Internet, dépistage du VIH dans l’année et pratique du Slam au cours de la vie avec partage de matériel d’injection).
Discussion – conclusion
L’étude PREVAGAY 2015 a permis d’estimer la prévalence de l’infection VHB chez les HSH fréquentant les lieux de convivialité gay dans cinq villes de France. Cette estimation s’appuie sur la méthode d’échantillonnage probabiliste (TLS) adaptée à ce type de population difficile à atteindre. Globalement, la prévalence de l’infection par le VHB était faible (0,6% [0,3-1,3]), notamment à Paris (0,2% [0,1-0,7]). Par rapport à la prévalence estimée en 2009 chez les HSH fréquentant les lieux de convivialité gay à Paris uniquement (1,4% [0,6-2,1]) 3,9, les données vont dans le sens d’une diminution. Néanmoins, la comparaison doit rester prudente du fait de méthodologies d’échantillonnage différentes entre les deux études et du faible nombre d’HSH séropositifs pour l’AgHBs. Sur les 18 HSH séropositifs pour le VHB, seuls deux étaient nés à l’étranger dans notre étude. Dans les files actives de patients infectés chroniques par le VHB, les patients nés à l’étranger peuvent représenter plus de 80% des patients 10. Les HSH nés en Afrique subsaharienne et en Asie, dans des pays de forte prévalence pour le VHB, ne représentaient cependant que 2,2% des HSH fréquentant les lieux de convivialité gay de l’étude. Ceci pourrait expliquer en partie la faible prévalence de l’Ag HBs observée.
La prévalence de l’AgHBs tendait à être plus élevée dans la population des HSH séropositifs pour le VIH (1,5% [0,6-3,6]) que dans la population séronégative (0,4% [0,1-1,3]), comme cela avait été montré dans l’étude PREVAGAY 2009 (4,6% et 0,7% respectivement) 3. En 2015, cette différence n’était cependant pas significative, très certainement en raison d’un manque de puissance. Ce niveau de co-infection VHB/VIH est cependant préoccupant car l’infection par le VIH aggrave le pronostic de l’infection VHB, notamment en favorisant les évolutions vers le stade chronique, vers la cirrhose et en augmentant le risque d’apparition d’un carcinome hépatocellulaire 11.
Les estimations de prévalence de l’AgHBs de notre étude sont comparables à celles retrouvées chez les HSH aux Pays-Bas (0,6% [0,6-0,7]) 12, au Brésil (0,6% [0,2-1,6]) 13 et à Toronto, aussi bien chez les séronégatifs pour le VIH (0,7% [0,0-3,9]) que chez les séropositifs (2,7% [1,2-5,3]) 14. En Allemagne, la prévalence de l’hépatite B active (AgHBs (+) et DN VHB (+)) chez les HSH séropositifs pour le VIH à partir de plasma a été estimée à 1,7% 15. Les méthodologies ne sont cependant pas directement comparables.
Notre étude montre que la prévalence de l’AgHBs était associée à la résidence dans les Alpes-Maritimes, au suivi d’études supérieures, au fait d’être dans une situation financière juste, difficile ou d’avoir des dettes, à la fréquentation de lieux où les rapports sexuels sont possibles et à la pénétration anale avec au moins un partenaire occasionnel dans l’année. Les actions de prévention, telles que la promotion du préservatif, du dépistage et de la vaccination, pourraient ainsi être orientées plus spécifiquement vers ces populations. L’effet « protecteur » de la pratique hard retrouvé est en revanche difficilement explicable. Des études ont montré l’association de la prévalence du VHB avec un âge plus élevé ou la séropositivité VIH 13. Le faible nombre d’HSH positifs pour l’AgHBs (n=18) dans notre étude limite la puissance des analyses et contraint à rester prudent dans l’interprétation des données étant donné les larges intervalles de confiance. Contrairement aux résultats de PREVAGAY 2009, il n’a pas été mis en évidence de prévalence de l’AgHBs supérieure chez les HSH consommant de la cocaïne dans les 12 mois vs les non consommateurs (PREVAGAY 2015 : 0,7% [0,3-2,1] vs 0,5% [0,2-1,4]) 3.
Les recommandations françaises ont été récemment modifiées et préconisent, en 2018, la vaccination contre l’hépatite B, notamment pour les personnes ayant des relations sexuelles avec des partenaires multiples, exposées aux IST ou ayant une IST en cours ou récente, pour les usagers de drogues par voie parentérale ou nasale et pour les personnes séropositives au VIH ou au VHC 2.
Dans la présente étude, la CV contre l’hépatite B a été estimée à 63,0% [60,0%-65,9%]. L’estimation de CV de 73,9% (obtenue en excluant les réponses « ne sait pas ») est proche de celle de l’étude PREVAGAY 2009 (70,7%). En France métropolitaine, 47,0% [45,9-48,2] des adultes se déclaraient vaccinés contre l’hépatite B en 2010 16. La CV chez les HSH est ainsi supérieure à celle déclarée en population générale, mais paraît cependant insuffisante dans les sous-groupes ciblés par les recommandations lors de la réalisation de l’étude : les sujets séropositifs pour le VIH (67,7%), ceux avec partenaires multiples (66,1%) et ceux déclarant la prise de produits psychoactifs par voie parentérale en contexte sexuel pendant la dernière année (82,2%). Elle est également insuffisante dans les sous-groupes de notre étude désormais ciblés par les recommandations actuelles : HSH ayant eu une IST récente (71,9%), utilisateurs de drogues par voie intranasale (69,4%), mais elle est importante chez les HSH séropositifs pour le VHC (90,1%). L’étude PREVAGAY n’a cependant pas permis d’estimer la proportion d’HSH immunisés du fait d’infections antérieures et donc non éligibles à la vaccination. Les CV peuvent ainsi être sous-estimées.
La CV était particulièrement faible (37,2%) chez les HSH séropositifs pour le VIH méconnaissant leur statut. Cette couverture, bien que non significativement inférieure en analyse multivariée à celles des HSH séropositifs pour le VIH diagnostiqués (67,7%) ou des séronégatifs (62,6%), montre la difficulté à toucher, par des actions couplant dépistage et vaccination, certains HSH qui se perçoivent potentiellement non concernés par les messages de prévention. Ces résultats plaident donc pour la diffusion de messages globaux sur la santé sexuelle et l’orientation vers des structures de prise en charge adaptées, telles les CeGIDD qui peuvent se rendre au plus près des populations grâce notamment à des actions hors les murs. Des messages de prévention ciblés peuvent également être mis en place, comme cela a été le cas, par exemple, lors de l’été 2017 dans le cadre de l’épidémie d’hépatite A survenue chez les HSH (http://sexosafe.fr/vaccination).
L’étude Internet européenne EMIS 2010 (The European Men-Who-Have-Sex-With-Men Internet Survey) 17 rapporte des CV déclarées par les HSH (vaccination complète à 3 doses, réponses « ne sait pas » exclues) de 52,5% en France, 57,9% en Grande-Bretagne, 64,3% en Suisse et 61,6% en Allemagne. Ces couvertures sont supérieures à celles de plusieurs pays d’Europe de l’Est. La CV médiane pour les 27 pays de l’Union européenne est de 48,2%. Les politiques vaccinales vis-à-vis du VHB et les prévalences d’hépatite B sont cependant variables d’un pays à l’autre. Les données de cette étude ne sont pas directement comparables avec celles de PREVAGAY du fait de périodes d’enquête et de recrutements différents.
L’étude PREVAGAY 2015 montre que la vaccination contre l’hépatite B est positivement associée à deux types de facteurs : (a) sociodémographiques, (b) situations en santé et attitudes de prévention. Une meilleure CV contre l’hépatite B est ainsi associée :
–(a) à un haut niveau d’éducation ainsi qu’une aisance financière. Ces résultats sont concordants avec ceux d’autres études 18,19. S’y ajoutent d’autres facteurs tels qu’un âge jeune et une affirmation de son identité homosexuelle. Dans notre étude, ces variables montrent des tendances à une CV plus élevée sans que les différences soient significatives. Les recommandations françaises ne ciblent cependant pas spécifiquement les HSH, mais l’ensemble des personnes ayant des partenaires multiples ;
–(b) aux antécédents d’IST, au dépistage de l’hépatite C dans les 12 mois, à l’infection par le VHC et à la vaccination contre le méningocoque C. D’autres facteurs n’ont montré qu’une association significative en analyse univariée, mais ont pu être rapportés associés dans d’autres études, comme les antécédents de dépistage pour le VIH et la connaissance du statut VIH 18,19,20.
En lien avec les prises de risque, la fréquentation de sites de rencontres avec application géolocalisée ou sur Internet, le fait d’avoir eu des partenaires occasionnels au cours des 12 derniers mois, le partage de matériel d’injection lors de plans Slam ne sont significativement associés à la CV qu’en analyses univariées. Certaines études ont, cependant, montré un lien inverse entre la CV et certaines prises de risques telles que le nombre de partenaires sexuels, l’injection de drogues ou le fait d’être travailleur du sexe 12,21.
Ces résultats plaident pour une augmentation du degré de littératie en santé sexuelle des HSH et une adaptation des messages en vue de réduire les inégalités d’accès et de compréhension de l’information afin que chacun puisse s’approprier les messages de prévention diffusés.
Ces résultats témoignent aussi d’un besoin de prise en charge globale des HSH, couplant les actions de dépistage et de vaccination, en fonction notamment de l’âge (pour la vaccination HPV) et des prises de risque.
Ceci met en exergue le rôle majeur des professionnels de santé comme relais indispensable de la communication et des actions de prévention contre l’hépatite B auprès des HSH.
Il convient de noter que la vaccination contre le méningocoque C, qui était recommandée pour la population HSH lorsque l’étude a été conduite, ne l’est plus à ce jour. Cette vaccination est cependant recommandée en population générale jusqu’à l’âge de 24 ans chez les personnes non vaccinées antérieurement 2.
Cette étude présente des limites. Le portage de l’AgHBs a été estimé à partir de gouttes de sang total capillaire déposées sur buvard. La détection de marqueurs virologiques sur buvard présente une plus faible sensibilité en comparaison aux matrices usuelles (sérum ou plasma). Pour l’AgHBs, cette diminution de sensibilité correspond approximativement à un facteur 200, si l’on tient compte du volume de sang total déposé (10 µL) et d’une hématocrite d’environ 50%. La même technique de dépôt sur buvard et la même trousse (Monalisa HBs Ag ULTRA (Biorad®)) avaient cependant déjà été utilisées pour l’étude PREVAGAY 2009. Le dépôt de sang total sur papier buvard conduit également à une perte de sensibilité pour la détection des anticorps anti-HBs. La détection, voire la quantification des anti-HBs à partir de sang total déposé sur ce support, nécessite une réelle optimisation, avec en particulier la détermination de la limite de détection. La détection des Ac anti-HBs n’ayant ainsi pu être mise en œuvre, les données de CV utilisées sont uniquement déclaratives. Le questionnaire a également été principalement conçu pour étudier la prévalence du VIH, objectif premier de l’étude, ce qui a pu conduire à omettre certains facteurs associés au VHB ou à la CV contre l’hépatite B et des questions telles que les antécédents de dépistage et la connaissance du statut VHB. Dans le questionnaire, la non-collecte d’expositions potentielles, limitées à la dernière année sans porter sur la vie entière, est également une limite pour le VHB. Il convient de rappeler que les HSH inclus dans cette étude sont ceux fréquentant les lieux de convivialité gay dans les cinq villes retenues ; les résultats de prévalences ne peuvent donc pas être extrapolés à l’ensemble des HSH en France.
En conclusion, la prévalence du VHB apparaît faible dans la population d’HSH fréquentant les lieux de convivialité gay des cinq villes, et comparable à celle de HSH dans certains autres pays. Ces résultats incitent cependant à augmenter la CV contre l’hépatite B des HSH non immunisés vis-à-vis du VHB, notamment ceux infectés par le VIH et/ou ayant des partenaires multiples, et à poursuivre les messages et actions préventifs auprès de cette population.
Remerciements
Les auteurs remercient toutes les personnes qui ont accepté de participer à l’étude PREVAGAY 2015.
Nous remercions également les salariés de l’association Enipse qui ont réalisé le terrain de l’étude (S. Cambau, J. Derrien,
S. Guillet, L. Jourdan, C. Kaminski, V. Lugaz, C. Péjou, E. Thomas Des Chenes, F. Therond, R. De Wever) et les associations
qui ont apporté leur soutien tout au long de l’étude, notamment Aides (V. Coquelin), Act Up (H. Fisher), Le 190 (M. Oyahon),
Sidaction (S. Fournier). Nous remercions chaleureusement l’ensemble des établissements ayant accepté de participer à l’étude
et l’ensemble des associations ayant facilité sa réalisation. Nous remercions également les Cellules d’intervention en région
de Santé publique France (Cire Hauts-de-France : P. Chaud, B. Ndiaye, P. Trouiller ; Cire Auvergne-Rhône-Alpes : C. Saura ;
Cire Occitanie : C. Rousseau ; Cire Provence-Alpes-Côte d’Azur-Corse : P. Malfait et Cire Île-de-France : S. Vandentorren,
A. Lepoutre, Y. Silué) pour leur soutien à la réalisation de l’étude.
Le recueil des données comportementales sur tablettes a été assuré par la société BVA.
L’étude PREVAGAY 2015 a été financée par Santé publique France, l’Agence nationale de recherche contre le sida et les hépatites
virales (ANRS), Sidaction et les Agences régionales de santé Hauts de France, Auvergne-Rhône-Alpes, Occitanie, Provence-Alpes-Côte
d’Azur, Île-de-France.