Épidémiologie de la fibrillation atriale en France. Incidence des patients nouvellement traités par un anticoagulant oral, évolutions temporelles et disparités territoriales

// Epidemiology of atrial fibrillation in France. Incidence of newly treated patients with oral anticoagulants in France. Time-trends and territorial disparities

Amélie Gabet1 (amelie.gabet@santepubliquefrance.fr), Édouard Chatignoux1, Clémence Grave1, Yannick Béjot2, Valérie Olié1
1 Santé publique France, Saint-Maurice
2 Registre des AVC de Dijon, CHU de Dijon
Soumis le 29.09.2020 // Date of submission: 09.29.2020
Mots-clés : Fibrillation atriale | Anticoagulants oraux | Épidémiologie
Keywords: Atrial fibrillation | Oral anticoagulants | Epidemiology

Résumé

Introduction –

La fibrillation atriale (FA) est le trouble du rythme cardiaque le plus fréquent ; elle est associée notamment à un risque élevé d’accident vasculaire cérébral (AVC) et de mortalité. La prévention de l’AVC chez les patients présentant une FA se fait au moyen d’un traitement anticoagulant oral (ACO). Les objectifs de notre étude étaient de décrire l’incidence des patients traités par ACO pour une FA en France, d’analyser les évolutions des taux entre 2010 et 2018, et les disparités départementales.

Méthodes –

À partir du Système national des données de santé (SNDS), un algorithme a été construit afin de détecter, parmi les patients nouvellement traités par ACO, ceux qui l’étaient pour une FA. Des taux d’incidence des patients traités pour FA, bruts et standardisés sur l’âge, ont été estimés par année entre 2010 et 2018 et par département pour 2018.

Résultats –

En 2018, 225 747 nouvelles personnes avec une FA traitée par ACO ont été identifiées. Le taux standardisé était de 410/100 000 habitants. Celui-ci a augmenté de façon importante depuis 2010 (295 pour 100 000) avec un pic en 2012 (455 pour 100 000) à la suite de l’introduction des ACO directs. Depuis 2013, une évolution annuelle moyenne positive des taux a été observée, en particulier chez les femmes (+1,9%), les personnes âgées de 20-64 ans (+2,6% chez les femmes et +0,5% chez les hommes) et celles âgées de +85 ans (+1,2% chez les femmes et +0,8% chez les hommes). Les départements du Nord et du Pas-de-Calais présentaient les taux standardisés les plus élevés de patients nouvellement traités par ACO pour une FA, plus de 20% supérieurs à la moyenne nationale. À l’inverse, les départements français d’outre-mer avaient des taux plus bas que la moyenne.

Conclusion –

 Ces données mettent en évidence le poids de la FA traitée par ACO en France et, ainsi, du nombre de patients à risque d’AVC. L’introduction des ACO a permis de traiter un nombre et un profil plus large de patients atteints de FA en France. Les départements du nord de la France présentaient une incidence plus élevée que le reste de la France pour cette pathologie.

Abstract

Introduction –

 Atrial fibrillation (AF) is the most common cardiac arrhythmia, which is notably associated with increased risks of stroke and death. Oral anticoagulants (OACs) agents are effective therapeutics to prevent patients with AF from stroke. The objectives of this study were to describe the annual rate of patients newly treated with an OAC for AF in France, and to analyze their time trends between 2010 and 2018 as well as their territorial disparities.

Methods –

 An algorithm using the French national administrative database (SNDS: Système national des données de santé) data was built to identify patients newly treated with an OAC. Crude and age-standardized rates of patients treated for AF were computed between 2010 and 2018, and declined at the departmental level for the year 2018.

Results –

In 2018, 225,747 patients newly treated with an OAC for AF were identified. The age-standardized rate was 410/100,000 inhabitants. It has substantially increased since 2010 (295 per 100,000), with a maximum rate in 2012 (455 per 100,000) following the introduction of direct OACs on the market. A positive mean annual percent change of rates has been observed since 2013, particularly in women (+1.9%), people aged between 20 and 64 years old (+2.6% and +0.5% respectively in women and men of this age group), and those aged 85 years old or over (+1.2% in women and +0.8% in men of this age group). The departments of « Nord » and « Pas-de-Calais » had the highest standardized rates of AF patients newly treated with OACs. On the contrary, overseas French territories recorded the lowest rates.

Conclusion –

These data highlight the important burden of AF treated with OACs in France and consequently the important number of patients at very high risk of stroke. The introduction of direct OACs largely explain the increase of rates. Important territorial disparities were found, suggesting differences in AF incidence but also OACs-related management.

Introduction

La fibrillation atriale (FA) est une pathologie fréquente, en particulier chez le sujet âgé 1. Elle est source de nombreuses complications, dont l’accident vasculaire cérébral (AVC) et l’insuffisance cardiaque 2,3,4,5, et est associée à une multiplication par deux du risque de décès toutes causes 4. Compte tenu du vieillissement de la population en France, la prévalence et l’incidence de la FA devraient continuer d’augmenter dans les prochaines années 6. Cela pourrait conduire à une augmentation des AVC et autres complications de la FA. Jusqu’en 2011, les personnes atteintes de FA estimées à risque d’AVC selon scores CHADS puis CHA2DS2VaSc 7 étaient traitées par un seul type d’anticoagulants oraux (ACO), les anti-vitamines K (AVK). Néanmoins, d’après une étude européenne, moins de la moitié des patients suivaient un tel traitement du fait du risque important d’hémorragie associé à ces médicaments et de leur difficulté d’utilisation 8. Le paysage thérapeutique s’est profondément modifié en 2012, avec la mise sur le marché français des anticoagulants oraux directs (AOD) qui ont permis de traiter un nombre plus important de patients 9. Les traitements AOD ont démontré un rapport bénéfice/risque plus important que les AVK sur la prévention des complications thromboemboliques chez les patients atteints de FA et sont associés à une plus grande facilité d’utilisation que les AVK 10,11,12.

Peu d’études ont évalué l’incidence de la FA traitée par ACO en France 13. Dans le contexte de modification du traitement, l’étude de la dynamique de la FA nouvellement traitée par anticoagulant oral (ACO) en France permettrait de fournir des premières estimations d’une population particulièrement à risque d’AVC, d’en étudier les évolutions récentes et les disparités territoriales.

Méthodes

Source de données

Cette étude a été réalisée à partir des données du Système national des données de santé (SNDS). Celui-ci collecte, pour l’ensemble des personnes résidant en France, des informations sociodémographiques et médicales individuelles exhaustives, en particulier les remboursements de médicaments et les séjours hospitaliers, aussi bien dans les établissements publics que privés 14.

Identification des FA nouvellement traitées par ACO

L’algorithme d’identification des cas de FA nouvellement traitées par ACO (figure 1) a déjà été publié 15. Tous les patients traités par ACO (AVK ou AOD) une année donnée, n’ayant pas bénéficié de délivrance d’ACO dans les 2 ans qui précèdent, âgés de 20 ans ou plus et résidant en France (à l’exclusion de Mayotte et des Territoires d’outre-mer) ont été sélectionnés.

Figure 1 : Algorithme de sélection des patients nouvellement traités par anticoagulant oral pour une fibrillation atriale dans le Système national des données de santé, exemple de l’année 2018
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Le traitement ACO pouvant être initié dans d’autres indications que la FA, l’algorithme visait à identifier les cas initiant un traitement ACO pour une FA. Les patients ayant eu, dans les 24 mois précédant l’initiation du traitement ACO, un diagnostic de FA à l’hôpital (code de la Classification internationale des maladies-10e révision (CIM-10) I48 en diagnostic principal, relié, associé d’une unité médiale ou du séjour, un acte spécifique de la FA (ablation ou cardioversion électrique), ou une affection longue durée (ALD) avec un code CIM-10 I48, étaient considérés comme patients initiant l’ACO pour une FA.

Les patients ayant eu, dans les six semaines précédant l’initiation du traitement ACO, un diagnostic hospitalier de thrombose veineuse profonde ou d’embolie pulmonaire (TVP/EP), ou un acte spécifique de ces pathologies ont été considérés comme patients initiant le traitement ACO pour une TVP/EP. De la même façon, les patients ayant eu dans les six semaines précédant le remboursement ACO, une hospitalisation ou un acte se rapportant à une chirurgie orthopédique ou une valvulopathie ont été classés comme initiant le traitement ACO dans le cadre d’un évènement orthopédique ou d’une valvulopathie respectivement. Ces patients ont été exclus de l’algorithme s’ils n’étaient pas concomitants avec un diagnostic de FA décrit précédemment.

Enfin, les patients n’ayant aucun des diagnostics précédents que l’on nommera patients avec « diagnostic manquant » ne peuvent être que des patients atteints de TVP/EP ou de FA traitées en ville dans la mesure où toutes les autres indications (actes pour valvulopathies et actes orthopédiques) sont exhaustivement identifiées dans le SNDS.

Chez ces patients « diagnostic manquant », une méthode d’imputation multiple a été utilisée afin de leur attribuer un diagnostic soit de TVP/EP soit de FA. Un modèle de régression logistique a été construit afin de discriminer les patients initiant le traitement ACO dans l’indication d’une FA versus dans l’indication d’une TVP/EP 15,16. Ce modèle incluait les variables suivantes : l’année d’initiation du traitement ACO, âge, sexe, régime d’assurance maladie, type d’ACO (AVK versus AOD), spécialité du prescripteur de l’ACO (cardiologue versus autre), remboursements d’anti-arythmiques précédant l’ACO, de bétabloquants, d’antihypertenseurs, réalisation d’une échocardiographie, d’un enregistrement ECG longue durée, d’un dosage des hormones thyroïdiennes ou des D-Dimères, présence d’une hospitalisation pour une thrombose artérielle ou une embolie systémique, ou d’un diagnostic de FA de plus de deux ans avant l’initiation de l’ACO. Pour chaque patient avec un « diagnostic manquant », le diagnostic de FA ou de TVP/EP a donc été imputé selon une distribution binomiale, avec la probabilité prédite d’avoir une FA issue du modèle logistique précédant comme paramètre. Le modèle permettait une bonne discrimination des cas FA vs TVP/EP avec une aire sous la courbe ROC de 0,93. Au total, 15 jeux de données imputées ont été générés et analysés selon les règles de Rubin 17.

Caractéristiques sociodémographiques et médicales

Les antécédents d’hospitalisations dans les 24 mois précédant le remboursement pour l’ACO ont été enregistrés à partir des codes CIM-10 des hospitalisations pour différentes comorbidités de la FA : l’AVC, l’insuffisance cardiaque, le syndrome coronaire aigu, la maladie rénale chronique ; et à partir de remboursements de médicaments pour l’hypertension artérielle et le diabète. Pour les patients résidant en France métropolitaine, l’indice de désavantage social (Fdep) de la commune de résidence du patient a été attribué 18. Les patients ont été classés par quintile de Fdep pondéré par le nombre d’habitants des communes. Enfin, pour les personnes de moins de 60 ans, l’existence d’une couverture médicale universelle complémentaire (CMUc) a été recherchée.

Analyses statistiques

Les différences des caractéristiques entre les hommes et les femmes ont été testées par le test du Chi2 pour les variables binaires et par le test de Wilcoxon pour les variables quantitatives ne suivant pas une distribution normale. Des taux de patients nouvellement traités pour une FA ont été compilés en utilisant comme dénominateur les données d’estimation de la population produites par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Des taux standardisés sur la structure d’âge de la population Européenne de 2010 ont été calculés par standardisation directe. L’évolution des taux par classe d’âge a été quantifiée par une régression de Poisson pour les années 2013-2018, c’est-à-dire les années postérieures à l’année d’introduction des AOD.

Les analyses ont été effectuées à partir du Logiciel SAS® Enterprise Guide 7.1 et du logiciel R 3.1.1.

Résultats

Le nombre estimé de personnes nouvellement traitées par ACO pour une FA s’élevait à 225 747 en 2018, dont 45% correspondent à des cas imputés par le modèle. La figure 1 résume l’algorithme de sélection de notre population d’étude pour l’année 2018.

L’initiation du traitement ACO en 2018 se faisait dans 87,1% des cas par un AOD (avec 49,1% par apixaban, 32,8% par rivaroxaban et 5,2% par dabigatran) et dans 12,9% des cas par un AVK (avec 6,9% par fluindione, 5,5% par warfarine et 0,5% par acénocoumarol).

La proportion de femmes était de 47,1% (tableau 1). La moyenne d’âge était de 76 ans±10,2 ans et était plus élevée chez les femmes (79,2±9,2 ans) que chez les hommes (73,2±10,5 ans). Les personnes de moins de 65 ans représentaient 16,1% des patients (21,6% chez les hommes et 10,0% chez les femmes). La proportion de patients appartenant au quintile de désavantage social le plus défavorisé était plus importante que celle appartenant au quintile de désavantage social le moins défavorisé (21,6% vs 17,1%). Parmi les patients de moins de 60 ans, 12,5% bénéficiaient d’une CMUc, avec un taux plus élevé chez les femmes que chez les hommes (13,8% vs 12,0%).

Tableau 1 : Caractéristiques des personnes nouvellement traitées par anticoagulant oral (ACO) pour une fibrillation atriale (FA) et taux d’incidence pour 100 000 habitants en 2018, France entière
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En 2018, le taux brut de patients nouvellement traités par ACO pour une FA était de 446 pour 100 000 habitants et le taux standardisé sur l’âge de 410,3 pour 100 000 habitants (tableau 1). Le taux augmentait de façon exponentielle avec l’âge pour atteindre plus de 2% chez les plus âgés, avec un décalage d’environ 10 ans entre les hommes et les femmes (figure 2). Le taux a augmenté de façon très importante entre 2010 et 2018, avec un pic de 455,2 pour 100 000 habitants en 2012 (figure 3a). Le pic a été observé aussi bien chez les hommes que chez les femmes (figure 3b). L’augmentation annuelle moyenne depuis 2013 était globalement plus importante chez les femmes que chez les hommes (p<0,0001, figure 4). L’augmentation était significativement plus élevée chez les femmes âgées de moins de 65 ans par rapport aux hommes du même âge (p=0,0024, figure 4).

Figure 2 : Évolution du taux brut de patients nouvellement traités par anticoagulant oral (ACO) pour une ufibrillation atriale (FA) selon l’âge pour les années 2010 et 2018, France entière
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Figure 3 : Évolution des taux bruts et standardisés de patients nouvellement traités par anticoagulant oral (ACO) pour une fibrillation atriale (FA) de 2010 à 2018, France entière
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Figure 4 : Évolution annuelle moyenne du taux de patients nouvellement traitées par anticoagulant oral (ACO) pour une fibrillation atriale (FA) entre 2013 et 2018 selon le sexe et l’âge, France entière
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En 2018, les disparités départementales du taux de personnes nouvellement traitées par ACO pour une FA étaient importantes (figure 5) avec un taux brut variant de 124,4 pour 100 000 (Guyane) à 637,7 pour 100 000 (Cantal), et un taux standardisé sur l’âge allant de 266,9 pour 100 000 (Martinique) à 502,1 pour 100 000 (Nord). Cela correspondait à des écarts à la moyenne nationale de -72% à +43% pour le taux brut et de -35% à +22% pour le taux standardisé sur l’âge. Le Nord et le Pas-de-Calais présentaient des taux de plus de 20% supérieurs à la moyenne nationale. D’autres départements du quart nord-est (Meuse, Moselle, Haute-Marne, Bas-Rhin, Haute-Saône) et sud-ouest (Landes, Aude, Pyrénées-Atlantiques) avaient des taux élevés, entre 10 et 20% supérieurs à la moyenne nationale (figure 5b).

Figure 5 : Taux départementaux de patients nouvellement traités par anticoagulant oral (ACO) pour une fibrillation atriale (FA), 2018
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Discussion

En France, en 2018, le nombre de personnes avec une FA nouvellement traitée par ACO, et donc considérée comme nouvellement à risque d’AVC, s’élevait à 225 747 personnes, soit un taux de 410 pour 100 000 après standardisation sur l’âge. Nos estimations mettent en évidence le poids important de cette pathologie en France, en particulier chez les personnes de plus de 65 ans avec près de 1,5% de la population nouvellement traitée en 2018. En lien avec l’évolution des traitements, le taux standardisé a fortement augmenté en 2012, et une augmentation significative régulière a été observée depuis 2013, en particulier chez les femmes, les personnes de moins de 65 ans et celles âgées de plus de 85 ans. La différence d’évolution entre les hommes et les femmes âgés de plus de 85 ans n’était néanmoins pas significative. D’importantes disparités ont été mises en évidence sur le territoire.

Différentes méthodologies ont été utilisées pour estimer les poids de la FA en France. Des études se sont basées sur la FA des personnes hospitalisées quand d’autres ont pris en compte la prise d’un traitement ACO combiné avec un médicament pour le contrôle de la fréquence cardiaque ou un anti-arythmique 13,19.

L’introduction des anticoagulants oraux directs en 2012 dans la prévention du risque d’AVC chez les personnes atteintes de FA a entrainé une augmentation importante du nombre de FA traitées en prévention de l’AVC en 2012. L’utilisation des AOD permettant de réduire le risque hémorragique chez les personnes traitées par rapport aux AVK, leur utilisation a pu être étendue à des personnes plus fragiles vis-à-vis du risque hémorragique comme les personnes les plus âgées, cette hypothèse expliquerait en partie l’augmentation de l’incidence chez ces patients. Chez les personnes âgées de moins de 65 ans, l’hypothèse avancée serait que l’utilisation des AOD pourrait permettre une meilleure balance bénéfice/risque par rapport aux AVK.

L’augmentation des taux chez les femmes indépendamment de l’âge découle de l’utilisation du score CHA2DS2-VaSc pour guider le choix d’initier un traitement ACO en prévention du risque d’AVC chez les patients atteints de FA suite aux recommandations de la société européenne de cardiologie de 2010 et 2012 20,21. Contrairement au score CHADS2 précédemment utilisé, le score CHA2DS2-VaSc intègre le sexe féminin, en apportant un point de risque d’AVC supplémentaire aux femmes atteintes de FA par rapport aux hommes, toutes choses égales par ailleurs. De nouvelles recommandations ont été publiées en 2016 et ont suggéré de ne plus considérer le sexe féminin comme facteur de risque d’AVC supplémentaire en présence d’une FA 22. Les tendances selon le sexe pourraient donc à nouveau évoluer dans les années à venir.

Plus globalement, les augmentations du taux de personnes traitées depuis 2010 peuvent aussi être expliquées par une amélioration du diagnostic de la FA avec l’utilisation d’un monitoring holter sur plus de 24h et des dispositifs implantables, mais également par un diagnostic plus systématique des FA, notamment chez les patients hospitalisés pour un AVC 23.

Les disparités départementales observées après standardisation sur l’âge sont le résultat d’une part des disparités de la prévalence des facteurs de risque de la FA 24,25,26,27, notamment l’hypertension artérielle, l’obésité et le diabète présentant les fractions de risque attribuables les plus importante 28, et d’autre part des différences de diagnostic de la FA et de son traitement par ACO. Les départements du Nord et du Pas-de-Calais demeurent les plus touchés, comme cela a été observé pour plusieurs facteurs de risque ou maladies cardiovasculaires 25,29,30,31,32,33,34. L’observation de taux très bas, de plus de 20% inférieurs à la moyenne nationale, dans les départements et territoires d’outre-mer (DROM) n’est pas cohérente avec la prévalence des facteurs de risque de la FA (obésité, hypertension artérielle, diabète), plus élevée dans les DROM qu’en France métropolitaine après prise en compte de l’âge 27,35,36,37,38,39. Ainsi, ces résultats pourraient plus vraisemblablement s’expliquer par un moindre diagnostic de la FA et/ou une moindre initiation du traitement ACO dans les DROM par rapport à la métropole.

Forces et limites

Notre étude a permis d’estimer les patients nouvellement traités par ACO pour une FA sur l’ensemble du territoire national et, pour la première fois, d’étudier les tendances récentes au-delà des hospitalisations. Bien que l’algorithme de détection des cas n’ait pas fait l’objet d’une validation externe, celui-ci est fondé sur des codes diagnostics spécifiques dans le SNDS et un modèle statistique avec de bonnes performances permettant de discriminer les patients initiant un traitement ACO pour une FA versus une autre indication thérapeutique. Les cas de FA imputés étaient principalement des cas traités en médecine de ville alors que les cas non imputés étaient majoritairement des cas pris en charge à l’hôpital. Ainsi, les cas imputés et non imputés présentaient un profil différent, néanmoins l’imputation multiple n’implique pas que les caractéristiques des cas imputés doivent être les mêmes que les cas non imputés. Les différences de distribution des caractéristiques n’altèrent pas leur capacité prédictive et ainsi les capacités du modèle à discriminer les FA des autres indications thérapeutiques 14. Le SNDS ne permet pas d’identifier l’ensemble des patients diagnostiqués avec une FA dans la mesure où une partie n’est pas traitée par ACO, notamment les patients à très bas risque d’AVC (âgés de moins de 65 ans et sans autres facteurs de risque d’AVC), les patients avec un risque hémorragique élevé (patients âgés, patients avec syndrome coronaire aigu déjà sous traitement antiplaquettaire, personnes à risque de chute, etc.), et ceux avec une maladie rénale avancée. Aujourd’hui, des études estiment autour de 15% la proportion de FA non traitées par ACO, cette part ayant diminué au cours de la dernière décennie, et depuis l’arrivée des AOD 40,41,42,43.

Si les données de remboursements de médicaments ainsi que les données hospitalières sont disponibles pour l’ensemble des régimes de l’Assurance maladie sur la totalité des années de la période d’étude (de 2010 à 2018), les ALD ainsi que certains actes effectués en ville ou en consultations externes des hôpitaux ne sont pas répertoriés de manière exhaustive pour les années 2010 et 2011 en dehors du régime général. Il pourrait en résulter une sous-estimation d’au maximum 3% du taux de patients nouvellement traités par ACO pour une FA pour ces deux années. Par ailleurs, nous avons vérifié que la proportion de personnes affiliées au régime général était similaire en 2010 et 2011 par rapport aux années suivantes.

Conclusion

Chaque année, plus de 200 000 nouvelles personnes sont traitées par ACO pour une FA, témoignant de la part importante de personnes à risque élevé d’AVC. La prévention primaire de la FA par la prévention et le traitement de ses facteurs de risque, en particulier l’hypertension artérielle et l’obésité très associées au risque de développer une FA, est essentielle, notamment dans les départements les plus touchés. Chez les patients atteints de FA, l’observance au traitement ACO au cours du temps reste la prévention la plus efficace pour limiter la survenue de complications et notamment de l’AVC.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt au regard du contenu de cet article. Le Pr. Yannick Béjot a reçu des honoraires de la part d’AstraZeneca, Pfizer, MSD, Medtronic, BMS, Amgen et Boehringer-Ingelheim en dehors du travail soumis ici.

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Citer cet article

Gabet A, Chatignoux E, Grave C, Béjot Y, Olié V. Épidémiologie de la fibrillation atriale en France. Incidence des patients nouvellement traités par un anticoagulant oral, évolutions temporelles et disparités territoriales. Bull Epidémiol Hebd. 2021;(5):72-81. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2021/5/2021_5_1.html