Prévalence du diabète traité pharmacologiquement (tous types) en France en 2015. Disparités territoriales et socio-économiques

// Prevalence of pharmacologically-treated diabetes (all types) in France in 2015. Territorial and socio-economic disparities

Laurence Mandereau-Bruno (laurence.mandereau-bruno@santepubliquefrance.fr), Sandrine Fosse-Edorh
Santé publique France, Saint-Maurice, France
Soumis le 22.08.2017 // Date of submission: 08.22.2017
Mots-clés : Diabète | Prévalence | France
Keywords: Diabetes mellitus | Prevalence | France

Introduction

Le diabète est un problème majeur de santé publique dans le monde, dont le poids a augmenté considérablement au cours des deux dernières décennies et qui devrait toucher 592 millions d’adultes d’ici 2035 1. En France, la prévalence du diabète traité pharmacologiquement n’a cessé d’augmenter depuis les premières estimations réalisées à partir des bases de données de l’Assurance maladie en 1998 2, et se caractérise par de fortes disparités territoriales et socio-économiques 3,4. Une grande part de l’augmentation de la prévalence observée peut être attribuée au vieillissement de la population, à un meilleur dépistage et à une plus longue espérance de vie des personnes diabétiques traitées. Le surpoids et l’obésité ainsi que le manque d’activité physique, facteurs liés aux habitudes de vie pouvant être limités par des mesures de prévention primaire, contribuent également fortement à la progression du diabète 5.

Les objectifs du présent article sont d’actualiser les données de prévalence du diabète traité pharmacologiquement en France en 2015, et d’en décrire les disparités territoriales et socio-économiques.

Population et méthodes

Source de données

Les données sont issues du Système national d’information inter-régimes de l’assurance maladie (Sniiram) mis en œuvre par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CnamTS) depuis 2003 6. Le Sniiram comprend une base de données individuelles anonymisées de l’ensemble des remboursements effectués par la quasi-totalité des régimes d’assurance maladie (couvrant pour l’année 2015 plus de 99% des bénéficiaires d’un régime d’assurance maladie) pour les soins dispensés en ville (actes médicaux, nature des examens biologiques, dispositifs médicaux, médicaments). Il comporte également des données sociodémographiques (âge, sexe, couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), diagnostic d’affection de longue durée, commune de résidence, date de décès) sur les bénéficiaires de ces prestations, ainsi que des informations sur les professionnels de santé.

Comme pour l’analyse des données de 2012 3, les disparités socioéconomiques ont été étudiées à partir du bénéfice de la CMU-C et d’un indice territorial de désavantage social 7, calculé à l’échelle de la commune à partir de quatre variables socio-économiques issues du recensement de la population et des données sur les revenus fiscaux des ménages en 2009 (Source : Insee).

Méthodes d’analyse

Les personnes diabétiques traitées pharmacologiquement sont identifiées par la délivrance d’un traitement antidiabétique à au moins trois dates différentes (deux si au moins un grand conditionnement délivré) au cours de l’année. La liste des médicaments retenus correspond à la classe A10 de la classification Anatomical Therapeutic Chemical (ATC), à l’exclusion du benfluorex 8.

La prévalence du diabète traité pharmacologiquement est estimée pour l’ensemble des régimes d’assurance maladie, en métropole et dans les départements d’outre-mer (DOM) à l’exclusion de Mayotte, devenu DOM en mars 2011, pour lequel la remontée des données de remboursements de soins s’améliore progressivement mais reste insuffisante.

La population de référence est la population Insee moyenne des années 2015 et 2016. Les prévalences par sexe, CMU-C, zone géographique de résidence et quintile d’indice territorial de désavantage social sont standardisées selon la structure d’âge de la population européenne Eurostat 9.

Pour le calcul de la prévalence du diabète traité pharmacologiquement en fonction de la CMU-C et de l’indice territorial de désavantage social, la population de référence est la population des personnes ayant eu au moins un remboursement de soins dans l’année.

Les personnes diabétiques décédées avant le 1er janvier de l’année sont exclues du calcul des estimations ainsi que celles pour lesquelles l’âge, le sexe ou le département de résidence sont inconnus. Ces dernières représentent moins de 0,1% des personnes identifiées comme diabétiques.

Le taux de croissance annuel moyen (TCAM) estime la moyenne des évolutions annuelles des prévalences entre deux dates t et t+n. La formule utilisée est la suivante :

La prévalence en 2015 utilisée pour le calcul du taux de croissance annuel moyen sur la période 2010-2015, a été calculée uniquement sur les personnes bénéficiaires d’un régime présent en 2010 dans la base de remboursements du Sniiram, soit environ 98% de la population française.

L’ensemble des analyses a été effectué à l’aide du logiciel SAS Enterprise Guide® version 7.1.

Résultats

En France, la prévalence du diabète traité pharmacologiquement (tous types) était estimée à 5% de la population en 2015, soit 3,3 millions de personnes. La prévalence du diabète a augmenté en moyenne de 2,1% par an sur la période 2010-2015.

Comme observé les années antérieures, à structure d’âge identique, la prévalence du diabète était plus élevée chez les hommes (6,1%) que chez les femmes (4,2%), soit un sexe-ratio de 1,5. La prévalence augmentait avec l’âge pour atteindre un pic entre 80 et 84 ans chez les femmes et entre 70 et 79 ans chez les hommes. Plus de 1 homme sur 5 âgé de 70 à 84 ans était diabétique en France en 2015 (figure 1).

Figure 1 : Répartition par âge et sexe de la prévalence du diabète traité pharmacologiquement en France en 2015
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Disparités territoriales

L’étude de la prévalence du diabète traité pharmacologiquement confirmait les fortes disparités territoriales observées les années antérieures (tableau, figure 2). En France métropolitaine, les régions des Hauts-de-France et du Grand Est avaient les prévalences standardisées les plus élevées, alors que les prévalences standardisées les plus faibles étaient observées en Bretagne et dans les Pays de la Loire (tableau). À structure d’âge identique, trois des départements ultramarins enregistraient les taux de prévalence les plus élevés (2 fois plus élevé à la Réunion, 1,8 fois en Guadeloupe, 1,6 fois en Guyane que le taux national). La Seine-Saint-Denis et la Martinique avaient des taux 1,5 fois plus élevés que le taux national, le Val d’Oise et le Pas de Calais 1,3 fois et le Nord et l’Aisne avaient un taux 1,2 fois plus élevé. À l’inverse, les prévalences les plus faibles étaient enregistrées dans les départements bretons (Ille-et-Vilaine 1,6 fois plus faible que le taux national, Finistère et Côtes d’Armor 1,5 fois plus faibles et Morbihan 1,4 fois) et en Loire-Atlantique et Mayenne (1,4 fois plus faibles que le taux national). Les Hautes-Alpes, l’Aveyron, la Haute-Savoie, la Manche, la Savoie et les Pyrénées-Atlantiques enregistraient un taux 1,3 fois plus faible que le taux national (1).

Tableau : Prévalence du diabète traité pharmacologiquement par région en France en 2015
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Figure 2 : Variations de la prévalence* départementale du diabète traité pharmacologiquement par rapport à la prévalence* nationale en 2015 en France
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Disparités socio-économiques

Parmi les personnes âgées de moins de 60 ans, la prévalence standardisée du diabète traité était 2 fois plus élevée chez les personnes bénéficiant de la CMU-C que chez celles n’en bénéficiant pas (3,6% vs 1,7%).

À structure d’âge identique, la prévalence du diabète traité pharmacologiquement augmentait en fonction de l’indice territorial de désavantage social (figure 3), du quintile le moins défavorisé (Q1) au quintile le plus défavorisé (Q5). Ainsi, la prévalence du diabète traité pharmacologiquement était 1,3 fois plus élevée chez les hommes résidant dans les communes métropolitaines les plus défavorisées que chez ceux qui résidaient dans des communes métropolitaines les plus favorisées. Ce ratio était de 1,7 pour les femmes.

Figure 3 : Prévalence standardisée* du diabète traité pharmacologiquement selon le niveau de désavantage social de la commune de résidence en France métropolitaine en 2015
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Discussion

La prévalence du diabète traité pharmacologiquement atteignait 5% en 2015, soit plus de 3 millions de personnes.

On observait en 2015, comme en 2009 et 2012, de fortes disparités territoriales. À structure d’âge identique, les DOM avaient, comme les années précédentes, les prévalences les plus élevées 2,3. Les raisons en sont en partie connues, avec un risque génétique élevé, des conditions socio-économiques défavorables, des modifications rapides du mode de vie, et plus particulièrement une prévalence élevée de l’obésité, facteur de risque majeur du diabète de type 2 10.

Comme en 2012, la prévalence du diabète traité augmentait en fonction de l’indice territorial de désavantage social de façon plus marquée chez les femmes que chez les hommes. Par ailleurs, on retrouvait en 2015, dans les zones géographiques de métropole socialement plus défavorisées, des prévalences du diabète plus élevées, comme dans la région des Hauts-de-France ou le département de Seine-Saint-Denis. Les bénéficiaires de la CMU-C âgés de moins de 60 ans avait une prévalence du diabète traité pharmacologiquement supérieure à celle des personnes n’en bénéficiant pas (3,6% vs 1,7%) Ces observations, déjà relevées en 2012 3, sont cohérentes avec l’association entre la prévalence du diabète traité pharmacologiquement et le niveau socio-économique déjà décrite 11,12.

La prévalence du diabète traité pharmacologiquement a continué à augmenter entre 2010 et 2015. Il serait maintenant pertinent d’étudier ces évolutions de façon plus spécifique selon des caractéristiques sociodémographiques telles que l’âge ou le niveau socio-économique ou encore le territoire. Cette étude permettrait d’identifier les sous-populations les plus à risques qui doivent être la cible prioritaire des campagnes de prévention primaire.

Compte tenu de sa méthodologie, l’étude présente des limites similaires à celle portant sur la prévalence du diabète traité pharmacologiquement en 2012 3.

La prévalence estimée du diabète inclut uniquement les personnes dont le diabète est connu et traité par médicaments. Les personnes dont le diabète est méconnu et celles dont le diabète est uniquement pris en charge par des mesures hygiéno-diététiques ne sont pas comptabilisées. Les dernières estimations de ces prévalences (du diabète non diagnostiqué et du diabète diagnostiqué non traité pharmacologiquement) datent de 2006-2007 13. Elles étaient respectivement égales à 1,0% et 0,6% des personnes âgées de 18 à 74 ans vivant en France métropolitaine. Les enquêtes Esteban 14 et Constances 15 permettront prochainement d’actualiser ces données.

L’algorithme utilisé dans cette étude peut également conduire à sélectionner quelques personnes à tort (femmes traitées par metformine pour un syndrome des ovaires micro-polykystiques ou personnes pré-diabétiques traitées par hypoglycémiants oraux hors autorisation de mise sur le marché). À l’inverse, des personnes traitées pharmacologiquement pour un diabète, mais n’ayant pas eu le nombre de remboursements requis pour diverses raisons (hospitalisations de longue durée y compris des personnes ayant les complications les plus graves, personnes diabétiques vivant dans un établissement d’hébergement pour personnes âgés dépendantes doté d’une pharmacie à usage intérieur, ou décédées en début d’année, etc.) peuvent ne pas être identifiées par cet algorithme 8.

Par ailleurs, cette étude porte sur tous les types de diabète traité pharmacologiquement (type 1, type 2, mais aussi diabète transitoire, comme le diabète gestationnel, un diabète induit, ou d’autres situations particulières pour lesquelles une guérison ou une rémission est possible). Le diabète de type 2 représente néanmoins plus de 92% des cas de diabète en France 16.

Conclusion

En 2015, la prévalence du diabète traité pharmacologiquement continue de progresser en France, avec de fortes disparités selon le niveau socio-économique et les territoires. Il est essentiel que les actions de prévention primaire visant à réduire ses principaux facteurs de risque modifiables (surpoids et obésité, sédentarité) soient poursuivies et adaptées aux populations à risque, en particulier les populations les plus défavorisées.

Références

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2 Ricordeau P, Weill A, Vallier N, Bourrel R, Guilhot J, Fender P, et al. Prévalence et coût du diabète en France métropolitaine : quelles évolutions entre 1998 et 2000 ? Rev Med Ass Maladie. 2002;33:257-65.
3 Ricci P, Blotière PO, Weil A, Simon D, Tuppin P, Ricordeau R, Allemand H. Diabète traité en France : quelles évolutions entre 2000 et 2009 ? Bull Epidémiol Hebd. 2010;(42-43):425-31. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=506
4 Mandereau-Bruno L, Denis P, Fagot-Campagna A, Fosse-Edorh S. Prévalence du diabète traité pharmacologiquement et disparités territoriales en France en 2012. Bull Epidémiol Hebd. 2014;(30-31):493-9. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=12280
5 Danaei G, Finucane MM, Lu Y, Singh GM, Cowan MJ, Paciorek CJ et al, on behalf of the Global Burden of Metabolic Risk Factors of Chronic Diseases Collaborating Group (Blood Glucose). National, regional, and global trends in fasting plasma glucose and diabetes prevalence since 1980: Systematic analysis of health examination surveys and epidemiological studies with 370 country-years and 2.7 million participants. Lancet. 2011;378(9785):31-40.
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7 Rey G, Jougla E, Fouillet A, Hémon D. Ecological association between a deprivation index and mortality in France over the period 1997-2001: Variations with spatial scale, degree of urbanicity, age, gender and cause of death. BMC Public Health. 2009;9-33.
8 Fosse-Edorh S, Rigou A, Morin S, Fezeu L, Mandereau-Bruno L, Fagot-Campagna A. Algorithmes basés sur les données médico-administratives dans le champ des maladies endocriniennes, nutritionnelles et métaboliques, et en particulier du diabète. Rev Epidémiol Santé Publique. 2017;65 Suppl 4:S168-S173.
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14 Balicco A, Oleko A, Szego E, Boschat L, Deschamps V, Saoudi A, et al. Protocole Esteban : une Étude transversale de Santé sur l’Environnement, la Biosurveillance, l’Activité physique et la Nutrition. Toxicologie Analytique et Clinique. [soumis]
15 Zins M, Goldberg M, CONSTANCES team. The French CONSTANCES population-based cohort: Design, inclusion and follow-up. Eur J Epidemiol. 2015;30(12):1317-28.
16 Druet C, Roudier C, Romon I, Assogba F, Bourdel-Marchasson I, et al. Échantillon national témoin représentatif des personnes diabétiques, Entred 2007-2010. Saint-Maurice: Institut de veille sanitaire; 2012. 8 p. http://opac.invs.sante.fr/doc_num.php?explnum_id=8600

Citer cet article

Mandereau-Bruno L, Fosse-Edorh S. Prévalence du diabète traité pharmacologiquement (tous types) en France en 2015. Disparités territoriales et socio-économiques. Bull Epidémiol Hebd. 2017;(27-28):586-91. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2017/27-28/2017_27-28_3.html