Diabète de type 1 de l’enfant : des chiffres et des pistes
// Type 1 diabetes in children: Figures and insights
Comme chaque année, ce numéro spécial diabète du BEH a été préparé l’occasion de la journée mondiale du diabète du 14 novembre. Alors qu’il est, cette année, principalement consacré au diabète de type 1 de l’enfant, une pénible coïncidence le fait paraître quelques semaines après la disparition de l’un de ses contributeurs, le Professeur Jean-Jacques Robert. Professeur de pédiatrie internationalement reconnu, il était un défenseur infatigable de la cause des enfants ayant un diabète et, en particulier, de l’éducation thérapeutique du patient (ETP). Il a mené son combat au sein de l’hôpital Necker-Enfants malades à Paris, en tant que Président de l’AJD (Association nationale d’aide aux jeunes diabétiques) pendant de nombreuses années et au sein de l’International Society for Pediatric and Adolescent Diabetes (ISPAD). Il est bien naturel que ce numéro lui soit dédié et que soit souligné l’un de ses message les plus récents à propos du risque d’acidocétose au moment du diagnostic : « Il n’est pas acceptable que la vie des enfants soit mise en danger par un retard au diagnostic. »
Les données présentées dans les différents articles de ce numéro permettent de confirmer les informations sur la prévalence du diabète en général, mais surtout de combler un manque dans les connaissances sur l’incidence du diabète de type 1 de l’enfant en particulier, et de mettre en lumière certaines réalités de ce domaine en France. En cela ils apportent une contribution importante dans le domaine de la santé publique en France en 2017.
En l’absence de registre, les chiffres d’incidence du diabète de type 1 de l’enfant n’étaient connus jusque-là que très partiellement (par périodes et zones géographiques limitées). C’est tout l’intérêt du travail de Clara Piffaretti et coll. que d’avoir pu estimer l’incidence du diabète de type 1 chez les enfants en France et ses variations régionales, à partir du système national des données de santé (SNDS). Comme elle le souligne dans sa conclusion : ces informations sont essentielles pour la planification des soins de santé et pour la recherche en santé. Cette méthode précise de calcul de l’incidence du diabète de type 1 chez les enfants en France pourra, par la suite, être utilisée pour une surveillance sur le long terme de l’évolution de cette pathologie.
La contribution de Jean-Jacques Robert et coll. porte sur la recherche de pistes permettant de diminuer le risque d’acidocétose au moment du diagnostic de diabète à l’âge pédiatrique. Elle décrit les moyens et les effets d’une campagne de prévention pour limiter ce risque sur le territoire national. Un travail datant d’une vingtaine d’année, issu d’un registre multirégional, avait évalué à environ 50% les cas d’acidocétoses inaugurales dans le diabète de l’enfant. Cette réalité inquiétante, facilement repérable dans notre pratique quotidienne, ainsi que des expériences publiées de campagnes de prévention pour limiter ce risque, ont motivé Jean-Jacques Robert, avec le réseau de soignants de l’AJD, à initier et coordonner ce travail, qu’il n’aura malheureusement pas pu accompagner jusqu’à son terme. Les pistes repérées par cette expérience initiée en 2009 ont orienté les messages et ciblé la campagne actuelle vers les médecins généralistes, qui tiennent un rôle crucial bien que n’ayant que très rarement l’occasion d’être confrontés à cette situation (2 100 nouveaux cas par an de diabète de type 1 pédiatrique, selon l’article de Clara Piffaretti, pour un peu plus de 100 000 médecins généralistes en France). Le message qui leur est adressé dans cette nouvelle phase de la campagne de prévention est le suivant : « Pour confirmer le diagnostic, chercher la glycosurie et/ou mesurer la glycémie immédiatement (avec des bandelettes). Le diagnostic et le traitement sont d’une extrême urgence : les examens de laboratoire retardent le diagnostic et augmentent le risque de coma acidocétosique et de décès. Diriger immédiatement l’enfant vers un service d’urgences hospitalier. »
La troisième contribution est tout aussi éclairante, car elle replace ces réalités du diabète pédiatrique dans le contexte plus général de la prévalence du diabète traité pharmacologiquement. L’étude de Laurence Mandereau-Bruno et coll. porte sur tous les types de diabète traité pharmacologiquement (type 1, type 2 et autres) en France, dont plus de 92% sont des cas de diabète de type 2. Elle précise l’importance et la gravité de ce problème majeur de santé publique en France en s’attachant à décrire les inégalités socio-économiques et territoriales du diabète traité pharmacologiquement, essentiellement pour le diabète de type 2.
Elle rappelle que les actions de prévention primaire, qui visent à réduire ses principaux facteurs de risque modifiables (surpoids et obésité, sédentarité), doivent être poursuivies et adaptées aux populations à risque, en particulier les populations les plus défavorisées.
À une prévention primaire qui s’impose de façon évidente devant cette « épidémie silencieuse » de notre époque qu’est le diabète de type 2 doit s’ajouter une prévention « secondaire » de l’acidocétose inaugurale dans le diabète de type 1 de l’enfant.
Une telle prévention peut sauver la vie d’enfants, éviter les situations dramatiques que traversent les enfants et leurs familles dans ces cas de coma acidocétosique et elle peut aussi contribuer significativement à limiter la charge financière liée aux séjours dans des services de soins intensifs. Ce serait une opportunité qui permettrait de réorienter ces dépenses vers les actions d’éducation thérapeutique des jeunes patients et de leurs familles pour les aider à mieux vivre le diabète. C’était le sens de l’engagement de Jean-Jacques Robert. Une amélioration significative dans ce domaine serait un hommage à la pugnacité et aux valeurs que défendait ce grand nom de la diabétologie pédiatrique, trop tôt disparu.