Disparités départementales de la létalité à 30 jours après un accident vasculaire cérébral ischémique en France,
2013-2015
// Departmental differences in 30-day case-fatality rates after hospitalization for an ischemic stroke in France, 2013-2015
Résumé
Contexte –
L’objectif de notre étude était de décrire les disparités départementales de la létalité à 30 jours (létalité précoce) suite à une hospitalisation pour un accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique en France métropolitaine.
Méthode –
Les données ont été extraites du Système national des données de santé (SNDS). Pour chaque année de 2013 à 2015, les patients hospitalisés pour un AVC ischémique âgés de 18 ans ou plus, affiliés au régime général de l’Assurance maladie et résidant en France métropolitaine ont été sélectionnés à partir des codes I63 de la Classification internationale des maladies – 10e révision. Les taux de létalité standardisés sur l’âge et le sexe ont été calculés par département. L’étude de leur variabilité interdépartementale a été réalisée à l’aide de modèles de régression logistique multivariée à effets mixtes avec une constante aléatoire par département.
Résultats –
Au niveau national, la létalité à 30 jours parmi les 163 596 AVC ischémiques hospitalisés entre 2013 et 2015 s’élevait à 10,4%. Les taux de létalité précoce standardisés variaient entre les départements de 8,1% (Paris) à 14,2% (Vosges). L’âge, la présence d’un déficit moteur, les comorbidités, un antécédent d’AVC, la prise d’un traitement antihypertenseur, la défaveur sociale ainsi que la densité de lits USINV (unités de soins intensifs neurovasculaires) et l’admission dans ces unités expliquaient 43% de la variabilité entre les départements. Après prise en compte de ces facteurs, la variabilité demeurait importante. Si certains départements conservaient une létalité basse (Finistère, Moselle, Maine-et-Loire, Ille-et-Vilaine, Haute-Garonne et Manche) ou élevée (Vosges, Alpes-Maritimes, Var, Seine-Maritime et Dordogne) après tous les ajustements, d’autres voyaient leurs taux de létalité évoluer vers une létalité plus élevée ou plus basse après ajustement.
Conclusions –
D’importantes disparités départementales de la létalité à 30 jours suivant une hospitalisation pour un AVC ischémique ont été mises en évidence en France métropolitaine. Un quart de la variabilité interdépartementale de la létalité à 30 jours s’expliquait par les facteurs individuels et 17% par des différences de prise en charge, notamment l’admission en USINV, le reste de la variabilité restant inexpliquée.
Abstract
Context –
The objective of our study was to describe departmental disparities in 30-day case-fatality after hospitalization for ischemic stroke (IS) in metropolitan France.
Method –
Data were extracted from the Système national des données de santé (National Health Data System – SNDS) database. Patients hospitalized for IS each year from 2013 to 2015, aged ≥18, affiliated to the general insurance scheme and living in metropolitan France were selected using the International Classification of Diseases – 10th revision – Codes I63. Age and sex-standardized case-fatality rates were computed for each department. Multivariate logistic regression with mixt effect was used to study interdepartmental variability with a random constant per department.
Results –
Between 2013 and 2015, 163,596 patients were hospitalized for an IS in metropolitan France. 30-day case-fatality rate reached 10.4%. Early standardized case fatality rates varied from 8.1% (Paris) to 14.2% (Vosges). Age, presence of motor deficit, comorbidities, history of stroke, antihypertensive therapy, living in an area with a high deprivation index, as well as the density of beds in neurovascular intensive care units, and admission in those units explained 43% of the variability in case-fatality rates between departments. After adjustment on these factors, some department conserved a low case-fatality rate (Finistère, Moselle, Maine-et-Loire, Ille-et-Vilaine, Haute-Garonne and Manche) or high case-fatality rate (Vosges, Alpes-Maritimes, Var, Seine-Maritime and Dordogne), whereas case-fatality rate changed in others department.
Conclusions –
Significant disparities in departmental 30-day case-fatality rates were observed after hospitalization for IS. One quarter of inter-departmental variability was explained by individual factors, and 17% by differences in stroke management and access to specialized stroke care. Most of the variability remained unexplained.
Introduction
L’accident vasculaire cérébral (AVC) demeure un problème de santé publique majeur en France avec plus de 110 000 personnes hospitalisées et 31 000 décès chaque année, un patient sur trois déclarant des difficultés importantes à effectuer des activités de la vie quotidienne du fait des séquelles fonctionnelles de l’AVC 1,2. Les AVC ischémiques représentent aujourd’hui près de 80% des AVC. La létalité à 30 jours suite à un AVC ischémique demeure également élevée puisqu’elle concerne près d’un patient sur six (voir l’autre article de A. Gabet et coll. dans ce numéro). La létalité varie selon différentes composantes telles que l’âge, la gravité de l’AVC, la présence de comorbidités ou de facteurs de risque cardiovasculaires, le niveau socioéconomique ; mais elle est également liée à l’accès aux soins d’urgence spécifiques de l’AVC et à la qualité de la prise en charge. Si des disparités territoriales importantes de l’incidence des AVC hospitalisés en France ont été mises en évidence dans des publications précédentes 3, des différences marquées en ressources médicales propres à une prise en charge optimale de l’AVC ont également été rapportées 4. Le plan d’action national AVC, déployé entre 2010-2014, avait pour objectif d’optimiser l’accès aux unités de soins neurovasculaires (UNV) en augmentant leur nombre, ainsi que leur capacité de prise en charge en soins intensifs, avec les unités de soins intensifs neurovasculaires (USINV), sur l’ensemble du territoire national. De fait, le développement des UNV/USINV en lien avec le Plan AVC a permis un meilleur maillage du territoire métropolitain 4.
Dans ce contexte de profonde structuration de la prise en charge de l’AVC en France, en particulier de l’AVC ischémique, les objectifs de notre étude étaient : 1) de décrire les disparités départementales de la létalité à 30 jours en France métropolitaine et 2) d’identifier les facteurs individuels et ceux relatifs à la prise en charge susceptibles d’expliquer ou d’influencer ces disparités.
Méthode
La sélection de la population d’étude à partir du Système national des données de santé (SNDS) est décrite dans l’autre article de A. Gabet et coll. dans ce numéro. La période d’étude porte sur les années 2013 à 2015. L’étude se limite aux AVC ischémiques qui représentent 80% des AVC, compte tenu des différences majeures de létalité et de prise en charge par rapport aux AVC hémorragiques constituant les 20% restant. Les patients avec un AVC ischémique (codes de la Classification internationale des maladies – 10e révision, CIM-10 I63) en diagnostic principal du séjour ou d’une des unités médicales fréquentées au cours du séjour hospitalier ont été sélectionnés pour chaque année entre 2013 et 2015 à partir des bases du Programme de médicalisation des systèmes d’information – médecine, chirurgie, obstétrique (PMSI-MCO). Les personnes avec mention d’un séjour de moins de deux jours ainsi qu’avec mode d’entrée et mode de sortie codés « domicile » ont été exclues. L’étude a été restreinte aux patients affiliés au régime général de l’Assurance maladie (dans la mesure où le statut vital est mal renseigné pour les autres régimes), âgés de 18 ans ou plus et résidant en France métropolitaine. La première hospitalisation de l’année est considérée comme l’hospitalisation index pour chaque patient.
Le statut vital à 30 jours après l’admission à l’hôpital pour un AVC ischémique était l’élément d’intérêt principal. La létalité à 30 jours couvrait ainsi la létalité hospitalière et hors-hospitalière. Ont été relevés les facteurs sociodémographiques tels que le département de résidence du patient, l’âge, le sexe, l’index de désavantage social (FDep) développé par Rey et coll., utilisé pour approcher la défaveur sociale individuelle (à chaque patient est attribué l’index de désavantage social de sa commune de résidence) mais non disponible hors France métropolitaine 5. Ont été relevés également les antécédents et comorbidités tels que : une hospitalisation pour un AVC ischémique dans les deux ans précédant la date d’hospitalisation index, la présence d’un déficit moteur des membres inférieurs ou supérieurs codée dans le résumé du séjour hospitalier, les comorbidités (résumées dans un score de Charlson modifié, calculé pour chaque patient selon la méthode de Quan et coll. 6 en excluant les déficits moteurs – codes CIM-10 G81,G82 et G83 – et comptabilisées séparément), la présence d’un remboursement d’un traitement antihypertenseur dans l’année précédant l’admission à l’hôpital (ce dernier est un marqueur important du risque cardiovasculaire puisqu’il témoigne de la présence d’une hypertension traitée). Enfin, ont été recherchés les facteurs de prise en charge tels que le passage dans une USINV (unité de soins intensifs neurovasculaires). Le nombre de lits moyens en USINV pour 100 000 habitants, sur la période 2013-2015, pour chaque département, a été recensé à partir des données de la Statistique annuelle des établissements de santé (SAE) 7.
Analyses statistiques
La létalité précoce (survenue du décès, en ville ou à l’hôpital, dans les 30 jours suivant l’admission à l’hôpital) était ici l’évènement d’intérêt. Les taux de létalité ont été calculés pour chaque département comme le ratio entre le nombre de personnes décédées et le nombre de personnes hospitalisées pour un AVC ischémique par département de résidence. Pour chaque département, des taux standardisés ont été calculés en prenant la population de patients hospitalisés pour un AVC ischémique au niveau national comme population de référence.
L’étude de la variabilité des taux de létalité entre les départements français métropolitains a été réalisée à l’aide de modèle de régression logistique multivariée à effets mixtes. Dans ces modèles, la probabilité de décéder dans les 30 jours suivant l’admission à l’hôpital (taux de létalité) était modélisée à partir de covariables et d’une constante aléatoire par département. La variance de l’effet du département de résidence permet dans ce type de modèle de quantifier les disparités départementales résiduelles, c’est-à-dire non expliquées par les covariables du modèle 8. Les covariables ont été introduites par groupe, de manière ascendante (tableau), afin d’évaluer leur part d’explication des disparités territoriales de létalité. Cette évaluation a été réalisée en utilisant le pourcentage de changement de la variance d’un modèle intermédiaire par rapport au modèle ne contenant que l’effet département (PCV) et le median odds ratio (MOR). Ce dernier critère mesure la médiane des OR obtenus en comparant le risque de létalité du département au plus haut risque versus au plus bas risque, pour deux départements pris au hasard 8. Pour chaque modèle, nous avons également traduit les variations résiduelles de la mortalité au niveau des départements sur l’échelle des taux de décès, en calculant les taux de mortalité attendus pour des départements dont les populations auraient les caractéristiques de la population moyenne, mais situés respectivement au 5e et 95e percentiles de la distribution des effets aléatoires.
Afin de tenir compte des associations non linéaires entre la létalité et l’âge d’une part, et le score de Charlson modifié d’autre part, des polynômes fractionnaires ont été introduits suivant la méthodologie de Royston et coll. 9,10.
Résultats
Description des taux standardisés de la létalité, 2013-2015
Parmi les 163 596 AVC ischémiques hospitalisés entre 2013 et 2015, la létalité à 30 jours s’élevait à 10,4% pour l’ensemble de la population du territoire métropolitain affiliée au régime général de l’Assurance maladie (figure 1). Les taux de la létalité standardisés sur l’âge et le sexe variaient entre les départements de 8,1% (Paris) à 14,2% (Vosges). La majorité des départements de l’Île-de-France comptait parmi les taux les plus bas (8,4% dans les Hauts-de-Seine, 9,0% dans les Yvelines, 9,2% dans le Val-de-Marne). De la même manière, la Manche (8,1%), le Maine-et-Loire (8,2%), la Haute-Saône (8,2%), l’Ille-et-Vilaine (8,4%), le Finistère (8,6%), la Moselle (8,8%) et la Haute-Garonne (9,0%) présentaient une létalité à 30 jours plus basse que la moyenne nationale (10,7%). À l’inverse, les Vosges (14,2%), le Cher (13,8%), la Nièvre (13,6%), le Vaucluse (13,6%), l’Indre-et-Loire (13,6%), la Dordogne (13,5%), les Alpes-Maritimes (13,4%), la Creuse (13,4%), l’Ariège (13,4%) et le Var (12,9%) enregistraient les taux les plus élevés.
Analyse de la variabilité interdépartementale de la létalité
Avant prise en compte des covariables, l’hétérogénéité géographique du taux de létalité était importante, avec une augmentation de risque médian de l’ordre de 15% (MOR=1,15) entre un département à plus forte et un à plus faible létalité, et une différence du taux de mortalité de l’ordre de 6% entre le 5e et le 95e percentile (M1, tableau).
La prise en compte de facteurs individuels (l’âge, le sexe, le score de Charlson, la présence d’un déficit moteur, un antécédent d’AVC, l’indice de désavantage social et la prise d’un traitement antihypertenseurs) permettait de diminuer de 26% la variabilité entre les départements (M5, tableau). En particulier, la défaveur sociale de la zone de résidence du patient expliquait 15% de la variabilité interdépartementale (passage de M4 à M5, tableau). L’introduction des variables score de Charlson, la présence d’un déficit moteur et un antécédent d’AVC augmentaient la variabilité (M3, tableau). Le nombre de lits USINV moyen pour 100 000 habitants sur les années 2013-2015 permettait d’expliquer 13% supplémentaires de la variabilité inter-département (M6, tableau). Enfin, lorsque l’on ajustait ce modèle sur l’admission en USINV (M7, tableau), les différences départementales se réduisaient encore de 4%. La variabilité départementale de la létalité restait néanmoins importante, avec un MOR du modèle complet (M7) à 1,11% et une différence du taux de mortalité de l’ordre de 4% entre le 5e et le 95e percentile.
Au final, près de 26% de la variabilité interdépartementale était expliquée par les facteurs individuels pris en compte dans notre étude, 17% par les USINV. Ainsi, 57% de la variabilité interdépartementale restait non expliquée par les variables prises en compte dans notre étude.
Cette persistance moyenne des contrastes sur le territoire masque cependant des évolutions notables du risque dans certains départements après prise en compte des covariables (figure 2). Ainsi, différents profils de départements ont été mis en évidence. Les départements des Vosges, des Alpes-Maritimes, du Var, de la Seine-Maritime et de la Dordogne conservaient une létalité plus élevée quel que soit le modèle utilisé (figure 2). De même, le Finistère, la Moselle, le Maine-et-Loire, l’Ille-et-Vilaine, la Haute-Garonne et la Manche conservaient une létalité significativement plus faible que la moyenne nationale dans tous les modèles. Des évolutions étaient mises en évidence pour la Nièvre, le Cher et le Vaucluse qui présentaient une létalité non ajustée plus élevée, mais qui n’était plus significativement différente de la moyenne après prise en compte des facteurs individuels, de la densité départementale de lits en USINV et de l’admission effective en USINV (figure 2). Paris n’était pas significativement différent de la moyenne nationale après prise en compte de l’effet USINV. À l’inverse, le Nord présentait une létalité plus élevée que la moyenne nationale après ajustement sur ces différents facteurs, alors que la létalité brute n’y était au départ pas plus élevée que la moyenne nationale.
Discussion
Des variations importantes de la létalité à 30 jours ont été mises en évidence suite à une hospitalisation pour un AVC ischémique en France métropolitaine pour les années 2013-2015. Les caractéristiques individuelles des patients et de l’AVC disponibles (l’âge, le sexe, la présence d’un déficit moteur, les comorbidités, un antécédent d’AVC, la prise d’un traitement antihypertenseur, la défaveur sociale de la zone de résidence du patient), ainsi que la densité de lits USINV et l’admission en USINV expliquaient 43% de la variabilité interdépartementale de la létalité à 30 jours. Cependant, l’interaction de phénomènes complexes a été mise en évidence avec certains facteurs qui interagissaient en sens contraire sur les disparités. Différents profils de départements ont ainsi été mis en évidence.
Tout d’abord, une létalité brute plus élevée que la moyenne nationale dans certains départements pourrait être liée principalement à un manque de ressources spécifiques de la prise en charge de l’AVC. C’est le cas de la Nièvre, dont la létalité n’était plus significativement différente de la moyenne après ajustement sur le nombre de lits USINV et l’admission en USINV. En effet, dans ce département, le nombre de lits moyen en USINV pour 100 000 habitants était de 0 (contre 1,0/100 000 pour l’ensemble du territoire métropolitain en moyenne). Sur notre période d’étude, 23 départements n’avaient pas de lits USINV, et ils étaient encore 18 en 2017 d’après les données de la SAE 7.
A contrario, la présence d’un nombre de lits USINV important et un taux d’admission en USINV élevé pouvaient masquer des risques de létalité sous-jacents plus importants. Dans le département du Nord par exemple, la prise en charge en USINV semblait, en effet, contrebalancer un risque de létalité plus élevée. Le nombre de lits moyen USINV pour 100 000 habitants atteignait en effet 1,7. Le risque de létalité plus élevé après prise en compte des variables de prise en charge pourrait être lié, en partie, à la prévalence plus importante de certains facteurs de risque cardiovasculaire dans ces départements. La prévalence de l’obésité était notamment la plus élevée dans le Nord de la France d’après l’enquête ObÉpi (Enquête épidémiologique nationale sur le surpoids et l’obésité) de 2012 11. Une prévalence plus importante du tabagisme et, d’une façon générale, des comportements à risque affecteraient ce département 12,13. Enfin, l’état de santé est globalement moins bon dans les Hauts-de-France, avec une espérance de vie plus faible que dans les autres régions ainsi qu’un taux de pauvreté plus élevé pouvant expliquer la létalité plus importante après prise en compte des facteurs liés à la prise en charge 14.
D’autres départements, tels que les Vosges, les Alpes-Maritimes, le Var, et la Dordogne avaient une létalité plus importante, avec ou sans prise en compte des facteurs individuels et des éléments de prise en charge de l’AVC à disposition. Pour ces départements, la létalité plus élevée liée aux facteurs individuels n’était pas contrebalancée par la prise en charge. L’accès aux USINV dans ces départements peut également être plus difficile, réduisant les chances d’accès à la thrombolyse ou à la thrombectomie malgré une admission en USINV. De même, plusieurs départements présentaient des létalités plus basses que la moyenne nationale, même après prise en compte des différents facteurs étudiés (la Moselle, le Maine-et-Loire, l’Ille-et-Vilaine, la Haute-Garonne). Ceci pourrait s’expliquer par un état de santé meilleur dans ces départements, notamment vis-à-vis du risque cardiovasculaire.
Très peu d’études à l’étranger se sont intéressées aux facteurs expliquant les disparités territoriales de la létalité post-AVC. Une
étude récente aux États-Unis menées sur la base des bénéficiaires du Medicare trouvait des résultats similaires aux nôtres, avec une part des disparités liées aux facteurs de risque individuels, une
part liée à la disponibilité des ressources, et une part majoritaire demeurant également inexpliquée 15. D’autres études ont montré que les différences étaient essentiellement liées à la prise en charge de l’AVC, en particulier
à l’accès à la thrombolyse et aux unités neurovasculaires
multidisciplinaires 16,17.
Forces et limites
Notre étude est la première à présenter les disparités départementales de la létalité à 30 jours post AVC sur la période de développement du plan d’action national AVC. L’étude des disparités au niveau départemental constitue une première limite étant donné que certains facteurs, notamment liés à la prise en charge, ne répondent pas toujours à des logiques départementales. En effet, les patients victimes d’AVC sont sectorisés sur l’USINV la plus proche même si celle-ci appartient à un autre département. Roussot et coll. ont étudié les disparités départementales de la létalité hospitalière AVC en France entre 2008 et 2011, mais n’ont présenté que les taux standardisés, sans analyse des facteurs susceptibles d’expliquer les différences observées 18. Les auteurs observaient des différences plus marquées que dans notre étude. Pour notre part, nous avons pu recenser de façon exhaustive les patients hospitalisés pour un AVC en métropole et les suivre à 30 jours sans perdus de vue. La sévérité des AVC est un déterminant important de la létalité mais n’a pas pu être prise en compte dans notre modèle. La gravité a été approchée uniquement par la notion de déficit moteur dans notre étude. Dans l’hypothèse où elle varierait entre départements, la sévérité pourrait contribuer à expliquer une plus grande part de la disparité que nous n’avons pu le faire. Le même raisonnement s’applique à d’autres facteurs de risque individuel (obésité, dyslipidémie, tabagisme, troubles du rythme cardiaque notamment) mais également à la qualité et aux délais de la prise en charge, pour lesquels nous n’avons aucune information. De plus, nous n’avons pas d’information sur les patients non pris en charge à l’hôpital et donc sur la létalité parmi ces derniers. Cependant, ils ne représentent que 4% des AVC d’après le registre des AVC de Dijon 19. Enfin, nous n’avons pas pu prendre en compte les départements d’outre-mer dans nos analyses. La létalité à 30 jours suivant une hospitalisation pour un AVC ischémique en 2013-2015 parmi les bénéficiaires du régime général était de 12,6% à La Réunion, 12,8% en Guadeloupe, 10,9% en Martinique et 7,3% en Guyane après standardisation sur l’âge.
Conclusion
Cette étude met en évidence des différences territoriales significatives de la létalité précoce suite à une hospitalisation pour un AVC, la létalité variant du simple au double en fonction des départements. Ces disparités sont influencées d’une part par des facteurs de risque d’AVC individuels, souvent modifiables et accessibles à une prévention, et d’autre part par des disparités de prise en charge liées à une répartition encore inhomogène des UNV/USINV sur le territoire métropolitain. Cependant, si une part des disparités spatiales découle d’une prise en charge et d’une offre de soins insuffisantes, une autre part des disparités est masquée par cette même prise en charge et offre de soins qui permettent de réduire les disparités. Une part importante semble également liée à la défaveur sociale de la zone de résidence du patient. Un quart de la variabilité interdépartementale de la létalité à 30 jours s’expliquait par les facteurs individuels et 17% par des différences de prise en charge, notamment l’admission en USINV, le reste de la variabilité restant inexpliquée.
Liens d’intérêt
A. Gabet, É Chatignoux, O. Grimaud, C. de Peretti et V. Olié déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu
de l’article.
Y. Béjot a reçu des honoraires de Bayer, AstraZeneca, Daiichi-Sankyo, BMS, Pfizer, Medtronic, MSD France, Amgen et Boehringer-Ingelheim,
sans rapport avec le contenu de l’article.
Références
france/fr_FR/doc/obepi_2012.pdf
(14-15):265-73. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2018/14-15/2018_14-15_1.html
pdf/esp2017.pdf
509-13