L’accident vasculaire cérébral en France : patients hospitalisés pour AVC en 2014 et évolutions 2008-2014
// Stroke in France: patients hospitalized for stroke in 2014, and trends between 2008 and 2014
Résumé
Introduction –
En France, l’accident vasculaire cérébral (AVC) est la première cause de mortalité chez les femmes et la troisième chez les hommes. Les taux de patients hospitalisés pour AVC ont augmenté chez les moins de 65 ans entre 2002 et 2008. Après la mise en œuvre du plan d’actions national AVC (2010-2014), cette étude analyse les évolutions des taux de patients hospitalisés et de la prise en charge en unités neuro-vasculaires (UNV) depuis 2008.
Méthodes –
Les données proviennent de la base nationale des hospitalisations du Programme de médicalisation des systèmes d’information en médecine, chirurgie, obstétrique (PMSI-MCO, 2008-2014). Pour chaque patient, le premier séjour de l’année pour AVC a été sélectionné. Les taux bruts de patients hospitalisés et de létalité hospitalière par type d’AVC, par classe d’âge et par sexe ont été calculés puis standardisés sur l’âge. Les évolutions temporelles ont été analysées par régression de Poisson.
Résultats –
En 2014, 110 438 patients ont été hospitalisés pour AVC. La proportion de patients hospitalisés en UNV atteignait 51,5% pour les AVC ischémiques et 33,2% pour les hémorragies intracérébrales. De 2008 à 2014, le taux standardisé de patients hospitalisés pour AVC ischémique a augmenté de 14,3% chez les moins de 65 ans et baissé de 2,1% chez les 65 ans et plus. En revanche, pour les AVC hémorragiques, le taux a peu évolué (+2,0%). La létalité hospitalière des AVC ischémiques a diminué de 12,5% sur cette même période. D’importantes disparités régionales des taux de patients hospitalisés ont été observées.
Conclusion –
L’augmentation encourageante de la proportion de patients hospitalisés en UNV et la baisse de la létalité hospitalière ne doivent pas faire oublier trois constats préoccupants : la stabilité du taux global de patients hospitalisés pour AVC dans un contexte de vieillissement de la population, l’augmentation des taux d’adultes jeunes hospitalisés pour AVC ischémique et l’existence de fortes disparités régionales des taux de patients hospitalisés pour AVC.
Abstract
Introduction –
In France, stroke is the first cause of death in women, and the third in men. The age-standardized rates of patients hospitalized for stroke increased in patients younger than 65 years between 2002 and 2008. After the implementation of the “National Stroke Action Plan” (2010-2014), this study analyzed trends in the rates of patients hospitalized for stroke and of patients hospitalized in stroke units since 2008.
Methods –
Data came from the French national hospital discharge databases (PMSI-MCO, 2008-2014). For each patient, the first annual hospitalization for stroke was selected. Crude hospitalized patients and in-hospital mortality rates were calculated by stroke subtypes, age group and sex, and then were age-standardized. Time trends were tested using a Poisson regression model.
Results –
In 2014, 110,438 patients were hospitalized for stroke. The proportion of patients hospitalized in a stroke unit was 51.5% for ischemic stroke (IS) and 33.2% for intracerebral hemorrhage. From 2008 to 2014, the age-standardized rate of patients hospitalized for IS increased by 14.3% in patients aged less than 65 years, and decreased by 2.1% in those aged 65 and over. In contrast, for hemorrhagic stroke, the rate barely changed (+2.0%). During the same period, in-hospital mortality decreased by 12.5% in IS patients. Important regional disparities were observed in the rates of patients hospitalized for stroke.
Conclusion –
The encouraging increase in the proportion of patients hospitalized in stroke units and the decrease in in-hospital mortality should not hide three major observations: the stabilization of the rates of hospitalized patients for stroke (overall) in a context of population aging, the increase in patients hospitalized rates for IS in young adults, and important regional disparities in patients hospitalized rates.
Introduction
Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) sont des pathologies fréquentes, graves et handicapantes. En France, ils constituent la première cause de mortalité chez les femmes, avec 18 343 décès en 2013, la troisième chez les hommes, avec 13 003 décès, et sont une cause majeure de handicap moteur non traumatique acquis et de démence 1,2. L’AVC est ainsi un facteur de risque majeur de dépendance. Selon l’enquête Handicap-santé-ménages 2008, pour un tiers des patients déclarant avoir eu un AVC, la présence de séquelles fonctionnelles a entraîné des difficultés pour les activités de la vie quotidienne 3. Le coût financier de l’AVC est également élevé avec, en 2013, près de 3,5 milliards d’euros remboursés par l’Assurance maladie, tous régimes confondus, au titre de la prise en charge médicale d’un AVC, soit presque autant que pour les cardiopathies ischémiques 4. Les coûts indirects sont également importants pour la société, notamment lorsque l’AVC survient chez des personnes encore en activité professionnelle (un quart des patients hospitalisés en 2008 avait moins de 65 ans 5). Chez les moins de 45 ans victimes d’AVC, 30 à 50% ne pourraient pas reprendre une activité professionnelle et 10% resteraient dépendants pour au moins une activité de la vie quotidienne 6.
La prévention primaire et secondaire de cette pathologie revêt une importance d’autant plus grande que les cinq principaux facteurs de risque identifiés (hypertension artérielle, tabagisme, rapport taille-tour de hanches élevé, alimentation défavorable à la santé et sédentarité) qui contribuent, à hauteur de 84%, au risque d’AVC, sont modifiables 7.
En France, entre 2002 et 2008, le taux de patients hospitalisés pour AVC a diminué chez les 65 ans et plus et augmenté chez les moins de 65 ans 5. Les données du registre des AVC de Dijon ont par ailleurs montré une augmentation de l’incidence de l’AVC chez les moins de 55 ans, de 2003 à 2011, par rapport à la période 1985-1993, augmentation liée exclusivement à une hausse des AVC d’origine ischémique 8. Des évolutions semblables ont été constatées dans plusieurs pays européens et aux États-Unis 9,10,11,12.
Dans les années 2000, face au poids de l’AVC, la France s’est progressivement dotée d’une politique de santé spécifique et s’est pourvue, au sein des hôpitaux, d’unités neuro-vasculaires (UNV) dédiées spécifiquement à la prise en charge des AVC. De plus, en 2003, l’autorisation de mise sur le marché d’un traitement permettant la thrombolyse intraveineuse a été délivrée en France. Plus récemment, le plan d’actions national AVC (2010-2014) a encouragé et renforcé les actions précédemment engagées en matière de prévention (primaire, secondaire et tertiaire) et de prise en charge 13.
Dans un contexte de structuration importante de la filière de soins, mais aussi d’augmentation de la prévalence de certains facteurs de risque vasculaire 10,14,15,16, un nouvel état des lieux de la situation épidémiologique de l’AVC en France en 2014 s’avère nécessaire. L’objectif de cette étude était d’analyser les évolutions depuis 2008 des taux de patients hospitalisés pour AVC et de létalité hospitalière, et de décrire d’éventuelles disparités régionales. Cette étude présente pour la première fois des données d’hospitalisation par type d’AVC.
Matériel et méthodes
Données
Les données d’hospitalisation de 2008 à 2014 ont été extraites des bases nationales du Programme de médicalisation des systèmes d’information en médecine, chirurgie, obstétrique (PMSI-MCO). Tous les résumés de sortie anonymes (RSA) de patients domiciliés en France (hors Mayotte) comportant en diagnostic principal (DP) l’un des codes relatifs à l’AVC de la 10e révision de la Classification internationale des maladies (CIM-10) ont été sélectionnés : I60 à I64 ou G46, si les codes I60 à I64 figuraient en diagnostic associé (DA) ou relié (DR).
Les RSA d’une durée inférieure à un jour avec retour à domicile et les séjours de moins de deux jours suivis d’un transfert vers un autre établissement ont été exclus pour ne garder que les hospitalisations complètes. Dans le cas où le même patient avait été hospitalisé pour AVC plusieurs fois au cours de la même année, seul le premier séjour a été sélectionné.
Les AVC hémorragiques ont été définis à partir des codes I60 à I62 en DP et les AVC ischémiques à partir des codes I63 et G46. Les AVC non précisés comme étant hémorragiques ou par infarctus (I64) ont été regroupés avec les AVC ischémiques pour les analyses temporelles, conformément à des publications récentes 17,18.
Une atteinte neurologique motrice (hémiplégie, paraplégie, tétraplégie, diplégie, monoplégie) ou une aphasie au moment de l’hospitalisation ont été recherchées parmi les DA ou DR (tableau 1). Les codes sélectionnés correspondaient à des groupes homogènes de malades de sévérité 2, 3 ou 4. Le codage de ces complications ou comorbidités associées (CMAs) a été introduit dans le PMSI en 2007, puis précisé en 2009.
L’hospitalisation en UNV, en réanimation ou en soins intensifs hors UNV a été recherchée pour les patients avec un AVC ischémique ou une hémorragie intracérébrale (I61) grâce à la classification des unités médicales fonctionnelles (codes 01A, 02B, 13A, 17 et 18), les autres hémorragies (I60 et I62) relevant généralement d’une prise en charge en neurochirurgie. Les patients hospitalisés dans une unité médicale codée 18 lors de leur séjour correspondaient à un passage en soins intensifs d’une unité neuro-vasculaire (USINV). Le code 17 correspondait à l’unité neuro-vasculaire hors soins intensifs. Pour l’analyse, le passage en USINV a été privilégié si les patients avaient été hospitalisés successivement dans ces deux types d’unité.
Afin de s’affranchir d’éventuelles modifications de codage au cours du temps, nous avons également sélectionné les patients ayant été hospitalisés pour accident ischémique transitoire (AIT) (DP codé en G45 sauf G45.4), indépendamment de tout séjour pour AVC. Comme pour les séjours AVC, nous avons conservé pour chaque patient le premier séjour pour AIT de chaque année.
Les données de population utilisées sont les populations moyennes nationales et régionales des années 2008 à 2014 publiées par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).
Analyses statistiques
Les taux bruts annuels de patients hospitalisés pour AVC (tous types confondus et par type) ont été calculés, ainsi que les taux spécifiques par sexe et par classe d’âge. Les taux standardisés sur l’âge ont été calculés, par la méthode directe, en prenant la population française de 2010 comme population de référence. Ils sont exprimés pour 100 000 habitants.
La létalité hospitalière annuelle a été définie comme le rapport entre le nombre de patients hospitalisés pour AVC et décédés à l’hôpital (mode de sortie codé en décès) une année donnée et le nombre total de patients hospitalisés pour AVC la même année. Les taux ont été standardisés sur l’âge par la méthode directe, avec comme population de référence les patients hospitalisés pour AVC en 2014.
Les comparaisons des caractéristiques de la population selon le sexe et selon le type d’AVC ont été testées avec le test du Chi2 pour les variables qualitatives et avec les tests de Wilcoxon et de Kruskall-Wallis pour les variables quantitatives ne suivant pas une loi normale.
Les évolutions annuelles moyennes des taux bruts par classe d’âge ont été calculées au moyen de régressions de Poisson, avec le logarithme des populations annuelles moyennes comme population d’exposition (variable offset). En raison d’une interaction entre le sexe et l’année, les résultats ont été stratifiés sur le sexe.
Les analyses ont été réalisées au moyen du logiciel SAS® Enterprise Guide, version 7.1.
Résultats
Patients hospitalisés pour AVC
Caractéristiques des patients et taux en 2014
En 2014, 141 652 personnes domiciliées en France ont fait l’objet d’au moins une hospitalisation complète pour AVC (110 438) ou AIT (32 632) (tableau 2). Les moins de 65 ans représentaient un quart des patients hospitalisés pour AVC (27 829 avant 65 ans vs 82 609 de 65 ans et plus) et 30% de ceux hospitalisés pour AIT. Le taux standardisé de patients hospitalisés était de 112,8 pour 100 000 habitants pour les AVC ischémiques (118,9/100 000 en incluant les AVC non précisés) et 39,9 pour 100 000 pour les AVC hémorragiques. Pour chaque type d’AVC, le taux augmentait avec l’âge. Quel que soit le type d’AVC, les hommes étaient hospitalisés en moyenne six ans plus tôt que les femmes (70,4 vs 76,7 ans), avec un écart particulièrement important chez les patients avec un AVC ischémique (70,9 vs 77,8 ans). À structure d’âge identique, le taux était 1,5 fois plus élevé chez les hommes que chez les femmes, quel que soit le type d’AVC.
Près de 71% des patients étaient hospitalisés pour un AVC ischémique et 25% pour un AVC hémorragique (dont 64% d’hémorragies intracérébrales, 20% d’hémorragies sous-arachnoïdiennes et 16% d’autres hémorragies intracrâniennes non-traumatiques). Les AVC non précisés (4%) concernaient une population plus féminine (56,1% vs 49,1% pour les autres types d’AVC) et plus âgée (79,7 ans vs 73,3 ans pour les autres types d’AVC). La durée moyenne de séjour des patients hospitalisés était plus courte pour les AVC ischémiques que pour les AVC hémorragiques (11,5 jours vs 13,6 jours, p<0,0001).
Plus de la moitié des patients hospitalisés pour un AVC ischémique présentaient une atteinte neurologique motrice ou une aphasie contre 36,5% pour les AVC hémorragiques (tableau 2). Une atteinte neurologique motrice (indépendamment d’une aphasie) était présente chez 44,1% des patients hospitalisés pour un AVC ischémique et 32,3% de ceux hospitalisés pour un AVC hémorragique. Une aphasie était observée chez respectivement 21,6% et 13,7% des patients.
Tous types d’AVC confondus, un patient sur deux était hospitalisé en réanimation, UNV ou soins intensifs hors UNV (tableau 3). La proportion de patients hospitalisés en UNV était de 43,1%, dont 84,8% en USINV. Elle était plus élevée pour les AVC ischémiques (51,5%) que pour les hémorragies intracérébrales (33,2%) et pour les patients âgés de moins de 65 ans que pour les 65 ans et plus. À structure d’âge égale, les hommes étaient plus souvent hospitalisés en UNV que les femmes (respectivement 44,6% vs 41,4%).
Disparités régionales
En 2014, la Guyane et La Réunion affichaient les taux standardisés les plus élevés, supérieurs de plus de 28% à la moyenne nationale pour les AVC ischémiques et les AVC hémorragiques (figure 1). En métropole, les taux de patients hospitalisés pour AVC ischémique les plus élevés étaient observés en Bretagne (137,9/100 000) et dans les Hauts-de-France (133,1/100 000) et les plus bas en Corse (83,7/100 000), Provence-Alpes-Côte-d’Azur (92,7/100 000) et Auvergne-Rhône-Alpes (99,3/100 000). Pour les AVC hémorragiques, en métropole, les taux étaient homogènes d’une région à l’autre (de -8% à +6% par rapport à la moyenne nationale).
Évolutions temporelles
Entre 2008 et 2014, le nombre de patients hospitalisés pour AVC (tous types) a augmenté de 13,7%, passant de 97 151 à 110 438 (tableau 4). L’augmentation la plus importante concernait les AVC ischémiques (+32,8% pour les infarctus cérébraux). Les taux standardisés de patients hospitalisés pour AVC ou pour AIT étaient stables sur cette période (respectivement +1,6% et -2,2%). Cette stabilité résultait d’une baisse chez les 65 ans et plus et d’une hausse chez les moins de 65 ans dans les deux sexes, pour ces deux maladies (figure 2). Pour l’AVC, ces tendances masquaient également des différences en fonction du type d’AVC.
Pour les AVC ischémiques et non précisés, les taux ont augmenté de 14,3% sur la période chez les patients de moins de 65 ans, quel que soit le sexe (vs une baisse de 2,1% chez les 65 ans et plus) (figure 3). L’analyse des évolutions annuelles moyennes par sexe et par classe d’âge a montré une augmentation significative des taux chez les hommes entre 25 et 74 ans et chez les femmes entre 35 et 64 ans, et une diminution chez les hommes de plus de 75 ans et chez les femmes de 75 à 84 ans (figure 4a).
Les taux de patients hospitalisés pour AVC hémorragique ont peu évolué entre 2008 et 2014 (+2,0%). L’analyse des évolutions annuelles moyennes a montré une augmentation significative des taux chez les hommes et les femmes de 85 ans et plus, et une diminution chez les femmes âgées de 25 à 34 ans et de 65 à 74 ans (figure 4b).
L’âge moyen des patients hospitalisés pour AVC ischémique est resté stable, autour de 74 ans, sur la période. La durée moyenne de séjour a diminué, quels que soient le sexe et la classe d’âge. La proportion de patients hospitalisés en UNV a plus que doublé, passant de 20,3% en 2008 à 51,5% en 2014.
Chez les patients hospitalisés pour AVC hémorragique, l’âge moyen a augmenté de deux ans sur la période. La proportion de patients ayant une hémorragie intracérébrale hospitalisés en UNV est passée de 13,9% en 2008 à 33,2% en 2014.
Létalité hospitalière
En 2014, la létalité hospitalière standardisée sur l’âge était 3,2 fois plus élevée pour les AVC hémorragiques (28,9%) que pour les AVC ischémiques (9,1%) (tableau 2). Après prise en compte de l’âge, la différence de létalité entre les hommes et les femmes était faible (respectivement 8,9% vs 9,2% pour les AVC ischémiques et 28,0% vs 29,6% pour les AVC hémorragiques).
Entre 2008 et 2014, une baisse significative de la létalité hospitalière standardisée a été observée pour l’ensemble des AVC (-11,1%) (données non présentées). Cette baisse était plus marquée pour les AVC ischémiques (-12,5%), en particulier chez les hommes (-14,3% vs -11,3% chez les femmes), que pour les AVC hémorragiques (-5,4%).
Discussion
En France, plus de 110 000 patients ont été hospitalisés pour un AVC en 2014. Les principales évolutions survenues depuis 2008 concernent les AVC ischémiques, pour lesquels le taux de patients hospitalisés a augmenté de manière importante chez les moins de 65 ans. Dans le même temps, la proportion de patients pris en charge en UNV a fortement progressé, atteignant 52% en 2014 pour les AVC ischémiques. De fortes disparités régionales d’hospitalisation subsistaient en 2014 sur le territoire.
Taux de patients hospitalisés
L’augmentation du taux de patients hospitalisés pour AVC, tous types confondus, observée dans notre étude chez les moins de 65 ans (+8,5%) avait également été rapportée sur la période précédente (2002-2008 : +10,8%) 5. En revanche, la baisse observée entre 2002 et 2008 chez les 65 ans et plus (-6,6%) s’est ralentie au cours des six années suivantes (-0,7%). Les évolutions défavorables observées chez les jeunes adultes à partir des données d’incidence du registre des AVC de Dijon 8, puis confirmées au niveau national sur la période 2002-2008 5 et dans cette étude, sont cohérentes avec les résultats de plusieurs études internationales. Une première étude américaine a mis en évidence une augmentation de l’incidence des AVC ischémiques chez des personnes âgées de 20 à 44 ans, entre 1993 et 2005, dans le nord du Kentucky 10. Plus récemment, deux autres études américaines ont montré une augmentation semblable des taux d’hospitalisation pour AVC ischémique, respectivement chez les 15-44 ans et les 25-44 ans, ainsi qu’une stabilisation chez les 45-64 ans 11,16. L’augmentation de l’incidence de l’AVC ischémique chez l’adulte jeune a également été rapportée au Danemark et en Suède 12,19.
L’évolution des AVC hémorragiques est moins documentée. Néanmoins, la stabilité des taux de patients hospitalisés pour AVC hémorragique observée dans notre étude a également été décrite dans l’étude danoise chez les 15-30 ans et dans l’étude américaine du nord du Kentucky chez les plus de 20 ans 10,12. Dans ces études, comme dans la nôtre, les évolutions étaient semblables chez les hommes et les femmes, indépendamment de l’âge.
Les causes de l’augmentation de l’incidence des AVC ischémiques chez les moins de 65 ans, largement décrites, sont probablement multiples. L’augmentation de la prévalence des facteurs de risque vasculaire comme le diabète, l’obésité, le tabagisme, la consommation de cannabis et les alcoolisations ponctuelles importantes chez les jeunes adultes, constitue l’hypothèse la plus probable 14,15,20,21,22,23,24,25. Néanmoins, l’athérome des grosses artères, résultant d’une exposition prolongée à ces facteurs, reste une cause moins fréquente d’AVC ischémique chez les jeunes que chez le sujet plus âgé 26. D’autres facteurs de risque plus récemment décrits comme l’utilisation de certaines drogues récréatives (cocaïne…) ou la pollution de l’air, pourraient également être impliqués 10,27,28. Toutefois, les évolutions des taux d’hospitalisation ne reflètent pas seulement les évolutions de l’incidence réelle de la maladie mais également d’éventuelles améliorations de la prise en charge ou du diagnostic. La sensibilité croissante des techniques d’imagerie cérébrale et une meilleure connaissance des symptômes de la maladie par les praticiens et le grand public, ainsi que le développement des UNV sur le territoire pourraient en effet avoir amélioré la précision et la rapidité du diagnostic 11. La modification, en 2007, de la définition de l’AIT ne semble pas en revanche avoir entraîné un recours plus important au codage de l’AVC, puisque des tendances similaires ont été observées pour l’AIT et l’AVC, y compris chez les moins de 65 ans.
Même si le fardeau est principalement porté par les plus âgés, près de 25% des AVC surviennent avant 65 ans. Ainsi, l’augmentation observée du taux de personnes hospitalisées dans cette tranche d’âge pose un problème majeur de santé publique, dans la mesure où les conséquences d’un AVC demeurent importantes, d’une part en nombre d’années de vie perdues et d’autre part en termes de retentissement sur la qualité de vie des patients. En effet, près de 46% des personnes de moins de 60 ans ayant eu un AVC déclarent avoir été limitées dans leurs activités quotidiennes pendant au moins six mois du fait de l’événement 29. De plus, entre 30 et 50% des patients jeunes, victimes d’AVC, ne peuvent reprendre leur activité professionnelle et près de 10% restent dépendants pour au moins une activité de la vie quotidienne 6.
La relative stabilité de l’incidence, tous âges confondus, couplée au vieillissement de la population est aujourd’hui problématique. En effet, le nombre de patients à prendre en charge au moment de la phase aiguë, puis en soins de suite et de réadaptation, et enfin tout au long de l’existence en cas de séquelles fonctionnelles, ne cesse de croître. Ainsi, comparativement à 2008, plus de 10 000 personnes supplémentaires de 65 ans ou plus ont été prises en charge en 2014. Ce phénomène devrait encore s’amplifier dans les prochaines années. La prévention primaire et secondaire de l’AVC revêt une importance d’autant plus grande que cinq des principaux facteurs de risque identifiés – parmi lesquels l’hypertension artérielle, le tabagisme, la sédentarité et l’obésité abdominale – rendent compte de plus de 84% du risque d’AVC et sont modifiables 7. Face au poids de l’AVC, de nouvelles approches de prévention plus globales, intégrant notamment la prévention de l’AVC aux programmes de prévention des maladies chroniques qui ont des facteurs de risque communs, sont aujourd’hui préconisées 30. Chez les jeunes adultes, il est aujourd’hui nécessaire d’améliorer la connaissance de l’étiologie des AVC ischémiques, qui pourrait différer de celle des sujets âgés, afin de mieux cibler les mesures de prévention primaire dans cette population 10,25,26.
L’augmentation importante de la proportion de patients hospitalisés en UNV observée entre 2008 et 2014 est corrélée au développement de ces unités en France (33 en 2007, 100 en 2010, 135 en 2015). Leur répartition sur le territoire national est cependant inégale et le nombre de lits limité 31. Les différences constatées en fonction de l’âge ou du type d’AVC peuvent traduire une prise en charge dans d’autres unités, notamment pour les personnes âgées ou les patients avec un AVC hémorragique. En effet, si 33% des patients avec une hémorragie intracérébrale ont été hospitalisés en UNV, 52% ont été pris en charge en réanimation, UNV ou soins intensifs (hors UNV).
Dans cette étude, nous avons également mis en évidence des disparités territoriales importantes en termes d’incidence de patients hospitalisés. Ces disparités peuvent non seulement refléter des disparités de prévalence des principaux facteurs de risque vasculaire, mais également de disparités socioéconomiques, ces deux hypothèses étant intriquées.
Létalité hospitalière
La diminution de la létalité hospitalière observée dans notre étude a également été rapportée en France et dans d’autres pays 32,33,34,35,36. Elle pourrait être liée à une amélioration importante de la filière de prise en charge des patients en phase aiguë, avec le développement des UNV, et particulièrement des unités de soins intensifs au sein des UNV sur le territoire français. L’augmentation observée des taux d’hospitalisation en UNV, dans lesquelles le diagnostic et la prise en charge de l’AVC sont facilités, pourrait avoir augmenté, dans une certaine mesure, le nombre de cas moins sévères pris en charge, mais surtout avoir permis d’améliorer significativement la survie des patients. De plus, l’allongement du délai de traitement des AVC ischémiques par certains thrombolytiques (4 heures 30 au lieu de 3 heures en 2012) permet d’augmenter la proportion de patients éligibles à la thrombolyse. Si les effets de cette dernière sur la mortalité sont encore discutés, elle diminue de manière conséquente les séquelles fonctionnelles 34,37. Enfin, la rééducation précoce après un AVC préconisée dans les UNV pourrait également avoir contribué à la réduction de la mortalité hospitalière 13,34. Cette diminution encourageante de la létalité hospitalière mériterait toutefois d’être confortée par une prise en compte des différents facteurs de confusion (gravité de l’événement et âge de survenue, présence de comorbidités, mode de prise en charge, etc.).
Forces et limites
L’amélioration de la qualité du PMSI, notamment avec la réduction de l’utilisation du code I64 « AVC non précisé », permet aujourd’hui de disposer de données nationales exhaustives par type d’AVC. Une récente étude sur la valeur prédictive positive d’un algorithme de détection des AVC dans le PMSI montrait qu’elle était proche des 90% en 2009-2010 17. Néanmoins, l’interprétation des résultats, et notamment des tendances temporelles, reste soumise à quelques limites. En effet, l’évolution progressive des règles de codage et l’introduction de nouvelles variables imposent certains choix méthodologiques. Dans cette étude, nous avons choisi de conserver le code G46 dans l’algorithme d’identification des AVC par souci d’homogénéité avec l’analyse précédente des tendances 2002-2008. Bien que celui-ci ne soit aujourd’hui plus recommandé pour le codage des AVC, il a été utilisé dans certains établissements au début des années 2000. Une autre modification importante est intervenue entre 2008 et 2009 avec le changement de définition du diagnostic principal (DP), qui est devenu l’affection qui a motivé le séjour dans l’unité médicale et non plus la pathologie ayant mobilisé l’essentiel de l’effort de soin. La principale conséquence est une sous-estimation du nombre d’AVC lorsque l’on ne considère, comme dans notre étude, que les DP des RSA et non les DP de toutes les unités médicales du séjour. Ainsi, les AVC survenant durant l’hospitalisation ne sont pas comptabilisés ici. Cette sous-estimation est évaluée à environ 6,5%. Une autre limite de notre étude est l’impossibilité de différencier de manière certaine les primo-événements des récidives d’AVC. L’incidence présentée ici est donc une incidence annuelle de patients hospitalisés et non pas une incidence vie entière. P. Tuppin et coll. ont estimé que, selon le type d’AVC, entre 6,7% et 7,2% des patients hospitalisés pour AVC l’avaient été pour un AVC au moins une fois au cours des deux années précédentes, et qu’entre 10,5% et 16,0% des patients étaient atteints de l’affection longue durée (ALD) « AVC invalidant » avant leur hospitalisation 38. Nous n’avons pas pu estimer la part de patients ayant bénéficié d’une thrombolyse par manque d'attribution d'un code dans la classification commune des actes médicaux (CCAM). Concernant les AIT, seule la part hospitalisée de ces événements a été prise en compte dans cette étude. Cependant, les taux de patients hospitalisés en ambulatoire n’ont pas évolué sur la période d’étude (données non présentées). Enfin, le pourcentage de patients admis en UNV pourrait être sous-estimé, certains établissements ne codant pas le passage en UNV hors soins intensifs.
Conclusion
La dynamique de l’AVC reste préoccupante en France, dans un contexte de vieillissement de la population. En effet, l’incidence des patients hospitalisés pour un AVC ischémique est en hausse dans toutes les tranches d’âge avant 75 ans, avec des augmentations importantes entre 35 et 64 ans. Si la létalité hospitalière a baissé et si le taux de prise en charge en UNV sur le territoire a augmenté de manière considérable entre 2008 et 2014, grâce notamment à la mise en œuvre du plan AVC, des disparités importantes de taux de patients hospitalisés persistent au niveau régional. L’AVC reste une maladie dont les principaux facteurs de risque sont évitables avec une prévention adaptée et dont la rapidité de prise en charge est un élément essentiel pour limiter le risque de décès et de séquelles fonctionnelles. Ainsi, la poursuite, voire l’intensification, des campagnes de prévention de l’hypertension artérielle, du tabagisme et de la sédentarité, de promotion d’une alimentation favorable à la santé et de sensibilisation aux premiers signes de reconnaissance de l’AVC sont essentielles pour limiter le retentissement humain et économique de cette pathologie.