Prévention, dépistage et prise en charge de l’HTA en France, le point de vue des médecins généralistes, France, 2019

// Prevention, screening and management of hypertension in France, the point of view of general practitioners, France, 2019

Clémence Grave1 (clemence.grave@santepubliquefrance.fr), Arnaud Gautier1, Jessica Gane1, Amélie Gabet1, François Lacoin2, Valérie Olié1
1 Santé publique France, Saint-Maurice, France
2 Collège de médecine générale, Neuilly-sur-Seine, France
Soumis le 05.07.2019 // Date of submission: 07.05.2019
Mots-clés : Hypertension artérielle | Médecin généraliste | Traitement | Prévention | Observance
Keywords: Hypertension | General practitioner | Drug therapy | Prevention | Compliance

Résumé

Introduction –

L’hypertension artérielle (HTA) est une pathologie chronique fréquente qui constitue un facteur de risque cardiovasculaire important. Son diagnostic et sa prise en charge sont principalement effectués par les médecins généralistes (MG). Dans ce contexte, l’objectif de cette étude était de décrire les opinions et ressentis des MG français sur l’HTA.

Méthodes –

Une enquête a été réalisée auprès d’un panel de MG, affiliés au Collège de médecine générale, via un questionnaire envoyé par voie électronique. Les analyses ont été redressées sur l’âge et le sexe du médecin selon la répartition française des MG (données du Répertoire partagé des professionnels de santé, RPPS 2018).

Résultats –

Au total, 753 MG ont répondu au questionnaire et ont été inclus dans les analyses ; 83% des MG se sont déclarés fortement impliqués dans la prévention de l’HTA. Les automesures tensionnelles (AMT) et les mesures ambulatoires (MAPA) sont très utilisées pour le diagnostic d’HTA. Dans cette enquête, 96% des médecins proposaient une modification des habitudes de vie en première intention lors de la prise en charge des patients hypertendus, dont 52% associant un traitement médicamenteux. Cependant, 93% des médecins ont rapporté que leurs patients émettaient des réserves face à la prescription de traitements antihypertenseurs. Les principales réserves aux traitements et limites à l’observance thérapeutique soulignées par les MG concernaient les difficultés d’acceptation et de compréhension de la maladie par le patient hypertendu, surtout en l’absence de symptômes.

Conclusion –

Cette étude a souligné que, selon le ressenti des médecins généralistes, le manque de temps en consultation était un frein à la démarche de prévention et que la mauvaise connaissance et compréhension de la maladie par les patients restaient des limites à l’observance thérapeutique et au contrôle de l’HTA dans la population française.

Abstract

Introduction –

Hypertension is a common chronic disease and that is a major cardiovascular risk factor. Its diagnosis and management are mainly carried out by general practitioners (GPs). In this context, the objective of this study was to describe the opinions and feelings of French GPs about hypertension.

Methods –

A survey was conducted among a panel of GPs affiliated with the College of General Medicine via a questionnaire sent electronically. The analyses were adjusted on the age and sex of the physician according to the French distribution of GPs (RPPS 2018 data).

Results –

A total of 753 GPs responded to the questionnaire and were included in the analyses; 83% of GPs reported high levels of involvement in the prevention of hypertension. Self-measurement of blood pressure and ambulatory measurement are widely used for the diagnosis of hypertension. In this survey, 96% of physicians proposed a change in lifestyle habits as a first line treatment for the management of hypertensive patients, including 52% who combined drug therapy. However, 93% of physicians reported that their patients had reservations about prescribing antihypertensive medication. The main reservations to treatment and limitations to adherence, highlighted by GPs, related to difficulties in accepting and understanding the disease by the hypertensive patient, especially in the absence of symptoms.

Conclusion –

This study highlighted that, according the GPs’ perception, the lack of time was an obstacle to prevention and patients’ poor knowledge and understanding of the disease remained limits to therapeutic compliance and control of hypertension in the French population.

Introduction

L’hypertension artérielle (HTA) est la première maladie chronique dans le monde et constitue l’un des principaux facteurs de risque cardiovasculaire. Elle est le principal facteur de risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) et est responsable de 51% des décès par AVC dans le monde 1. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 9,4 millions de décès par an sont imputables aux complications de l’hypertension. L’adoption de comportements favorables à la santé (activité physique, alimentation équilibrée, contrôle de son poids) permet de prévenir la survenue de cette pathologie.

En France, la prévention, le dépistage et la prise en charge de l’HTA sont principalement réalisés par les médecins généralistes (MG) 2. Une enquête française de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) a montré que l’HTA concernait 17% des consultations ou visites de médecine générale 3. Selon la Haute Autorité de santé (HAS), on compte en moyenne chaque année 15 à 20 nouveaux patients traités pour une HTA pour chaque MG 4, le MG étant un acteur essentiel de la prise en charge des patients hypertendus.

L’étude Esteban (Étude de santé sur l’environnement, la biosurveillance, l’activité physique et la nutrition), conduite en 2015, avait permis d’estimer la prévalence de l’HTA à environ 30% de la population adulte française 5. Cette enquête avait également mis en évidence que seule une personne hypertendue sur deux avait connaissance de son hypertension, alors que 84% des personnes avaient déclaré avoir eu au moins une mesure de la pression artérielle dans l’année précédant l’enquête. Ce taux faible de patients ayant connaissance de leur hypertension a un impact direct sur la prise en charge par des mesures hygiéno-diététiques et médicamenteuses, et par conséquent sur le contrôle de l’HTA. Ainsi en 2015, seul 1 patient hypertendu sur 4 avait une pression artérielle contrôlée.

En France, la proportion de patients connaissant leur hypertension est stable, alors qu’elle s’améliore dans d’autres pays à hauts revenus. Elle est ainsi passée de 69% à 82% entre 1998 et 2008 en Allemagne 6, de 46% à 71% entre 1994 et 2011 en Angleterre 7 et de 57% à 83% entre 1992 et 2009 au Canada 8.

Dans ce contexte, cette étude avait pour but de décrire les opinions et ressentis des MG français sur le dépistage, le diagnostic, la prévention et la prise en charge de l’hypertension artérielle en France.

Méthodes

Le panel de médecins généralistes

Cette enquête est une étude transversale portant sur un panel de médecins généralistes (MG) affiliés au Collège de médecine générale ayant accepté de participer à l’étude. L’objectif était de décrire les opinions et ressentis des médecins généralistes français sur différentes thématiques dont l’HTA. Environ 1 300 MG ont été volontaires pour participer à ce panel. L’enquête était anonyme. Des informations sociodémographiques du médecin (sexe, âge et région d’exercice) ont été recueillies.

Questionnaire HTA et prévention

Le questionnaire a été rédigé par un groupe d’experts épidémiologistes et médecins généralistes sur la base des résultats de l’étude Esteban 5 pour les questions sur l’hypertension artérielle ; et sur la base du Baromètre 2009 de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes, devenu Santé publique France depuis le 1er mai 2016), qui avait interrogé des médecins généralistes français 9, pour les questions sur la prévention.

Dans ce questionnaire à choix multiples, neuf questions concernant l’HTA ont été posées aux MG. Deux questions portaient sur le dépistage et le diagnostic de l’HTA. Sept concernaient la prise en charge (traitement médicamenteux, observance, réticences et habitudes de vie). Une question portait sur les leviers d’action pour faciliter la prise en charge des patients hypertendus. Des champs libres permettaient aux médecins d’exprimer plus de précisions sur leur réponse. Enfin, deux questions concernant la prévention ont été analysées dans cet article.

Le questionnaire de l’enquête a été envoyé par voie électronique le 28 janvier 2019. Deux relances ont été effectuées. La phase de collecte s’est terminée le 18 février. Ainsi, 753 questionnaires complets ont été remplis et ont pu être analysés dans cette enquête (58% du panel).

Analyses statistiques

Pour tenir compte du mode de recrutement des participants, les analyses ont été pondérées sur l’âge et le sexe du médecin, en utilisant les données de référence des MG, issues des statistiques de la Drees (données du Répertoire partagé des professionnels de santé – RPPS – de l’année 2018). Des analyses descriptives stratifiées sur le sexe, l’âge et la région d’exercice du médecin ont été réalisées avec le logiciel SAS Enterprise® Guide 7.1.

Résultats

Caractéristiques de la population

Parmi les 753 médecins ayant répondu au questionnaire et inclus dans l’analyse des questions relatives à l’HTA, 388 étaient des hommes (52%) et 365 des femmes (48%), avant le redressement des données. Concernant la répartition régionale, 0,9% des MG interrogés exerçait dans les DOM-TOM et 16% en Île-de-France (Tableau 1).

Tableau 1 : Description des caractéristiques sociodémographiques de la population de médecins généralistes interrogés en 2019 en France (N=753)
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Différentes méthodes de diagnostic d’une HTA ont été rapportées par les MG dans cette étude. Lorsqu’ils trouvaient une mesure élevée de pression artérielle (PA), 93% des médecins déclaraient prendre une nouvelle mesure de la PA quelques minutes après et 70% déclaraient interroger le patient sur les éventuels biais ayant pu impacter la mesure. À la suite de cette mesure de PA élevée, 95% des médecins ont déclaré qu’ils convoquaient le patient à une autre consultation le mois suivant pour contrôler la PA et/ou proposaient une automesure tensionnelle (AMT) ou une mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA). Le taux de médecins déclarant proposer une AMT ou une MAPA à leur patient était de 85% avec des disparités régionales significatives. En effet, le taux de recours à l’AMT ou la MAPA était de 77% pour les médecins exerçant en Île-de-France et atteignait plus de 95% dans les régions Bretagne et Normandie (tableau 2).

Tableau 2 : Tableau de taux d’AMT ou de MAPA proposés par les MG selon la région et la densité de cardiologues
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Certains médecins ont souligné les difficultés à faire pratiquer des MAPA ou des AMT à leurs patients liées aux questions d’accès au matériel ou d’adhésion du patient dans sa prise en charge diagnostique (volonté, compréhension, stress face à l’automesure…). Finalement, 72% des médecins posaient le diagnostic d’HTA après une AMT ou une MAPA faite à la suite d’une mesure élevée en consultation et 23% des médecins posaient ce diagnostic à partir de plusieurs mesures élevées au cours de consultations différentes. Par ailleurs, certains médecins considéraient que le diagnostic d’HTA devait être posé par un cardiologue et non en consultation de médecine générale (0,9%).

Conseils hygiéno-diététiques

Dans cette enquête, 83% des médecins interrogés ont déclaré être fortement impliqués dans la prévention de l’HTA (figure 1a).

Figure 1 : Implications et freins à une démarche de prévention en médecine générale
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Cependant, seuls 39% des médecins ont déclaré se sentir fortement impliqués dans la prévention nutritionnelle (32% des hommes et 51% des femmes), 45% mettaient l’accent sur la surcharge pondérale (43% des hommes et 50% des femmes) et 48% sur la sédentarité (47% des hommes et 51% des femmes), avec peu de différences observées selon l’âge du médecin répondant (figure 1a). Pour expliquer cela, 84% des médecins ont souligné le manque de temps et 29% le manque d’outils de prévention pour mettre en place une démarche de prévention en consultation (figure 1b).

Concernant la prise en charge en première intention d’un patient hypertendu, 96% des médecins interrogés ont déclaré proposer une modification des habitudes de vie à leur patient (associée à un traitement médicamenteux dans 52% des cas) (tableau 3). Dans le panel interrogé, ces conseils portaient en premier lieu sur la réduction de la consommation de sel (32% des médecins), la pratique d’une activité physique (29%) et la perte de poids (28%). Les médecins ont précisé que les conseils sur ces différents axes hygiéno-diététiques étaient modulés en fonction des habitudes de vie des patients. Près de 3% des MG proposaient uniquement une prise d’un traitement antihypertenseur en première intention.

Tableau 3 : Prescriptions de première intention des médecins, réserves et observance des patients vis-à-vis des traitements antihypertenseurs
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Traitements antihypertenseurs : réserves des patients et observance

Concernant les traitements antihypertenseurs, 93% des médecins ont rapporté que leurs patients émettaient des réserves face à la prescription de ces traitements (systématiquement, souvent ou parfois). Selon les médecins interrogés, ces réserves portaient sur la nécessité d’un traitement à vie (78%), sur le sentiment du patient de ne pas être malade (51%), sur une mauvaise compréhension des risques encourus vis-à-vis de l’HTA (35%) et sur la mauvaise tolérance des médicaments antihypertenseurs (20%) (tableau 3).

L’observance aux traitements antihypertenseurs était évaluée en interrogeant le patient sur la régularité de sa prise par 52% des médecins ou via le délai de renouvellement de l’ordonnance par 41% des médecins. Les médecins de moins de 40 ans évaluaient plus souvent l’observance grâce à l’interrogatoire du patient (62%) que via le renouvellement d’ordonnance (30%). Les médecins de 55 ans et plus évaluaient dans 48% des cas l’observance grâce aux ordonnances et dans 45% des cas par l’interrogatoire du patient. La faible observance aux traitements antihypertenseurs était expliquée par 78% des médecins par la difficulté d’acceptation de la maladie ou la lassitude du patient de prendre son traitement ; par 66% par l’absence de symptômes de l’HTA ; par 44% par une mauvaise information des patients sur leur maladie et par 14% des médecins par une mauvaise tolérance du traitement. Enfin, les polémiques sur les traitements hypertenseurs (valsartan) ou d’autres traitements cardiovasculaires (statines, Médiator®) étaient un élément d’explication de la mauvaise observance pour 35% des médecins interrogés (tableau 3).

Pour faciliter la prise en charge de leurs patients hypertendus, 45% des médecins interrogés ont souhaité disposer de logiciels métiers mieux adaptés et 29% d’une collaboration avec d’autres professionnels aidants au cabinet. Les médecins, notamment ceux de moins de 40 ans, ont également souhaité davantage de formations sur la prise en charge de l’HTA (14% des médecins du panel, 24% des médecins de moins de 40 ans), de documents scientifiques (32% des médecins du panel, 44% des médecins de moins de 40 ans), et d’informations sur les médicaments antihypertenseurs (15% des médecins du panel, 26% des médecins de moins de 40 ans).

Discussion

Cette enquête a permis de recueillir l’opinion des médecins généralistes concernant l’HTA et sa prise en charge en France. Les résultats ont montré que, selon le panel de MG interrogés, une des principales limites pour la prise d’un traitement antihypertenseur et une observance satisfaisante au traitement était la mauvaise connaissance et compréhension de la maladie et de ses conséquences par les patients.

Dans l’étude Esteban, les auteurs avaient estimé à 45,5% le taux de patients hypertendus n’ayant pas connaissance de leur hypertension 5. Dans notre étude, les pratiques de diagnostic et de prise en charge des patients déclarées par les MG étaient en accord avec les recommandations de la HAS de 2016 4. Cependant, plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour expliquer la méconnaissance, observée dans l’étude Esteban, que les patients ont de leur HTA, malgré les bonnes pratiques de dépistage. Tout d’abord, on peut évoquer le faible recours aux soins par certaines personnes éloignées des systèmes de dépistage (médecine du travail, médecine scolaire…). Par ailleurs, un grand nombre de biais sont possibles dans les mesures de PA au cabinet. Le manque de temps de repos nécessaire pour la prise correcte de la PA, ainsi que les effets « blouse blanche » et « HTA masquée » compliquant le diagnostic d’HTA ne peuvent être exclus en consultation de médecine générale. Néanmoins, le recours important à l’AMT ou à la MAPA pour le diagnostic de l’HTA, rapporté dans cette enquête, devrait permettre de confirmer le diagnostic d’HTA et d’en faire l’annonce aux patients 4. En 2008, une étude de l’Observatoire de médecine générale a montré que 46% des médecins généralistes prescrivaient régulièrement des AMT et 34% une MAPA 10. Nos résultats montraient pour 2019 des taux légèrement supérieurs (85% globalement), avec des différences régionales significatives. En Île-de France, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie, régions dans lesquelles la densité de cardiologues est la plus élevée 11, on observait un recours plus faible des médecins à l’AMT ou la MAPA pour le diagnostic de l’HTA. Ainsi, une hypothèse pour expliquer ces différences pourrait être que, dans ces régions, les MG orienteraient plus facilement vers un cardiologue leurs patients dépistés hypertendus, pour la suite du diagnostic, MAPA ou AMT.

La mauvaise connaissance et compréhension du diagnostic d’HTA et de ses risques peut limiter l’observance au traitement. En 2016, la HAS recommandait ainsi une consultation dédiée pour l’annonce et l’information du patient sur les risques liés à l’HTA 4. Cette consultation d’annonce apparaissait dans notre étude comme un élément important, puisque la difficulté d’acceptation de la maladie, la lassitude face à une maladie chronique et le manque de compréhension des risques de la maladie apparaissaient comme principaux facteurs de mauvaise observance des traitements. Néanmoins, ces consultations restent coûteuses en temps dans la pratique des MG.

Concernant la prise en charge pharmacologique des patients, l’étude Esteban retrouvait que 47% des patients hypertendus n’étaient pas traités pharmacologiquement 5. Notre étude a permis d’apporter des hypothèses pour expliquer ces résultats. En effet, les médecins y rapportaient que leurs patients émettaient très fréquemment des réserves lors de la prescription d’un traitement antihypertenseur, portant dans la majorité des cas sur la non-acceptation et l’incompréhension du caractère chronique de la maladie. Cela souligne à nouveau que l’information et l’éducation thérapeutique sont des points essentiels de la prise en charge des patients hypertendus, mais restent difficiles à mettre en œuvre dans le cadre d’une consultation de médecine générale.

Enfin, moins de la moitié des médecins interrogés se sentait impliquée dans la prévention nutritionnelle, de la surcharge pondérale, de la sédentarité et de l’alcool. Comme l’avait souligné le Baromètre santé médecin généraliste de 2009, le manque de temps restait dans notre étude le principal frein à cette démarche de prévention 9. Or, ces différentes règles hygiéno-diététiques sont à expliquer au patient à la suite du diagnostic d’HTA, puisque la modification des habitudes de vie est une part important de la prise en charge de cette pathologie. Ainsi, dans notre étude, les médecins ont majoritairement déclaré proposer une modification des habitudes de vie lors de la prise en charge des patients hypertendus. Néanmoins, on peut s’interroger sur le temps accordé pour la dispensation de ces conseils compte tenu de la disponibilité des médecins. Une étude française de 2013 montrait que de nombreux facteurs sont associés à une moindre dispensation des conseils hygiéno-diététiques. Parmi ces facteurs, cette étude retrouvait une association avec le faible niveau de risque cardiovasculaire des patients, mais surtout avec des consultations courtes, sans dépassement d’honoraire, et avec des médecins n’ayant pas suivi de formation médicale continue 12. Par conséquent, la mise en place de consultations dédiées à la prévention et indemnisées, ainsi que le recours à d’autres professionnels de santé au sein d’équipes pluridisciplinaires pourraient permettre d’améliorer la prévention chez ces patients.

Ces différents éléments peuvent expliquer, en partie, les 50% de patients hypertendus traités ayant une pression artérielle non contrôlée 5. Bien que le manque d’adhésion et d’observance du patient soit au premier plan, le contexte clinique est également à prendre en compte. Cela est difficile à évaluer 13, mais plusieurs études ont montré que, devant des mesures trop élevées (par rapport aux recommandations scientifiques) des différents facteurs de risque cardiovasculaire, les médecins généralistes ne modifient pas systématiquement la prise en charge médicamenteuse de leurs patients. Selon l’étude de Nicodème et coll., cela est justifié par les médecins par des mesures de PA non-représentatives de la PA habituelle du patient (recherche de biais de mesure) ou par des chiffres tensionnels satisfaisants au vue de la situation clinique du patient 14. L’étude de Lebeau et coll. a également interrogé des MG français et a montré différentes typologies de médecins et d’explications à cette absence de changement de traitement. Les principales raisons étaient des espérances sur l’amélioration du suivi des règles hygiéno-diététiques, la difficulté d’acceptation des traitements par le patient, la nécessité de vérifier le diagnostic d’HTA à distance et le risque de surtraitement et d’hypotension orthostatique 15.

Limites

On ne peut exclure que les opinions et les pratiques des médecins généralistes ayant participé à l’enquête diffèrent de ceux qui n’y ont pas participé. Pour limiter ce biais, un redressement des données a été réalisé sur les critères d’âge et de sexe. De plus, il est possible que les médecins ayant accepté de participer soient les médecins les plus investis dans la prévention et la qualité des pratiques.

En outre, le recueil de l’information est subjectif et peut être biaisé par la connaissance des bonnes pratiques. Néanmoins, cette étude nous apporte quelques premiers éléments de compréhension des réserves des patients et des raisons de la mauvaise observance thérapeutique rapportés par les MG.

Conclusion

Dans cette étude sur la perception des médecins généralistes français vis-à-vis de la prévention, du dépistage et de la prise en charge de l’HTA en France en 2019, les médecins du panel ont majoritairement rapporté des difficultés liées au manque de temps, de formations médicales, d’éducation thérapeutique des patients et d’observance. Le développement de campagnes de sensibilisation du grand public sur l’HTA pourrait permettre d’améliorer sa prise en charge en France et de limiter le fardeau lié à cette pathologie.

Liens d’intérêt

C. Grave, A. Gautier, J. Gane, A. Gabet, V. Olié déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.
F. Lacoin déclare avoir des liens d’intérêt avec les laboratoires Astra Zeneca, Biofortis, BMS, Boehringer, Daichy Sankyo, Expanscience, Grunenthal, GSK, Quintiles, MSD, Novartis, Nycomed, Reckitt Benckiser, Roche, Sanofi et Schering, sans rapport avec le contenu de l’article.

Références

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Citer cet article

Grave G, Gautier A, Gane J, Gabet A, Lacoin F, Olié V. Prévention, dépistage et prise en charge de l’HTA en France, le point de vue des médecins généralistes, France, 2019. Bull Epidémiol Hebd. 2020;(5):115-23. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2020/5/2020_5_3.html