Hospitalisations pour valvulopathie en France : caractéristiques des patients et évolution 2006-2016
// Hospitalizations for valvular heart disease in France: Patients characteristics and trends 2006-2016
Résumé
Introduction –
Les valvulopathies sont des pathologies cardiaques fréquentes qui peuvent longtemps se traduire par très peu, voire une absence de symptômes, mais qui peuvent également engendrer de graves complications cardiovasculaires. L’objectif de cette étude était d’estimer l’incidence annuelle des patients hospitalisés pour valvulopathie en France et d’en décrire les évolutions entre 2006 et 2016.
Méthodes –
L’ensemble des patients hospitalisés pour valvulopathie en France entre 2006 et 2016 a été identifié à partir du Système national des données de santé (SNDS). Les caractéristiques sociodémographiques et médicales des patients ont été décrites pour l’année 2016. Les taux d’incidence annuelle standardisés et leurs évolutions entre 2006 et 2016 ont été étudiés. Toutes les analyses ont été réalisées sur l’ensemble des patients, puis stratifiées selon l’étiologie et le type de valvulopathies.
Résultats –
En 2016, 38 875 patients ont été hospitalisés pour une valvulopathie. Parmi eux, 89% ont été hospitalisés pour une valvulopathie non rhumatismale (VNR) (52,1/100 000 personnes-années (PA)) avec un âge moyen de 74 ans ; 5% pour une valvulopathie rhumatismale (VR) (3,1/100 000 PA) avec un âge moyen de 67 ans ; 3% pour une valvulopathie congénitale (1,1/100 000 PA) avec un âge moyen de 29 ans et 3% avec une origine non spécifiée. L’incidence annuelle des patients hospitalisés pour VNR a augmenté de 43% entre 2006 et 2016, en particulier chez les patients âgés. Elle a diminué de 42% pour les VR. Des disparités départementales ont été observées pour ces pathologies, avec une incidence d’hospitalisations pour VR élevée en Île-de-France, dans les DOM-TOM et dans le Sud-Est.
Conclusion –
L’amélioration de la prise en charge de l’angine à streptocoque A, l’augmentation de l’espérance de vie et l’élargissement des indications de prise en charge percutanée du rétrécissement aortique et de l’insuffisance mitrale ont modifié la répartition des types de valvulopathies hospitalisées depuis 2006.
Abstract
Introduction –
Valvular heart diseases are common cardiac diseases which may result in very few or no symptoms for a long time, but may also lead to serious cardiovascular complications. The aim of this study was to estimate the annual incidence of patients hospitalized for valvular heart disease in France and to describe the temporal trends between 2006 and 2016.
Methods –
All patients hospitalized for a valvular heart disease in France between 2006 and 2016 were identified from the National Health Data System (SNDS). The socio-demographic and medical characteristics of the patients were described for the year 2016. Standardized annual incidence rates and their temporal trends between 2006 and 2016 were studied. All analyses were performed on all patients and stratified according to etiology and type of valvular heart diseases.
Results –
In 2016, 38,875 patients were hospitalized for valvular heart disease. Of these, 89% were hospitalized for non-rheumatic valvular heart disease (52.1/100,000 person-years (PY)) with an average age of 74 years; 5% for rheumatic valvular heart disease (3.1/100,000 PA) with an average age of 67 years; 3% for congenital valvular heart disease (1.1/100,000 PA) with an average age of 29 years, and 3% for unspecified origin. The annual incidence of patients hospitalized for non-rheumatic valvular heart disease increased by 43% between 2006 and 2016, particularly in older patients. It decreased by 42% for rheumatic valvular heart disease. Departmental disparities were observed for these disorders, with a high incidence of hospitalizations for rheumatic valvular in Île-de-France, in the French overseas departments and territories and in the south-east.
Conclusion –
The improvement in the management of streptococcal A angina, the increase in life expectancy and the expansion of indications for percutaneous management of aortic stenosis and mitral regurgitation have changed the distribution of types of valvular heart diseases of patients hospitalized since 2006.
Introduction
Les valvulopathies regroupent les pathologies des différentes valves cardiaques : aortique, mitrale, tricuspide et pulmonaire. Les atteintes peuvent être de type rétrécissement ou insuffisance. Les principales étiologies des valvulopathies sont le rhumatisme articulaire aigu et la dégénérescence liée à l’âge. D’autres étiologies sont possibles telles que les valvulopathies congénitales, ischémiques, radiques, médicamenteuses, secondaires à une endocardite ou fonctionnelle sur une cardiopathie dilatée 1,2,3,4,5,6.
Les valvulopathies sont des pathologies qui peuvent rester longtemps asymptomatiques ou pauci-symptomatiques et leur diagnostic peut être tardif. Néanmoins, elles peuvent engendrer de graves complications cardiovasculaires, dont les plus fréquentes sont l’insuffisance cardiaque et la fibrillation atriale 7,8. Selon l’étude américaine de Nkomo et coll. 9, les patients présentant une valvulopathie ont un risque relatif de mortalité augmenté de plus de 35%. Cela souligne l’importance d’un diagnostic précoce et d’une prise en charge adaptée des patients atteints de valvulopathies. La prise en charge est médicale ou interventionnelle (plastie ou pose de prothèse valvulaire) selon la sévérité de la pathologie et sa tolérance clinique 10,11,12,13.
Les estimations de prévalence et d’incidence des valvulopathies sont difficiles à réaliser puisqu’elles nécessitent une échographie cardiaque systématique sur un échantillon représentatif de la population 14,15. Aux États-Unis, la prévalence des valvulopathies a été estimée en 2006 à 2,5% dans une population américaine ayant eu une échographie systématique et à 1,8% dans une cohorte en pratique courante. Cette différence de prévalence mesurée souligne l’existence, en pratique courante, d’un sous-diagnostic de ces pathologies lors de leur phase asymptomatique 9.
La prévalence des valvulopathies augmente avec l’âge, allant de 6 à 13% chez les patients de plus de 75 ans 1,9,16. Ainsi, avec le vieillissement de la population observé dans les pays développés, la prévalence des valvulopathies devrait augmenter dans les décennies à venir 17,18. En Europe, l’étude Euro Heart Survey a montré que la valvulopathie la plus fréquente était le rétrécissement aortique (plus de 40% des patients présentant une valvulopathie), suivie de l’insuffisance mitrale 1,6. En 2005, en Écosse, l’incidence des patients hospitalisés pour un rétrécissement aortique était de 36,5 pour 100 000 personnes-années (PA), en augmentation depuis 1997 19,20. Cependant, la répartition des types de valvulopathie dépendait des pays. Aux États-Unis, le type le plus fréquemment retrouvé était l’insuffisance mitrale, suivie du rétrécissement aortique 9.
En France, la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam) a estimé que 341 500 personnes ont été prises en charge pour une valvulopathie en 2016, ce qui a représenté 1 120 millions d’euros de dépenses pour l’Assurance maladie 21.
Dans un objectif de veille sanitaire, la surveillance épidémiologique régulière de ces pathologies est essentielle. Cependant, en France comme à l’étranger, peu de données récentes sont disponibles sur l’épidémiologie des valvulopathies. Ainsi, l’objectif de cette étude était d’estimer l’incidence annuelle des patients hospitalisés pour une valvulopathie en France et de décrire les évolutions entre 2006 et 2016.
Méthodes
Sources de données et population
Cette étude observationnelle a été réalisée à partir des bases médico-administratives françaises. Les données ont été extraites du Programme de médicalisation des systèmes d’information en médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie (PMSI-MCO) issu du Système national des données de santé (SNDS, anciennement dénommé Sniiram), des années 2006 à 2016 22,23.
L’ensemble des patients hospitalisés en France (hors Mayotte) pour valvulopathie, codée dans le diagnostic principal ou relié du séjour, a été sélectionné. Les codes de la 10e révision de la Classification internationale des maladies (CIM-10) sélectionnés pour identifier les séjours pour valvulopathie et les classer selon l’étiologie de la pathologie sont disponibles dans le tableau 1. La précision des codes a permis de classer les valvulopathies des patients en trois groupes étiologiques (non-rhumatismale, rhumatismale ou congénitale), mais ne permettaient pas de distinguer plus précisément les origines dégénératives ou secondaires. Le séjour retenu pour la mesure de l’incidence annuelle des patients hospitalisés pour valvulopathies, appelé séjour index, est le premier séjour hospitalier de l’année avec un diagnostic principal (DP) ou relié (DR) de valvulopathies. Les séjours en hôpital de jour, les transferts immédiats et les séances n’ont pas été inclus. Pour identifier les atteintes multivalvulaires, le codage d’une atteinte d’une autre valve a été recherché dans les diagnostics associés (DA) du séjour index. Les actes de chirurgie valvulaire ou de pose de prothèse par voie percutanée codés grâce à la Classification commune des actes médicaux (CCAM) ont été recherchés lors du séjour index et dans les séjours hospitaliers ayant eu lieu dans l’année qui suivait la sortie de l’hospitalisation index (1).
Les données de populations moyennes nationales pour les années 2006 à 2016 sont celles de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). La population européenne de 2010 a servi de référence pour le calcul des taux standardisés.
Analyses statistiques
Toutes les analyses ont été réalisées sur l’ensemble des patients hospitalisés pour valvulopathies et déclinées selon l’étiologie de la valvulopathie (rhumatismale, non rhumatismale ou congénitale) et selon le type de valvulopathie (rétrécissement aortique, insuffisance aortique, rétrécissement mitral, insuffisance mitrale, rétrécissement tricuspide, insuffisance tricuspide, valvulopathie pulmonaire).
Les caractéristiques sociodémographiques (âge des patients, sexe, désavantage social de la commune de résidence, score de Charlson) et médicales (nombre de séjours hospitaliers et nombre de jours passés à l’hôpital toutes causes et pour valvulopathie ; mortalité toutes causes lors du séjour index, à 30 jours et à 1 an) des patients hospitalisés pour valvulopathie ont été décrites pour l’année 2016. Le score de Charlson a été calculé selon la méthode de Quan et coll. 24. Ce score est construit à partir des comorbidités des patients retrouvées dans les diagnostics associés de leur hospitalisation index. Il permet de rendre compte de l’état de santé global du patient, en prenant en compte des maladies chroniques de ce dernier (diabète, démence, cancer, insuffisance cardiaque, atteinte hépatique…). Ce score est prédictif de la mortalité à un an du patient. Le niveau de désavantage social de la commune de résidence a été estimé à partir de l’indice FDep (French Deprivation index) 25. Cet indice écologique est construit à partir de quatre variables : le revenu médian par ménage, le pourcentage de bacheliers dans la population de plus de 15 ans, le pourcentage d’ouvriers dans la population active et le taux de chômage. Il a été calculé à l’échelle communale, pour la France métropolitaine, à partir des données de l’Institut national de la statistique des études économiques (Insee) de l’année 2013. Après pondération par le nombre d’habitants de la commune, il permet de définir des quintiles de population en fonction du niveau de désavantage social. Les codes CCAM des actes ont permis de décrire le taux de patients ayant eu une intervention sur la valve ayant motivée l’hospitalisation index, lors de ce séjour index ou dans l’année qui suivait sa sortie.
Les taux d’incidence annuelle des patients hospitalisés pour valvulopathie, bruts et standardisés sur l’âge des patients, ont été calculés pour l’ensemble de la population, ainsi que par sexe. Ils sont exprimés pour 100 000 PA. Les évolutions annuelles moyennes de l’incidence des patients hospitalisés (2006-2016) ont été réalisées par une régression de Poisson, conduite par catégorie d’âge et par sexe, avec le log des populations en variable offset.
Pour l’étude des disparités territoriales, les données de 2014 à 2016 ont été regroupées pour obtenir un effectif suffisant, afin de permettre l’estimation des taux d’incidence standardisés au niveau départemental. Les pourcentages d’écart entre les taux d’incidence standardisés départementaux et le taux d’incidence standardisé moyen national ont été calculés et représentés sur des cartes.
Les analyses ont été réalisées avec le logiciel SAS® Enterprise guide 4.3.
Résultats
Caractéristiques des patients hospitalisés en 2016
En 2016, 38 875 patients ont été hospitalisés pour la prise en charge d’une valvulopathie en France : 89,0% d’entre eux ont été hospitalisés pour une valvulopathie non-rhumatismale (VNR) ; 5,2% pour une valvulopathie rhumatismale (VR), 2,6% pour une valvulopathie congénitale (VC) et 3,2% pour une valvulopathie d’origine non précisée.
L’âge moyen des patients hospitalisés pour VNR était de 74 ans ; il était de 67 ans pour les VR et de 22 ans pour les VC. La proportion de femmes était de 42% parmi les patients hospitalisés pour VNR contre 63% pour les VR. Un gradient socioéconomique dans la répartition des patients hospitalisés pour VNR était observé : 22% des patients hospitalisés pour VNR se trouvaient dans le quintile de population le plus défavorisé contre 17% dans le quintile le plus favorisé (tableau 2).
Les caractéristiques médicales des patients hospitalisés pour VNR ou VR étaient proches, alors que celles des patients hospitalisés pour VC différaient. Le score de Charlson était de 0,9 pour les patients hospitalisés pour VNR, 1,0 pour les VR et plus faible (0,4) pour les VC. Les patients hospitalisés pour VNR et VR avaient, respectivement, en médiane 14 et 16 jours d’hospitalisation dans l’année (soit, en moyenne, 2,4 séjours hospitaliers) contre 9 jours d’hospitalisations pour les VC (1,9 séjour hospitalier) (tableau 2).
Évolution des taux d’incidence annuelle standardisés des patients hospitalisés pour valvulopathies
En 2006, le taux d’incidence annuelle standardisé des patients hospitalisés pour VNR était de 36,3/100 000 PA. Ce taux a augmenté de 43% en 10 ans et était de 52,1/100 000 PA en 2016. L’augmentation était la plus importante chez les patients de plus de 75 ans. À l’inverse, le taux d’incidence annuelle standardisé des patients hospitalisés pour VR a diminué de 42% entre 2006 (5,4/100 000 PA), et 2016 (3,1/100 000 PA). Le taux d’incidence annuelle standardisé des patients hospitalisés pour VC était de 1,1/100 000 PA en 2016, stable depuis 2006 (figure 1).
Disparités départementales
Des disparités départementales des taux d’incidence annuelle standardisés des patients hospitalisés VR et VNR ont été mises en évidence dans cette étude. Les taux d’incidence annuelle des patients hospitalisés pour VR étaient les plus élevés en Île-de-France, dans les DOM-TOM et dans le Sud-Est. Concernant les VNR, on observait des taux d’incidence annuelle plus élevés à l’Ouest qu’à l’Est de la France et trois zones où les taux d’incidence annuelle étaient particulièrement élevés (dans les départements proches de Rouen, de Toulouse et de Clermont-Ferrand) (figure 2).
non-rhumatismale ou rhumatismale, en France, 2014-2016
Caractéristiques des patients hospitalisés et évolution des taux d’incidence annuelle standardisés selon le type de valvulopathie
En 2016, les atteintes les plus fréquentes en hospitalisation étaient les atteintes des valves aortiques et mitrales, avec notamment le rétrécissement aortique non-rhumatismal (RAnr) qui était le motif d’hospitalisation de 25 149 patients (taux d’incidence annuelle standardisé=37,4/100 000 PA), et l’insuffisance mitrale non-rhumatismale (IMnr) qui concernait 5 864 patients (taux d’incidence annuelle standardisé=9,1/100 000 PA). L’insuffisance aortique non-rhumatismale (IAnr) concernait 4 298 patients et le rétrécissement mitral non-rhumatismal (RMnr) était plus rare (504 patients). La moyenne d’âge la plus élevée était celle des patients hospitalisés pour RAnr (77 ans) (tableau 3).
Sur l’ensemble des patients hospitalisés en 2016, 11% des patients hospitalisés pour RAnr présentaient une atteinte d’une autre valve cardiaque (atteinte associée la plus fréquente : IM), 20% des patients hospitalisés pour IAnr, 24% des patients hospitalisés pour RMnr et 18% des patients hospitalisés pour IMnr. Les taux de mortalité toutes causes à un an de l’hospitalisation index étaient de 11% pour les RAnr, 10% pour les RMnr, 9% pour les IAnr et 8,5% pour les IMnr. Les durées d’hospitalisation dans l’année qui suivait l’hospitalisation index étaient de 14 ou 15 jours pour ces quatre valvulopathies. Enfin, la proportion de patients ayant bénéficié d’une intervention sur la valve aortique (chirurgie ou remplacement valvulaire par voie percutanée) lors du séjour index ou dans l’année qui suivait la sortie était de 79% pour les patients hospitalisés pour RAnr et de 63% pour les IAnr. Concernant les interventions sur la valve mitrale, ce taux était de 71% pour les patients hospitalisés pour IMnr et de 53% pour les RMnr (tableau 3).
Concernant les évolutions temporelles, le taux de patients hospitalisés pour valvulopathie a augmenté de 67% entre 2006 et 2016 pour les RAnr, de 14% pour les IMnr, de 10% pour les IAnr, et de 47% pour les RMnr (figure 3).
Discussion
Principaux résultats
En 2016, 38 875 patients ont été hospitalisés en France pour la prise en charge d’une valvulopathie, dont 89% sont d’origine non rhumatismale. Nos estimations ont permis d’évaluer le poids des valvulopathies prises en charge, de réaliser un premier état des lieux et de suivre les évolutions temporelles.
Origine de la valvulopathie
Les taux standardisés d’incidence annuelle des patients hospitalisés pour VNR étaient de 52,1/100 000 PA en 2016, en augmentation depuis 2006, et de 5,4/100 000 PA pour les VR, en diminution depuis 2006.
L’augmentation de l’incidence annuelle des patients hospitalisés pour VNR pourrait être, en partie, expliquée par le vieillissement de la population française et par l’augmentation des valvulopathies d’origine dégénérative 16,17. Une étude anglaise a réalisé des projections et estimé que la prévalence des valvulopathies doublerait entre 2015 et 2046 15. De plus, l’augmentation de 43% de l’incidence annuelle des patients hospitalisés pour VNR, observée dans notre étude, pourrait également être expliquée par une plus grande prise en charge des patients atteints de VNR 4,16. En effet, cette augmentation serait principalement due à l’augmentation de l’incidence des patients hospitalisés pour rétrécissement aortique. L’implantation d’une valve aortique par voie percutanée (TAVI) s’est fortement développée en France depuis 2010. Cette technique, moins invasive et plus simple, permet de prendre en charge des patients ayant des contre-indications aux traitements chirurgicaux 13,16. Ainsi, de plus en plus de patients sont hospitalisés pour un remplacement valvulaire aortique. Cela pourrait être à l’origine d’une augmentation de l’incidence des patients hospitalisés pour RA, indépendamment de l’augmentation de l’incidence des RA, si ces patients étaient auparavant traités et suivis en médecine ambulatoire. Cette tendance à l’augmentation des hospitalisations pour RA devrait se poursuivre dans les années à venir, puisque les recommandations de 2017 ont élargi les indications de la TAVI aux patients atteints de RA symptomatique à risque chirurgical intermédiaire 26,27. Plusieurs études récentes ont montré un bénéfice de l’utilisation de cette technique (durée d’hospitalisation réduite, sans augmentation significative de la mortalité ajustée à un an) chez ces patients ayant un risque chirurgical intermédiaire 28,29, voire faible 30. Par ailleurs, une nouvelle technique de prise en charge percutanée de l’IM se développe ces dernières années (MitraclipTM). Cela pourrait se traduire par une augmentation des taux d’incidence des patients hospitalisés pour IM dans les années à venir.
La diminution de l’incidence annuelle des patients hospitalisés pour VR est en accord avec la littérature scientifique et la physiopathologie de la maladie. En effet, dans les pays occidentaux, la meilleure prise en charge des angines à streptocoques A et la diminution du rhumatisme articulaire aigu (RAA) ont permis une diminution de l’incidence des VR 18,20,31.
Disparités territoriales
Dans notre étude, nous avons souligné les disparités territoriales des taux d’incidence des VNR et VR. Une incidence annuelle très élevée des patients hospitalisés pour VNR a été observée dans les départements avoisinants Rouen, Toulouse, et Clermont-Ferrand. Cela pourrait en partie s’expliquer par une prise en charge hospitalière importante des RA dans les CHU de ces trois villes, et notamment à Rouen où ont été effectués les premières TAVI.
Concernant les VR, les taux d’incidence annuelle élevés des patients hospitalisés pour VR en Île-de-France, dans le Sud-Est et dans les DOM-TOM pourraient être en lien avec l’épidémiologie du RAA et avec les mouvements de population. L’incidence du RAA est faible de nos jours dans les pays occidentaux, mais reste élevé dans les pays en développement 4,18. Or, selon les données de l’Insee, la part des immigrés dans la population totale est la plus importante en Île-de-France, dans le Sud-Est et en Guyane 32. Cela peut en partie expliquer les disparités départementales des VR. La part des immigrés dans la population de Martinique, Guadeloupe et La Réunion est faible et suggère une incidence et une prise en charge différentes des angines à streptocoques A dans ces départements. Néanmoins, les cardiopathies rhumatismales pouvant apparaître plusieurs années après l’infection à streptocoques ainsi que le caractère chronique de la pathologie peuvent également expliquer des disparités anciennes.
Caractéristiques sociodémographiques des patients hospitalisés pour valvulopathies
Nous avons retrouvé plus d’hommes que de femmes hospitalisées pour VNR. Cela était concordant avec les résultats de l’étude de Iung et coll. dénombrant 47% de femmes parmi les patients hospitalisés pour valvulopathies 6. Cependant, ce sex-ratio est à interpréter avec précaution. En effet, l’étude américaine de Nkomo et coll. laissait suggérer un moins bon dépistage des pathologies valvulaires chez les femmes que chez les hommes 9. Dans cette étude, la prévalence des valvulopathies était plus importante chez les hommes que chez les femmes lorsque les échographies étaient réalisées en pratique courante, alors qu’elles étaient les mêmes dans les deux sexes lors d’échographies systématiques 9. Une autre hypothèse à ces différences d’incidence entre les hommes et les femmes pourrait être une incidence différente des étiologies des valvulopathies. Plus particulièrement, l’IMnr peut être secondaire à une cardiopathie ischémique, pathologie dont l’incidence est plus importante chez les hommes que chez les femmes 33. Cependant, l’augmentation de l’incidence des patientes jeunes hospitalisées pour infarctus du myocarde ces dernières années pourrait entraîner une modification de l’épidémiologie des IMnr 34.
Dans notre étude, comme dans la littérature scientifique 5,35, nous avons retrouvé plus de femmes que d’hommes parmi les patients hospitalisés pour VR. Marijon et coll. 33 suggère que cette prédominance féminine du RAA pourrait être liée à des facteurs immunologiques prédisposant aux maladies auto-immunes, à des facteurs sociaux (exposition répétée aux streptocoques du groupe A due à la proximité des enfants) et à l’accès aux soins.
Nous avons retrouvé un gradient socioéconomique dans la répartition des VNR. Cela pourrait s’expliquer par une prévalence des facteurs de risque cardiovasculaire plus importante chez les patients ayant un faible niveau socioéconomique, mais aussi par une prise en charge différente, avec moins de prise en charge ambulatoire et plus d’hospitalisation dans cette population. Cependant, cette hypothèse est difficile à quantifier et reste à confirmer.
Limite : codage CIM-10
Dans notre étude, l’identification des patients a été réalisée à partir des diagnostics des séjours hospitaliers enregistrés dans le SNDS 22,23. Cela assurait une exhaustivité du nombre de patients hospitalisés pour valvulopathies en France et d’en observer les évolutions.
Cette méthode, centrée sur les valvulopathies prises en charge à l’hôpital, ne permet pas d’extrapoler nos résultats à l’incidence des valvulopathies. Cette dernière est un élément contribuant à l’incidence des patients hospitalisés pour valvulopathies. Cependant, d’autres éléments tels que la proportion de patients diagnostiqués et pris en charge à l’hôpital influent sur notre indicateur.
La qualité du codage CIM-10 des valvulopathies dans le PMSI-MCO, notamment du type de valvulopathie et de son origine, ainsi que celle du codage des actes CCAM n’ont pas été évalués. Néanmoins, les évolutions observées selon l’origine de la valvulopathie sont en accord avec la littérature scientifique 15,16,18,20,31. De plus, ces codes ne permettaient pas de connaître la sévérité de la pathologie, ni de différencier les valvulopathies dégénératives des valvulopathies d’autres origines (ischémiques, radiques, médicamenteuses…).
Enfin, on pourrait également s’interroger sur la qualité de l’information dans les cas d’atteintes multivalvulaires et sur la hiérarchisation du codage diagnostic entre le DP et le DA en présence de l’atteinte de plusieurs valves et leurs prises en charge au cours d’un même séjour hospitalier.
Conclusion
L’épidémiologie des valvulopathies s’est modifiée ces dernières années. Ainsi, on observe une diminution du taux de patients hospitalisés pour VR, liée à une diminution de l’incidence du rhumatisme articulaire aigu France, ainsi qu’une augmentation du taux de patients hospitalisés pour VNR. Les VR représentent aujourd’hui une faible part de l’ensemble des valvulopathies prises en charge à l’hôpital, bien que cela reste important sur certains territoires français. Une partie des disparités départementales pourraient être expliquées par les flux de population ou une moindre prise en charge des angines à streptocoques du groupe A.
Enfin, malgré cette diminution des VR, le poids global des maladies valvulaires prises en charge en hospitalisation, et notamment des VNR, a augmenté en France ces dernières années, particulièrement pour le rétrécissement aortique. Au vu du vieillissement de la population française attendu dans les prochaines années et du développement de nouvelles techniques percutanées, ces tendances devraient se poursuivre 16,27.
Liens d’intérêt
C. Grave, P. Tuppin, A. Weill, A. Gabet et V. Olié déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt au regard du contenu de l’article. Y. Juillière déclare avoir des liens d’intérêt, en dehors du cadre de cette étude, avec les laboratoires Abbott Vascular, Air Liquide Sante International, Amgen, Bayer, Boston Scientific, Bristol-Myers Squibb, GSK, SD/Schering-Plough, Novartis, The Medicines Company, Roche Diagnostics, Sanofi-Aventis, Servier et St. Jude Medica. C. Tribouilloy déclare avoir des liens d’intérêt, en dehors du cadre de cette étude, avec les laboratoires Actelion, Astra Zenaca, Bayer, Bristol-Myers Squibb, Edwards, Novartis, LIVA NOVA et MSD.
Références
1231-43.
The OxVALVE Population Cohort Study. Eur Heart J. 2016;37(47):3515-22.
7-8/2016_7-8_1.html
Citer cet article
en France : caractéristiques des patients et évolution 2006-2016. Bull Epidémiol Hebd. 2019;(4):70-9. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2020/4/2020_4_1.html
aux plasties valvulaires par thoracotomie étaient les suivants : DBMA004, DBMA002, DBMA003, DBMA007, DBMA008, DBMA011, DBMA012 ; ceux de remplacement valvulaire par thoracotomie étaient : DBKA001, DBKA002, DBKA003, DBKA004, DBKA005, DBKA006, DBKA007, DBKA008, DBKA009, DBKA010, DBKA011, DBKA012, DBLA004, DBMA001, DBMA005, DBMA006, DBMA009, DBMA010, DBMA013, DBMA015 ; ceux de remplacement valvulaire percutanée étaient : DBLF001, DBLF009.