Infarctus du myocarde chez la femme : évolutions des taux d’hospitalisation et de mortalité, France, 2002-2013
// Myocardial infarction in women: trends of hospitalization and mortality rates, France, 2002-2013
Résumé
Introduction –
L’infarctus du myocarde (IDM) constitue une cause très importante de morbidité et de mortalité en France. L’objectif de ce travail était d’examiner les tendances récentes des taux de patients hospitalisés pour IDM et de la mortalité par IDM, avec une analyse spécifique chez les femmes.
Méthode –
Les évènements d’infarctus du myocarde ont été sélectionnés à partir des bases nationales des hospitalisations du PMSI-MCO (2002-2013) et des causes médicales de décès du CépiDc (2002-2012). Les taux bruts de patients hospitalisés et de mortalité par sexe et par classe d’âge ont été calculés puis standardisés sur l’âge. Les évolutions sur la période d’étude ont été analysées par un modèle de Poisson.
Résultats –
Une augmentation du taux de femmes de moins de 65 ans hospitalisées pour IDM a été observée entre 2008 et 2013, particulièrement chez les 45-54 ans (+4,8% par an). Cette évolution était moins marquée chez les hommes. Parmi les 65 ans et plus, les diminutions des taux pour les deux sexes étaient faibles entre 2008 et 2013 (-11,1% pour les femmes et -1,7% pour les hommes). La mortalité par IDM a fortement diminué chez les hommes comme chez les femmes dans toutes les classes d’âge entre 2002 et 2012 (de plus de 30%).
Conclusion –
Des évolutions préoccupantes de l’incidence annuelle de l’IDM en France sont rapportées chez les femmes de moins de 65 ans. Elles pourraient être reliées aux évolutions de certains facteurs de risque, en particulier le tabagisme, pour lesquels des mesures préventives supplémentaires pourraient être développées.
Abstract
Introduction –
Myocardial infarction (MI) remains a main cause of morbidity and mortality in France. The study aimed at analyzing recent trends in MI patient’s rates and in MI mortality rates, with a focus on women specific trends.
Methods –
French national hospital discharge databases (PMSI-MCO – 2002-2013) and mortality databases (CépiDc – 2002-2012) were used. Crude rates of patients hospitalized for MI and mortality rates for MI were calculated according to sex and age group, and were then age-standardized. Trends were analyzed using a Poisson regression model over the study period.
Results –
An increase in women hospitalized for MI was registered in women under 65 years of age between 2008 and 2013, particularly among those aged 45-54 years (+4.8% per year). That trend was less pronounced in men. Among patients aged 65 years or more, the rates decrease was lower for both sexes between 2008 and 2013 (-11.1% in women and -1.7% in men). MI mortality decreased dramatically in both sexes and similarly in all age groups between 2002 and 2012 (over 30%).
Conclusion –
Worrying trends in MI annual incidence were reported in French women under 65 years old. They could be related to unfavorable trends in some cardiovascular risk factors, especially smoking, needing supplementary preventive measures.
Introduction
Bien que le pronostic des évènements coronaires se soit fortement amélioré grâce aux progrès thérapeutiques, le Global Burden of Disease 2013 identifie les cardiopathies ischémiques (CPI), dont l’infarctus du myocarde (IDM), comme la première cause d’années de vie perdues en France 1. Cause importante de morbidité, de recours aux soins et de mortalité, ces pathologies ont aussi un retentissement important sur la qualité de vie des patients, comme récemment observé dans l’enquête Handicap-Santé 2.
En France, en 2012, les CPI étaient la deuxième cause de mortalité cardiovasculaire chez les femmes, derrière les maladies cérébro-vasculaires, l’ensemble des maladies cardiovasculaires demeurant la première cause de mortalité toutes causes chez les femmes, devant le cancer. Cependant, l’incidence des CPI chez les femmes, notamment avant la ménopause, reste inférieure à celle observée chez les hommes. Longtemps attribuée à un rôle protecteur des œstrogènes vis-à-vis de l’athérosclérose et de ses complications, cette différence d’incidence entre sexe tendrait aujourd’hui à se réduire. En effet, les données françaises pour la période 2002-2008 mettaient en évidence une augmentation des taux d’hospitalisation pour IDM chez les femmes âgées de moins de 65 ans, et notamment chez celles de 35 à 54 ans 3. Ces résultats sont cohérents avec les données des registres français des CPI, qui montrent une tendance à l’augmentation du taux d’incidence des IDM parmi les femmes âgées de 35 à 54 ans 4. Ces évolutions ont été rapprochées de l’augmentation de la prévalence du tabagisme, de l’obésité et du diabète chez les femmes jeunes. Ces résultats sont d’autant plus préoccupants que la létalité hospitalière était, en 2008, deux fois plus importante pour les femmes que pour les hommes 3 ; cette différence peut s’expliquer, en partie, par un âge plus avancé et probablement la présence de plus nombreuses comorbidités chez les femmes que chez les hommes. Néanmoins, des différences dans la prise en charge ne peuvent être exclues 5,6. Chez les femmes plus âgées ainsi que chez les hommes à tous les âges, les évolutions sur la période 2002-2008 restaient favorables 3. Ces évolutions témoigneraient en partie de l’amélioration de la prévention primaire et secondaire de l’IDM en France.
Depuis le début des années 2000, la surveillance épidémiologique de l’IDM en tant que tel se heurte aux modifications de sa définition conjointement à l’évolution des techniques diagnostiques, pouvant engendrer une augmentation artificielle du nombre de cas d’IDM. Ceci oblige désormais à distinguer les sous-groupes d’IDM, notamment les IDM transmuraux dont l’épidémiologie est moins susceptible d’être impactée, pour une surveillance plus fine de l’IDM.
Dans ce contexte, l’objectif de cette étude était de mettre à jour les données disponibles sur les évolutions récentes des hospitalisations et de la mortalité par IDM en France, afin notamment de confirmer ou non les tendances préoccupantes observées entre 2002 et 2008 chez la femme jeune. Une analyse spécifique a été conduite pour les IDM transmuraux.
Méthodes
Données d’hospitalisation
Les données d’hospitalisation ont été extraites des bases nationales du Programme de médicalisation des systèmes d’information en médecine, chirurgie et obstétrique (PMSI-MCO) pour les années 2002 à 2013. Nous avons sélectionné pour chaque année les résumés de sortie anonymes (RSA) comportant un diagnostic principal (DP) d’IDM et domiciliés en France métropolitaine ou dans les DOM (hors Mayotte). L’IDM a été défini selon les codes de la Classification internationale des maladies, 10e révision (CIM-10) suivants : I21 (infarctus du myocarde), I122 (infarctus du myocarde à répétition) et I23 (complications récentes d’un infarctus aigu du myocarde). Des analyses supplémentaires par type d’IDM ont également été effectuées. Les IDM transmuraux ont été identifiés par les codes I21.0, I21.1, I21.2 et I21.3 renseignés en DP.
Les séjours sans nuitée dont l’issue était un retour à domicile ont été exclus, considérés comme des hospitalisations de jour. Les séjours de moins de deux jours se terminant par un transfert ont également été exclus afin d’éviter les doublons. En effet, l’établissement dans lequel le patient est transféré produit un nouveau résumé de sortie anonyme (RSA). Enfin, l’objectif de ce travail étant d’estimer une incidence annuelle de patients et non de séjours, seul le premier séjour pour IDM de l’année de chaque patient a été conservé.
Données de mortalité
Les données de mortalité ont été extraites des bases nationales du Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc-Inserm) pour les années 2002 à 2012. Les certificats de décès mentionnant un IDM en cause initiale et domiciliés en France métropolitaine ou dans les DOM (hors Mayotte) ont été sélectionnés. Les codes de la CIM-10 utilisés pour définir l’IDM étaient I21 et I22 (le code I23 ne pouvant pas être renseigné en cause initiale dans les certificats de décès).
Données de population
Les populations annuelles moyennes entre 2002 et 2013 ont été obtenues auprès de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), en prenant l’âge en nombre d’années révolues. L’estimation des populations annuelles moyennes par âge et par sexe entre 2002 et 2005 était basée sur les projections des données du recensement de 1999. À partir de 2006, un nouveau mode de recensement a été mis en place, permettant d’obtenir des estimations annuelles de la population française.
Analyses statistiques
Pour chaque année considérée, le taux brut de patients hospitalisés pour IDM et le taux brut de mortalité par IDM ont été calculés, de même que les taux spécifiques par sexe et par classe d’âge. Nous avons également calculé les taux standardisés sur l’âge, en utilisant la population française de 2010 comme population de référence. La létalité hospitalière a été définie comme le rapport entre le nombre de patients hospitalisés pour IDM décédés à l’hôpital et le nombre total de patients hospitalisés pour IDM. La durée moyenne de séjour, l’âge moyen des patients et l’âge moyen au décès ont également été calculés.
Les comparaisons entre sexes ont été réalisées par des tests t pour les variables quantitatives (âge, durée de séjour) et par le test du Chi2 pour les variables qualitatives. Les évolutions annuelles moyennes des taux bruts par classe d’âge décennale ont été calculées pour chaque sexe par des régressions de Poisson, avec le logarithme des populations annuelles moyennes en variable offset. Les analyses ont été réalisées pour l’ensemble des hospitalisations pour IDM, puis séparément pour les IDM transmuraux et les IDM non transmuraux. Un test d’interaction entre le sexe et le temps permettait de comparer les évolutions annuelles entre les sexes. Les évolutions de l’âge moyen des patients et de la durée moyenne de séjour sur la période d’étude ont été analysées par des régressions linéaires.
Toutes les analyses ont été réalisées à l’aide du logiciel SAS Entreprise Guide®, version 4.3.
Résultats
Patients hospitalisés en 2013
En 2013, 61 611 patients, dont 19 452 femmes (31,6%) et 42 159 hommes (68,4%), ont été hospitalisés au moins une fois en court séjour pour un IDM (tableau 1). L’âge moyen des patients était plus élevé chez les femmes (74,6 ans) que chez les hommes (64,6 ans). La proportion de patients de moins de 65 ans s’élevait à 24,4% pour les femmes (n=4 756) et à 51,1% pour les hommes (n=21 552). Chez les femmes, la durée moyenne de séjour était de 7,4 jours (6,4 chez les hommes) et la létalité hospitalière de 10,8% (5,6% chez les hommes). À structure d’âge identique, le taux de patients hospitalisés pour un IDM était 3 fois plus bas chez les femmes que chez les hommes.
Évolutions
Sur la période 2008-2013, le taux standardisé de patients hospitalisés pour IDM a globalement diminué pour les femmes (-3,9%) et augmenté pour les hommes (+3,5%), mais avec des évolutions contrastées selon l’âge. Avant 65 ans, ce taux a augmenté de +19,0% chez les femmes et de +9,9 % chez les hommes depuis 2008 (figure 1). Après 65 ans, le taux a continué de décroitre sur la période 2008-2013, avec toutefois un net ralentissement par rapport à la période 2002-2008 (respectivement -11,1% au lieu de -23,8% chez les femmes, et -1,7% au lieu de -23,0% chez les hommes).
L’analyse par classe d’âge des tendances annuelles entre 2008 et 2013 a mis en évidence, chez les femmes, une augmentation significative du taux de patientes hospitalisées pour IDM entre 35 et 64 ans, avec un maximum entre 45 et 54 ans (+4,8% par an en moyenne) (figure 2a). Au-delà de 65 ans, la diminution était significative, de façon globalement homogène, quelle que soit la classe d’âge. Chez les hommes, les évolutions étaient moins marquées, avec une augmentation significative entre 45 et 64 ans (de l’ordre de 2% par an en moyenne) et une diminution significative au-delà de 85 ans (-1,3% en moyenne).
La même analyse restreinte aux seuls patients hospitalisés pour un IDM transmural a mis en évidence des tendances similaires, avec une augmentation du taux chez les personnes de moins de 65 ans, notamment chez les femmes, et une diminution au-delà de 65 ans (figure 2b). À l’inverse, une diminution plus marquée des taux d’IDM non transmuraux était observée entre 2008 et 2013, aussi bien chez les hommes que chez les femmes et quel que soit l’âge (figure 2c).
Par ailleurs, depuis 2008, l’âge moyen des patients a diminué de 1 an chez les femmes alors qu’il est resté stable chez les hommes. La durée moyenne de séjour a diminué de façon significative, indépendamment du sexe, quel que soit l’âge (-5%).
Mortalité
En 2012, 16 001 personnes, dont 6 699 femmes (41,9%) et 9 302 hommes (58,1%), sont décédées d’un IDM en France (tableau 2). L’âge moyen au décès était plus élevé pour les femmes (83,2 ans) que pour les hommes (73,4 ans). La proportion de décès avant 65 ans s’élevait à 8,2 % pour les femmes (n=553) et à 27,9% pour les hommes (n=2 597). À structure d’âge égale, le taux de mortalité par IDM était globalement 2,3 fois plus faible chez les femmes que chez les hommes, et 5 fois plus faible avant 65 ans.
Évolutions
Entre 2002 et 2012, le taux standardisé de mortalité a globalement diminué de moitié, chez les femmes comme chez les hommes. Si la diminution était comparable parmi les 65 ans et plus (de plus de 50%), elle était moins marquée avant 65 ans, avec respectivement -31,0% chez les femmes et -44,6% chez les hommes (figure 3).
Discussion
Cette étude actualise les données sur les évolutions récentes du taux de patients hospitalisés pour IDM et du taux de mortalité par IDM en France. L’augmentation du taux de patientes de moins de 65 ans hospitalisées pour IDM, mise en évidence entre 2002 et 2008, s’est non seulement poursuivie entre 2008 et 2013, mais encore accentuée, particulièrement chez les 45-54 ans. Chez les hommes, une augmentation des taux, moins marquée que chez les femmes, a été observée depuis 2008. Parmi les 65 ans et plus, les évolutions demeuraient, à l’inverse, plus favorables chez les femmes que chez les hommes. Enfin, le taux de mortalité par IDM a fortement diminué en France entre 2002 et 2012, aussi bien chez les hommes que chez les femmes et ce quel que soit l’âge.
Peu d’études portant sur des données d’hospitalisations pour IDM postérieures à 2008 ont été publiées en France et à l’étranger. Aux États-Unis comme dans d’autres pays européens, l’incidence des IDM hospitalisés chez les moins de 65 ans diminuait ou était stable, avec des tendances identiques chez les femmes et chez les hommes 7,8,9,10. Avant 65 ans, la France pourrait présenter une dynamique particulière, légèrement différente des autres pays industrialisés, bien que le taux d’IDM parmi les 35-64 ans y soit l’un des plus bas avec l’Espagne d’après une étude réalisée auprès de six registres européens en population générale 8. Les registres français FAST-MI et USIC ont enregistré une augmentation de la proportion de patients jeunes hospitalisés pour IDM entre 1995 et 2010, notamment chez les femmes de moins de 60 ans, ce qui rejoint nos conclusions 6,11. Il est également à noter que des évolutions similaires ont été enregistrées pour les accidents vasculaires cérébraux (AVC) chez les jeunes, à partir des données du registre des AVC de Dijon 12. Concernant les personnes âgées de 65 ans ou plus, nos résultats sont cohérents avec les dernières tendances observées dans les pays développés 7,8,10.
L’augmentation des taux enregistrée chez les femmes jeunes pourrait être interprétée au regard des évolutions récentes de plusieurs facteurs de risque de l’IDM. D’après les données du Baromètre santé 2014, la prévalence du tabagisme régulier a augmenté de façon importante chez les femmes âgées de 45 à 74 ans entre 2005 et 2014, doublant parmi les 55-64 ans 13 (voir aussi l’article de JB Richard et coll. dans ce même numéro). Or, le tabagisme est l’une des composantes dominantes dans la survenue de l’IDM chez le sujet jeune : des prévalences de près de 70% et 80% ont été estimées respectivement chez les femmes et les hommes de moins de 50 ans ayant fait un IDM en 1998 d’après les registres français MONICA 14. De plus, parmi ces personnes, si un seul facteur de risque était identifié, il s’agissait du tabagisme dans 80% des cas. La prévalence de l’obésité et du diabète a aussi augmenté dans toutes les classes d’âge, aussi bien chez les femmes que chez les hommes 15,16. Les données du registre FAST-MI pour la période 2005-2010 soulignent aussi l’augmentation de la prévalence du tabagisme et de l’obésité parmi les femmes hospitalisées pour IDM avec élévation du segment ST (STEMI) avant l’âge de 60 ans 6. Les prévalences du tabac et de l’obésité s’élevaient à 73,1% et 27,1% respectivement pour ces femmes. Le diabète et l’hypertension artérielle seraient davantage associés au risque d’IDM chez les femmes que chez les hommes, notamment chez les moins de 60 ans 17,18. Toutefois, les variations de risque avec le sexe ne sont pas retrouvées pour tous les facteurs de risque de l’IDM et les résultats des études sont contradictoires pour le tabac. Certaines études ont mis en évidence que, parmi les fumeurs, le risque de développer une CPI était de 25% plus élevé chez les femmes que chez les hommes 19. À l’inverse, l’étude INTERHEART a montré que le tabagisme, la dyslipidémie et l’obésité étaient associés au risque d’IDM de façon similaire entre les deux sexes 17.
Les évolutions observées ici pourraient également être liées aux changements de définition de l’IDM. La définition universelle de 2007 donnée par l’ensemble des sociétés savantes internationales introduit officiellement le dosage systématique des troponines pour le diagnostic de l’IDM 20. En parallèle, l’amélioration des techniques de dosage des troponines permet de détecter des niveaux de nécroses myocardiques très faibles. Ceci pourrait engendrer une augmentation importante du nombre d’IDM sans élévation du segment ST (NSTEMI) diagnostiqués au détriment du nombre de cas d’angor instable 21,22. Par ailleurs, la fréquence des NSTEMI est plus élevée chez les femmes que chez les hommes 11,23. Bien que la CIM-10 ne distingue pas les IDM avec ou sans élévation du segment ST, elle permet de coder les IDM transmuraux qui englobent la majorité des STEMI et dont l’épidémiologie serait moins sensible aux évolutions de l’utilisation des troponines comme outil diagnostique. Les tendances des taux de patients hospitalisés pour un IDM transmural étaient semblables à celles de l’ensemble des IDM. Par ailleurs, nous avons observé un déclin important des taux d’angor instable (I20.0), notamment entre 2008 et 2013, et en particulier parmi les femmes de moins de 65 ans (résultats non présentés). Ces observations complémentaires pourraient expliquer en partie les évolutions plus défavorables chez les femmes jeunes dans notre étude, notamment pour les infarctus classés autres que transmuraux.
Enfin, on ne peut exclure une amélioration de la prise en charge d’urgence contribuant, pour les femmes jeunes, à réduire la mortalité pré-hospitalière et à accroître le nombre de femmes hospitalisées pour IDM. En effet, les femmes jeunes présentent des particularités symptomatologiques dans le cas de l’IDM, telles que l’absence de douleurs thoraciques, ce qui peut engendrer un délai plus important d’appel au centre 15 par rapport aux hommes. Une meilleure connaissance des symptômes de l’IDM chez les femmes, par les cliniciens et par les femmes elles-mêmes, notamment grâce aux campagnes d’information réalisées au cours des dernières années, ont probablement permis un recours plus rapide aux services d’urgence 5,11,23,24,25,26,27.
Concernant la mortalité, les évolutions étaient semblables aux résultats publiés à l’international 28,29,30. La diminution de la mortalité par IDM est documentée depuis plusieurs années déjà. Elle est liée à une amélioration de la prévention primaire et de la prise en charge médicale et thérapeutique 31,32.
Limites
Plusieurs limites de notre étude sont inhérentes à l’exploitation des bases de données médico-administratives (BDMA). Aucune étude récente de validation des bases du PMSI-MCO et du CépiDc au regard de l’IDM n’est disponible. L’appariement entre les données des registres des CPI et celles du PMSI-MCO pour les personnes âgées de 35 à 74 ans en 2003 avait mis en évidence une valeur prédictive positive et une sensibilité correctes du PMSI-MCO à l’égard des IDM, défini par l’ensemble des codes I21, I22 et I23 33. Une revue de la littérature a recensé les études de validation du diagnostic de l’IDM dans les BDMA 34. Les conclusions étaient partagées : les données hospitalières semblent satisfaisantes alors que les données des certificats de décès seraient sous-estimées. En revanche, aucune étude n’a porté sur l’évolution des pratiques de codage, qui peuvent faire varier les taux observés. De plus, les codes de la CIM-10 ne distinguent pas très clairement les STEMI des NSTEMI, compliquant l’interprétation des résultats au vu des évolutions des méthodes de diagnostic de l’IDM et des définitions intégrant désormais le terme de syndrome coronarien aigu (SCA) 35. Cependant, une étude réalisée sur le codage des SCA à partir du PMSI-MCO pour l’année 2011 montrait que le code I21 présentait une valeur prédictive positive élevée, que ce soit pour les SCA ou les STEMI/NSTEMI 36. Des études supplémentaires pour la validation des codes CIM-10 des DP d’IDM sont nécessaires. Cependant, il est peu probable que le codage des IDM transmuraux dans le PMSI ait évolué, que le diagnostic soit un STEMI ou un SCA ST+, et ce, bien que tous les IDM transmuraux ne soient pas identifiés par les codes I22 et I23, ces derniers représentant une très faible part des IDM hospitalisés. En revanche, le surcodage en I21, à l’instar des angors instables, est indéniable, du fait du changement de définition en SCA, des méthodes de diagnostic et de la tarification de l’activité hospitalière, cette dernière étant moins susceptible d’impacter le codage de la mortalité. Dans tous les cas, il est difficile de justifier que ces variations de codage en général aient pu impacter de façon différentielle selon le sexe et l’âge les taux de personnes hospitalisées ou décédées pour IDM. Enfin, le PMSI enregistre les hospitalisations depuis 2002, ne permettant pas de mesurer l’incidence des primo-évènements.
Conclusion
Cette étude, réalisée sur l’ensemble du territoire national, souligne l’évolution préoccupante de l’épidémiologie de l’IDM chez la femme jeune en France entre 2008 et 2013, notamment en comparaison avec les tendances observées sur la période 2002-2008. Une augmentation importante du taux de femmes jeunes hospitalisées pour IDM a été mise en évidence, malgré des tendances favorables chez les plus âgées, et une diminution de la mortalité toujours aussi conséquente. Chez les hommes, la situation s’est également dégradée chez les jeunes, bien que dans une moindre mesure. Des analyses complémentaires sont nécessaires afin d’estimer la part de cette dégradation liée aux évolutions diagnostiques de celle liée à l’augmentation de la prévalence de certains facteurs de risque. Dans ce contexte, une attention particulière doit être apportée à la prévention et à la prise en charge de l’IDM chez la femme jeune en France.