L’effet des contraintes physiques du travail sur les maladies cardiovasculaires chez les femmes. Enquête Santé et itinéraire professionnel, vagues 2006 et 2010, France

// The effect of physical work strains on cardiovascular diseases among women-Health and Career Path Survey, 2006 and 2010 rounds, France

Thomas Barnay1,2,3 (barnay@u-pec.fr), Éric Defebvre2,3
1 Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), Paris, France
2 Université Paris-Est Créteil, Érudite, Créteil, France
3 Fédération Travail, emploi et politiques publiques (Tepp), Marne-la-Vallée, France
Soumis le 14.09.2015 // Date of submission: 09.14.2015
Mots-clés : Contraintes physiques du travail | Maladies cardiovasculaires | Femmes
Keywords: Physical constraints of work | Cardiovascular diseases | Women

Résumé

Introduction –

En France, les maladies cardiovasculaires (MCV) représentent la première cause de mortalité chez les femmes. Le rôle du milieu professionnel dans l’apparition de ces pathologies est peu documenté. L’objectif de cette étude est d’évaluer l’effet de l’exposition aux contraintes physiques du travail sur la déclaration de MCV chez les femmes.

Matériel et méthode –

À partir des données de l’enquête Santé et itinéraire professionnel (SIP), qui fournit des informations détaillées sur les conditions de travail, l’état de santé et la carrière des individus, nous avons utilisé des indicateurs relatifs au travail de nuit, à la répétitivité, à la charge physique et à l’exposition aux toxiques, déclarés en 2006. Nous avons ensuite utilisé un indicateur combiné rendant compte des expositions sur l’ensemble de la carrière.

Une modélisation de type Logit binomial a été réalisée sur 2 780 femmes et 2 633 hommes en emploi en 2006, en vue d’analyser la prévalence des MCV déclarées en 2010 et survenues après 2006. Afin de s’affranchir des facteurs de confusion, les caractéristiques individuelles en 2006 (âge, profession et catégorie socioprofessionnelle, situation matrimoniale, temps de travail, consommation de tabac et d’alcool, indice de masse corporelle), les caractéristiques passées (niveau de diplôme et santé) et le statut vis-à-vis de l’emploi en 2010 ont été contrôlés.

Résultats –

Chez les femmes, une association entre l’exposition aux produits nocifs (OR=2,36) et à au moins deux contraintes physiques (OR=1,98) et la déclaration de MCV a été mise en évidence, ainsi qu’une association entre l’exposition à des produits toxiques et l’hypertension artérielle (HTA) (OR=1,84). L’indicateur combiné sur la carrière était significativement associé à une plus forte déclaration de MCV (OR=1,54) et d’HTA (OR=1,53). Hormis pour le travail exigeant (OR=1,35), nous n’avons pas trouvé de réponse significative aux contraintes physiques chez les hommes.

Conclusion –

Ce résultat appelle à une prévention des risques cardiovasculaires prenant spécifiquement en compte les femmes et intégrant les acteurs du milieu professionnel.

Abstract

Background –

Cardiovascular diseases are the leading cause of death among women in France. However, little documentation is available on the role of the workplace in the onset of these diseases. The objective of this study is to evaluate the effect of exposure to physical constraints of work on the reporting of cardiovascular diseases in women.

Material and method –

We use data from the Health and Career Path (SIP) survey, which provides detailed information on working conditions, health status, and careers of individuals. Specifically, we use indicators for night work, repetitive tasks, physical load, and exposure to toxic materials reported in 2006. We then used a combined indicator reviewing the entire career. A binomial Logit modeling was performed among individuals in employment in 2006, namely on 2,780 women and 2,633 men to analyze the prevalence of cardiovascular diseases reported in 2010, which occurred after 2006. In order to avoid cofounding factors, individual characteristics in 2006 (age, professional category, marital status, working hours, smoking, alcohol consumption, body mass index), past characteristics (education and health status), and occupational status in 2010 were controlled.

Results –

In women, an association between exposure to toxic materials (odd ratio OR: 2.36) and to at least two physical constraints (OR: 1.98) and the reporting of cardiovascular diseases was found, as well as an association between exposure to toxics and hypertension (OR: 1.84). The combined career indicator was significantly associated with a higher reporting rate of cardiovascular disease (OR: 1.54) and hypertension (OR: 1.53). Except for demanding work (OR: 1.35), no significant response to physical constraints in men was found.

Conclusion –

These results call for prevention of cardiovascular risk factors specifically focusing on women and integrating elements related to the workplace.

Introduction

La compréhension des mécanismes de dégradation prématurée de l’état de santé des femmes apparaît cruciale, d’autant que leurs gains d’espérance de vie en bonne santé semblent marquer le pas. En effet, alors que l’espérance de vie des Françaises à la naissance a crû de 1,8 année entre 2004 et 2013, leur espérance de vie en bonne santé (à la naissance) n’a augmenté que de 0,1 année selon les données Eurostat. Cette tendance s’avère préoccupante, en particulier chez les femmes de 50 à 65 ans, s’agissant des restrictions d’activité 1.

Les maladies cardiovasculaires (MCV) constituent une cause majeure de morbidité et sont la première cause de décès dans la population féminine française. D’après le Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc-Inserm), plus de 11 000 femmes sont décédées prématurément (avant 65 ans) d’une MCV en 2008-2010. Or, la prévention primaire des MCV se concentre sur les étiologies classiques (facteurs individuels et comportements à risque), délaissant le rôle du milieu professionnel dans la dégradation de la santé, tout particulièrement chez les femmes 2.

La montée en charge de la féminisation du travail, l’intensification du travail et le vieillissement de la population active nécessitent pourtant de mieux documenter les liens entre les contraintes physiques et expositions à des produits toxiques subies en milieu professionnel et la prévalence des MCV. La littérature en épidémiologie et en économie de la santé souligne combien l’exposition à des conditions de travail pénibles est susceptible d’avoir des conséquences sur la santé 3. S’agissant des MCV, elle s’intéresse davantage aux effets des risques psychosociaux qu’à ceux des contraintes physiques. Pourtant, la pénibilité physique génère des troubles du sommeil et de la nutrition (travail de nuit) et des troubles musculo-squelettiques (port de charges lourdes, travail répétitif) affectant les fonctions physiologiques 4. Une étude danoise montre que le risque de mortalité par MCV pourrait être diminué de 16% chez les hommes et de 22% chez les femmes en l’absence d’expositions à des pénibilités physiques et à des produits toxiques 5.

Ces facteurs de contrainte physique au travail, souvent invisibles et potentiellement sous-évalués chez les femmes en raison de leur faible prévalence relative par rapport aux hommes, favorisent-ils en France l’apparition de MCV ? L’enquête Santé et itinéraire professionnel (SIP) fournit à cet égard des informations auto-déclarées permettant de relier conditions de travail et maladies dans une dynamique temporelle.

Matériel et méthode

L’enquête Santé et itinéraire professionnel (SIP)

L’enquête SIP a servi de support à cette étude. Réalisée conjointement par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) et la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), elle a été réalisée en deux vagues (2006 et 2010), conduites sur le même échantillon de personnes âgées de 20 à 74 ans et avec les mêmes items ; pour la vague 2010, des sujets supplémentaires ont été recrutés pour améliorer l’évaluation des risques psychosociaux 6. Deux questionnaires ont été proposés. Le premier, administré en face-à-face par un enquêteur, renseignait les caractéristiques individuelles et professionnelles ainsi que la santé des enquêtés. Il comprenait une grille biographique permettant de reconstruire le parcours individuel et familial en datant le début et la fin des événements de santé et des épisodes professionnels. Le second était un auto-questionnaire ciblant les comportements à risque en matière de santé. Au total, 13 648 personnes ont été interrogées en 2006, dont 11 016 l’ont été également en 2010 (en raison de l’attrition du panel entre les deux vagues, corrigée à l’aide d’une variable de pondération).

Définition des variables

Les contraintes physiques ont été identifiées dans l’enquête SIP à partir de quatre items :

  • le travail de nuit (« Mon travail m’oblige à ne pas dormir entre minuit et 5h du matin ») ;
  • le travail répétitif (« Je dois effectuer un travail répétitif sous contraintes de temps ou un travail à la chaîne ») ;
  • l’exigence physique (« Mon travail est physiquement exigeant : charges lourdes, postures pénibles, bruit, températures excessives, vibrations ») ;
  • l’exposition aux produits nocifs (« Je suis exposé à des produits nocifs ou toxiques : poussières, fumées, microbes, autres agents infectieux, produits chimiques »).

Ces items caractérisent 4 des 10 facteurs de risque retenus dans le compte personnel de prévention de la pénibilité dans le cadre de la loi 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, et qui donnent droit à une compensation (formation et trimestres de retraite) (1).

Parmi les modalités de réponses proposées (toujours, souvent, parfois, jamais), nous avons considéré qu’une personne était exposée lorsqu’elle indiquait l’avoir toujours été. Dans un premier temps, ces indicateurs ont été considérés isolément. Les contraintes physiques ont été recueillies pour l’année 2006 ainsi que sur l’intégralité de la carrière. Puis, grâce au questionnaire rétrospectif, les contraintes physiques subies pour chaque année de vie au travail ont été reconstituées. Un indicateur synthétique combinant la durée et le cumul d’expositions a alors été construit. La définition retenue alors pour les contraintes physiques, incluant l’exposition à des produits toxiques, est une exposition unique à une seule contrainte durant huit années, ou quatre années d’exposition à au moins deux contraintes (2). Nous utilisons par conséquent des indicateurs de pénibilité physique en 2006 et sur l’ensemble de la carrière.

Le repérage des MCV a été effectué sur la base des déclarations individuelles lors de la vague 2010. Les limites de ce mode de recueil des maladies sont liées au caractère auto-déclaré de la morbidité (sujet à des biais liés notamment à la PCS [profession et catégorie socioprofessionnelle] et au sexe) et à l’asymétrie d’information. Certaines maladies telles que l’hypertension artérielle (HTA) sont en effet largement asymptomatiques : seules les personnes diagnostiquées sont en mesure de la déclarer. Pour ces raisons, nous avons contrôlé la PCS, le niveau de diplôme et l’âge afin de rendre compte des différences d’utilisation du système de santé et d’accès aux soins de prévention.

Population étudiée

Cette étude a nécessité plusieurs filtres de sélection. En premier lieu, ont été retenues les femmes exerçant une activité professionnelle en 2006 afin d’identifier les conditions de travail auxquelles elles étaient confrontées. Aucune contrainte sur le statut vis-à-vis de l’emploi en 2010 n’a été posée. L’échantillon final était composé de 2 780 femmes. À des fins comparatives, une population masculine constituée de 2 633 hommes et sélectionnée de la même façon a également été étudiée. N’ont ensuite été comptabilisées comme MCV en 2010 que celles dont la survenue était postérieure à 2006.

Méthode d’analyse

La méthode économétrique employée repose sur une modélisation binomiale simple de type Logit visant à estimer, parmi les femmes en emploi en 2006, l’effet des contraintes physiques ou des expositions à des toxiques subies en 2006 et durant la carrière professionnelle (travail de nuit, travail répétitif, exigence physique, exposition aux produits nocifs) sur les risques de déclarer en 2010 une MCV diagnostiquée après 2006. Pour isoler l’effet propre des contraintes physiques sur les MCV, de nombreux facteurs de confusion potentiels ont été contrôlés (cf. notes des tableaux 3 et 4), notamment le tabagisme et le surpoids.

Les résultats sont ajustés sur la PCS, le niveau de diplôme et l’âge. Les analyses ont été réalisées séparément pour les hommes et les femmes, globalement pour l’ensemble des MCV et séparément pour l’HTA.

Résultats

Description de l’échantillon

L’âge moyen des personnes composant l’échantillon en 2006 était de 43 ans pour les femmes et de 46 ans pour les hommes. Près de 85% de ces personnes étaient encore en emploi en 2010. Les femmes en emploi en 2006 se caractérisaient par une sous-exposition aux contraintes physiques par rapport aux hommes. Ainsi, 3% des femmes travaillaient de nuit ; cette proportion était le double dans la population masculine. De même, la proportion de personnes exposées aux produits nocifs était significativement inférieure chez les femmes (8% contre 13% pour les hommes). Seule l’exposition à un travail répétitif n’était pas statistiquement discriminante entre les femmes et les hommes (environ 10%). L’exposition simultanée à au moins deux contraintes physiques concernait 10% des femmes et 13% des hommes. Enfin, au regard de l’ensemble de la carrière professionnelle, 29% des femmes et 36% des hommes avaient subi plusieurs contraintes physiques susceptibles d’altérer leur santé (tableau 1).

Tableau 1 : Expositions à des contraintes physiques et à des produits toxiques. Enquête Santé et itinéraire professionnel, France, vagues 2006 et 2010
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En 2010, 6% des femmes (N=178) et 8% des hommes (N=201) déclaraient souffrir de MCV survenues après 2006. Cependant, il convient de distinguer l’HTA (71% des femmes et 62% des hommes), qui constitue un des facteurs de risque de ces maladies, des autres MCV (tableau 2).

Tableau 2 : Maladies cardiovasculaires et hypertension artérielle déclarées en 2010. Enquête Santé et itinéraire professionnel, France, vagues 2006 et 2010
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Des contraintes physiques moins fréquentes mais plus délétères pour la santé des femmes

Alors que les femmes étaient significativement moins souvent confrontées à des contraintes physiques que les hommes, les femmes très exposées avaient un risque de MCV et d’HTA accru, toutes choses égales par ailleurs, comparativement aux autres femmes, ce qui n’était pas le cas chez les hommes (tableau 3 et 4). Les résultats montrent que lorsque le travail de nuit, le travail répétitif et l’exigence physique étaient pris en compte séparément, ces conditions de travail ne jouaient pas de rôle significatif sur les MCV quatre années plus tard dans la population féminine. Cependant, ce risque était multiplié par 2,4 (1,8 si on examine uniquement l’effet sur l’HTA) chez les femmes exposées aux produits nocifs. Le cumul d’au moins deux conditions de travail pénibles est préjudiciable à la santé des femmes, dont le risque de MCV était alors accru de 98% (ce sur-risque n’était pas significatif pour l’HTA seule). Finalement, l’exposition à des contraintes physiques sur l’ensemble de la carrière professionnelle accroissait de 54% le risque de MCV survenant après 2006, chez les femmes.

Cette relation est tout à fait spécifique aux femmes puisque, d’après nos estimations, l’exposition aux mêmes conditions de travail ne joue aucun rôle sur l’incidence des MCV quatre années plus tard dans la population masculine.

Tableau 3 : Effet des contraintes physiques et de l’exposition à des produits toxiques sur les maladies cardiovasculaires et l’hypertension artérielle déclarées en 2010, population féminine. Enquête Santé et itinéraire professionnel, France, vagues 2006 et 2010
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Tableau 4 : Effet des contraintes physiques de l’exposition à des toxiques sur les maladies cardiovasculaires et l’hypertension artérielle déclarées en 2010, population masculine. Enquête Santé et itinéraire professionnel, vagues 2006 et 2010, France
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Discussion

Nos résultats établissent un rôle négatif des contraintes physiques et de l’exposition à des produits nocifs sur les MCV et l’HTA, significatif exclusivement chez les femmes et ce de façon robuste à des spécifications alternatives (3) et pour différents indicateurs de contraintes physiques. Selon une analyse menée sur les données de l’Étude nationale nutrition santé 2006-2007 7, la prévalence de l’HTA reste significativement corrélée au niveau d’études après contrôle de l’âge et de facteurs de risque, et ce exclusivement chez les femmes. Une large revue critique de la littérature épidémiologique, quoiqu’ancienne, fait ressortir l’effet délétère de l’exposition aux produits nocifs (cobalt, arsenic…) sur les MCV 8.

Les facteurs professionnels semblent donc jouer un rôle spécifique sur l’incidence et la prévalence de l’HTA et des MCV chez les femmes. Ce résultat semble appeler à une prévention des risques cardiovasculaires prenant en compte aussi les femmes, intégrant les acteurs du milieu professionnel et intervenant en amont de l’exposition à ces facteurs de risque professionnels.

Cette étude présente cependant des limites. Bien que les résultats soient stables sur l’ensemble des spécifications mises en œuvre, la faiblesse des effectifs (liée au choix de ne retenir que les MCV survenues après 2006) invite à la prudence, notamment sur l’ampleur des coefficients. Les biais de déclaration sont susceptibles d’introduire des erreurs de mesure des conditions de travail mais aussi de la santé. Nous ne pouvons pas disposer d’une mesure diagnostiquée qui nous permettrait de valider les déclarations des personnes enquêtées et d’identifier tous leurs facteurs de risques et toutes leurs pathologies. Des variables d’intérêt peuvent avoir été omises et des biais de déclaration de l’état de santé peuvent subsister (comportements de déclaration des problèmes de santé potentiellement différents chez les femmes et les hommes, à état de santé identique) expliquant, au moins en partie, les résultats différenciés selon le sexe 9,10. Des phénomènes de construction de la santé au travail peuvent par exemple différer entre les hommes et les femmes, ces dernières disposant de moins de marges de manœuvre que les hommes pour réaliser leurs tâches professionnelles. Une mesure rigoureuse de la causalité nécessiterait d’avoir recours à des méthodes par variables instrumentales, permettant d’estimer une équation expliquant simultanément l’exposition aux contraintes du travail, et permettant de s’affranchir des biais sus-cités. Cependant, une étude sur les mêmes données a montré que le recours aux deux vagues SIP peut suffire à estimer une causalité sans avoir recours à de telles méthodes de correction 11. Par ailleurs, dans notre analyse, nous nous limitons aux maladies survenues après 2006. Cette restriction sous-évalue l’effet des conditions de travail de l’ensemble de la carrière professionnelle (contraintes physiques combinées) sur les MCV, puisque celles intervenues avant 2006, potentiellement d’origine professionnelle, ne sont pas considérées.

Cette première analyse en appelle par conséquent d’autres. La prise en compte plus fine de facteurs de stress (liés ou non aux contraintes physiques) contribuerait à approfondir ces relations, ainsi que le recours à des cohortes plus nombreuses afin de distinguer les différentes pathologies. Dans une démarche complémentaire, une mesure alternative des conditions de travail à travers la pénibilité ressentie (risques psychosociaux et contraintes organisationnelles) pourrait aussi être testée afin de sérier l’effet direct du stress au travail sur les MCV, largement documenté dans la littérature 12,13. En dépit d’une sélection exclusive des MCV dont la date de début est postérieure à 2006, notre analyse ne rend pas compte de chocs exogènes intervenus entre 2006 et 2010 (tels que la crise économique) et susceptibles d’altérer la relation examinée.

Entre 2005 et 2013, selon l’enquête Conditions de travail, la proportion de personnes exposées à au moins trois contraintes physiques a davantage crû dans la population féminine (de 25% à 29%) que dans la population masculine (de 38% à 41%). Cette intensification du travail favorise l’apparition de MCV.

La crise économique va entraîner des pertes de bien-être à l’origine d’une dégradation de la santé à moyen-long terme. Avec l’augmentation du chômage, elle conduit cependant à libérer des individus de sources de stress au travail et leur permet de disposer de temps pour se faire soigner ce qui, à court terme, peut s’accompagner d’une amélioration de l’état de santé 14. Ces hypothèses concurrentes justifieraient une analyse stratifiée selon le statut d’emploi en 2010 (en emploi versus hors-emploi) (4).

Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier Christine De Peretti (Drees) et Thibaut de Saint Pol (Drees) pour leur relecture attentive, ainsi que les deux relecteurs anonymes de la revue.

Références

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2 Bensadon AC, Barbezieux P. Articulation entre santé au travail et santé publique : une illustration au travers des maladies cardiovasculaires. Rapport N° 2013-127R. Paris : Igas, 2014. 119 p. http://www.igas.gouv.fr/spip.php?article372
3 Barnay T. Health, work and working conditions: a review of the European economic literature. Eur J Health Econ. 2015 Aug 18. DOI: 10.1007/s10198-015-0715-8 (sous presse).
4 Lasfargues G. Départs en retraite et « travaux pénibles ». L’usage des connaissances scientifiques sur le travail et ses risques à long terme pour la santé. Rapport de recherche n° 19. Noisy-le-Grand: Centre d’études de l’emploi; 2005. 38 p. http://www.cee-recherche.fr/publications/rapport-de-recherche/departs-en-retraite-et-travaux-penibles
5 Olsen O, Kristensen TS. Impact of work environment on cardiovascular diseases in Denmark. J Epidemiol Community Health. 1991;45:4-10.
6 Bahu M, Coutrot T, Mermilliod C, Rouxel C. Appréhender les interactions entre la santé et la vie professionnelle et leur éventuel décalage temporel, un premier bilan d’une enquête innovante : SIP. Document de travail, série Sources et Méthodes, n° 35. Paris: Drees, 2012. 29 p.
7 Godet-Thobie H, Vernay M, Noukpoape A, Salanave B, Malon A, Castetbon K, et al. Niveau tensionnel moyen et prévalence de l’hypertension artérielle chez les adultes de 18 à 74 ans, ENNS 2006-2007. Bull Epidémiol Hebd. 2008;(49-50):478-82. http://opac.invs.sante.fr/index.php?lvl=notice_display&id=1728
8 Kristensen TS. Cardiovascular diseases and the work environment. A critical review of the epidemiologic literature on chemical factors. Scand J Work Environment Health. 1989;15(4):245-64.
9 Devaux M, Jusot F, Sermet C, Tubeuf S. Hétérogénéité sociale de déclaration de l’état de santé et mesure des inégalités de santé. Rev Fr Affaires Sociales. 2008;(1):29-47.
10 Shmueli A. Socio-economic and demographic variation in health and in its measures: the issue of reporting heterogeneity. Soc Sci Med. 2003;57(1):125-34.
11 Barnay T, Defebvre E. Troubles mentaux : quelles conséquences sur le maintien dans l’emploi ? Études et Résultats (Drees). 2014;(885):6 p.
12 Lindblom KM, Linton SJ, Fedeli C, Bryngelsson IL. Burnout in the working population: relations to psychosocial work factors. Int J Behav Med. 2006;13(1):51-9.
13 Kivimäki M, Nyberg ST, Batty GD, Fransson EI, Heikkilä K, Alfredsson L, et al. IPD-Work Consortium. Job strain as a risk factor for coronary heart disease: a collaborative meta-analysis of individual participant data. Lancet. 2012;380(9852):1491-7.
14 Ruhm CJ. Are recessions good for your health? Q J Economics. 2000 ;115 (2):617-50.

Citer cet article

Barnay T, Defebvre E. L’effet des contraintes physiques du travail sur les maladies cardiovasculaires chez les femmes. Enquête Santé et itinéraire professionnel, vagues 2006 et 2010, France. Bull Epidémiol Hebd. 2016;(7-8):148-53. http://www.invs.sante.fr/beh/2016/7-8/2016_7-8_7.html

(1) Depuis le 1er janvier 2015, le travail de nuit et le travail répétitif (ainsi que le travail en équipes successives alternantes et les activités exercées en milieu hyperbare) sont explicitement pris en compte dans la loi, les six autres facteurs le sont depuis le 1er janvier 2016.
(2) Le compte personnel de prévention de la pénibilité fonctionne de la manière suivante : une année d’exposition à un facteur de risque donne droit à 4 points. Une année d’exposition à plusieurs risques simultanément permet l’obtention de 8 points. Les 20 premiers points acquis permettent d’obtenir un droit à la formation professionnelle. Dix points supplémentaires valident un trimestre d’assurance retraite. Le législateur considère, par conséquent, que 30 points d’exposition valent un trimestre de compensation, soit peu ou prou la définition retenue de l’indicateur synthétique combinant la durée et le cumul des expositions.
(3) Intégrant d’autres variables de contrôle caractérisant notamment la trajectoire professionnelle et des caractéristiques familiales.
(4) Rendue ici impossible compte tenu de la faiblesse des échantillons. Nous avons cependant bien introduit dans les régressions le statut d’occupation en 2010 (en emploi ou non) comme variable de contrôle.