Comparaison des taux d’accidents vasculaires cérébraux entre les femmes et les hommes : apports des Registres de Dijon, Brest et Lille, 2008-2012
// Comparison of stroke rates between women and men: contributions from the Dijon, Brest and Lille stroke registries, France, 2008-2012
Résumé
Introduction –
L’accident vasculaire cérébral (AVC) a longtemps été sous-estimé chez les femmes, car il était plutôt considéré comme une maladie de l’homme. Il est désormais reconnu comme un problème majeur de santé publique chez la femme, au même titre que le cancer du sein, car sa fréquence n’est pas négligeable et parce que ses aspects cliniques, pronostiques, étiologiques, thérapeutiques et préventifs diffèrent de ceux de l’homme. Les données épidémiologiques sur les taux d’incidence et de mortalité de l’AVC chez la femme restent rares et controversées.
Le but de ce travail était de comparer, sur la base des données des trois registres de population de Dijon, Brest et Lille, les taux d’incidence, d’attaque, de létalité et de mortalité à 28 jours de l’AVC chez les femmes et les hommes âgés de plus de 35 ans.
Méthodologie –
Ce travail repose sur le recueil prospectif, de 2008 à 2012, des AVC de novo et récidivants inclus dans trois registres de population français existant à Dijon (152 000 habitants) depuis 1985, à Brest (368 000 habitants) depuis 2007 et à Lille (228 000 habitants) depuis 2008. Les taux d’incidence, d’attaque, de létalité et de mortalité à 28 jours ont été mesurés pour les AVC ischémiques, hémorragiques et d’origine indéterminée, de façon globale en groupant les trois registres et de façon spécifique pour chacune des villes, par tranches d’âge et pour chaque année de 2008 à 2012.
Résultats –
Sur la période, 4 704 AVC de novo et 1 307 AVC récidivants ont été recensés, soit 21% de la cohorte. L’incidence annuelle globale de tous les types d’AVC, pour les deux sexes réunis, est de 248/100 000/an à Dijon, 255/100 000/an à Brest et 297/100 000/an à Lille, montrant l’existence d’un gradient nord-sud entre Lille et Dijon et entre Lille, Brest et Dijon pour les femmes. Ce gradient est encore plus net pour les taux d’attaque.
Les taux d’incidence sont plus faibles chez les femmes dans les trois villes et continuent de baisser avec le temps à Lille et Brest pour rejoindre les taux dijonnais, déjà bas. Cette diminution progressive, avec le temps, chez les femmes est liée à la baisse de l’incidence des AVC ischémiques.
On constate un taux de létalité à 28 jours plus élevé chez les femmes mais de façon non significative dans les trois villes réunies, associé à un taux de mortalité à 28 jours significativement plus faible chez les femmes dans les trois villes réunies.
Enfin, on observe une baisse des taux de mortalité à 28 jours avec le temps uniquement chez les femmes, mais non significative. Cette baisse n’est constatée ni chez les hommes, ni pour les hémorragies cérébrales.
Discussion –
La relative concordance des taux d’incidence entre les trois villes valide les résultats publiés par le Registre dijonnais des AVC depuis 1987, et l’existence d’un gradient nord-sud rappelle le partage de facteurs de risque vasculaire avec les cardiopathies ischémiques. Le déclin significatif des taux d’incidence chez les femmes est une bonne nouvelle et incite à en connaitre les facteurs pour comprendre l’absence d’une telle tendance chez les hommes et dans les AVC hémorragiques.
Conclusion –
Malgré la baisse significative dans le temps des taux d’incidence et la baisse non significative des taux de mortalité à 28 jours des AVC chez les femmes, le vieillissement de la population féminine en France va probablement être à l’origine d’une augmentation rapide de la prévalence des AVC chez les femmes en France.
Abstract
Introduction –
Stroke has often been underestimated in women because it was rather considered as a male disease. It is now recognized as a major public health problem in women, alongside breast cancer because its frequency is not negligible, and its clinical features, prognosis, etiology, treatment, and prevention differ from those observed in men. Epidemiological data on incidence and mortality rates in women remain scarce and controversial. The aim of this work was to compare the incidence, attack and mortality rates between women and men ≥35 years 28 days following the stroke, using the data from the three French population-based stroke registries (Dijon, Brest, and Lille).
Methodology –
Our work is based on the prospective collection of de novo and recurrent strokes ascertained between 2008 and 2012 in the three population-based stroke registries of Dijon (152,000 inhabitants) since 1985, Brest (368,000 inhabitants) since 2007, and Lille (228,000 inhabitants) since 2008. The incidence, attack, and mortality rates at 28 days were measured globally for ischemic, hemorrhagic, and undetermined strokes by unifying the three population registries, and specifically for each city, age group, and year from 2008 to 2012.
Results –
Over the study period, 4,704 de novo and 1,307 cases of recurrent strokes were identified, representing 21% of the cohort. The global incidence rates of all types of strokes for both sexes combined are 248/100,000/year in Dijon, 255/100,000/year in Brest and 297/100,000/year in Lille, showing the existence of a north-south gradient between Dijon and Lille and between Lille, Brest, and Dijon for women. The incidence rates are lower for women in the three cities and continue to decrease in Lille and Brest to reach the low rates observed in Dijon. This gradual decrease over time is linked to the decreasing incidence rates of ischemic stroke. The case-fatality rates at 28 days are higher in women in the three cities but non-significant, while mortality rates are significantly lower in women in the three cities. Finally, a non-significant decrease of mortality rates is observed only in women. However, this decrease is observed neither in men nor for hemorrhagic strokes.
Discussion –
The relative concordance of the incidence rates between the three cities validates the previous results published since 1987 by the Dijon Stroke Registry, and the north-south gradient recalls the similar vascular risk factor between stroke and ischemic cardiopathy. The significant decline of incidence rates observed only in women is good news and urges to know the factors allowing to understanding the absence of such a decrease in men and in hemorrhagic stroke cases.
Conclusion –
Despite the significant decline of incidence rates observed in women, associated to a non- significant decrease of mortality rates at 28 days, the ageing of the female population in France will likely be responsible for a rapidly increasing prevalence of strokes in women in France.
Introduction
L’accident vasculaire cérébral (AVC) a longtemps été sous-estimé chez la femme, car il était plutôt considéré comme une maladie de l’homme 1,2. Il est désormais reconnu comme un problème majeur de santé publique chez les femmes, au même titre que le cancer du sein 1,2, car sa fréquence n’est pas négligeable et parce qu’il présente de nombreuses spécificités 3,4,5,6,7 : il existe des facteurs de risque à prédominance féminine comme l’artérite de Takayasu, la dysplasie fibromusculaire, le syndrome des anticorps antiphospholipides, le syndrome de Sneddon, les causes hormonales avant et après la ménopause, la contraception orale, l’association migraine et œstroprogestatifs, la grossesse et le post-partum. La femme connaît des sous-types d’AVC prédominants comme l’hémorragie méningée, les thromboses veineuses cérébrales et les infarctus cérébraux cardio-emboliques par arythmie cardiaque. Enfin, le pronostic fonctionnel est plus grave que chez l’homme (davantage de séquelles physiques et/ou cognitives, de dépressions, d’isolement familial et social). Pourtant, les données épidémiologiques concernant les taux d’incidence, de létalité et de mortalité chez la femme restent encore rares et controversées 3,4,5,6,7 et reposaient jusqu’à présent, en France, principalement sur les travaux du Registre dijonnais des AVC 3,6,7.
Nous rapportons dans cet article les tendances des taux d’incidence, de létalité et de mortalité de l’AVC chez les femmes comparées à celles des hommes. L’étude des facteurs de risque fera partie d’un travail ultérieur.
Méthodologie
Les trois registres de population de Dijon 6,7, Brest 8 et Lille 9 sont accrédités par l’Institut de veille sanitaire (InVS) et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Ils recensent les AVC de façon spécifique (imagerie cérébrale) et exhaustive (malades pris en charge à l’hôpital, en clinique, en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendante (Ehpad), à domicile), quelle que soit leur durée quand elle est supérieure à 24 heures.
Le recueil est complété par un suivi pour mesurer le taux de récidives, de handicap et de mortalité à 28 jours.
Populations étudiées
Dijon 6 : le Registre dijonnais des AVC, créé en 1985, étudie la population de Dijon intra-muros (152 000 habitants en 2012, dont 75 000 ont plus de 35 ans).
Brest 8 : le Registre du Pays brestois, créé en 2007, étudie la population du pays brestois (80 communes, 368 000 habitants dont 205 000 ont plus de 35 ans).
Lille 9 : le Registre des AVC de Lille, créé en 2008 et associé au registre des cardiopathies ischémiques de la communauté urbaine de Lille, étudie les populations de Lille, Lomme et Hellemmes (228 000 habitants dont 91 000 ont plus de 35 ans).
Dans les trois centres, cinq sources d’information identiques sont utilisées.
Définition de l’AVC
La définition des AVC repose sur les critères de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) 4,6 : déficit brutal d’une fonction cérébrale durant plus de 24 heures d’origine vasculaire artérielle. Une imagerie cérébrale systématique (IRM de préférence, sinon scanner) est exigée pour affirmer l’AVC et préciser sa nature hémorragique ou ischémique.
On reconnaît les AVC ischémiques à partir des données cliniques et de l’imagerie cérébrale avec comme cause soit un athérome des gros troncs artériels, soit une maladie des petits vaisseaux, ou encore une embolie cardiaque. Les AVC hémorragiques sont définis par une hémorragie cérébrale spontanée confirmée par la clinique et l’imagerie cérébrale. Les hémorragies sous-arachnoïdiennes sont exclues de cette étude, car elles sont rares et relèvent de malformations vasculaires dans la majorité des cas.
Les AVC d’origine indéterminée sont les AVC dont le mécanisme ischémique ou hémorragique n’est pas identifié soit du fait d’un décès à domicile, soit par absence d’imagerie cérébrale ou bilan incomplet.
Les facteurs de risque d’AVC sont facilement détectables 3,6 : hypertension artérielle, diabète et hypercholestérolémie diagnostiqués et/ou traités, tabagisme, fibrillation auriculaire, antécédents d’infarctus du myocarde, d’accident ischémique transitoire (AIT) et de sténose athéromateuse des vaisseaux cérébraux. Les traitements pris avant l’évènement sont aisément répertoriés : médicaments antihypertenseurs, antidiabétiques, hypocholestérolémiants, antiplaquettaires et anticoagulants.
Recensement des cas dans les registres
Il s’organise dès la phase aiguë par signalement des cas directement auprès des registres, et à distance en fonction du site de prise en charge. Le recueil des données est effectué dans les différents services hospitaliers publics et privés, ainsi qu’auprès des médecins libéraux et des Ehpad.
Le diagnostic étiologique de l’AVC est, dans tous les cas, confirmé par la cellule-qualité de chaque registre, composée d’experts neurovasculaires.
Les critères d’inclusion étaient : AVC ischémique ou hémorragique confirmé par l’imagerie cérébrale, chez les hommes et femmes âgés de plus de 35 ans (car le centre de Lille n’enregistre les AVC qu’au-delà de 35 ans) et domiciliés dans zones couvertes par chaque registre. Ont été exclus : AIT avec un déficit cérébral de moins de 24 h, tumeurs cérébrales, sclérose en plaque, hématome sous-dural traumatique, hémorragies sous-arachnoïdiennes, épilepsie, migraine 3,6,7,8.
Les décès immédiats ont été retenus jusqu’au 28e jour.
Analyses statistiques
Les taux d’incidence, d’attaque et de mortalité à 28 jours ont été calculés avec au numérateur, respectivement, le nombre d’AVC de novo, le nombre d’AVC de novo et récidivants et la somme des AVC de novo et récidivants décédés avant 28 jours, chez les sujets âgés de 35 ans et plus, et au dénominateur la population de chaque zone couverte par les registres, de même âge et pour la période considérée (source : Insee). Ces taux ont ensuite été standardisés sur la population de la France métropolitaine de 2011 et exprimés pour 100 000 habitants. Le taux de létalité est représenté par le pourcentage de patients décédés dans les 28 jours après le début d’un AVC.
Les rapports de taux d’incidence (IRR) entre hommes et femmes, en fonction des années, ont été calculés avec une régression de Poisson ajustée à l’âge et au centre. Les odds ratios ont été calculés par une régression logistique pour les comparaisons homme/femme, entre les trois registres et en fonction du temps.
Résultats
Sur les cinq années 2008-2012, 4 704 AVC de novo et 1 307 AVC récidivants (21% de la cohorte totale) ont été recensés, à l’origine de 716 décès au 28e jour. La proportion des AVC non hospitalisés a été minime, s’établissant à 4,5% à Lille, 7% à Brest et 8% à Dijon.
L’incidence annuelle globale pour les trois centres et les deux sexes réunis (tableau 1) était de 262,3/100 000 habitants (intervalle de confiance à 95%, IC95%: [254,9-269,8]), de 219,7/100 000 [211,1-228,4] chez les femmes et 319,4/100 000 [305,6-333,2] chez les hommes, avec un IRR femme/homme de 0,68 (p<0,001).
À Brest, l’incidence annuelle globale était de 255,5/100 000 [245,5-265,6], de 214,8/100 000 [203,3-226,4] chez les femmes et de 309,8/100 000 [291,1-328,5] chez les hommes, avec un IRR femme/homme de 0,68 (p<0,001).
À Lille, l’incidence annuelle globale hommes et femmes réunis était de 297,8/100 000 [280,9-314,8] ; de 254,9/100 000 chez les femmes [235,3-274,4] et 356,3/100 000 chez les hommes [324,8-387,8], avec un IRR femme/homme de 0,70 (p=0,001).
À Dijon, l’incidence annuelle globale était de 248,3/100 000 [232,9-263,5], de 198,2/100 000 [180,9-215,6] chez les femmes et de 317,1/100 000 [289,0-345,3] chez les hommes, avec un IRR femme/homme de 0,64 (p<0,001).
Les taux d’incidence étaient ainsi constamment plus faibles chez les femmes, croissaient avec l’âge et présentaient un gradient décroissant nord-sud entre Lille, Brest et Dijon chez les femmes (tableau 1).
Les taux d’attaque (tableau 2) étaient plus faibles chez les femmes, et plus bas à Dijon qu’à Brest et Lille. En revanche, les ratios taux d’attaque/taux d’incidence étaient similaires entre hommes et femmes dans chaque registre (autour de 1,2), tandis que les taux de récidive ne présentaient pas de différence significative.
Sur le plan des mécanismes (tableau 1), on retrouve, pour les trois registres réunis, une incidence des AVC ischémiques 5 fois plus élevée que celle des AVC hémorragiques ; l’incidence des AVC ischémiques et hémorragiques était constamment plus faible chez les femmes que chez les hommes.
En fonction du temps (tableau 3), l’incidence annuelle globale des AVC sur les trois registres réunis a baissé, chez les femmes, de 244,9/100 000 (IC95%: [223,8-265,9]) en 2008 à 204,6/100 000 en 2012 [186,1-223,0], soit une baisse significative (IRR=0,960 ; p<0,004), tandis qu’elle est restée stable chez les hommes (IRR=1,003 ; p=0,85). Sur les trois registres réunis, une chute significative est globalement observée pour l’AVC ischémique chez les femmes (tableau 4) (IRR=0,96 ; p=0,001) ; l’incidence est restée stable chez l’homme (tableau 4) et dans l’AVC hémorragique. Les taux d’attaque présentaient des tendances temporelles superposables à celles des taux d’incidence, mais avec un gradient descendant entre les registres de Lille et Brest, avec un ratio taux d’attaque sur taux d’incidence superposable dans le temps et dans les trois registres.
Les taux de mortalité à 28 jours étaient de 34,1/100 000 [32,1-36,2] dans les trois registres réunis (tableau 5). Ils étaient significativement plus faibles chez les femmes (31,3/100 000 [28,9-33,7]) que chez les hommes (36,6/100 000 [33,0-40,3] ; p=0,003), quel que soit le mécanisme, ischémique ou hémorragique, de l’AVC. On note un gradient de mortalité nord-sud superposable à celui des incidences, et une chute temporelle uniquement chez la femme, mais non significative.
Les taux de létalité pour les patients décédés avant le 28e jour étaient de 15,3% [14,2%-16,3%] pour les trois registres réunis, avec des taux similaires dans les trois registres (p=0,13) ; cependant, à Brest, le taux de létalité était significativement plus élevé chez les femmes (p=0,009) (tableau 6).
Nous n’avons pas évalué les évolutions dans le temps des taux de mortalité par centre, car les effectifs y étaient trop faibles et la durée d’étude trop courte.
Discussion
Les résultats apportés par cette étude enrichissent la connaissance de l’épidémiologie de l’AVC en France de plusieurs manières.
Pour la première fois, trois registres de population dédiés aux AVC ont regroupé leurs données. La situation géographique, démographique, économique, socioculturelle et climatique des zones couvertes par ces trois registres permet une vision assez équilibrée de l’épidémiologie des AVC en France.
Ce travail apporte également des données nouvelles sur l’épidémiologie de l’AVC chez les femmes en France métropolitaine et sur la comparaison des indicateurs de leur surveillance épidémiologique.
Les taux d’incidence observés dans les trois registres pour la population âgée de plus de 35 ans sont compris dans la fourchette observée en Europe, à savoir entre 248 et 297 AVC/100 000/an 3,7,8,10,11,12, et hors Europe 13,14,15. La proportion de récidives (21%) est celle retrouvée dans la littérature 4,16.
Dans les trois registres, les taux d’incidence et d’attaque chez les femmes étaient significativement plus bas que chez les hommes, comme cela est observé dans les pays développés enregistrant les AVC 3,4,5,10,11,12,13,14,15,17. Le fait marquant est la baisse significative des taux d’incidence et des taux d’attaque chez les femmes depuis 2008, associée à une baisse significative des taux d’incidence des AVC ischémiques, à la différence de l’AVC hémorragique. Les taux d’incidence sont plus faibles chez les femmes pour des effectifs qui ne le sont pas (2 522 femmes versus 2 182 hommes), témoignant de la plus longue espérance de vie et du poids plus lourd des AVC chez les femmes.
L’incidence plus faible chez les femmes pourrait s’expliquer par des raisons génétiques, par le rôle protecteur des œstrogènes, par des chiffres tensionnels plus bas que chez les hommes 6,7,17 et par un comportement différent vis-à-vis du dépistage et du traitement précoces des facteurs de risque vasculaire 6,7,17.
En outre, sur la période d’étude, il apparaît que ce sont les villes de Lille et de Brest qui bénéficient de la chute la plus importante des taux d’incidence des AVC dans la population féminine, rejoignant les taux d’incidence de Dijon. Ce n’est pas la composition démographique, similaire dans les trois régions, qui pourrait expliquer cette tendance car les taux sont standardisés sur la population française, mais a priori l’impact de la prévention 6,7,17. Effectivement, Lille et Brest rejoignent Dijon, qui a une culture de prévention des AVC très ancienne depuis la création du Registre en 1985 et dispose, depuis 2003, d’un réseau de soins régional permettant quatre campagnes annuelles de prévention grand public pouvant expliquer les modifications observées sur l’évolution temporelle des facteurs de risque vasculaires 6. Ces campagnes ont porté sur des publics masculins et féminins. Seuls les taux d’incidence ont baissé chez les femmes, comme cela s’observe dans les pays développés 4,10,17 chez les femmes, mais aussi chez les hommes 10,15,17, dans tous les groupes d’âge 15,16. Le rôle de la sensibilisation et de la prévention chez les femmes, habituées et sensibilisées par l’exemple du dépistage du cancer du sein, pourrait expliquer cette observation. Concernant la prévention secondaire, la stabilité du ratio taux d’attaque sur taux de récidives, le même dans les trois villes pour les deux sexes, suggère que les taux de récidives sont superposables chez les hommes et les femmes dans les trois registres. Quant à l’augmentation des taux d’incidence chez l’homme à Dijon, elle porte sur des effectifs trop faibles et ne peut être retenue.
Le taux de létalité à 28 jours plus élevé chez les femmes, mais de façon non significative (p=0,13) dans les trois villes de l’étude est une donnée classique 3,4,6,11,13,15,16,18,19,20,21. Le taux de mortalité à 28 jours inférieur chez la femme, avant 75 ans, pour ces trois villes (p=0,003), est une donnée retrouvée dans les pays développés. Le rôle du contrôle des facteurs de risque cardiovasculaire, l’espérance de vie plus longue chez la femme et la baisse des taux d’incidence chez la femme pourraient expliquer ce résultat 4,17. En revanche, nous n’avons pas noté, du fait de la courte durée de notre période d’étude, de baisse significative des taux de mortalité avec le temps, ni chez les femmes, ni chez les hommes, comme cela est observé dans les pays développés 13,15,16,18,19,20,21.
L’originalité de ce travail repose sur des données inédites en France concernant les taux d’incidence, de létalité et de mortalité chez la femme, extraits de trois registres de population dédiés aux AVC et sur une période de cinq ans. Il révèle que les taux d’incidence et de mortalité sont plus faibles chez les femmes que chez les hommes et que les taux d’incidence des AVC ischémiques ont baissé chez les femmes sur la période de l’étude. Ces données rejoignent celles publiées en 2015 dans le Global Burden of Disease qui a exploré ces paramètres sur la période 1990-2013 dans les pays développés 4,17.
Nos résultats peuvent être mis en perspective avec ceux observés dans le travail de De Peretti et coll. en 2012 22, basé sur les données nationales du Programme médicalisé des systèmes d’information (PMSI), dont la valeur prédictive positive est excellente 23. Les caractéristiques démographiques des patients sont superposables dans les deux études. Les effectifs sont compatibles avec les taux d’incidence des trois registres. Il n’est pas possible d’aller plus loin en termes de comparaisons car ces deux études reposent sur des schémas différents : l’étude des trois registres n’a pas inclus les patients âgés de moins de 35 ans et n’a inclus ni les hémorragies méningées, ni les AIT. Cependant, les registres ont permis d’enregistrer et de suivre les AVC non hospitalisés, ce qui n’est pas le cas des bases de données médico-administratives.
Enfin, ce travail montre que les taux d’incidence, de létalité et de mortalité observés par le Registre dijonnais des AVC depuis 1985 reflétaient les taux français 3,6,7.
La non prise en compte des AVC survenant avant 35 ans est une limite de ce travail, qui rend difficile l’observation de l’augmentation récente de la proportion des AVC chez les individus de moins de 55 ans 4,10 et empêche certaines comparaisons géographiques et temporelles.
Conclusion
La baisse significative des taux d’incidence et la baisse non significative des taux de mortalité à 28 jours chez la femme, est une information nouvelle et encourageante. Cependant, le vieillissement accéléré de la population féminine en France devrait être à l’origine d’une augmentation rapide de la prévalence des AVC chez les femmes, soulevant la nécessité d’anticiper une organisation des soins adaptée sur l’ensemble du territoire.