Le poids des complications liées au diabète en France en 2013. Synthèse et perspectives
// The burden of diabetes-related complications in France in 2013. Summary and perspectives
Résumé
Objectif –
Faire une synthèse des bilans de certaines complications liées au diabète en France en 2013 : infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, plaie du pied, amputation d’un membre inférieur, démarrage d’un traitement de suppléance pour insuffisance rénale chronique terminale (IRCT), ainsi que du suivi des examens recommandés.
Méthodes –
Les bilans sont basés sur les données du Système national d’information inter-régimes de l’assurance maladie (Sniiram) chaînées au Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) et du registre du Réseau épidémiologique et information en néphrologie (REIN). L’incidence des complications et la fréquence de suivi des examens recommandés ont été déclinées par sexe, âge, région, bénéfice de la Couverture maladie universelle complémentaire et quintiles d’un indice territorial de désavantage social. Les analyses portent sur la population diabétique traitée pharmacologiquement et, pour l’IRCT, sur la population diabétique définie selon des critères cliniques.
Résultats –
En 2013, en France, parmi les 3 millions de personnes traitées pharmacologiquement pour un diabète, 11 737 ont été hospitalisées pour un infarctus du myocarde (2,2 fois plus que dans la population non diabétique), 17 148 pour un accident vasculaire cérébral (1,6 fois plus), 20 493 pour une plaie du pied (5 fois plus), 7 749 pour une amputation d’un membre inférieur (7 fois plus) et 4 256 ont démarré un traitement de suppléance pour une IRCT (9 fois plus). Les hommes étaient davantage touchés que les femmes par l’ensemble des complications. Malgré les faibles disparités socio-économiques observées dans le suivi biologique recommandé, les disparités étaient élevées dans la survenue des complications. Le suivi clinique restait plus fréquent chez les personnes les plus favorisées. Les disparités régionales étaient fortes, avec des taux d’incidence des complications nettement plus élevés dans les départements d’outre-mer et certaines régions métropolitaines, notamment le Nord-Pas-de-Calais.
Conclusion –
Même si ces effectifs sont sous-estimés, car basés uniquement sur les personnes traitées pharmacologiquement, ce bilan des complications permet de rappeler la gravité du diabète. Ces complications, qui sont évitables, restent fréquentes et viennent alourdir les inégalités sociales et territoriales liées à la survenue du diabète.
Abstract
Objective –
To summarize the overviews of some diabetes-related complications in France in 2013: myocardial infarction, stroke, foot ulcer, lower limb amputation, renal replacement therapy for end-stage renal disease (ESRD), as well as adherence to diabetes care guidelines.
Methods –
The overviews are based on data from the National Information System for Health Insurance (Sniiram) linked to the French national hospital discharge databases (PMSI), and from the Epidemiological and Information Network for Renal Diseases (REIN) registry. Incidence rates of complications and frequencies of adherence to diabetes care guidelines were broken down by sex, age, benefit from the universal complementary health insurance and a geographical deprivation index. Analyses focus on the pharmacologically treated diabetic population, and for ESRD on the diabetic population defined through clinical criteria.
Results –
In 2013, in France, among the 3 million people pharmacologically treated for diabetes, 11,737 were hospitalized for myocardial infarction (2.2 times higher than in the non-diabetic population), 17,148 for stroke (1.6 times higher), 20,493 for a foot ulcer (5 times higher), 7,749 for a lower limb amputation (7 times higher) and 4,256 started a renal replacement therapy for end-stage renal disease (9 times higher). Men were more concerned than women by all these complications. Despite low socioeconomic disparities observed in the biological monitoring, disparities were high regarding the incidence of complications. Clinical follow-up was still higher among the less disadvantaged people. Regional disparities were strong with incidence rates significantly higher in the overseas departments and in some metropolitan regions, such as the Nord-Pas-de-Calais.
Conclusion –
Even if they are underestimated as they are based only on pharmacologically treated people, these overviews of complications highlight the severity of diabetes. These complications, which are preventable, remain frequent and accentuate social and territorial inequalities related to the onset of diabetes.
Introduction
En France, en 2013, plus de 3 millions de personnes étaient traitées pharmacologiquement pour un diabète, soit une prévalence de 4,7% (encadré). Cette prévalence ne cesse d’augmenter. Il s’agit essentiellement de diabète de type 2, qui représente plus de 90% des cas de diabète en France. Le diabète est une pathologie grave de par la sévérité de ses complications micro- et macrovasculaires. Ces dernières sont lourdes pour les personnes concernées et pour la société du fait des conséquences économiques qu’elles génèrent. Le coût directement lié au diabète et à ses complications a été estimé à 7,7 milliards d’euros en 2013 1. Toutefois, ces complications sont évitables. Depuis plus de vingt ans, des études ont montré qu’un bon contrôle du niveau glycémique, de la pression artérielle et des lipides réduisait la survenue des complications micro- et macrovasculaires du diabète 2.
Au cours des dernières décennies, des avancées importantes ont eu lieu en termes de prise en charge des facteurs de risque vasculaire, l’éducation thérapeutique s’est largement développée et des recommandations de prise en charge du diabète ont été diffusées. Plusieurs études internationales ont mis en évidence une diminution des complications liées au diabète, attribuable en grande partie à ces avancées 3. En France, les études Entred (Échantillon national témoin représentatif des personnes diabétiques) ont montré une amélioration importante du contrôle des facteurs de risque vasculaire des personnes diabétiques entre 2001 et 2007 4,5. Toutefois, la prévalence des complications cardiovasculaires avait légèrement augmenté sur cette même période. Le recul de 6 ans n’était probablement pas suffisant pour objectiver les conséquences de ces améliorations sur la prévalence des complications. Par ailleurs, peu de données d’incidence des complications du diabète étaient disponibles en France. L’accès récent aux données du Système national d’information inter-régimes de l’assurance maladie (Sniiram) a ouvert de nouvelles perspectives en termes de surveillance de l’incidence des complications liées au diabète en France.
Cet article s’inscrit dans un numéro thématique du BEH regroupant des données récentes sur cinq indicateurs de la morbidité du diabète ainsi que sur le suivi des examens recommandés et en fait la synthèse. Ces cinq indicateurs sont les hospitalisations pour infarctus du myocarde (IDM), accident vasculaire cérébral (AVC), plaie du pied, amputation d’un membre inférieur (AMI) et démarrage d’un traitement de suppléance pour insuffisance rénale chronique terminale (IRCT). Les analyses ont été effectuées à partir des systèmes de recueil de données nationales et exhaustives que sont le Sniiram chaîné au Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) et le registre du Réseau épidémiologique et Information en néphrologie (REIN) 6.
La rétinopathie diabétique ne peut, à ce jour, faire l’objet de ce type de bilan, faute d’une source de données nationales fiable.
Population et méthodes
Sources de données
Le Sniiram comprend une base de données individuelles anonymisées de l’ensemble des remboursements effectués par la quasi-totalité des régimes d’assurance maladie pour les soins dispensés en ville (actes médicaux, nature des examens biologiques, dispositifs médicaux, médicaments), ainsi que des données sociodémographiques (âge, sexe, Couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), commune de résidence, date de décès) sur les bénéficiaires de ces prestations. Les données de remboursement du Sniiram, disponibles pour trois années plus l’année en cours, sont chaînées aux données d’hospitalisation du PMSI avec un recul jusqu’en 2005 pour ces dernières. Notre analyse porte sur la période 2010-2013, pour laquelle les données de remboursement étaient disponibles.
Les indicateurs de niveau socio-économique utilisés sont le bénéfice ou non de la CMU-C et un indice territorial de désavantage social 7. La CMU-C est une protection maladie complémentaire gratuite, destinée aux personnes résidant en France et dont les ressources sont inférieures à 720 euros mensuels pour une personne seule (plafond fixé au 1er juillet 2015). Toutefois, l’allocation de solidarité, allouée à partir de l’âge de 60 ans aux personnes les plus défavorisées, étant supérieure à ce plafond, la CMU-C n’est pas un indicateur de niveau socio-économique pertinent au-delà de cet âge. Par ailleurs, l’indice territorial de désavantage social calculé à l’échelle de la commune à partir de quatre variables socio-économiques 7 issues du recensement de la population et des données sur les revenus fiscaux des ménages en 2009 (source : Insee) est disponible dans le Sniiram. Des quintiles de population générale (hors départements d’outre-mer [DOM]) ont été calculés en fonction du niveau de désavantage social de la commune de résidence des affiliés.
La prévalence du diabète traité pharmacologiquement en France a été estimée à 4,7 % en 2013, tous régimes d’assurance maladie confondus, soit plus de 3 millions de personnes traitées pour un diabète.
Cette prévalence ne cesse d’augmenter en France, particulièrement chez les hommes, les jeunes (<20 ans) et les plus âgés (>80 ans).
Toutefois, cette progression enregistre un ralentissement depuis 2009 : le taux de croissance annuel moyen était de 5,4% sur la période 2006-2009 et de 2,3 % sur la période 2009-2013.
Les disparités géographiques et socio-économiques persistent et s’accentuent.
* Institut de veille sanitaire [Internet] : http://www.invs.sante.fr/Dossiers-thematiques/Maladies-chroniques-et-traumatismes/Diabete/Donnees-epidemiologiques/Prevalence-et-incidence-du-diabete
Le registre du REIN 6 est un système d’information global sur les traitements de suppléance de l’IRCT, avec un recueil d’informations sur les patients traités par dialyse et sur les patients transplantés rénaux. Ce registre s’est progressivement déployé depuis 2002, pour couvrir tout le territoire national à partir de 2011, DOM compris.
Méthodes d’analyse
Les estimations des taux d’incidence et des fréquences basées sur les données du Sniiram ont été calculées pour la quasi-totalité des régimes d’assurance maladie (environ 98% de la population), en métropole et dans les DOM (excepté Mayotte). Au numérateur comme au dénominateur, les personnes diabétiques ont été identifiées sur la base de leurs remboursements de traitements antidiabétiques 8. Les taux d’incidence ont été standardisés sur la structure d’âge de la population européenne 2010 : Eurostat, population EU-27, chez les personnes âgées de 45 ans et plus, afin de faire des comparaisons régionales et selon le niveau socio-économique.
Pour le registre REIN, le diabète était défini selon des critères cliniques 9.
Résultats
Poids des complications
En 2013, en France, parmi les 3 millions de personnes traitées pharmacologiquement pour un diabète, 11 737 ont été hospitalisées pour un IDM, 17 148 pour un AVC, 20 493 pour une plaie du pied, 7 749 pour une AMI et 4 256 ont démarré un traitement de suppléance pour une IRCT.
À structure d’âge égale, le taux de personnes hospitalisées pour IDM était 2,2 fois plus élevé dans la population diabétique traitée pharmacologiquement que dans la population non diabétique, celui de l’AVC était 1,6 fois supérieur, celui du démarrage d’un traitement de suppléance de l’IRCT 9 fois, celui des hospitalisations pour plaies du pied 5 fois et celui de l’AMI était 7 fois supérieur au taux d’incidence observé dans la population non identifiée comme diabétique (tableau 1).
Les hommes, plus fréquemment concernés par le diabète que les femmes, étaient également davantage touchés par les complications (tableau 2). Les hospitalisations pour IDM étaient 2 fois plus fréquentes chez les hommes que chez les femmes à structure d’âge identique, celles pour AVC 1,4 fois plus, le démarrage d’un traitement de suppléance de l’IRCT 1,4 fois plus, les hospitalisations pour plaies du pied, 1,6 et enfin celles pour AMI étaient 2,6 fois plus fréquentes.
L’âge moyen des personnes hospitalisées pour chacune de ces complications était de plus de 70 ans (70,7 ans pour les IDM, 74,6 ans pour les AVC, 71,5 ans pour les plaies du pied, 71 ans pour les AMI et 70 ans pour l’IRCT).
Entre 2010 et 2013, les taux d’incidence des hospitalisations pour IDM et pour AMI sont restés stables, alors que ceux des hospitalisations pour plaies du pied et pour AVC ont augmenté. Le taux d’incidence de l’IRCT, stable de 2009 à 2011, a augmenté de 2011 à 2013.
La fréquence de suivi des examens recommandés a progressé depuis le premier recueil effectué dans l’étude Entred en 2001. Toutefois, si les fréquences de réalisation des dosages annuels de créatininémie et des lipides atteignaient, en 2013, respectivement 84% et 74%, celles de 3 dosages d’HbA1c et de microalbuminurie continuaient de progresser mais n’atteignaient que 51% et 30%, respectivement, la même année. De même, le suivi dentaire progressait mais n’atteignait que 36%. Le suivi cardiologique annuel et le suivi ophtalmologique bisannuel n’avaient pas évolué depuis les données d’Entred 2007 et ne concernaient que 35% et 62%, respectivement, des personnes diabétiques.
Disparités socio-économiques
Les personnes diabétiques âgées de moins de 60 ans et bénéficiant de la CMU-C avaient, en 2013, un suivi des examens recommandés similaire à celui des personnes non bénéficiaires de la CMU-C, à l’exception des trois dosages d’HbA1c, moins fréquemment réalisés. En revanche, à structure d’âge égale, les hospitalisations dans cette population étaient beaucoup plus fréquentes : 1,3 fois plus pour les IDM, 1,6 pour les AVC, 1,4 pour les plaies du pied et 1,5 fois plus pour les AMI.
Selon l’indice territorial de désavantage social, le suivi biologique recommandé était plus fréquent chez des personnes résidant dans les communes les plus défavorisées que chez les personnes résidant dans les communes les plus favorisées, alors qu’à l’inverse les consultations dentaires et d’ophtalmologie et le suivi cardiologique y étaient moins fréquents. Par ailleurs, les taux standardisés d’incidence des hospitalisations étaient plus élevés chez les personnes résidant dans les communes les plus défavorisées : 1,1 fois plus pour les IDM, 1,1 pour les AVC, 1,3 pour les plaies du pied et 1,3 pour les AMI.
Disparités régionales
Les disparités régionales de prévalence du diabète traité pharmacologiquement restaient importantes en 2013 (figure). Au sein de la population diabétique, les disparités relatives à la fréquence de suivi des examens recommandés étaient relativement faibles. Les disparités les plus marquées étaient observées en Guyane, où tous les indicateurs mesurés en libéral, sauf la microalbuminurie, étaient nettement moins fréquents. Le Limousin enregistrait également des taux de dosage de la microalbuminurie, de suivi cardiologique et ophtalmologique plus faibles que le taux observé au niveau national. À l’inverse, La Réunion se démarquait avec un suivi plus élevé que les taux nationaux pour la majorité des indicateurs.
Concernant les complications liées au diabète, on constatait dans les DOM des taux d’incidence beaucoup plus élevés que le taux national. Ainsi, La Réunion enregistrait un taux d’incidence de l’IRCT 1,8 fois supérieur, celui des hospitalisations pour AMI était 1,3 fois supérieur et celui pour AVC 1,4 fois. À la Martinique, le taux d’incidence de l’IRCT était 1,5 fois plus élevé, les hospitalisations pour AMI 1,3 fois, pour plaies du pied 1,3 fois et pour AVC, 1,1 fois. En Guyane, le taux d’incidence des hospitalisations pour AMI était 1,6 fois supérieur au taux national et celui des AVC était 1,3 fois supérieur. En Guadeloupe, seul le taux d’incidence des hospitalisations pour AMI était très élevé : 1,6 fois supérieur. Les autres complications étaient soit proches du taux national, soit inférieures.
Par ailleurs, certaines régions métropolitaines enregistraient également des taux d’incidence très élevés par rapport au taux national. C’est le cas pour le Nord-Pas-de-Calais où le taux d’incidence de l’IRCT était 1,4 fois supérieur au taux national ; le taux d’incidence des hospitalisations pour AMI y était 1,3 fois supérieur, celui des plaies du pied 1,5 fois et celui de l’AVC 1,1 fois. En Alsace, le taux d’incidence de l’IRCT était 1,3 fois supérieur, le taux des hospitalisations pour plaies du pied était 1,3 fois supérieur et celui pour AVC 1,1 fois.
À l’inverse, certaines régions enregistraient des taux d’incidence inférieurs au taux national. Il s’agit de la Bourgogne, avec de faibles taux d’incidence d’IRCT, d’AMI et d’AVC, de l’Île-de-France, avec de faibles taux d’AMI, de plaies du pied et d’IDM, de l’Auvergne avec de faibles taux d’AMI, d’IDM et d’AVC, et de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur avec de faibles taux de l’AMI, des plaies du pied et d’AVC.
Discussion
Chaque année, en France, au moins 11 737 personnes diabétiques sont hospitalisées pour IDM, 17 148 pour AVC, 20 493 pour plaies du pied, 7 749 pour AMI et 4 256 démarrent un traitement de suppléance pour une IRCT. Ces chiffres, déjà très élevés, sont certainement sous-estimés car ils ne portent que sur les personnes identifiées sur la base de leurs remboursements de traitements antidiabétiques.
Ainsi, ils ne comprennent ni les personnes diabétiques en hospitalisation de longue durée ou résidant dans un établissement d’hébergement doté d’une pharmacie à usage intérieur, ni les personnes peu observantes ou décédées durant premiers mois de l’année sans avoir pu avoir trois remboursements de traitements antidiabétiques. Néanmoins, même s’ils sont sous-estimés, ces résultats illustrent le fardeau du diabète en France.
Cet état des lieux reste toutefois incomplet. Il ne couvre notamment pas la rétinopathie diabétique. À ce jour, aucune source de données nationales fiable ne permet d’approcher l’estimation de l’incidence de cette dernière en France, ni même de sa prévalence. Ces estimations ne peuvent être basées que sur une enquête incluant un examen de la rétine. Il manque également des informations sur les hypoglycémies sévères. Il s’agit pourtant, à l’heure actuelle, d’un enjeu majeur dans le choix des stratégies thérapeutiques.
Un résultat positif, illustré dans notre étude, concerne l’absence d’inégalités socio-économiques dans le suivi des examens biologiques recommandés et, s’il y en a, elles sont parfois en faveur des personnes les plus défavorisées. Ces examens, notamment le suivi de l’équilibre glycémique et de l’atteinte rénale, restent trop peu fréquemment réalisés pour l’ensemble des personnes diabétiques. Les consultations dentaires et ophtalmologiques sont moins fréquentes dans les populations les plus défavorisées, mais ces résultats ne sont pas spécifiques à la population diabétique 10.
Ces associations entre niveau socio-économique et recours aux soins confirment celles observées dans l’étude Entred 11,12. Concernant les disparités géographiques, la Guyane se démarque avec un très faible recours aux examens de suivi biologique et clinique. Cependant, une étude complémentaire mériterait d’être menée afin d’estimer la part de la prise en charge des personnes diabétiques dans des structures locales pour lesquelles les soins ne sont pas soumis à remboursement par l’Assurance maladie et qui ne sont donc pas pris en compte dans notre analyse.
La relative homogénéité de suivi biologique observée dans notre étude interpelle. Il est maintenant bien connu que le diabète touche davantage les populations défavorisées ainsi que certaines régions, notamment les DOM ou les régions du Nord-Est de la métropole 8. Une fois la maladie établie, alors que le suivi biologique semble similaire, de fortes disparités dans la survenue des complications resurgissent. Cela suggère que la lutte contre les inégalités ne passe pas uniquement par le suivi des examens recommandés (quoique fondamental) mais essentiellement par une gestion appropriée de la maladie de la part de la personne diabétique et de son médecin. Cette gestion de la maladie repose notamment sur l’éducation du patient, qui doit être la mieux adaptée à son profil, facilitant l’observance des mesures hygiéno-diététiques et des traitements médicamenteux. Elle doit également reposer, en dernier lieu, sur l’intensification de ces traitements, si nécessaire. Ainsi, ces observations rappellent que le diabète est une pathologie pour laquelle chaque niveau de prévention, qu’il soit primaire, secondaire ou tertiaire, reste fondamental pour lutter contre les inégalités sociales. L’identification des obstacles à l’appropriation par le patient de sa maladie, son traitement et sa prévention reste un enjeu majeur dans la réduction des inégalités sociales de santé.
Une limite importante de notre étude concerne l’absence d’informations sur le niveau de risque vasculaire. Le risque vasculaire reste pourtant très élevé en population diabétique et diffère selon le sexe 13. Il varie également selon le niveau socio-économique. L’étude Entred 2007 a mis en évidence un tabagisme et une obésité plus fréquents ainsi qu’un moins bon contrôle de l’équilibre glycémique chez les personnes diabétiques de type 2 les plus défavorisées 11. Le système de surveillance mis en place ne permet pas de disposer de ces indicateurs intermédiaires (niveau d’HbA1c, de cholestérol-LDL, de pression artérielle, de corpulence ou statut tabagique). La fréquence de l’hypertension et des dyslipidémies pourrait être approchée par les remboursements de traitements antihypertenseurs et hypolipémiants, comme cela a été effectué dans une étude en population générale 14. Toutefois, ces indicateurs sont des indicateurs de prise en charge thérapeutique de ces facteurs de risque mais n’apportent pas d’information sur leur niveau de contrôle. Seul un système de surveillance basé sur un recueil de données médicales ou auprès des personnes diabétiques, du type enquête Entred, permet de les suivre. Ce sont pourtant ces facteurs qui sont modifiables et permettent une plus grande réactivité pour la mise en place d’interventions, les complications micro- et macrovasculaires n’apparaissant qu’après une longue période d’exposition. D’autre part, les caractéristiques individuelles, notamment socio-économiques, font défaut. Seuls la CMU-C chez les personnes de moins de 60 ans et l’indice territorial de désavantage social, hors DOM, sont disponibles, avec les limites qui sont exposées dans un autre article de ce même numéro 15.
Néanmoins, cet état des lieux constitue une première étape dans la mise en place d’un système de surveillance, à partir de données nationales exhaustives, de la morbidité du diabète et du suivi des examens recommandés dans la prise en charge du diabète et la prévention de ses complications. Ce système de surveillance permet de décrire le fardeau des complications liées au diabète, de mesurer les disparités selon le sexe, les classes d’âge, le niveau socio-économique et territorial et d’en suivre les évolutions dans le temps. L’analyse des tendances temporelles sur le plus long terme, déclinée selon le niveau régional et socio-économique, permettra d’alerter en cas d’aggravation des disparités ou de rassurer en cas d’amélioration. L’enjeu consiste maintenant à renouveler régulièrement cet état des lieux afin de fournir des éléments nécessaires au pilotage des interventions de santé publique.