Complications sévères du diabète et suivi des examens recommandés en France : progrès, insuffisances et disparités

// Severe complications of diabetes and adherence to recommended care guidelines in France: progress, gaps and disparities

Jacques Bringer
Faculté de médecine et CHU de Montpellier

Dans notre pays, les données du Système national d’information inter-régimes de l’assurance maladie (Sniiram), combinées au Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI), et celles du registre du Réseau épidémiologique et information en néphrologie (REIN) offrent une analyse précise et objective de la survenue des complications liées au diabète et de leur évolution.

En France, en 2013, 3 millions de personnes diabétiques prenaient un traitement médicamenteux pour un diabète (4,7% de la population). Plus de 20 000 d’entre elles ont été hospitalisées pour une plaie du pied, dont près de 8 000 pour amputation d’un membre inférieur, soit un risque 7 fois supérieur à celui de la population non diabétique, et 17 000 diabétiques ont subi un accident vasculaire cérébral imposant une hospitalisation (risque 1,6 fois supérieur). Près de 12 000 personnes diabétiques ont été hospitalisées pour un infarctus du myocarde, soit 2,2 fois plus que dans la population non diabétique. Un traitement de suppléance pour insuffisance rénale chronique terminale a été nécessaire chez 4 256 diabétiques, risque 9 fois supérieur à celui des personnes non diabétiques.

Ces complications, survenant dans une population de personnes diabétiques traitées, soulignent la gravité du diabète et le chemin qui reste à parcourir pour réduire l’injustice des conséquences de cette maladie, alourdie par certaines inégalités sociales et territoriales, même si le suivi des examens recommandés dans la surveillance du diabète progresse de façon significative. Ainsi, la fréquence de suivi de l’équilibre glycémique (3 dosages d’HbA1c) a nettement progressé (+ 12% depuis 2007) pour atteindre 51%. Le dosage de la créatinine était réalisé chez 84% des patients en 2013 (+ 5%). L’évaluation de la microalbuminurie et le dosage des lipides connaissent eux aussi une certaine progression. Seuls le suivi cardiologique et les consultations ophtalmologiques n’ont pas progressé depuis 2007.

Bien qu’il existe encore une forte marge de progression pour assurer un suivi homogène de l’ensemble de la population diabétique sur les différents départements et territoires, ce bilan montre une amélioration encourageante de la surveillance des personnes diabétiques dans notre pays.

Alors que la réalisation des examens biologiques n’apparaît pas influencée par les disparités socio-économiques, le suivi clinique reste plus fréquent chez les personnes les plus favorisées. Cela paraît montrer qu’au-delà de la prescription et de la réalisation des examens, le problème essentiel réside dans l’utilisation qui en est faite en termes de qualité de prise en charge des patients, intimement liée à la coordination des soins et à l’éducation thérapeutique. Les inégalités territoriales et socio-économiques affectent l’efficacité des soins chez les diabétiques et doivent conduire à mettre en place les actions de prévention et des filières de soins réactives afin de réduire, en particulier, la survenue des accidents vasculaires cérébraux, dont la fréquence est supérieure à celle des infarctus du myocarde. Ces derniers ont bénéficié du développement de la cardiologie interventionnelle avec revascularisation coronaire.

Les interventions thérapeutiques et éducatives individualisées visant l’autonomie des patients diabétiques doivent tenir le plus grand cas de l’âge, de l’ancienneté du diabète, mais aussi du milieu social, du niveau éducatif, des priorités de vie et du profil psychologique des personnes pour prétendre réduire à la fois le risque de complications du diabète et améliorer la qualité de vie.

La réduction des complications du diabète passe par la prise en charge des facteurs de risques associés, surpoids, hypertension artérielle, dyslipidémie, tabagisme et sédentarité. L’optimisation du contrôle glycémique s’intègre à ces mesures de prévention multifactorielle : son efficacité n’est plus à démontrer sur la prévention des complications de micro-angiopathie spécifique du diabète (lésion du pied, neuropathie, rétinopathie, néphropathie). Le bénéfice de l’équilibre glycémique sur les complications macrovasculaires est également constaté, en particulier chez les diabétiques précocement et/ou durablement traités, avec une diminution de la mortalité après 10 ans de suivi.

Le suivi de cinq indicateurs des complications particulièrement sévères du diabète présenté dans ce BEH nous donne une mesure de leur incidence en fonction de l’âge, du sexe, du niveau socio-économique et des disparités territoriales. Ils sont de précieux témoins de l’évolution de ces complications et de l’efficacité des actions de prévention selon les territoires et le niveau socio-économique des populations concernées. De ce fait, ces marqueurs évolutifs sont indispensables au pilotage et à l’évaluation des interventions de santé publique dans le domaine du diabète.

Citer cet article

Bringer J. Éditorial. Complications sévères du diabète et suivi des examens recommandés en France : progrès, insuffisances et disparités. Bull Epidémiol Hebd. 2015;(34-35):618. http://www.invs.sante.fr/beh/2015/34-35/2015_34-35_0.html