SurvESMS : un dispositif de surveillance de la Covid-19 en établissements sociaux et médico-sociaux
// SurvESMS: A system for monitoring COVID-19 in long-term care facilities
Résumé
Lors de la phase de diffusion du virus SARS-CoV-2, un des enjeux majeurs de la surveillance épidémiologique a été de disposer de données actualisées et exhaustives sur les personnes atteintes de Covid-19 dans les établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS). Cet article décrit la mise en place du dispositif de surveillance de la Covid-19 en ESMS (SurvESMS) et son adaptation pour répondre aux besoins des acteurs de la surveillance et des décideurs, ainsi qu’à l’évolution des pratiques face à l’acquisition progressive des connaissances sur la Covid-19. Le développement de ce dispositif de surveillance met en lumière la nécessité de se doter de plateformes informatiques performantes et agiles, permettant d’accéder aux données de santé des résidents et d’être en capacité de développer rapidement des systèmes de surveillance en situation d’émergence.
Abstract
During the outbreak of the SARS-CoV-2 virus, one of the major challenges for epidemiological surveillance was to obtain up-to-date, exhaustive data on people with COVID-19 in long-term care facilities. This article describes the implementation of the COVID-19 surveillance system in long-term care facilities (SurvESMS). It also describes how the system was adapted to meet the needs of people involved in surveillance and decision-makers, as well as the changes in practices resulting from the gradual acquisition of knowledge about COVID-19. The development of this surveillance system highlights new requirements for agile IT platforms that provide access to residents’ health data and that can be used to develop surveillance systems rapidly in the event of an outbreak.
Introduction
Lors de la pandémie de Covid-19, il a été rapidement mis en évidence que certaines populations étaient plus à risque de formes graves de la maladie, en particulier les personnes âgées 1,2,3. Les acteurs de terrain ont rapporté très tôt que l’âge était l’un des principaux facteurs de risque associés à la mortalité liée à la Covid-19 ; le taux de mortalité étant 60 fois plus élevé chez les personnes âgées de plus de 80 ans par rapport à une population âgée de moins de 50 ans 4. En particulier, des études ont rapporté de nombreuses situations épidémiques dans les établissements de long séjour pour personnes âgées avec des taux de mortalité très élevés 5,6,7,8.
Lors de la phase de diffusion du virus, disposer de données réactives et exhaustives sur les personnes atteintes de Covid-19 dans les établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS) est devenu un enjeu majeur de la surveillance épidémiologique. Parmi l’ensemble des dispositifs de surveillance multisources mis en œuvre pour répondre à cette infection émergente 9, Santé publique France a mis en œuvre une surveillance de la Covid-19 spécifique de cette population à risque.
L’objectif de cet article est de décrire la mise en place du dispositif de surveillance de la Covid-19 en ESMS (SurvESMS). Il détaille les données recueillies, leurs traitements, les indicateurs produits et la solution informatique proposée avec ses avantages et ses limites. Il vise également à décrire les évolutions qui ont été apportées au dispositif de surveillance. Les résultats de surveillance issus de ce dispositif ne sont pas présentés dans cet article.
Déploiement en urgence d’un dispositif de surveillance de la Covid-19 en ESMS
À la suite de l’évolution de la situation épidémiologique et à la parution du MINSANTE/CORRUSS n° 2020_46 du 27 mars 2020 du ministère de la Santé 10, Santé publique France a développé en urgence un dispositif de surveillance des cas de Covid-19 en ESMS afin de répondre aux demandes du ministère de la Santé. La Direction générale de la santé (DGS) sollicitait une remontée quotidienne du nombre de cas et de décès liés à la Covid-19 dans les ESMS pendant au moins les périodes d’intense circulation du virus.
L’objectif de ce dispositif était d’assurer la détection rapide des personnes infectées par le SARS-CoV-2 parmi les résidents et le personnel des ESMS afin de mettre en place des mesures de gestion dans les meilleurs délais et d’assurer le suivi du nombre de cas et de décès liés à la Covid-19 en temps réel. Le dispositif visait l’élaboration de rapports quotidiens de la situation épidémique.
Santé publique France ayant été informée en amont de la parution du MINSANTE/CORRUS, le dispositif de surveillance SurvESMS a été mis à disposition des ESMS le 28 mars 2020 pour le signalement, sur la base du volontariat, des cas et des décès liés à la Covid-19 (figure 1).
La surveillance a concerné un éventail très large de catégorie d’ESMS. Les ESMS ciblés par la surveillance étaient les établissement d’hébergement pour personnes âgées (Ehpa), notamment pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), les établissements d’hébergement pour personnes en situation de handicap (HPH), les établissements d’aide sociale à l’enfance et d’autres ESMS comme les centres de soins et d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) avec hébergement, et, plus largement, les établissements d’hébergement pour personnes précaires. Les établissements sans place d’hébergement ne faisaient pas partie du champ de la surveillance.
Outre les ESMS sollicités pour signaler dans SurvESMS les cas et les décès de Covid-19 survenus dans leur établissement, le dispositif impliquait les agences régionales de santé (ARS) et les centres régionaux d’appui pour la prévention des infections associées aux soins (CPias) pour l’évaluation de la situation et l’appui à la mise en place des mesures de gestion. Les cellules régionales de Santé publique France intervenaient en appui à la gestion en apportant leur expertise épidémiologique. Santé publique France produisait des indicateurs communiqués au niveau national au ministère de tutelle et aux acteurs régionaux pour l’aide à la gestion (figure 2).
Le critère de signalement initial d’un épisode de cas de Covid-19 était la survenue du premier cas possible ou confirmé de Covid-19 chez les résidents ou le personnel 11. La distinction des cas de Covid-19 possibles et confirmés avait son importance en début de pandémie lorsque la confirmation de l’infection par le résultat positif d’un test RT-PCR ou d’un test antigénique était rarement obtenue. Les cas possibles de Covid-19 étaient le plus souvent définis par la présence de signes et symptômes respiratoires ou tout autre tableau clinique compatible avec la Covid-19.
L’épisode était ensuite actualisé par le signalement quotidien des nouveaux cas de Covid-19 et des nouveaux décès attribuables à la Covid-19, y compris en l’absence de nouveau cas. Enfin, 14 jours après la survenue du dernier cas dans l’établissement, l’ESMS effectuait un signalement afin de clôturer l’épisode. Chaque étape du signalement faisait l’objet d’un formulaire électronique complété par l’établissement et transmis après enregistrement à Santé publique France et conservé dans une base de données sécurisée.
Les données de santé recueillies, exclusivement agrégées par établissement, portaient sur le nombre de cas possibles ou confirmés de Covid-19 chez les résidents, dont ceux hospitalisés, et le nombre de décès liés au Covid-19 chez les résidents dont ceux décédés à l’hôpital. Concernant le personnel des ESMS, le nombre de cas possibles ou confirmés de Covid-19, dont ceux hospitalisés, étaient recueillis. Le formulaire recueillait également le nombre de tests pour la recherche du SARS-CoV-2 réalisés chez les résidents et les membres du personnel de l’établissement.
Des métadonnées étaient collectées et portaient sur la date de signalement, la personne déclarant le signalement (nom, fonction, téléphone, fax, email) et les caractéristiques de l’établissement (raison sociale, code postal, région, département, commune, numéro du Fichier national des établissements sanitaires et sociaux (Finess) géographique, rattachement à un établissement de santé, catégorie d’établissement, nombre de résidents et de personnes employées dans l’établissement au moment du signalement).
Des informations relatives aux mesures mises en œuvre pour la gestion de l’épisode de Covid-19 étaient également recueillies : la mise en place d’une cellule de crise pour la gestion de l’épisode, l’application des recommandations de la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H) pour la prévention de la transmission croisée des micro-organismes 12,13,14, l’éventuelle suspension des admissions dans l’établissement, la réalisation du bionettoyage adapté à la Covid-19, l’accès à des équipements de protection individuelle (EPI) en quantité suffisante, la mise en œuvre d’une information des familles et du personnel. Enfin, l’ESMS pouvait formuler une demande de soutien extérieur de l’ARS.
Les données ont permis de produire des indicateurs, stratifiés selon la catégorie d’établissement, sous forme de graphiques et de tableaux relatifs au nombre d’épisodes de cas de Covid-19 totaux, en cours ou clôturés, au nombre de cas de Covid-19 possibles et confirmés chez les résidents dont ceux hospitalisés, au nombre de décès liés à la Covid-19 chez les résidents dont ceux décédés à l’hôpital et, enfin, au nombre de cas de Covid-19 possibles et confirmés chez le personnel des ESMS. Tous les indicateurs étaient produits quotidiennement à l’aide du logiciel Stata®.
Choix de la solution informatique dans sa version initiale : avantages et limites
Au début de la pandémie de Covid-19, Santé publique France ne disposait pas de système de surveillance sanitaire spécifique aux ESMS en capacité d’intégrer la surveillance de la Covid-19. En conséquence, une solution informatique a été proposée pour mettre en œuvre le dispositif de surveillance de la Covid-19 en ESMS.
Depuis 2019, le signalement de cas groupés d’infections respiratoires aiguës (IRA) et de gastro-entérites aiguës (GEA) en Ehpad s’effectue via le portail de signalement des événements sanitaires indésirables du ministère de la Santé 15. Or, les critères de signalement des cas groupés d’IRA en Ehpad différaient de ceux nécessaires en début de pandémie pour la surveillance des épisodes de cas de Covid-19 10. Alors que le critère de signalement initial d’un épisode de cas de Covid-19 était la survenue d’un premier cas possible ou confirmé de Covid-19 chez les résidents ou le personnel, le critère de signalement d’un épisode de cas groupés d’IRA se définissait par l’identification d’au moins 5 cas d’IRA dans un délai de 4 jours. De plus, la fréquence de signalement quotidienne attendue pour la surveillance de la Covid-19, en particulier pendant les périodes de pic épidémique, était incompatible avec les modalités de signalement des épisodes d’IRA qui prévoit, pour chaque épisode, seulement deux signalements, l’un initial et l’autre à la clôture de l’épisode. Le portail de signalement des événements sanitaires indésirables du ministère de la Santé était donc inadapté.
L’adaptation du portail du signalement des événements sanitaires indésirables pour le signalement des cas de Covid-19 n’a pas été possible dans des délais compatibles avec la mise en place en urgence du dispositif de surveillance. En outre, il a semblé qu’une prestation pour le développement d’une nouvelle solution informatique n’était pas adaptée car trop longue à mettre en œuvre dans un contexte d’urgence. Le choix de la solution informatique s’est donc porté sur la plateforme Voozanoo 3, plateforme développée par la société EpiConcept et utilisée à Santé publique France. Voozanoo présente une grande souplesse et permet, via un éditeur de contenu, de créer des formulaires pour le recueil de données et de gérer les droits des utilisateurs et les flux de données. En utilisant cette plateforme, Santé publique France était en capacité de développer un outil informatique dans un délai très court.
La plateforme Voozanoo 3 a permis de proposer une solution informatique pour la surveillance des cas et des décès liés à la Covid-19 répondant aux principaux objectifs de surveillance du MINSANTE/CORRUSS 10. Les données recueillies quotidiennement par les ESMS sur les épisodes de Covid-19 ont permis de produire les principaux indicateurs de la surveillance nationale et régionale via les bulletins quotidiens, les points épidémiologiques (PE) hebdomadaires et les tableaux de bords, ainsi qu’une valorisation de ces résultats 16,17,18,19,20.
Cependant, les utilisateurs de l’outil informatique – les ESMS dont les Ehpad, ayant déjà une culture du signalement, et les acteurs régionaux, les ARS et les cellules régionales de Santé publique France – ont rapidement fait remonter des difficultés et des faiblesses de l’outil informatique. Un retour d’expérience a été mené par Santé publique France avec les utilisateurs dans les mois qui ont suivi la mise en production de l’outil informatique (figure 1).
Tout d’abord, l’outil informatique présentait un problème d’ergonomie. Les utilisateurs étaient confrontés à une interface de saisie vieillissante, peu intuitive, sans contrôle des données saisies et avec l’obligation à chaque signalement de saisir à nouveau des données administratives sur l’établissement et les informations sur le déclarant du signalement.
De plus, l’outil ne permettait pas aux établissements signalants d’accéder aux données transmises, afin de pouvoir les modifier ce qui posait des problèmes de qualité des données. Les corrections des erreurs de saisie ou des doublons de cas et de décès liés à la Covid-19 étaient effectuées a posteriori par les cellules régionales de Santé publique France, avec pour conséquence une surcharge de travail et générant des résultats difficiles à communiquer.
En outre, les indicateurs de la surveillance n’étaient pas mis à disposition des acteurs régionaux de manière harmonisée afin de répondre aux besoins d’appui à la gestion des épisodes de cas (figure 2). Des cellules régionales produisaient des indicateurs régionaux pour les ARS pour pallier le manque de retour d’information régional. L’outil a été pensé principalement pour la surveillance épidémiologique de la Covid-19 au niveau national, sans répondre aux besoins régionaux et locaux.
Enfin, les critères de signalement pour la surveillance de la Covid-19 en ESMS ont évolué au cours de la pandémie, notamment en matière de fréquence de déclaration des cas et de diagnostic des cas, exclusivement cliniques au début de la pandémie puis, progressivement, confirmés biologiquement. De nouveaux indicateurs étaient nécessaires pour caractériser la dynamique épidémique.
Évolution du dispositif de surveillance SurvESMS
Tout en poursuivant la surveillance de la Covid-19 en ESMS, Santé publique France a amélioré le dispositif. Une évaluation des besoins a été menée au sein d’un groupe de travail dans lequel les cellules régionales de Santé publique France ont porté les attentes régionales. Des évolutions ont été apportées au dispositif de surveillance SurvESMS, dont la nouvelle version a été mise à disposition des ESMS le 19 mars 2021 (figure 1). À ce stade de la pandémie, les établissements pour personnes âgées restaient les principaux déclarants.
Des contrôles de cohérence des données entre les formulaires de l’ensemble des signalements de cas et de décès d’un même épisode ont été mis en œuvre de manière à améliorer la qualité des données. La gestion des comptes des utilisateurs dans les ESMS a permis aux utilisateurs d’accéder à l’historique de leurs données pour éventuellement les modifier. Une deuxième application dédiée à la création des comptes a été développée sous LimeSurvey (LimeSurvey GmbH) pour fluidifier la gestion des demandes des nouveaux utilisateurs déclarants.
Compte tenu de l’évolution de la surveillance de la Covid-19, des modifications ont été apportées aux critères et à la fréquence de signalement. D’une part, avec la généralisation des tests diagnostiques, seuls les cas confirmés de Covid-19 étaient signalés. D’autre part, la mise à jour quotidienne du signalement en l’absence de nouveau cas n’était plus nécessaire. Les signalements étaient recommandés uniquement lors de la survenue de nouveaux cas ou de nouveaux décès dans l’établissement.
L’ensemble des champs relatifs à la gestion a été dissocié de la surveillance sanitaire. Un nouvel outil dédié à l’aide à la gestion d’une épidémie de Covid-19 en ESMS a été développé par la mission nationale de surveillance et prévention de la résistance aux antibiotiques et des infections associées aux soins en soins de ville et en secteur médico-social (MN-Primo). Seul le champ relatif à la demande d’un soutien extérieur de l’ARS pour faire face à l’épisode en cours a été conservé et pouvait être actualisé. En outre, un formulaire spécifique sur la surveillance de la couverture vaccinale contre la Covid-19 en ESMS a été ajouté à l’outil informatique pour compléter le dispositif de surveillance SurvESMS.
De nouveaux indicateurs de surveillance ont été produits : le nombre de foyers épidémiques comptant au moins trois cas confirmés, le taux d’attaque, le taux d’hospitalisation, la létalité chez les résidents et le personnel, la répartition des épisodes stratifiés selon le nombre de cas, la durée des épisodes. À l’inverse, certains indicateurs ont été abandonnés en raison de l’arrêt de leur recueil, comme le nombre de cas possibles de Covid-19 et le nombre de tests pour la recherche du SARS-CoV-2.
La restitution des indicateurs de la surveillance auprès des acteurs de terrain et notamment des ARS a été conçue de manière intégrée et fondée sur l’exploitation automatisée des données. Des programmes de contrôle de la qualité des données, d’analyses et de restitution des résultats ont été élaborés sous R Markdown. Des rapports de résultats au format html étaient produits quotidiennement et de manière automatisée aux niveaux national, régional et départemental. Les résultats présentaient les indicateurs de la surveillance actualisés, cohérents entre les différents niveaux géographiques et stratifiés par catégorie d’établissement. Des courbes épidémiques à différentes échelles géographiques présentaient l’évolution du nombre hebdomadaire d’épisodes, de foyers épidémiques, de cas et de décès liés à la Covid-19. De plus, des fichiers au format csv pour chaque région donnaient des informations détaillées sur les caractéristiques des épisodes en cours et clôturés.
Enfin, l’ergonomie de l’outil informatique a été améliorée pour faciliter le signalement des cas de Covid-19. En parallèle du développement par Santé publique France d’une partie de l’interface de Voozanoo permettant aux ESMS l’accès à l’ensemble de leurs signalements, une prestation a été conduite pour améliorer la page d’accueil.
Fin de SurvESMS
À la suite des évolutions de la surveillance de la Covid-19 en France qui fait désormais l’objet de bulletins hebdomadaires sur les IRA, le dispositif de surveillance SurvESMS a été arrêté le 20 juin 2023, afin de l’intégrer au dispositif de signalement des épisodes groupés d’IRA dans le portail de signalement des événements sanitaires indésirables du ministère de la Santé. Cette évolution du dispositif conduit à un suivi pour la prise en charge initiale des épisodes de cas groupés de Covid-19 par les ARS, puis dans un second temps, une surveillance épidémiologique par Santé publique France.
Le signalement des IRA sur ce portail, qui concernait jusqu’à présent la grippe et le virus respiratoire syncytial (VRS) en Ehpad, propose désormais le signalement des cas groupés de Covid-19. Le signalement dès l’identification du premier cas est abandonné au profit d’un signalement lors de la survenue d’au moins trois cas d’IRA parmi les résidents dans un délai de quatre jours. Un second et dernier formulaire est renseigné en fin d’épisode, lorsqu’il s’est écoulé au moins 14 jours en l’absence de nouveau cas, à partir de la date de survenue du dernier cas dans l’établissement 21.
Discussion-conclusion
Les limites dans l’architecture des systèmes d’information en santé, en particulier couvrant les ESMS, n’ont permis de disposer d’indicateurs nationaux de surveillance de la Covid-19 dans les ESMS qu’à partir de la fin mars 2020 22. Cependant, le dispositif de surveillance SurvESMS a été construit en urgence et a su s’adapter aux évolutions des connaissances et des pratiques relatives à la pandémie de Covid-19. Ce dispositif a permis, d’une part, le signalement des épisodes de Covid-19 par les ESMS ciblés sur l’ensemble du territoire, et d’autre part, la production des indicateurs de surveillance utiles à la gestion des épisodes, déclinés aux niveaux national, régional et départemental.
L’expérience a montré la nécessité de disposer, pour les acteurs de l’évaluation et de la gestion dans une situation de crise sanitaire, d’un système d’information réactif pour la détection et l’alerte précoce des signaux ainsi que le suivi épidémiologique s’approchant de l’exhaustivité. Ainsi, la surveillance quotidienne de la Covid-19 et la restitution journalière des données a été un enjeu majeur qui a motivé le développement spécifique du dispositif de surveillance SurvESMS. Une fois la situation de crise sanitaire finie, le signalement des épisodes de Covid-19 en ESMS a rejoint le système de signalement des IRA, dont la fréquence de signalement réduite est davantage destinée à l’alerte, mais qui n’est plus compatible avec la surveillance épidémiologique quotidienne.
L’avantage de disposer d’une plateforme informatique au sein de Santé publique France a permis d’éviter le recours à la prestation externe plus lourde à mettre en œuvre. L’agence ayant la maîtrise de la plateforme Voozanoo a pu développer et adapter rapidement les formulaires aux évolutions de la surveillance.
L’évolution du dispositif, ayant intégré dans sa deuxième version le contrôle de la qualité des données et la restitution automatisée des indicateurs, a allégé la charge de travail mené par les acteurs régionaux. Cependant, les ARS et les cellules régionales de Santé publique France sont restées très mobilisées, afin de veiller à l’exhaustivité et à la qualité des données recueillies. Des échanges se tenaient régulièrement entre les établissements, les cellules régionales et les ARS afin de s’assurer de la mise à jour des épisodes de cas de Covid-19 et de leur clôture. Ces difficultés quant à l’exhaustivité et le contrôle des données ont été rencontrées dans des systèmes de surveillance comparables 23.
La déclaration des épisodes de Covid-19 étant fondée sur le volontariat, elle ne pouvait pas être exhaustive. En période de pandémie de Covid-19, les contraintes organisationnelles qui ont pesé sur les ESMS 24 ont pu conduire à un défaut de signalement d’épisode de cas de Covid-19. En outre, des confusions dans le circuit de signalement ont pu être constatées. Certains épisodes étaient déclarés uniquement aux ARS sans être déclarés dans le dispositif de surveillance SurvESMS.
L’amélioration de la qualité des données a été notamment possible grâce à la capacité des établissements à corriger eux-mêmes leurs données. L’amélioration du dispositif de surveillance permettant l’accès des établissements à leurs données a été possible grâce à l’exploitation, d’une part, de bases de données et de référentiels des établissements sanitaires, et d’autre part, d’annuaires des contacts dans les établissements.
Malgré l’évolution apportée à l’ergonomie de la solution informatique proposée, la plateforme Voozanoo 3 vieillissante manque de fonctionnalités utiles. En particulier, des difficultés de connexion liées à l’absence, l’obsolescence ou la perte des identifiants nécessaires à l’authentification des ESMS ont pu avoir un impact sur le signalement par les établissements. La charge importante du support applicatif, notamment pour le renouvellement des identifiants, a nécessité le recours à une prestation externe à Santé publique France.
Une des limites importantes du dispositif était l’absence d’interopérabilité avec d’autres systèmes d’information, et notamment le Système d’information de veille et sécurité sanitaires (SI-VSS) permettant aux ARS d’assurer la traçabilité et la gestion des signalements d’événements sanitaires dans leur région 25,26. L’interopérabilité entre SurvESMS et SI-VSS aurait amélioré l’articulation entre surveillance et gestion de l’épidémie et contribué notamment à réduire le délai de mise en œuvre des mesures de gestion par les ARS.
Cette capacité de développement rapide d’un dispositif de surveillance en situation d’émergence exige une préparation à la crise sur les enjeux spécifiques des systèmes d’information. La préparation requiert une réflexion sur la structure et les fonctionnalités nécessaires d’un système d’information adapté à la surveillance en période de crise sanitaire. Le développement du dispositif de surveillance SurvESMS a mis en lumière la nécessité de se doter de plateformes informatiques performantes, agiles et interopérables permettant le recueil quotidien de données de santé visant l’exhaustivité. La réflexion sur les fonctionnalités doit porter sur les modalités d’acquisition, de contrôle, de traçabilité, de traitement et de restitution des données à toutes les échelles géographiques de l’évaluation et de la gestion de crise. La préparation à la crise sanitaire nécessite également la mise à disposition de bases de données, de référentiels et d’annuaires nécessaires pour construire un tel dispositif de surveillance. Enfin, la construction d’un schéma directeur des systèmes d’information de la gestion de crise sanitaire 22 ne peut être menée que dans une vision holistique des dispositifs de surveillance existants et avec la connaissance du besoin des différents acteurs concernés.
Remerciements
Les auteurs remercient tout d’abord l’ensemble des partenaires impliqués dans la surveillance de la Covid-19 en ESMS et en particulier les professionnels des établissements. Les auteurs remercient également toutes les personnes de Santé publique France qui ont contribué à la mise en œuvre de ce dispositif de surveillance : Kostas Danis, Scarlett Georges, Florian Franke, Karine Wyndels, Katia Hamdad, Fatima Etemadi, Didier Che, Bruno Coignard, Nicolas Methy, Bruno Hubert, Stella Laporal, Audrey Leon, Ghaya Ben Hmidene, Fanny Chereau, Camille Le Gal, Laure Fonteneau, Minh-Canh Quan, Jeanne Tamarelle, Clémentine Calba, Amandine Cochet, Ursula Noury, Mélanie Martel, Cécile Durand, Pascaline Loury, Laurence Pascal, Myriam Blanchard, Karine Mantey, Mélanie Yvroud, Dominique Jeannel, Garance Terpant, Marion Philippe.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.