La surveillance épidémiologique en temps proche du réel des hospitalisations liées à la Covid-19 en France, 2020-2023 : SI-VIC
// Near real-time epidemiological surveillance of COVID-19-related hospital admissions in France, 2020-2023: The SI-VIC surveillance system
À la suite des attentats perpétrés à Paris en 2015, le ministère des Affaires sociales et de la Santé a mis en œuvre, après avoir obtenu l’autorisation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) en juillet 2016, un traitement automatisé de données à caractère personnel ayant pour finalité l’établissement d’une liste unique des victimes d’attentats pour l’information de leurs proches par la cellule interministérielle d’aide aux victimes, sous l’acronyme SI-VIC (Système d’information pour le suivi des victimes) (1).
SI-VIC est déclenché lors d’attentats ou de situations sanitaires exceptionnelles. Il permet de renseigner et de mettre à jour les informations relatives à l’identité du patient pris en charge, la prise en charge (hospitalière ou médico-psychologique) du patient, la personne à contacter, proche du patient. Les objectifs de SI-VIC dans le cas d’une situation sanitaire exceptionnelle sont 1/ d’assurer l’identification et le dénombrement hospitalier, 2/ d’offrir une visibilité de l’impact de l’événement sur l’offre de soins (ventilation des patients dans les hôpitaux et leur gravité), et 3/ de faciliter l’accompagnement des victimes et de leurs proches. Il s’agit d’un outil administratif et de gestion, ne contenant pas de données médicales sur le patient.
Pour répondre à la situation sanitaire exceptionnelle engendrée par l’arrivée de l’épidémie de Covid-19, SI-VIC a été mobilisé dès mars 2020. En effet, il n’existait pas en 2020 en France de système de surveillance permettant de connaître, en temps proche du réel, le nombre de personnes hospitalisées par pathologie. Il n’était donc pas possible de mobiliser une source de données existante permettant de monitorer quotidiennement le nombre de personnes hospitalisées, leur localisation (hôpital, type de service) et quelques caractéristiques des patients hospitalisés (âge, sexe, etc.).
À partir du 1er mars 2020, des professionnels de santé hospitaliers ont saisi des informations dans SI-VIC. Dès le 20 mars, Santé publique France a pu avoir accès à une partie de cette base de données, afin de construire des indicateurs épidémiologiques permettant de suivre quotidiennement et de manière réactive le fardeau de la Covid-19 à l’hôpital. Jusqu’au 31 mars, les instructions aux établissements de santé pour créer un dossier patient dans SI-VIC étaient un diagnostic de Covid-19 confirmé biologiquement. À partir du 31 mars, les établissements de santé ont renseigné les patients hospitalisés présentant un diagnostic de Covid-19 confirmé biologiquement ou un scanner thoracique évocateur de diagnostic de Covid-19. Ces données ont été exploitées très vite par Santé publique France pour pouvoir construire et communiquer des premiers indicateurs épidémiologiques dans son point épidémiologique hebdomadaire dès le 24 mars 1. Puis, au cours de la première semaine d’avril 2020, Santé publique France a mis à disposition en open data ces indicateurs issus de SI-VIC (2), à travers son site Géodes, ainsi que sur le site data.gouv (3).
Les indicateurs épidémiologiques représentaient le nombre total de patients hospitalisés, déclinés par type de service (en réanimation ou soins intensifs, en soins de suite et de réadaptation (SSR) ou unités de soins de longue durée (USLD), en hospitalisation conventionnelle, autres types de service). Le nombre cumulé de personnes retournées à domicile était également calculé, ainsi que le nombre de personnes décédées. Ces indicateurs étaient déclinés par département et par sexe. Afin de contrôler le risque d’identification des patients, les indicateurs étaient également déclinés par classes d’âge décennales, mais uniquement à un niveau régional. Étaient distingués le nombre d’hospitalisations en cours et le nombre de nouvelles hospitalisations (incidence), afin de mieux appréhender la dynamique du fardeau à l’hôpital. Des indicateurs portaient spécifiquement sur les hospitalisations en soins critiques (services de réanimation ou soins intensifs), afin d’identifier la part des cas graves parmi les cas hospitalisés.
Ces indicateurs étaient déclinés par date de déclaration, c’est-à-dire par date de saisie par les professionnels de santé car ces dates étaient très bien renseignées (saisie automatique lors de la validation du dossier). Ces indicateurs ont ensuite été déclinés par date d’admission (saisie manuelle), permettant de se rapprocher davantage de la date d’infection par le SARS-CoV-2, mais ces indicateurs nécessitaient un délai de consolidation (déclaration en moyenne 3 jours après l’admission).
Dans son point épidémiologique hebdomadaire du 9 avril 2020 2, Santé publique France indiquait que depuis le 1er mars 2020, 1 002 établissements avaient déclaré au moins une hospitalisation et recensait 57 021 patients ayant été hospitalisés, 7 091 patients étaient décédés (71% étaient âgés de 75 ans et plus) et 19 337 patients étaient retournés à domicile. L’âge médian des personnes ayant été hospitalisées depuis le 1er mars et jusqu’au 7 avril était de 69 ans. Les régions Île-de-France, Grand Est et Auvergne-Rhône-Alpes rapportaient le plus grand nombre de patients admis en réanimation.
Les transferts entre établissements d’une même région étaient tracés, l’établissement de départ signalait le transfert dans l’application via la fonctionnalité « signaler un transfert » et l’établissement de destination le validait à l’arrivée du patient. En cas de transfert dans un établissement d’une autre région, il était demandé aux établissements de santé d’origine de cocher une case nommée « Evasan ».
À partir de janvier 2021, une nouvelle fonctionnalité de SI-VIC a permis à Santé publique France d’identifier la part des patients hospitalisés pour le traitement de la Covid-19, et ceux porteurs du SARS-CoV-2 mais hospitalisés pour d’autres motifs. En effet depuis le début de l’épidémie, les indicateurs hospitaliers incluaient l’ensemble des patients positifs au SARS-CoV-2, que l’hospitalisation soit en lien ou non avec la Covid-19. Cela a permis de suivre quotidiennement la proportion de patients hospitalisés pour prise en charge de la Covid-19. Au cours de l’année 2021, la proportion de patients hospitalisés pour Covid-19 était de 87% parmi l’ensemble des hospitalisations déclarées dans SI-VIC. Cette distinction d’hospitalisations avec ou pour Covid-19 était essentielle, car les patients porteurs du SARS-CoV-2 mais hospitalisés pour d’autres motifs ne devaient pas être comptabilisés comme cas sévères, mais la prise en charge spécifique qui leur était nécessaire avait néanmoins un impact sur la tension hospitalière (isolement en chambre individuelle, mesures de protection des soignants, équipe de soignants dédiée voire réorganisation de services, etc.).
De nouveaux indicateurs ont ensuite été proposés, rapportés au nombre d’habitants : taux de nouvelles hospitalisations et nouvelles admissions en soins critiques sur 7 jours glissants, ainsi que les taux d’hospitalisation et d’hospitalisation en soins critiques en cours, disponibles selon trois modalités : hospitalisations avec infection SARS-CoV-2, hospitalisations pour Covid-19, hospitalisations pour autre motif avec infection SARS-CoV-2, la première modalité étant la somme des deux autres.
La figure 1 représente le taux d’incidence des hospitalisations pour 100 000 habitants, calculé sur 7 jours glissants, en distinguant les hospitalisations avec ou pour Covid-19, sur la période mars 2020-juin 2023. Elle représente également la part des hospitalisations en soins critiques. La figure 2 représente des taux d’hospitalisations par classes d’âges, cet indicateur étant précieux pour monitorer les différentes dynamiques selon l’âge.
Enfin la figure 3 représente le nombre de personnes hospitalisées avec et pour Covid-19, par type d’hospitalisation (soins critiques, SSR ou USLD, hospitalisations conventionnelles, autre type) et par région. Ces figures ne sont que trois illustrations de ce qui pouvait être construit à partir des données SI-VIC, mais illustrent les stratifications possibles des indicateurs en termes de temps, lieux, personnes.
En dehors du calcul d’indicateurs épidémiologiques, les données hospitalières ont été d’une grande utilité pour les travaux de modélisation. Couplées à d’autres données, les données hospitalières (incluant les données de mortalité à l’hôpital) issues de SI-VIC ont permis d’estimer très vite le fardeau de la Covid-19 en France 3,4, notamment l’impact du confinement et l’immunité de la population, ainsi que la proportion de la population ayant été infectée à un temps donné par le SARS-CoV-2 à un niveau régional.
Appariements avec les autres bases de données de la Covid-19
En 2021, les bases de données issues de SI-VIC, SI-DEP et VAC-SI, les systèmes d’information collectant de l’information respectivement sur les hospitalisations, les tests biologiques et la vaccination, ont pu être appariées selon un identifiant pseudonymisé 5. Ces appariements ont été fondamentaux pour la réalisation d’analyses épidémiologiques plus poussées, puisqu’ils ont permis, entre autres, de mesurer la gravité selon le variant (notamment Omicron vs Delta), la présence de comorbidités et le statut vaccinal. Il a ainsi été montré que le risque d’événement grave était plus faible chez les cas Omicron que chez les cas Delta. Le risque d’événement grave augmentait avec la présence de comorbidités et chez les hommes, et était plus élevé chez les non-vaccinés que chez les primo-vaccinés 6. Une autre étude a estimé que près de 480 000 hospitalisations, 132 000 admissions en unités de soins intensifs et 125 000 décès ont été directement évités par la vaccination chez les personnes âgées de 50 ans et plus entre décembre 2020 et mars 2022 7. L’efficacité vaccinale et la durée de protection des vaccins Covid-19 à ARN ont également été estimées 8.
Discussion
Le 30 juin 2023, la Direction générale de la santé a levé les consignes de saisie spécifiques dans SI-VIC pour les patients atteints de la Covid-19, étant donné l’amélioration de la situation sanitaire et l’impact limité sur l’offre de soins. Pendant plus de trois ans, l’application SI-VIC a été le moyen utilisé en France pour suivre l’épidémie de Covid-19 à l’hôpital, et pour compléter la surveillance multisource mise en place par Santé publique France 9.
Elle a permis non seulement un monitorage quotidien de l’épidémie à l’hôpital sur tout le territoire français, mais a également nourri des modèles mathématiques permettant de réaliser des projections de l’épidémie pour l’aide à la décision des autorités. Grâce aux données hospitalières appariées aux données des tests biologiques et de vaccination, il a été possible, par exemple, de démontrer l’efficacité de la vaccination pour réduire le nombre de formes graves.
Cependant cette surveillance hospitalière a reposé sur une application qui nécessitait de saisir des informations, pour chaque patient, par des professionnels de santé. Cette saisie a été chronophage et fastidieuse, à un moment où les professionnels de santé devaient avant tout prendre en charge les patients.
Afin de se préparer aux futures situations sanitaires exceptionnelles et notamment à l’émergence de nouveaux virus pouvant entraîner un fardeau important en termes de morbidité et/ou mortalité, la surveillance épidémiologique doit à l’avenir se moderniser, afin de pouvoir se reposer sur des données existantes sans devoir dépendre d’une saisie spécifique par les professionnels de santé. C’est le concept d’utilisation secondaire de données qui doit se généraliser, notamment à l’hôpital, pour que les données saisies par les professionnels de santé dans le cadre de la prise en charge de leurs patients puissent être extraites des bases de données hospitalières, afin de remplir des objectifs de surveillance épidémiologique.
Le projet nommé Orchidée (Organisation d’un réseau de centres hospitaliers impliqués dans la surveillance épidémiologique et la réponse aux émergences), coordonné par Santé publique France, a pour vocation de répondre à ce défi. Ce projet, financé en partie par la Commission européenne, qui a débuté en octobre 2024, implique 25 centres hospitaliers universitaires qui vont produire, à partir de leurs entrepôts de données de santé (EDS) des indicateurs épidémiologiques sur différentes thématiques, notamment infectieuses et en particulier des indicateurs concernant les infections respiratoires aiguës.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.
Références
Citer cet article
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hosp&s=2023-04-05&t=a01&view=map2
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