Épidémiologie des donneurs de sang infectés par le VHB et le VHC et risque résiduel de transmission de ces infections par transfusion en France, 1992-2018

// Epidemiology of blood donors infected with HBV and HCV and residual risk of transmission of these infections by transfusion in France, 1992 to 2018

Josiane Pillonel1 (josiane.pillonel@santepubliquefrance.fr), Laure Boizeau2, Pierre Gallian3, Eliane Garrabe4, Lila Chabli3, Pascal Morel3, Syria Laperche2 pour le comité de pilotage de la surveillance épidémiologique des donneurs de sang*
1 Santé publique France, Saint-Maurice
2 Centre national de référence risques infectieux transfusionnels (CNR-RIT), Institut national de la transfusion
sanguine (INTS), Paris
3 Établissement français du sang (EFS), Saint-Denis
4 Centre de transfusion sanguine des armées (CTSA), Clamart

* Comité de pilotage : Christophe Bésiers, Frédéric Bigey, Claire Boulat, François Charpentier, Muriel Cohen, Claude Chuteau, Bruno Danic, Edith Durand, Pierre Gallian, Eliane Garrabe, Lisette Hauser, Syria Laperche, Caroline Lefort, Florence Lot, Pascal Morel, Nadra Ounnoughene, Josiane Pillonel, Elodie Pouchol, Thomas Pouget, Isabelle Sainte-Marie, Claire Sauvage, Françoise Wind, Geneviève Woimant.

Soumis le 15.07.2020 // Date of submission: 07.15.2020
Mots-clés : Donneurs de sang | Transfusion sanguine | VHC | VHB | Risque résiduel | Dépistage génomique viral (DGV)
Keywords: Blood donors | Blood transfusion | HCV | HBV | Residual risk | Viral nucleic acid testing (NAT)

Résumé

Depuis 1992, la surveillance des donneurs de sang a pour objectif de suivre la prévalence et l’incidence des infections transmissibles par le sang, dont celles dues aux virus des hépatites B (VHB) et C (VHC), ainsi que les facteurs de risque, et d’évaluer le risque résiduel de transmettre ces infections par transfusion. Cet article présente le bilan de la surveillance pour ces deux virus sur la période 2016-2018 et les tendances depuis 1992.

Sur les 8,8 millions de dons prélevés entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2018, 493 ont été confirmés positifs pour le VHB (AgHBs et/ou ADN) et 260 pour le VHC (Ac et/ou ARN). La prévalence du VHB (5,5 pour 104 donneurs) était 2 fois plus élevée que celle du VHC (2,6 pour 104) et l’incidence 4 fois plus élevée (respectivement 0,59 et 0,15 pour 105 donneurs-années). Depuis la période 1992-1994, la prévalence a été divisée par 5 pour le VHB, par 15 pour le VHC et l’incidence par 10 et 20 respectivement. Être originaire d’une zone d’endémie est le facteur de risque le plus fréquent pour le VHB (53% sur la période 2016-2018). Pour le VHC, les facteurs de risque les plus fréquents sont l’exposition nosocomiale (41%) et l’usage de drogues (19%). Sur la période 2016-2018, le risque résiduel a été estimé à 1/2 850 000 dons pour le VHB et 1/34 000 000 pour le VHC. Depuis la période 1992-1994, ils ont été divisés respectivement par 30 et 170.

Bien que la population des donneurs de sang soit sélectionnée, elle donne des informations sur la population générale : depuis 1992, la forte diminution de la prévalence du VHC, notamment chez les plus jeunes, et la chute de l’incidence confortent l’hypothèse d’une diminution de l’incidence du VHC dans la population générale en France. Les données de surveillance des donneurs de sang démontrent que la sécurité virale des produits sanguins est aujourd’hui très élevée.

Abstract

Since 1992, surveillance of blood donors aims to monitor trends in prevalence and incidence of blood-borne infections, including HBV and HCV, as well as risk factors, and to assess the residual risk of transmitting these infections by transfusion. This article presents a review of the surveillance for these two viruses for the 2016-2018 period and trends since 1994.

Of the 8.8 million donations collected between 1 January 2016 and 31 December 2018, 493 were confirmed HBV positive (HBsAg and/or DNA) and 260 HCV positive (Ac and/or RNA). HBV prevalence (5.5 per 104 donors) was 2 times higher than HCV prevalence (2.6 per 104) and HBV incidence 4 times higher (respectively 0.59 and 0.15 per 105 donors-years). Since the 1992-1994 period, prevalence has been divided by 5 for HBV and by 15 for HCV and incidence by 10 and 20 respectively. Being from an endemic area is the most common risk factor for HBV (53% over the 2016-2018 period). For HCV, the most common risk factors are nosocomial exposure (41%) and drug use (19%). Over the 2016-2018 period, the residual risk was estimated at 1:850,000 donations for HBV and 1:34,000,000 for HCV. Since the 1992-1994 period, they were divided by 30 and 170 respectively.

Although the blood donor population is selected, it provides information on the general population: since 1992, the sharp decrease in HCV prevalence, particularly among the youngest, and the drop in incidence, supports the hypothesis of a decrease in HCV incidence in the general population in France. Surveillance data from blood donors shows that the viral safety of blood products is very high nowadays.

Introduction

La surveillance épidémiologique nationale des donneurs de sang, initiée en 1992, a pour objectif de suivre la prévalence et l’incidence des infections transmissibles par le sang, dont celles dues aux virus des hépatites B (VHB) et C (VHC), ainsi que les facteurs de risque des donneurs trouvés positifs. Elle permet d’évaluer le risque résiduel de transmission de ces infections par transfusion, risque lié à la fenêtre silencieuse précédant l’apparition des marqueurs biologiques de ces infections. Concernant les hépatites B et C, les marqueurs systématiquement recherchés chez tout donneur éligible au don de sang, quel que soit le produit issu du don, sont les suivants :

pour le VHB, l’antigène HBs (AgHBs) depuis 1979, les anticorps (Ac) anti-HBc depuis 1988, et l’ADN depuis 2005 en Guadeloupe, Martinique et à La Réunion, depuis 2006 au Centre de transfusion sanguine des armées (CTSA), avec une généralisation progressive sur l’ensemble du territoire à partir de 2010 ;

pour le VHC, les Ac-VHC depuis 1990, et l’ARN depuis juillet 2001.

L’ensemble des indicateurs épidémiologiques constituent ainsi des outils indispensables pour évaluer l’efficacité de la procédure de sélection des donneurs faisant l’objet d’un arrêté ministériel 1. Cette surveillance est assurée par Santé publique France et le Centre national de référence des risques infectieux transfusionnels (CNR-RIT), en partenariat avec l’Établissement français du sang (EFS) et le CTSA, qui recueillent les informations nécessaires. Cet article présente les données de la surveillance épidémiologique sur la période 2016-2018 pour ces deux virus, ainsi que les tendances depuis 1992.

Matériel et méthode

Depuis 1992, l’EFS et le CTSA rassemblent des informations relatives aux dons (nombre de dons provenant de nouveaux donneurs et de donneurs connus) et aux donneurs confirmés positifs (sexe, âge, type de donneur –nouveau/connu, délai depuis le dernier don pour les donneurs connus, origine géographique et facteur(s) de risque vis-à-vis de ces infections, cette dernière variable n’étant cependant disponible que depuis 1998). Le mode probable de contamination est obtenu par hiérarchisation des facteurs de risque 2. Depuis 2008, pour l’EFS, l’ensemble de ces informations sont enregistrées dans une base de données « QUED » accessible à Santé publique France. Pour le CTSA, les données sont transmises grâce à un questionnaire papier.

Définitions

Les nouveaux donneurs sont les candidats au don qui effectuent un premier don et les donneurs connus sont ceux ayant déjà réalisé au moins un don antérieur dans l’établissement (EFS ou CTSA) considéré.

Un donneur de sang est considéré positif pour l’infection par le VHB par la présence de l’AgHBs confirmée par un test de neutralisation ou par la seule présence d’ADN-VHB suivie (sur un prélèvement ultérieur) de l’apparition d’un autre marqueur tel que l’AgHBs ou les Ac-HBc. Pour le VHC, la positivité est attestée par la présence des Ac-VHC, résultat confirmé par un test de confirmation (immunoblot) ou, depuis juillet 2001, sur la seule présence d’ARN-VHC avec mise en évidence d’Ac-VHC sur un prélèvement ultérieur.

Prévalence, incidence et risque résiduel

Les taux de prévalence ont été calculés, dans la population des nouveaux donneurs, en rapportant le nombre total de positifs pour chacun des virus au nombre total de nouveaux donneurs, sur des périodes de trois ans.

Les taux d’incidence ont été calculés, chez les donneurs connus ayant donné au moins deux fois sur une période de trois ans, en rapportant le nombre de nouvelles infections observées durant la période divisé par le nombre de donneurs-années (D-A).

Le risque résiduel de transmission d’une infection virale est estimé par l’équation suivante 3 : Risque résiduel = Taux d’incidence X (durée de la fenêtre silencieuse/365).

Les durées de la fenêtre silencieuse ont été évaluées à 7 jours pour le VHC et 22 jours pour le VHB, avec un dépistage des génomes viraux (DGV) en unitaire. Ces durées de fenêtres silencieuses ont été établies à partir de la cinétique de l’ARN du VHC et de l’ADN du VHB dans la phase très précoce de l’infection et des tests de dépistage des génomes viraux utilisés en France 4,5. Pour le VHB, afin de tenir compte du caractère transitoire de l’AgHBs (et de l’ADN), une correction a été appliquée au taux d’incidence de l’AgHBs (ou de l’ADN à partir de 2010) pour estimer le taux d’incidence de l’infection par le VHB 6,7.

Les intervalles de confiance à 95% (IC95%) de l’incidence et du risque résiduel ont été obtenus par la méthode quadratique de Fleiss 8. Les comparaisons des taux et pourcentages ont été réalisées grâce au test du Chi2 au risque alpha égal à 5%.

Résultats

Entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2018, sur un total de 8,8 millions de dons, 493 ont été confirmés positifs pour le VHB (0,53 pour 104 dons) et 260 pour le VHC (0,30 pour 104 dons). Sur ces trois années, le DGV a permis d’écarter quatre dons pour le VHB par la seule présence d’ADN. En revanche, aucun don n’a été trouvé ARN positif/Ac négatifs pour le VHC (tableau). Par ailleurs, seuls 46% des dons trouvés positifs pour le VHC (Ac-VHC positifs) étaient virémiques (ARN VHC positif).

Tableau : Nombre de dons VHB et VHC positifs et taux pour 10 000 dons par type de donneurs, France, 2016-2018
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Taux de prévalence chez les nouveaux donneurs

Entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2018, sur un total de 862 000 nouveaux donneurs, 477 ont été confirmés positifs pour le VHB et 224 pour le VHC, portant la prévalence du VHB (5,5 pour 104 nouveaux donneurs) à un taux 2 fois plus élevé que celle du VHC (2,6 pour 104). En ne considérant que les infections actives, soit tous les dons VHB positifs (n=477) et uniquement les dons virémiques pour le VHC (n=103), la prévalence du VHB est alors près de 5 fois plus élevée que celle du VHC (1,2 pour 104 nouveaux donneurs).

Qu’il s’agisse du VHB ou du VHC, les taux de prévalence sont plus élevés chez les hommes que chez les femmes : 5 fois pour le VHB (9,8 vs 2,0 pour 104 donneurs sur la période 2016-18, p<10-4) et 1,5 fois plus élevé pour le VHC (3,3 vs 2,0 pour 104 donneurs, p=0,02). Pour le VHB, les nouveaux donneurs de moins de 30 ans ont un taux de prévalence plus faible (2,9 pour 104) que les donneurs plus âgés (10,2 chez les 30-39 ans, 11,7 chez les 40-49 ans et 11,0 chez les 50-70 ans). Pour le VHC, les taux de prévalence augmentent régulièrement avec l’âge (0,5 pour 104 chez les 18-29 ans, 2,3 chez les 30-39 ans, 5,6 chez les 40-49 ans et 14,2 chez les 50-70 ans) (figure 1).

Figure 1 : Taux de prévalence du VHB et du VHC chez les nouveaux donneurs par classe d’âge, France, 2016-2018
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L’analyse de tendance sur des périodes successives de 3 ans entre 1992-94 et 2016-18 montre que les taux de prévalence ont diminué d’un facteur proche de 5 pour le VHB (figure 2a) et d’un facteur 15 pour le VHC (figure 2b), avec pour les deux virus, une diminution plus marquée chez les femmes (figure 2). Que ce soit pour le VHB ou le VHC, les prévalences diminuent jusqu’à la fin des années 1990, quelle que soit la classe d’âge (figure 3). Pour le VHB, les prévalences des classes d’âge 30-39 ans, 40-49 ans et 50-70 ans se stabilisent ensuite et sont très proches sur les deux dernières périodes (autour de 11 pour 104). Seule la prévalence chez les 18-29 ans diminue régulièrement, passant de 22,8 en 1992-94 à 2,9 pour 104 en 2016-2018 (diminution d’un facteur 8) (figure 3a). Pour le VHC, les prévalences des classes d’âge 18-29 ans, 30-39 ans et 40-49 ans n’ont cessé de décroître avec une diminution d’un facteur 40 entre la première et la dernière période d’étude pour les deux classes d’âge les plus jeunes, et d’un facteur 10 chez les 40-49 ans, classe d’âge pour laquelle la prévalence a cependant tendance à se stabiliser sur les deux dernières périodes (figure 3b). En revanche, chez les 50-70 ans, la prévalence se stabilise dès le début des années 2000, voire tend à augmenter sensiblement entre les périodes 2004-2006 (11,1 pour 104) et 2016-2018 (14,2 pour 104).

Figure 2 : Taux de prévalence du VHB et du VHC chez les nouveaux donneurs de sang par sexe, France, 1992-2018
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Figure 3 : Taux de prévalence du VHB et du VHC chez les nouveaux donneurs par classe d’âge, France, 1992-2018
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Taux d’incidence chez les donneurs connus

Sur la période 2016-2018, 15 cas incidents ont été estimés pour le VHB à partir des 10 cas observés pour l’ADN du VHB et 4 cas incidents ont été observés pour le VHC. Rapportés aux 2 606 223 D-A, les taux d’incidence ont ainsi été estimés à 0,59 pour 105 D-A (intervalle de confiance à 95%, IC95%: [0,34-0,99]) pour le VHB et à 0,15 pour 105 D-A [0,05-0,42] pour le VHC.

Depuis le début de la surveillance, les taux d’incidence ont fortement diminué pour les deux virus : d’un facteur proche de 10 pour le VHB et supérieur à 20 pour le VHC (figure 4).

Figure 4 : Taux d’incidence du VHB et du VHC chez les donneurs de sang, France, 1992-2018
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Mode probable de contamination

VHB

Sur les 471 donneurs confirmés positifs pour le VHB sur la période 2016-2018 en France métropolitaine (1), 367 (78%) ont pu être interrogés lors de l’entretien post-don sur leurs facteurs de risque vis-à-vis de l’infection.

Le facteur de risque le plus fréquemment identifié est lié à une origine de zone d’endémie du VHB (53,1% des donneurs). La transmission verticale ou intrafamiliale occupe la deuxième place (9,3% des donneurs). Sont ensuite retrouvées la transmission sexuelle et la transmission nosocomiale (exploration fonctionnelle ou petite chirurgie sans transfusion) chez 8,5% et 7,9% des donneurs, respectivement. De manière plus marginale, la notion d’un partenaire sexuel infecté par le VHB a été identifiée chez 3% et des contaminations parentérales autres que la toxicomanie et la transfusion (tatouage, piercing,…) ont été déclarées par 2% des donneurs. Enfin, pour 12% des donneurs interrogés, aucun facteur de risque n’a pu être identifié.

La « transmission verticale ou intrafamiliale » est le seul facteur de risque plus fréquemment déclaré par les femmes que par les hommes (20% versus 6,5%, p=0,0003) ; pour les autres, les différences par sexe ne sont pas significatives (figure 5a).

Aucune tendance significative n’a été observée dans la répartition des facteurs de risque depuis la période 1998-2000.

Figure 5 : Facteurs de risque du VHB et le VHC chez les donneurs de sang en France selon le sexe, 2016-2018
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VHC

Sur les 260 donneurs confirmés positifs pour le VHC sur la période 2016-2018, 196 (75%) ont pu être interrogés sur leurs facteurs de risque. Les plus fréquemment déclarés sont l’exposition à des soins tels que les explorations fonctionnelles et la petite chirurgie sans transfusion (40,8%), puis l’usage de drogues par voie veineuse (19,4%). Un tatouage et/ou piercing a été retrouvé chez 8,2% des donneurs VHC positifs et 6,6% ont déclaré avoir un partenaire sexuel positif pour le VHC. Pour 4,6% des donneurs, un risque familial a été mentionné et 2,0% avaient eu des antécédents de transfusion. Enfin, pour 18,4% des donneurs interrogés, aucun facteur de risque n’a pu être identifié. La répartition des facteurs de risque est différente selon le sexe, avec une proportion plus élevée d’usagers de drogues chez les hommes (28% versus 9%, p=0,001) (figure 5b).

L’analyse de tendance montre, de manière significative, la diminution de la proportion de donneurs VHC positifs ayant rapporté un usage de drogues (de plus de 30% avant 2010 à moins de 20% en 2016-2018, p=0,0003) et l’augmentation de la proportion de donneurs ayant déclaré des soins invasifs (cette proportion a doublé en 20 ans passant de 21% en 1998-2000 à 41% en 2016-2018, p<10-4).

Risque résiduel de transmission d’infections virales par transfusion

Sur la période 2016-2018, le risque résiduel a été estimé à 1 pour 2 850 000 dons (IC95%: [0-1/1 100 000]) pour le VHB, et à 1 pour 34 000 000 dons [0-1/2 500 000] pour le VHC, soit 1 don potentiellement infecté par le VHB chaque année en France et 1 don tous les 11 ans pour le VHC.

Depuis 1992, le risque résiduel a diminué pour les deux virus, avec toutefois une diminution plus importante pour le VHC (1 pour 200 000 dons en 1992-94) que pour le VHB (1 pour 100 000 dons en 1992-94).

Discussion

La prévalence, l’incidence et le risque résiduel du VIH, du VHB et du VHC estimés dans la population des donneurs de sang sont des indicateurs capitaux pour évaluer la sécurité virale des produits sanguins vis-à-vis de ces virus. Cet article présente les données pour le VHB et le VHC, celles concernant le VIH ayant récemment été présentées dans un numéro thématique du BEH consacré à l’ouverture du don de sang aux hommes ayant eu des relations sexuelles avec des hommes 9.

Les données présentées dans cet article montrent les progrès considérables réalisés en matière de sécurité virale transfusionnelle vis-à-vis des hépatites B et C au cours des trois dernières décennies. L’indicateur qui l’illustre le mieux est le risque résiduel qu’un don soit infecté par l’un de ces virus. En effet, ce risque a été divisé par un facteur proche de 30 pour le VHB (de 1 pour 100 000 dons en 1992-1994, à 1 pour 2,85 millions en 2016-2018) et, de manière plus importante encore, par 170 pour le VHC (de 1 pour 200 000 à 1 pour 34 millions). Bien que peu de pays dans le monde aient rapporté des estimations de risque sur une aussi longue période, des diminutions similaires ont également été observées aux États-Unis, où le risque résiduel a diminué d’un facteur supérieur à 20 pour chacun des deux virus entre 1991-1993 (1 pour 63 000 dons pour le VHB et à 1 pour 103 000 dons pour le VHC 3) et 2015-2016 (1 pour 1,5 millions dons et 1 pour 2,6 millions respectivement) 10. Cette amélioration de la sécurité virale transfusionnelle est attribuable à de multiples mesures, parmi lesquelles l’amélioration de la sélection des donneurs de sang, les progrès réalisés dans les tests de dépistage, avec notamment la recherche des génomes viraux, et enfin les efforts de prévention initiés en population générale pour limiter ces infections.

Dès la fin des années 1980, la mise en place d’une sélection des donneurs de sang, qui s’est intensifiée au cours du temps en s’adaptant aux facteurs de risque des infections par le VHB et le VHC observés dans la population générale, a grandement contribué à l’importante diminution de la prévalence et de l’incidence de ces infections chez les donneurs de sang 2,11. Pour le VHB, prévalence et incidence ont été divisées par 5 et par 10 respectivement et, pour le VHC, par 15 et par 20 entre les périodes 1992-1994 et 2016-2018. Toutefois, l’amélioration de la sélection n’est pas, à elle seule, responsable de cette diminution, puisqu’un phénomène analogue a été observé en population générale. En effet, la prévalence de ces infections virales a également diminué en population générale passant, pour le VHB, de 0,53% [0,40-0,70] en 2004 à 0,30% [0,13-0,70] en 2016 et, pour le VHC (prévalence de l’ARN), de 0,65% [0,45–0,93] à 0,30% [0,13-0,70] 12,13. Chez les donneurs de sang, bien qu’environ 5 fois plus faible que dans la population générale, la prévalence du VHB a subi une diminution comparable passant de 0,11% en 2004 à 0,058% en 2016. Concernant le VHC, en ne considérant que les infections actives (ARN positif), la diminution a été plus importante chez les donneurs de sang qu’en population générale, passant de 0,042% en 2004 à 0,012% en 2016, avec, pour ce virus, une prévalence 25 fois plus faible que celle observée dans la population générale en 2016. Les plus faibles prévalences chez les donneurs de sang peuvent s’expliquer, tout au moins en partie, par la connaissance de leur infection chez les candidats au don qui, dans ce cas, soit s’auto-excluent, soit sont exclus lors de l’entretien pré-don. La dernière enquête de prévalence des hépatites B et C réalisée en 2016 en population générale montre que 80,6% des porteurs chroniques du VHC se savaient infectés, alors qu’ils n’étaient que 17,5% pour le VHB 13. Ce constat contribue très probablement à expliquer la raison pour laquelle il existe une différence de prévalence moins importante entre population générale et donneurs de sang pour le VHB (x5) que pour le VHC (x25). De plus, la nette amélioration de la connaissance du statut VHC en population générale, qui n’était que de 24% en 1994 14, a probablement contribué à la forte diminution de la prévalence du VHC chez les donneurs de sang.

La population des donneurs de sang est une population sélectionnée sur l’âge (17-70 ans), l’absence de problèmes de santé connus et de facteurs de risque. Néanmoins, elle reste informative en terme de tendance : la diminution très importante de la prévalence du VHC, notamment chez les moins de 40 ans (prévalence divisée par 40 entre 1992-1994 et 2016-2018), corroborée par une baisse très importante de l’incidence sur la même période, reflète la diminution de l’incidence du VHC dans la population générale en France 13. Par ailleurs, la diminution très marquée du nombre et de la proportion de donneurs de sang contaminés par usage de drogues, outre l’impact de l’amélioration de la sélection des donneurs, vient conforter cette analyse, l’usage de drogues étant le principal vecteur des nouvelles infections par le VHC. Ces diminutions, à la fois de la prévalence et de l’incidence du VHC, sont d’ailleurs observées chez les usagers de drogues entre 2004 et 2011 15.

L’analyse des facteurs de risque montre que, sur la période 2016-2018, le mode de contamination le plus fréquemment retrouvé chez les donneurs infectés par le VHC sont les soins invasifs prodigués à l’hôpital, incluant les explorations fonctionnelles et la petite chirurgie sans transfusion (40,8%). Cependant, ce pourcentage est à interpréter avec prudence dans la mesure où il s’agit, dans la majorité des cas, d’infections anciennes découvertes de manière fortuite à l’occasion d’un don de sang qui ne reflètent pas la situation actuelle, et qu’il s’agit de données déclaratives. De plus, l’usage de drogue étant une contreindication définitive au don du sang, il est cohérent d’observer une faible proportion de donneurs infectés par cette pratique (moins de 20%). Pour l’infection par le VHB, les facteurs de risque reflètent ceux observés dans une population de porteurs chroniques de l’infection par le VHB, avec une majorité de donneurs originaires de zone d’endémie infectés principalement par voie verticale ou familiale.

Conclusion

Grâce à l’amélioration de la sélection des donneurs au cours du temps, aux progrès réalisés dans la qualification biologique des dons et aux mesures de prévention prises dans la population générale pour prévenir ces infections, les produits sanguins labiles présentent un risque très faible qu’un don soit infecté par le VHB et encore plus faible par le VHC. La diminution de tous les indicateurs issus de la surveillance de la population des donneurs de sang confirment que la sécurité virale des produits sanguins labiles est aujourd’hui très élevée.

Par ailleurs, bien que la population des donneurs de sang soit une population sélectionnée, elle est informative en termes de tendances : depuis 1992, la forte diminution de la prévalence du VHC, notamment chez les moins de 40 ans, corroborée par une baisse très importante de l’incidence, confortent l’hypothèse d’une diminution de l’incidence du VHC dans la population générale en France. En revanche, pour le VHB, les diminutions de prévalence et d’incidence, moins fortes que pour le VHC, ne permettent pas une telle conclusion.

Outre son intérêt pour évaluer la sécurité virale transfusionnelle, la population des donneurs de sang fournit des indicateurs intéressants sur la population générale, pouvant servir de population sentinelle lors d’évènements émergents comme lors de la pandémie de grippe A (H1N1) en 2009 16, ou actuellement avec celle de SARS-CoV-2.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Remerciements

Nous remercions pour leur collaboration active tous ceux et celles qui participent à la surveillance épidémiologique des donneurs de sang : les responsables des laboratoires de qualification des dons de l’EFS et du CTSA qui réalisent les analyses de dépistage et ont la charge du recueil des informations nécessaires à cette surveillance et aux estimations du risque résiduel, les correspondants d’hémovigilance qui centralisent les données au sein de chacun des établissements, ainsi que les médecins des services de prélèvements qui organisent notamment les consultations post-don.

Références

1 Ministère des Affaires sociales et de la Santé. Arrêté du 17 décembre 2019 fixant les critères de sélection des donneurs de sang; JORF n°0299. 2019. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000039667225/
2 Pillonel J, Laperche S et le comité de pilotage. Surveillance épidémiologique des donneurs de sang homologues en France entre 1992 et 2002. Saint-Maurice: Institut de veille sanitaire; 2004. 100 p. https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/hepatites-virales/hepatites-b-et-d/documents/rapport-synthese/surveillance-epidemiologique-des-donneurs-de-sang-homologues-en-france-entre-1992-et-2002
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Citer cet article

Pillonel J, Boizeau L, Gallian P, Garrabe E, Chabli L, Morel P, et al. Épidémiologie des donneurs de sang infectés par le VHB et le VHC et risque résiduel de transmission de ces infections par transfusion en France, 1992-2018. Bull Epidémiol Hebd. 2020;(31-32):632-9. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2020/31-32/2020_31-32_4.html

(1) Le VHB étant endémique dans les départements d’outre-mer, les facteurs de risque ne sont présentés que pour les donneurs trouvés VHB positifs en France métropolitaine