Ouverture, en juillet 2016, du don de sang aux hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes : pas d’impact sur le risque transfusionnel lié au VIH, VHB et VHC

// Access, in July 2016, to blood donation for men who have had sex with men: No impact on the risk of transfusion-transmitted HIV, HBV and HCV infections

Josiane Pillonel1(josiane.pillonel@santepubliquefrance.fr), Claire Sauvage1, Christophe Bésiers2, Pierre Gallian2, Thomas Pouget3, Francis Barin4, Pascal Morel2, Florence Lot1, Syria Laperche5 ; Comité de pilotage de la surveillance épidémiologique des donneurs de sang*
1 Santé publique France, Saint-Maurice, France
2 Établissement français du sang, La Plaine Saint-Denis, France
3 Centre de transfusion sanguine des armées, Clamart, France
4 Centre national de référence du VIH-Laboratoire associé, Inserm U1259, CHU Bretonneau & Université François Rabelais, Tours, France
5 Centre national de référence risques infectieux transfusionnels, Institut national de transfusion sanguine, Paris, France

* Comité de pilotage: Christophe Bésiers, Frédéric Bigey, Claire Boulat, François Charpentier, Muriel Cohen, Claude Chuteau, Bruno Danic, Edith Durand, Pierre Gallian, Eliane Garrabe, Lisette Hauser, Syria Laperche, Caroline Lefort, Florence Lot, Pascal Morel, Nadra Ounnoughene, Josiane Pillonel, Elodie Pouchol, Thomas Pouget, Céline Roche, Isabelle Sainte-Marie, Claire Sauvage, Françoise Wind, Geneviève Woimant

Soumis le 07.11.2019 // Date of submission: 11.07.2019
Mots-clés : Donneur de sang | Homme ayant des rapports sexuels avec des hommes | Risque résiduel | Risque infectieux transfusionnel | VIH | VHB | VHC | Syphilis
Keywords: Blood donor | Man who have sex with men | Residual risk | Risk of transfusion-transmissible infection | HIV |
HBV | HCV | Syphilis

Résumé

Depuis le 10 juillet 2016, les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes (HSH) sont autorisés à donner du sang total s’ils n’ont pas eu de rapports sexuels entre hommes au cours des 12 derniers mois. Cet article présente un bilan de la surveillance épidémiologique du VIH, du VHB, du VHC et de la syphilis chez les donneurs de sang afin d’évaluer l’impact de cette modification sur les indicateurs épidémiologiques.

Le taux de dons VIH positifs est passé de 0,10 pour 10 000 dons sur la période du 1er janvier 2014 au 9 juillet 2016 à 0,08 pour 10 000 sur la période du 10 juillet 2016 au 31 décembre 2018 (p=0,2) ; la part des HSH parmi les donneurs VIH positifs est passée de 45% à 55% (p=0,5) et l’incidence du VIH de 1,05 à 0,85 pour 100 000 (p=0,5). Entre 2014 et 2018, les taux de dons positifs ont diminué pour le VHB et le VHC et sont restés stables pour le VIH et la syphilis. Sur la période 2016-2018, le risque résiduel a été estimé à 1 don potentiellement infecté tous les deux ans pour le VIH, 1 don par an pour le VHB et 1 don tous les 11 ans pour le VHC. Ces risques résiduels étaient similaires à ceux observés sur la période 2013-2015.

Sur la base de la stabilité de ces indicateurs avant et après le 10 juillet 2016, la ministre de la Santé a souhaité une ouverture plus large du don de sang aux HSH. En 2019, des analyses de risque de transmission du VIH ont été réalisées pour deux scénarios : ajournement de quatre mois des HSH ou ajournement des HSH ayant eu plus d’un partenaire sexuel au cours des quatre mois précédant le don. Le premier scénario a été retenu en juillet 2019 et mis en application le 2 avril 2020.

Abstract

Since 10 July 2016, men who have sex with men (MSM) in France can donate whole blood if they have not had sex with men in the previous 12 months. This article presents a review of the epidemiological surveillance of HIV, HBV, HCV and syphilis in blood donors, in order to evaluate the impact of this policy change on epidemiological indicators.

The rate of HIV-positive donations decreased from 0.10 p.104 donations between 1 January 2014 and 9 July 2016 to 0.08 p.104 donations between 10 July 2016 and 31 December 2018 (p=0.2). The proportion of MSM among HIV-positive donors increased from 45% to 55% (p=0.5) for the same periods, while HIV incidence fell from 1.05 to 0.85 p.105 (p=0.5). From 2014 to 2018, HBV- and HCV-positive donation rates decreased but remained stable for syphilis. Over the 2016-2018 period, residual risk was estimated at 1 potentially infected donation every two years for HIV, 1 donation per year for HBV and 1 donation every 11 years for HCV. These residual risks were similar to those observed over the 2013-2015 period.

Based on the stability of these indicators before and after 10 July 2016, the French Minister of Health wanted an increased access to blood donation for MSM. In 2019, an HIV risk assessment was conducted with 2 scenarios: 4-month deferral of MSM or deferral of MSM having more than one sexual partner during the 4 months preceding a donation. The first scenario was selected in July 2019 and implemented on 2 April 2020.

Introduction

La sécurité des produits sanguins repose sur deux étapes essentielles que sont la sélection des donneurs de sang en amont du don et la qualification biologique du don.

Pour les infections liées au VIH, aux virus des hépatites B et C ou au Treponema pallidum (agent responsable de la syphilis), la qualification biologique est réalisée par un dépistage systématique de marqueurs spécifiques de ces infections sur chaque don de sang et, pour l’HTLV (virus T-lymphotropique humain), sur les dons provenant de nouveaux donneurs (depuis avril 2019 en en France métropolitaine). Pour ces infections, il existe néanmoins un délai de quelques jours entre la contamination et le moment où les marqueurs de l’infection sont détectables par les tests biologiques disponibles. Cette « fenêtre silencieuse » constitue l’élément principal du risque transfusionnel résiduel. Pour les infections telles que le paludisme ou la maladie de Chagas, ou pour la dengue, le chikungunya ou la fièvre de West Nile, les agents (parasites ou virus) sont dépistés de manière ciblée chez les personnes qui ont pu y être exposées.

En pratique, le candidat au don doit remplir un questionnaire, puis avoir un entretien avant de donner son sang. Cette étape essentielle dans la chaîne transfusionnelle permet de déterminer si le candidat est apte à donner sur la base de critères définis dans un arrêté ministériel. Elle a pour objectif d’identifier des situations à risque liées notamment aux comportements sexuels, aux voyages dans des zones de circulation virale ou parasitaire ou à une exposition nosocomiale. La recherche de ces situations permet de garantir la sécurité des produits sanguins en écartant du don les personnes présentant des facteurs de risque vis-à-vis d’infections transmissibles par le sang et notamment susceptibles de se situer dans la fenêtre silencieuse.

L’arrêté du 5 avril 2016, entré en vigueur le 10 juillet 2016, a fait évoluer les critères de sélection des donneurs de sang 1 en offrant notamment la possibilité aux hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) de donner leur sang sous certaines conditions : pour le don de sang total, ne pas avoir eu de rapport sexuel entre hommes dans les 12 derniers mois ; pour le don de plasma sécurisé par quarantaine, ne pas avoir eu plus d’un partenaire sexuel dans les 4 derniers mois 2.

La Direction générale de la santé a souhaité que la modification des critères de sélection des donneurs de sang s’accompagne d’un suivi renforcé. En complément de la surveillance épidémiologique des donneurs mise en place en France dès 1992, Santé publique France a été sollicité pour réaliser une enquête auprès des donneurs de sang, afin de mesurer leur compréhension et leur adhésion aux critères de sélection (Enquête Complidon 3, et article de C. Sauvage et coll. dans ce numéro).

Cet article présente un bilan de la surveillance épidémiologique des donneurs de sang destiné à évaluer l’impact de la modification du critère de sélection concernant les HSH, sur les indicateurs épidémiologiques.

Matériel et méthodes

L’Établissement français du sang (EFS) et le Centre de transfusion sanguine des armées (CTSA) recueillent des données relatives aux dons telles que le nombre de dons provenant de nouveaux donneurs et de donneurs connus. L’EFS et le CTSA collectent également les données concernant les donneurs confirmés positifs pour chaque marqueur dépisté de façon systématique : sexe, âge, type de donneur (nouveau/connu), délai depuis le dernier don pour les donneurs connus, origine géographique et mode probable de contamination (obtenu lors de la consultation post-don).

Un don de sang est considéré positif pour le VIH ou le VHC en cas de présence attestée d’anticorps (Ac) ou d’ARN viral. Un don positif pour le VHB est défini par la présence de l’antigène HBs (Ag HBs) ou de l’ADN du VHB. Un don est défini positif pour la syphilis si le don est TPHA positif, Elisa positif et immunoblot positif. La recherche de l’ensemble de ces marqueurs est réalisée systématiquement sur chaque don de sang.

Impact de l’ouverture du don de sang aux HSH en 2016 sur le VIH

Les taux de dons VIH positifs (nombre de dons positifs/nombre total de dons), les modes de contamination des donneurs VIH positifs, l’incidence et le risque résiduel (RR) sont présentés en comparant les périodes de 30 mois avant et après le 10 juillet 2016, date de l’entrée en vigueur de l’arrêté.

La méthode utilisée pour estimer l’incidence du VIH et le RR sur des périodes de 30 mois en prenant en compte l’ensemble des donneurs, est basée sur l’utilisation du test d’infection récente (TIR) 4 permettant de définir l’ancienneté de l’infection (inférieure ou supérieure à 180 jours) et mis en œuvre sur tous les dons de sang confirmés Ac anti-VIH positifs 5. Les infections récentes (<180 jours) ainsi identifiées ont permis d’estimer l’incidence à partir de la formule suivante :

I=Nir / [(Nnég + Nir) × (T/365)] × 105 = Nir / D-A × 105 où I est le taux d’incidence du VIH pour 100 000 donneurs-​années (D-A), Nir le nombre de donneurs récemment infectés par le VIH, Nnég le nombre de dons VIH négatifs et T le nombre de jours définissant une infection récente (T=180).

Le RR de transmission du VIH par transfusion, lié à la fenêtre silencieuse (FS), est estimé à partir de l’équation suivante : RR=I × (FS/365), où FS=9 jours depuis la généralisation du dépistage génomique viral (DGV) en unitaire sur tous les dons en France en 2014 6.

Impact de l’ouverture du don de sang aux HSH en 2016 sur le VHC, le VHB et la syphilis

Les taux de dons VHC, VHB et syphilis positifs sont présentés par année et par type de donneurs sur la période 2014-2018. Les taux par année ont été également calculés pour le VIH pour comparer les évolutions.

Pour le VHB et le VHC, les taux d’incidence sont calculés, à partir de la méthode de cohorte, chez les donneurs connus ayant donné au moins 2 fois sur une période de 3 ans, en rapportant le nombre de séroconversions observées durant cette période, au nombre de D-A 6.

Le RR pour le VHB et le VHC est estimé à partir de la même équation que pour le VIH, en prenant une fenêtre silencieuse de 7 jours pour le VHC et de 22 jours pour le VHB avec le DGV unitaire 6.

Pour chacun de ces deux virus, les résultats des RR sont comparés sur les deux périodes 2013-2015 et 2016-2018. Ils sont également présentés depuis 2001, date de la mise en place du DGV pour le VIH et le VHC. Le RR VIH, estimé à partir de cette méthode de cohorte, est également présenté pour comparer les évolutions.

Les intervalles de confiance à 95% (IC95%) des incidences et des RR sont obtenus par la méthode quadratique de Fleiss 7.

Résultats

Impact de l’ouverture du don de sang aux HSH en 2016 sur le VIH

Taux de dons VIH positifs et mode de contamination des donneurs de sang trouvés VIH positifs

La comparaison des taux de dons VIH positifs entre les deux périodes de 30 mois, avant et après le 10 juillet 2016, montre que l’ouverture du don de sang aux HSH n’a pas eu d’impact sur ces taux, ni chez les nouveaux donneurs, ni chez les donneurs connus (tableau 1).

Tableau 1 : Taux de dons VIH positifs par type de donneurs, France, 2014-2018
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De même, la modification des critères de sélection n’a pas eu d’impact sur la répartition des donneurs trouvés VIH positifs en fonction de leur mode probable de contamination, que ce soit chez les nouveaux donneurs ou chez les donneurs connus (tableau 2).

Tableau 2 : Répartition des donneurs VIH positifs par mode probable de contamination, France, 2014-2018
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Par ailleurs, sur chacune des deux périodes d’étude, respectivement 3 et 4 donneurs ont été dépistés en phase très précoce de l’infection (ARN-VIH positif et anticorps anti-VIH négatifs) : 3 HSH dans la première période, 3 HSH et une femme ayant eu des relations sexuelles avec un homme bisexuel dans la seconde.

Estimation de l’incidence du VIH et du RR avec le test d’infection récente

Sur les 112 dons VIH-1 testés avec le TIR sur la période 2014-2018, 40 (35,7%) ont été identifiés comme récemment infectés, 22 avant le 10 juillet 2016 et 18 après cette date, représentant respectivement 36,1% et 35,3% des dons dépistés VIH-1 pour chacune des périodes.

Les taux d’incidence et les RR VIH, calculés pour chaque période ne sont pas significativement différents, avant et après le 10 juillet (tableau 3). Sur la période mi-2016-2018, le RR a été estimé à 1 don VIH positif non détecté sur 4,8 millions de dons.

Tableau 3 : Estimation de l’incidence du VIH et du risque résiduel VIH chez les donneurs de sang par la méthode du test d’infection récente (TIR), France, 2014-2018
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Parmi les 40 infections récentes VIH observés entre 2014 et 2018, 30 étaient des hommes et 10 des femmes. Parmi les hommes, 16 (53%) ont déclaré, lors de la consultation post-don, avoir eu des relations sexuelles avec des hommes et 9 (30%) avoir été contaminés par des rapports sexuels avec des femmes. Pour 5 hommes (17%), le mode probable de contamination n’a pas pu être déterminé. Après imputation, le nombre total d’hommes contaminés par rapports sexuels entre hommes a été estimé à 19 et le nombre de personnes contaminées par rapports hétérosexuels à 21 (11 hommes et 10 femmes). Cette répartition ‘donneurs HSH’ vs ‘autres donneurs’ était comparable entre les 2 périodes (11/22=50% vs 8/18=45%). Par conséquent, que ce soit avant ou après le 10 juillet, environ la moitié du RR VIH était attribuable à des HSH.

Impact de l’ouverture du don de sang aux HSH en 2016 sur le VHB, VHC et la syphilis

Taux de dons positifs

Sur la période 2014-2018, parmi les 2 millions de dons prélevés chez les nouveaux donneurs, 1 165 ont été confirmés positifs pour la syphilis (5,9 pour 10 000 dons), 949 pour le VHB (4,8 pour 10 000), 445 pour le VHC (2,2 pour 10 000) et 58 pour le VIH (0,29 pour 10 000). Sur cette période, le taux de dons positifs chez les nouveaux donneurs a diminué significativement pour le VHB (Chi2 de tendance, p<10-4) et le VHC (p=0,003), alors qu’il était stable pour le VIH et la syphilis (figure 1a).

Sur la même période, parmi les 12,6 millions de dons prélevés chez les donneurs connus, 684 ont été confirmés positifs pour la syphilis (0,54 pour 10 000 dons), 25 pour le VHB (0,02 pour 10 000), 52 pour le VHC (0,04 pour 10 000) et 67 pour le VIH (0,05 pour 10 000). Chez les donneurs connus, aucune tendance significative n’a été observée entre 2014 et 2018 (figure 1b).

Figure 1 : Taux de dons VHB, VHC, Syphilis et VIH positifs par type de donneurs, France, 2014-2018
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Estimation de l’incidence du VHB, du VHC et du VIH et des RR par la méthode classique de cohorte

Sur la dernière période d’étude 2016-2018, ont été répertoriés 15 cas incidents pour le VHB, 4 pour le VHC et 16 pour le VIH qui, rapportés aux 2 606 223 D-A, ont permis d’estimer à 0,59 pour 105 D-A (IC95%: [0,34-0,99]) le taux d’incidence du VHB, à 0,15 [0,05-0,42] celui du VHC, et à 0,61 [0,36-1,02] celui du VIH.

Les RR ont ainsi pu être estimés à 1/2 850 000 (IC95%: [0-1/1 100 000]) pour le VHB, à 1/6 600 000 [0-1/1 500 000] pour le VIH et 1/34 000 000 [0-1/2 500 000] pour le VHC à savoir, 1 don potentiellement infecté par le VHB chaque année, 1 don tous les 2 ans par le VIH et 1 don tous les 11 ans par le VHC.

Entre les périodes 2001-2003 et 2016-2018, les RR pour ces 3 virus ont diminué d’un facteur compris entre 2,5 et 3,5, sans évolution notable entre les deux dernières périodes (figure 2).

Figure 2 : Risque résiduel (RR) du VIH du VHB et du VHC pour 1 million de dons, France, 2001-2018
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Discussion – conclusion

Les données de la surveillance épidémiologique des donneurs de sang montrent que le passage, en juillet 2016, d’une exclusion permanente des HSH à un ajournement de 12 mois n’a pas eu d’impact sur les indicateurs de suivi du VIH, que ce soit en termes de taux de dons positifs, de répartition par mode de contamination des donneurs de sang positifs, d’incidence, de nombre de dons en infection très récente (dons ARN-VIH positif/Ac Anti-VIH négatifs) ou de risque résiduel. Sur la période 2016-2018, le risque résiduel VIH a été estimé à 1 don VIH positif pour 4,8 millions avec la méthode du test d’infection récente, qui inclut l’ensemble des donneurs, et à 1 pour 6,6 millions avec la méthode classique de cohorte, basée uniquement sur les donneurs ayant donné deux fois sur une période de trois ans. Ces estimations correspondent à environ un don potentiellement infecté par le VIH tous les deux ans en France.

Ce constat est en accord avec les données d’autres pays qui ont également assoupli leurs critères de sélection en optant pour un ajournement de 12 mois au lieu d’une exclusion permanente. En Australie, où le changement est intervenu en 2000, une étude publiée en 2010 a montré que ni le taux global de dons VIH positifs, ni la proportion d’HSH parmi les donneurs trouvés VIH positifs n’ont été modifiés à la suite de la mise en œuvre de l’ajournement de 12 mois 8.

La Grande-Bretagne, qui a une épidémiologie du VIH similaire à celle de la France, notamment pour la population des HSH, a adopté cette modification plus récemment (le 7 octobre 2011). Dans son rapport Safe supplies: completing the picture de 2018 9, Public Health England a publié les données 2012 qui montraient que ce changement n’avait pas eu d’impact ni sur la prévalence, ni sur l’incidence du VIH chez les donneurs de sang 10. De plus, parmi les 13 donneurs trouvés VIH positifs en 2012 et dont le mode de contamination était connu, 9 avaient été contaminés par des rapports hétérosexuels et seuls 4 par des rapports sexuels entre hommes.

En novembre 2017, la Grande-Bretagne a de nouveau modifié le critère de sélection des HSH en réduisant à trois mois la durée d’ajournement depuis le dernier rapport sexuel entre hommes. Fin 2018, les données de surveillance montraient que ce changement n’avait pas été suivi d’une augmentation du nombre de donneurs VIH positifs, ni d’une augmentation des infections récemment acquises 9.

Jusqu’en 2013, le Canada imposait une exclusion permanente aux HSH. Depuis, Santé Canada a autorisé trois réductions successives de la période d’ajournement, ramenée à cinq ans en 2013, puis à un an en 2016 et à trois mois en juin 2019. Ces réductions se sont fondées sur des données probantes montrant que le nombre de dons de sang positifs pour le VIH et le risque résiduel VIH n’avaient pas augmenté depuis 2013 11,12.

Aux États-Unis, le passage de l’exclusion permanente à un ajournement de 12 mois pour les HSH est intervenu fin 2016 et ne semble pas non plus avoir eu d’impact. Cependant, aucune donnée de surveillance n’a encore été publiée sur le bilan de ce changement 13.

En France, malgré une proportion de 0,73% d’hommes ayant rapporté des rapports sexuels avec des hommes au cours des 12 mois précédant leur dernier don dans l’enquête Complidon 3 (et article de C. Sauvage et coll. dans ce numéro), aucun impact de l’ouverture du don aux HSH en juillet 2016 n’a été constaté sur les indicateurs de la surveillance des donneurs de sang, que ce soit pour le VIH, la syphilis ou les virus des hépatites B et C. Cette stabilité des indicateurs pourrait provenir du fait que, bien que ces hommes ne soient pas autorisés à donner leur sang, certains le font car ils se considèrent à faible risque d’infection par le VIH, comme le suggère l’enquête Complidon. Les données de Complidon montrent, en effet que 41% des HSH au cours des 12 derniers mois ont déclaré que leurs rapports sexuels étaient systématiquement protégés par un préservatif, que 22% avaient le même partenaire depuis au moins 12 mois et que 11% n’avaient eu qu’un seul rapport sexuel avec un homme dans l’année. Par ailleurs, il est possible que l’ouverture du don de sang aux HSH n’ait pas eu d’impact sur les indicateurs de suivi dans la mesure où certains individus dans cette situation donnaient déjà leur sang avant le 10 juillet 2016. En effet, les observations obtenues dans Complidon semblent en attester puisqu’elles ont permis d’estimer que 2,9% des hommes avaient déclaré avoir eu des rapports sexuels entre hommes et avoir donné leur sang avant le 10 juillet 2016 vs 3,2% après le 10 juillet 2016. Le passage de l’exclusion permanente à un ajournement de 12 mois n’a ainsi fait augmenter le nombre de donneurs de sang HSH que d’environ 3 000 dons sur la période juillet 2016-décembre 2017.

Sur la base de la stabilité de ces données avant et après le 10 juillet 2016, notamment pour le VIH, la ministre de la Santé a envisagé, dès octobre 2018, une ouverture plus large du don de sang aux HSH. Afin de guider sa décision, elle a souhaité disposer, au préalable, d’estimations du risque résiduel lié au VIH pour deux scénarios alternatifs : un ajournement des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes au cours des 4 mois précédant le don ou un ajournement des HSH ayant eu plus d’un partenaire sexuel au cours des 4 mois précédant le don. Sur la base de ces estimations de risque, qui sont présentées dans ce numéro (voir l’article de J. Pillonel et coll.), le premier scénario a été retenu en juillet 2019 et mis en application le 2 avril 2020.

Remerciements

Les auteurs remercient Laure Boizeau, Rémi Caparros (CNR Risques infectieux transfusionnels) et Clara Da Costa (Santé publique France) pour leur aide précieuse dans la gestion de ces données issues de la surveillance épidémiologique des donneurs de sang.

Liens d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

1 Ministère des Affaires sociales et de la Santé. Arrêté du 5 avril 2016 fixant les critères de sélection des donneurs de sang. JO du 10/04/2016. [Internet] https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2016/4/5/AFSP1608360A/jo/texte
2 Tiberghien P, Pillonel J, Toujas F, Vallet B. Changes in France’s deferral of blood donation by men who have sex with men. N Engl J Med. 2017;376(15):1485-6.
3 Sauvage C, Spinardi R, Pelat C, Pouget T, Danic B, Woimant G, et al. Noncompliance with blood donor selection criteria – Complidon 2017, France. Transfusion. 2020;60(1):73-83.
4 Barin F, Meyer L, Lancar R, Deveau C, Gharib M, Laporte A, et al. Development and validation of an immunoassay for identification of recent human immunodeficiency virus type 1 infections and its use on dried serum spots. J Clin Microbiol. 2005;43(9):4441-7.
5 Pillonel J, Barin F, Laperche S, Bernillon P, Le Vu S, Brunet S, et al. Human immunodeficiency virus type 1 incidence among blood donors in France, 1992 through 2006: Use of an immunoassay to identify recent infections. Transfusion. 2008;48(8):1567-75.
6 Schreiber GB, Busch MP, Kleinman SH, Korelitz JJ. The risk of transfusion-transmitted viral infections. N Engl J Med. 1996;334(26):1685-90.
7 Fleiss JL, Levin B, Paik MC. Statistical methods for rates and proportions. 3 ed. Hoboken: John Wiley & Sons; 2013. 800 p.
8 Seed CR, Kiely P, Law M, Keller AJ. No evidence of a significantly increased risk of transfusion-transmitted human immunodeficiency virus infection in Australia subsequent to implementing a 12-month deferal for men who have sex with men. Transfusion. 2010;20:2722-30.
9 Public Health England. Safe supplies 2018: monitor, inform, progress. Updated 11 September 2019. London: PHE; 2019. [Internet]. https://www.gov.uk/government/publications/safe-supplies-annual-review/safe-supplies-2018-monitor-inform-progress
10 Reynolds C, Davison KL, Brailsford SR. Safe supplies: Few infections in UK blood and tissue donors. Transfus Med. 2019;29(4):239-46.
11 Héma Quebec. Homme ayant eu une relation sexuelle avec un homme – Modification au critère d’admissibilité au don de sang à partir du 3 juin 2019 (Communiqué). 2019. [Internet]. https://www.hema-quebec.qc.ca/publications/communiques/archives/2019/communiques-2019/harsah-trois-mois.fr.html
12 O’Brien SF, Gregoire Y, Pillonel J, Steele WR, Custer B, Davison KL, et al. HIV residual risk in Canada under a three-month deferral for men who have sex with men. Vox Sang. 2020;115(2):133-9.
13 Food and Drug Administration. Revised recommendations for reducing the risk of human immunodeficiency virus transmission by blood and blood products. Guidance for industry. Silver Spring: FDA; 2015. 27 p. [Internet]. https://www.fda.gov/media/92490/download

Citer cet article

Pillonel J, Sauvage C, Bésiers C, Gallian P, Pouget T, Barin F, et al. Ouverture, en juillet 2016, du don de sang aux hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes : pas d’impact sur le risque transfusionnel lié au VIH, VHB et VHC. Bull Epidémiol Hebd. 2020;(8-9):169-75. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2020/8-9/2020_8-9_2.html