Infections à papillomavirus humain : influence des perceptions de la maladie et du vaccin sur le statut vaccinal

// Human papillomavirus infections: influence of perceptions of disease and vaccine on immunization status

Florian Verrier, Arnaud Gautier, Sylvie Quelet, Isabelle Bonmarin (isabelle.bonmarin@santepubliquefrance.fr),
et le groupe Baromètre de Santé publique France 2016*
Santé publique France, Saint-Maurice, France

* Le groupe Baromètre de Santé publique France 2016 : Arnaud Gautier, Jean-Baptiste Richard, Delphine Rahib, Nathalie Lydié, Frédérike Limousi, Cécile Brouard, Christine Larsen

Soumis le : 23.04.2019 // Date of submission: 04.23.2019
Mots-clés : Papillomavirus humain | Vaccination | Perception | France
Keywords: Human papillomavirus | Vaccination | Perception | France

Résumé

L’infection à papillomavirus humain (HPV), sexuellement transmissible, est le principal facteur de risque du cancer du col de l’utérus. La vaccination contre l’infection HPV est recommandée chez les jeunes filles de 11 à 14 ans, mais la couverture vaccinale reste faible en France.

Entre janvier et août 2016, 960 jeunes femmes de 15 à 25 ans et 1 491 parents de filles de 11 à 19 ans ont été interrogés par téléphone sur leur perception de la maladie (gravité, fréquence) et son vaccin (efficacité, effets secondaires graves) permettant d’explorer l’association de ces perceptions avec le statut vaccinal déclaré.

En 2016, 92,8% des parents et 95,0% des jeunes femmes ayant entendu parler du vaccin anti-HPV considéraient l’infection HPV comme grave, 62,3% et 68,9% respectivement comme fréquente. Le vaccin était jugé efficace par 69,4% des parents et 76,2% des jeunes femmes. Près de la moitié (54,0% dans les deux populations) pensait qu’il pouvait provoquer des effets secondaires graves.

La perception de l’efficacité du vaccin (jeunes femmes : OR=8,0 [4,9-13,0], parents : OR=3,7 [2,2-6,3]) et à l’inverse, la perception d’effets secondaires graves (jeunes femmes : OR=0,5 [0,4-0,7], parents : OR=0,3 [0,2-0,4]) étaient fortement liées à la vaccination anti-HPV.

Les perceptions vis-à-vis de la vaccination anti-HPV influençaient plus fortement les pratiques que les perceptions vis-à-vis de la maladie. Cette étude confirme les principaux freins à cette vaccination, nécessitant une plus grande information de la population.

Abstract

Human papillomavirus (HPV) infection, which is sexually transmitted, is the leading risk factor for cervical cancer. Vaccination against HPV infection is therefore recommended for girls aged 11 to 14, but vaccination coverage remains low in France.

Between January and August 2016, 960 young women aged 15 to 25 and 1,491 parents of girls aged 11 to 19 were interviewed by phone about their perceptions of the disease (severity and frequency) and its vaccine (efficacy and serious side effects) to explore the association of these perceptions with reported vaccination status.

In 2016, 92.8% of parents and 95.0% of young women who had heard about the HPV vaccine considered HPV infection to be severe, 62.3% and 68.9% respectively frequent. The vaccine was regarded as effective by 69.4% of parents and 76.2% of young women. Almost half (54.0% in both populations) thought it could cause serious side effects.

Perceived vaccine effectiveness (young women: OR=8.0 [4.9-13.0], parents: OR=3.7 [2.2-6.3]) and conversely, perceived serious side effects (young women: OR=0.5 [0.4-0.7], parents: OR=0.3 [0.2-0.4]) were strongly associated with HPV vaccination.

Perceptions of HPV vaccination had a greater influence on practices than perceptions of the disease. This study confirms the main obstacles to this vaccination, requiring more information to the population.

Introduction

L’infection à papillomavirus humain (HPV), sexuellement transmissible, est le principal facteur de risque du cancer du col de l’utérus 1 qui représente la moitié des cancers dus à ce virus. Les autres localisations sont pharynx, larynx, cavité orale, anus, vulve, vagin et pénis, et un tiers de ces cancers liés au HPV touche les hommes 2.

Trois quarts des personnes sexuellement actives sont infectées durant leur vie 3, mais la majeure partie des infections sont éliminées spontanément. La persistance de l’infection chez l’hôte aboutit à la survenue de lésions précancéreuses puis cancéreuses provoquant un nombre estimé de 6 300 cancers par an en France, soit près de 2% des cancers incidents 2.

En France, la vaccination contre l’infection HPV, en prévention du cancer du col, a été recommandée et mise au calendrier vaccinal dès 2007 4. Jusqu’en 2012, cette vaccination ciblait les filles âgées de 14 ans, avec un rattrapage jusqu’à 23 ans chez les jeunes femmes n’ayant pas débuté leur vie sexuelle ou dans l’année suivant le début de leur vie sexuelle. Par la suite, la population cible s’est élargie aux adolescentes de 11 à 14 ans, avec un rattrapage jusqu’à 19 ans révolus quelle que soit l’activité sexuelle. La vaccination, soumise à autorisation parentale pour les adolescentes mineures, comporte 2 doses jusqu’à 14 ans et 3 doses au-delà quand elle se fait en rattrapage.

En France, la couverture vaccinale de la population cible est une des plus faibles d’Europe. Seulement 29,4% des jeunes filles de 15 ans nées en 2003 ont reçu une première dose du vaccin HPV (voir article L. Fonteneau et coll. dans ce numéro du BEH). Le plan cancer 2014-2019 fixait un objectif de 60% 5, afin de minimiser les 2 800 cas de cancers cervicaux et les plus de 1 000 décès annuels en lien avec HPV 6.

Plusieurs études ont étudié le lien entre déterminants sociaux et vaccination anti-HPV en France, les femmes non vaccinées appartenant plutôt aux catégories sociales les plus modestes 7,8. Les liens entre perception de la vaccination et statut vaccinal n’ont été étudiés qu’au niveau local en France 9.

L’objectif général de cette étude était d’explorer au niveau national les liens entre les perceptions de la maladie ou celles du vaccin, et le statut vaccinal déclaré.

Matériel et méthodes

Le Baromètre de Santé publique France 2016 a été mené auprès d’un échantillon de 15 216 personnes, représentatif de la population âgée de 15 à 75 ans résidant en France métropolitaine et parlant français. Il repose sur un sondage aléatoire à deux degrés : les numéros de téléphone, fixes comme mobiles, ont été générés totalement aléatoirement. Le taux de participation était de 52% pour l’échantillon des téléphones fixes et de 48% pour celui des mobiles.

Une partie du questionnaire était consacré aux perceptions et pratiques vaccinales : 960 « jeunes femmes » de 15 à 25 ans et 1 491 « parents » de filles de 11 à 19 ans ont été interrogés sur leur connaissance de la vaccination anti-HPV. S’ils avaient déjà entendu parler de cette vaccination (867 jeunes femmes et 1 286 parents), les participants étaient questionnés sur leur perception des infections HPV (gravité et fréquence de la maladie) et de la vaccination anti-HPV (efficacité et effets secondaires graves). Le statut vaccinal des jeunes femmes ou celui des filles des parents interrogés était également recueilli.

Pour les personnes ayant déjà entendu parler de la vaccination anti-HPV et non vaccinées, les circonstances de non-vaccination étaient renseignées (refus de la patiente ou des parents, vaccination proposée par le médecin mais non faite par négligence, vaccination non proposée par le médecin). Si plusieurs filles de 11 à 19 ans d’une même fratrie n’étaient pas vaccinées, le parent indiquait la circonstance de non-vaccination pour la fille la plus jeune uniquement.

Les données de l’enquête ont été pondérées pour tenir compte de la probabilité d’inclusion, puis redressées 10.

Une analyse descriptive des différentes variables au sein de chaque population a d’abord été réalisée. Les proportions ont été comparées grâce au test de Chi2 de Pearson. Des modèles de régression logistique ont été utilisés pour les analyses multivariées, avec en variable d’intérêt le statut vaccinal. Les variables d’ajustement prises en compte étaient le sexe, l’âge en classes des jeunes femmes et des parents, le diplôme le plus élevé obtenu, le revenu par unité de consommation (UC), la situation professionnelle et la taille d’agglomération. Le logiciel Stata 14.2® a été utilisé pour les analyses.

Résultats

Connaissance de la vaccination

En 2016, 14,1% (n=93) des jeunes femmes et 16,4% (n=205) des parents interrogés n’avaient jamais entendu parler de la vaccination anti-HPV.

Chez les jeunes femmes, cette proportion était plus élevée chez les moins diplômées (25,1% de celles sans Baccalauréat (Bac) vs 4,7% de celles avec le Bac, p<0,001) et chez les plus faibles revenus (18,0% du 1er tercile vs 3,9% du 3e tercile, p<0,01), quel que soit l’âge.

Chez les parents, cette proportion était plus élevée chez les pères (28,6% vs 6,9% chez les mères, p<0,001), chez les moins diplômés (22,3% de ceux sans Bac vs 10,0% de ceux avec, p<0,001) et chez les plus faibles revenus (22,5% du 1er tercile vs 11,0% du 3e tercile, p<0,001).

Perceptions des infections à papillomavirus et son vaccin

En 2016, parmi ceux ayant entendu parler de la vaccination, 95,0% (n=824) des jeunes femmes (figure 1) et 92,8% (n=1 205) des parents (figure 2) étaient d’accord (« tout à fait » ou « plutôt ») pour dire que les infections HPV étaient graves. Plus de deux tiers (68,9%, n=586) des jeunes femmes et 62,3% (n=802) des parents étaient d’accord pour dire que ces infections étaient fréquentes.

Figure 1 : Perceptions des jeunes femmes de 15 à 25 ans ayant entendu parler de la vaccination anti-HPV (n=867), France métropolitaine, 2016
Agrandir l'image
Figure 2 : Perceptions des parents de filles de 11 à 19 ans ayant entendu parler de la vaccination anti-HPV (n=1 286), France métropolitaine, 2016
Agrandir l'image

Parmi ceux ayant entendu parler de la vaccination, 76,2% (n=652) des jeunes femmes et 69,4% (n=926) des parents estimaient le vaccin (« tout à fait/plutôt ») efficace pour prévenir le cancer du col de l’utérus. Dans ce même groupe, environ 54% des jeunes femmes et des parents considéraient (« tout à fait » ou « plutôt ») que le vaccin pouvait provoquer des effets secondaires graves.

Facteurs associés à une vaccination anti-HPV

Moins de la moitié des jeunes femmes ayant entendu parler de la vaccination anti-HPV (45,8%, n=413) déclarait s’être fait vacciner contre le papillomavirus, soit 39,3% de l’ensemble des jeunes femmes, si l’on fait l’hypothèse que celles n’ayant pas connaissance de la vaccination n’ont pas été vaccinées.

Chez les parents ayant entendu parler de la vaccination, 23,5% (n=295) déclaraient que toutes les filles du foyer étaient vaccinées, 71,9% (n=941) qu’aucune ne l’était et 1,3% (n=20) que certaines l’étaient.

Déclarer que le vaccin est efficace était très fortement lié au fait de s’être fait vacciner pour les jeunes femmes (odds ratio ajusté, ORa=8,0 [4,9-13,0]) ou d’avoir vacciné au moins une de leurs filles pour les parents (ORa=3,7 [2,2-6,3]) (tableau 1).

Tableau 1 : Facteurs associés à la vaccination anti-HPV chez les jeunes femmes âgées de 15 à 25 ans et les parents de filles de 11 à 19 ans, ayant entendu parler de la vaccination anti-HPV, France métropolitaine, 2016
Agrandir l'image

À l’inverse, considérer que le vaccin peut provoquer des effets secondaires graves était associé à une probabilité plus faible d’être vacciné chez les jeunes femmes (ORa=0,5 [0,4-0,7]) ou de vacciner au moins une de leurs filles chez les parents (ORa=0,3 [0,2-0,4]).

Considérer que les infections HPV sont fréquentes était lié à la vaccination chez les parents uniquement (ORa=2,0 [1,3-2,8]).

Percevoir les infections HPV comme graves n’influençait pas la vaccination dans les deux populations.

Par ailleurs, différents facteurs sociodémographiques influençaient la vaccination.

Chez les jeunes femmes, 53,4% des 20-25 ans déclaraient s’être fait vacciner contre 34,8% des 15-19 ans (ORa=2,0 [1,3-3,2]). La vaccination était plus fréquente chez les jeunes femmes ayant le Bac (ORa=1,8 [1,1-2,7]) que chez celles ne l’ayant pas.

Chez les parents, 25,6% des mères affirmaient qu’au moins une de leurs filles de 11 à 19 ans était vaccinée contre 23,6% des pères (ORa=1,4 [1,0-2,0]). La vaccination était plus fréquente lorsque les parents avaient des revenus plus élevés (ORa=1,6 [1,0-2,5] pour le 3e tercile comparé au 1er tercile), mais au contraire moins souvent pratiquée par les plus diplômés (ORa=0,6 [0,4-0,9]) et par ceux vivant en agglomération parisienne comparés à ceux vivant en milieu rural (ORa=0,5 [0,3-0,9]).

Circonstances de non-vaccination

Parmi ceux ayant connaissance de la vaccination, parmi les 425 jeunes femmes non vaccinées, 48,4% déclaraient que le médecin ne leur avait pas proposé le vaccin, 32,0% l’avaient refusé et 13,3% ne s’étaient pas faites vacciner par négligence. Chez les 941 parents n’ayant fait vacciner aucune de leurs filles, ces pourcentages étaient respectivement de 63,0%, 18,6% et 9,6%.

Les jeunes femmes ayant refusé le vaccin étaient moins nombreuses à le considérer efficace que celles n’ayant pas pris le temps de se faire vacciner et celles n’ayant pas reçu de proposition (respectivement 40,3% vs 80,9% et 69,5%, p<0,001) (tableau 2). À l’inverse, elles étaient plus nombreuses à considérer qu’il peut provoquer des effets secondaires graves (respectivement 84,7% vs 54,5% et 58,2%, p<0,001).

Tableau 2 : Liens entre perceptions et circonstances de non-vaccination HPV chez les jeunes femmes de 15 à 25 ans non vaccinées et les parents de filles de 11 à 19 ans n’ayant vacciné aucune de leurs filles, ayant déjà entendu parler de la vaccination, France métropolitaine, 2016
Agrandir l'image

Ces différences de perceptions étaient également retrouvées chez les parents.

Discussion

Cette étude est, à notre connaissance, la première étude nationale sur l’influence de la perception des Français, concernant les infections à papillomavirus et le vaccin, sur la vaccination anti-HPV.

Elle révèle tout d’abord qu’environ 15% de la population n’avait jamais entendu parler du vaccin. Cette proportion était plus élevée chez les pères, les personnes de faibles revenus et les moins diplômées. Ce résultat montre qu’une attention particulière doit être portée pour informer les catégories socioprofessionnelles défavorisées. Pour les personnes en ayant entendu parler, le questionnaire ne permettait pas de savoir le degré exact de connaissance ou la source d’information, ni l’influence de cette source sur la pratique.

Parmi ceux ayant déjà entendu parler de la vaccination, l’étude a montré qu’une majorité des répondants considéraient ces infections comme graves et fréquentes et le vaccin efficace mais porteur d’effets secondaires graves.

Ces perceptions ne sont pas toujours correctes : les infections sont effectivement fréquentes, mais rares sont celles qui sont graves. En outre, si de nombreuses études prouvent bien l’efficacité du vaccin 11, elles montrent aussi son absence d’effet indésirable grave 12. Le Baromètre de Santé publique France 2016 abordait plusieurs thématiques, dont la vaccination, et ne permettait pas de multiplier les questions sur les connaissances des infections ou du vaccin anti-HPV. Le caractère général des questions est une limite importante dans l’interprétation de ces résultats. Pour autant, l’objectif premier était moins d’apprécier la justesse des perceptions mais plutôt d’étudier leur influence sur la vaccination.

L’étude a ainsi montré que, parmi ceux ayant connaissance du vaccin anti-HPV, la manière dont était perçu ce dernier influençait plus fortement les pratiques que la perception de la maladie. En effet, la probabilité pour les jeunes femmes de 15-25 ans vaccinées et pour les parents de filles vaccinées d’avoir considéré le vaccin efficace était respectivement 8 et 4 fois plus élevée que pour les non-vaccinées. En outre, la vaccination au sein des deux groupes interrogés était moindre chez ceux considérant que le vaccin avait des effets secondaires graves. En revanche, percevoir l’infection comme grave n’apparaissait pas comme déterminant de la vaccination dans notre étude, et la percevoir comme fréquente favorisait uniquement la vaccination des filles dont les parents étaient interrogés.

Parmi les facteurs sociodémographiques, les mères et les parents ayant des revenus élevés pratiquaient plus souvent la vaccination chez leurs filles. À l’inverse, les parents les plus diplômés et ceux vivant en agglomération parisienne la pratiquaient moins. Une précédente méta-analyse avait déjà mis en évidence, dans des études au Canada, aux États-Unis et en Norvège 13, le fait que les parents les plus diplômés vaccinaient moins leurs enfants contre les HPV.

De plus, la perception qu’avaient les personnes ayant déjà entendu parler du vaccin anti-HPV semblait jouer un rôle dans la circonstance de non-vaccination. En effet, trouver le vaccin efficace ou ne provoquant pas d’effets secondaires graves était significativement plus fréquent chez ceux ayant évoqué le fait de ne pas avoir pris le temps de se faire vacciner que chez ceux ayant refusé la vaccination.

En 2016, 45,8% des jeunes femmes ayant entendu parler du vaccin déclaraient être vaccinées. En faisant l’hypothèse que celles n’en ayant pas entendu parler n’étaient pas vaccinées, la couverture vaccinale (39,3%) de la population d’étude parait élevée. En effet, les données disponibles 14 montrent que la couverture vaccinale 1 dose des femmes nées entre 1995 et 2001 (et qui avaient donc entre 15 et 19 ans au moment de l’étude) oscillait selon les années entre 19% et 29%. La couverture 3 doses est plus faible de 4 à 6 points. Même si la comparaison avec les données disponibles est difficile du fait des classes d’âge différentes – la tranche d’âge dans l’enquête intégrant des jeunes femmes de plus de 15 ans ayant éventuellement bénéficié de la vaccination de rattrapage – et du manque d’information sur le nombre de doses reçues, la couverture vaccinale élevée de la population d’étude pourrait refléter un biais de déclaration dont l’effet sur la force des associations trouvées entre perception et vaccination ne peut pas être précisé.

La vaccination anti-HPV n’a pas été proposée à près de la moitié des jeunes femmes et à trois parents sur cinq. Ce résultat interroge sur l’information et l’adhésion des médecins à cette vaccination. En effet, une précédente étude datant de 2015 montrait également que près de 30% des médecins généralistes ne la proposaient jamais ou rarement pour les jeunes filles de 11 à 14 ans 15. Il pourrait aussi refléter le faible recours au soin dans ces tranches d’âge. En effet, la question ne permettait pas de faire la différence entre ceux qui n’avaient pas consulté (et n’ont donc pas eu de proposition) et ceux qui avaient consulté mais auxquels le médecin n’avait pas proposé la vaccination anti-HPV. La perception des personnes à qui la vaccination anti-HPV n’a pas été proposée étaient plus proche de celles ayant refusé le vaccin que de celles n’ayant pas pris le temps de le faire. Pour autant, cette information ne permet pas de privilégier ou non le rôle du médecin dans la non-vaccination anti-HPV des filles et des jeunes femmes.

Notre étude confirme aussi l’un des principaux obstacles relevés pour cette vaccination dans la littérature : la mauvaise connaissance des effets secondaires 9. Une plus grande information des données existantes sur ce vaccin doit donc être apportée à la population générale, notamment aux jeunes filles pour leur permettre de participer à la décision de se faire vacciner 16, mais aussi aux médecins 17, première source d’information des patients 18, afin de restaurer la confiance. En effet, la France présente une couverture vaccinale basse par rapport à d’autres pays comme l’Angleterre ou l’Australie, où elle atteint 80% 19. Cette différence s’inscrit dans un contexte de défiance vis-à-vis de la vaccination pour une partie de la population, en particulier depuis 2010 10. L’absence d’intervention en milieu scolaire en France peut être aussi une explication à la faible couverture vaccinale comme en attestent les expériences en Australie 13.

Des particularités spécifiques à la vaccination anti-HPV peuvent expliquer ces freins comme la concomitance entre la vaccination et le début de l’activité sexuelle, qui peut être difficile à aborder pour certains médecins ou parents 17. Par ailleurs, ce vaccin est recommandé mais non obligatoire. Ce statut représentait déjà un flou pour les médecins et les patients, que l’extension récente de l’obligation vaccinale aux vaccins du nourrisson n’a pas amélioré 20. De plus, le coût du vaccin, remboursé par la Sécurité sociale à hauteur de 65% du prix, est aussi évoqué par certains patients comme un frein à la vaccination 9, voire un manque d’implication de l’État dans cette vaccination. Enfin, l’âge de cette vaccination, ne coïncidant pas avec une visite obligatoire chez le médecin, peut également expliquer la faible couverture vaccinale. Ceci a d’ailleurs été observé pour la vaccination diphtérie/tétanos/poliomyélite/coqueluche dont la couverture vaccinale (5 doses) est bien moindre à l’adolescence qu’elle ne l’est chez le nourrisson pour 3 doses. Le nouveau calendrier des examens médicaux obligatoires, redéployés jusqu’à l’âge de 18 ans, permettra probablement de corriger ceci. Le possible élargissement de la vaccination anti-HPV aux garçons, avis en cours d’étude par la commission technique des vaccinations de la Haute Autorité de santé (HAS), ainsi que la répercussion de l’obligation vaccinale sur les autres vaccinations permettront potentiellement d’améliorer l’acceptation de ce vaccin et donc sa couverture vaccinale.

Tous ces éléments devront être pris en compte dans les interventions à mettre en place pour améliorer la couverture vaccinale.

Conclusion

La vaccination anti-HPV, en complément du dépistage par frottis, reste le moyen le plus efficace d’éviter la survenue de lésions cancéreuses au niveau du col de l’utérus. La méfiance de la population envers la vaccination, et notamment ses doutes quant à de possibles effets secondaires, représente un frein au fait de se faire vacciner. Une plus grande communication sur ces aspects serait donc souhaitable à l’avenir.

Remerciements

Nous tenons à remercier Frédérique Biton, documentaliste, et Agnès Verrier, chargée de projet et d’expertise scientifique, pour leur aide.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

1 de Martel C, Plummer M, Vignat J, Franceschi S. Worldwide burden of cancer attributable to HPV by site, country and HPV type. Int J Cancer. 2017;141(4):664-70.
2 Shield KD, Marant Micallef C, de Martel C, Heard I, Megraud F, Plummer M, et al. New cancer cases in France in 2015 attributable to infectious agents: A systematic review and meta-analysis. Eur J Epidemiol. 2018;33(3):263-74.
3 Weaver BA. Epidemiology and natural history of genital human papillomavirus infection. J Am Osteopath Assoc. 2006;106(3 Suppl 1):S2-8.
4 Haut Conseil de la santé publique. Calendrier vaccinal 2007 et avis publiés depuis le calendrier vaccinal 2006. Bull Epidémiol Hebd 2007;(31-32):271-88. http://portaildocumentaire.santepubliquefrance.fr/exl-php/vue-consult/spf___internet_recherche/INV1926
5 Ministère des Solidarités et de la Santé. Plan Cancer 2014-2019. Guérir et prévenir les cancers : donnons les mêmes chances à tous, partout en France. 152 p. https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/maladies/article/cancer
6 Leone N, Voirin N, Roche L, Binder-Foucard F, Woronoff A, Delafosse P, et al. Projection de l’incidence et de la mortalité par cancer en France métropolitaine en 2015. Saint Maurice: Institut de veille sanitaire; 2015. 62 p. http://portaildocumentaire.santepubliquefrance.fr/exl-php/vue-consult/spf___internet_recherche/INV12753
7 Guthmann JP, Pelat C, Célant N, Parent du Chatelet I, Duport N, Rochereau T, et al. Socioeconomic inequalities to accessing vaccination against human papillomavirus in France: Results of the Health, Health Care and Insurance Survey, 2012. Rev Epidemiol Sante Publique. 2017;65(2):109-17.
8 Bertaut A, Chavanet P, Aho S, Astruc K, Douvier S, Fournel I. HPV vaccination coverage in French girls attending middle and high schools: A declarative cross sectional study in the department of Côte d’Or. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol. 2013;170(2):526-32.
9 Baudoin A, Sabiani L, Oundjian F, Tabouret E, Agostini A, Courbière B, et al. Vaccination anti-HPV : évaluation de la couverture vaccinale et des facteurs qui l’influencent chez les lycéennes et étudiantes de la région PACA. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris). 2015;44(2):126-35.
10 Gautier A, Chemlal K, Jestin C et le groupe Baromètre santé 2016. Adhésion à la vaccination en France : résultats du Baromètre santé 2016. Bull Epidémiol Hebd. 2017;(HS):21-7. http://portaildocumentaire.santepubliquefrance.fr/exl-php/vue-consult/spf___internet_recherche/INV13510
11 Lehtinen M, Paavonen J, Wheeler CM, Jaisamrarn U, Garland SM, Castellsagué X, et al. Overall efficacy of HPV-16/18 AS04-adjuvanted vaccine against grade 3 or greater cervical intraepithelial neoplasia: 4-year end-of-study analysis of the randomised, double-blind PATRICIA trial. Lancet Oncol. 2012;13(1):89-99.
12 Scheller NM, Svanström H, Pasternak B, Arnheim-Dahlström L, Sundström K, Fink K, et al. Quadrivalent HPV vaccination and risk of multiple sclerosis and other demyelinating diseases of the central nervous system. JAMA. 2015;313(1):54-61.
13 Loke AY, Kwan ML, Wong Y-T, Wong AKY. The uptake of human papillomavirus vaccination and its associated factors among adolescents: A systematic review. J Prim Care Community Health. 2017;8(4):349-62.
14 Sniiram-DCIR, Santé publique France. Données de couverture vaccinale papillomavirus humains (HPV) par groupe d’âge. 2011 (mise à jour 2018). [Internet]. https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/vaccination/articles/donnees-de-couverture-vaccinale-papillomavirus-humains-hpv-par-groupe-d-age
15 Collange F, Fressard L, Verger P, Josancy F, Sebbah R, Gautier A, et al., Vaccinations : attitudes et pratiques des médecins généralistes. Études & Résultats (Drees). 2015;(910):1-8. https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/publications/etudes-et-resultats/article/vaccinations-attitudes-et-pratiques-des-medecins-generalistes
16 Lefevre H, Samain S, Ibrahim N, Fourmaux C, Tonelli A, Rouget S, et al. HPV vaccination and sexual health in France: Empowering girls to decide. Vaccine. 2019;37(13):1792-8.
17 Lefèvre H, Schrimpf C, Moro MR, Lachal J. HPV vaccination rate in French adolescent girls: An example of vaccine distrust. Arch Dis Child. 2018;103(8):740-6.
18 Denis F, Cohen R, Stahl JP, Martinot A, Dury V, Le Danvic M, et al. Papillomavirus vaccination in France according to 2008 to 2012 Vaccinoscopie(®) data. Med Mal Infect. 2014;44(1):18-24.
19 Bonanni P, Bechini A, Donato R, Capei R, Sacco C, Levi M, et al. Human papilloma virus vaccination: Impact and recommendations across the world. Ther Adv Vaccines. 2015;3(1):3-12.
20 Lefèvre H, Moro MR, Lachal J. The new HPV vaccination policy in France. N Engl J Med. 22 2018;378(12):1160.

Citer cet article

Verrier F, Gautier A, Quelet S, Bonmarin I, et le groupe Baromètre de Santé publique France 2016. Infections à papillomavirus humain : influence des perceptions de la maladie et du vaccin sur le statut vaccinal. Bull Epidémiol Hebd. 2019;(22-23):450-6. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2019/22-23/2019_22-23_6.html