Comparaison régionale du tabagisme et de l’usage de cigarette électronique en France en 2014

// Regional comparison of tobacco smoking and e-cigarette use in France in 2014

Nicolas Berthier1, Romain Guignard1 (romain.guignard@santepubliquefrance.fr), Jean-Baptiste Richard1, Raphaël Andler1, François Beck2,3, Viêt Nguyen-Thanh1
1 Santé publique France, Saint-Maurice, France
2 Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), Saint-Denis, France
3 Sorbonne Universités, UPMC Univ Paris 06, Inserm, Institut Pierre Louis d’épidémiologie et de santé publique (IPLESP UMRS 1136), Équipe de recherche en épidémiologie sociale (ERES), Paris, France
Soumis le 25.05.2016 // Date of submission: 05.25.2016
Mots-clés : Tabac | Cigarette électronique | Enquête en population générale | Analyse régionale
Keywords: Tobacco | e-cigarette | General population survey | Regional analysis

Résumé

Introduction –

 Les prévalences tabagiques régionales sont des données indispensables aux acteurs régionaux pour planifier et évaluer leurs politiques locales de prévention du tabagisme. Cet article présente les indicateurs relatifs à la consommation de tabac et à l’usage de la cigarette électronique à l’échelle des nouvelles régions, à partir des données du Baromètre santé 2014.

Matériel et méthode –

 Le Baromètre santé 2014 est une enquête téléphonique aléatoire à deux degrés (ménage puis individu) parmi ceux qui possèdent un téléphone mobile et/ou un fixe. L’échantillon comprenait au total 15 635 individus âgés de 15 à 75 ans en métropole et 8 163 dans les DOM.

Résultats et discussion –

 En France métropolitaine, les prévalences régionales du tabagisme quotidien variaient de 23,6% pour l’Île-de-France à 31,3% pour la région Grand-Est. Les écarts observés pour ces deux régions s’expliquent en partie par des différences socioéconomiques. Concernant le vapotage (quotidien ou occasionnel), les prévalences s’échelonnaient de 4,1% dans les Pays de la Loire à 8,0% en Bretagne. Dans les DOM, la prévalence tabagique apparaissait nettement inférieure en Guadeloupe (12%), Guyane (12%) et Martinique (15%), alors que la prévalence à La Réunion (25%) était plus proche de celle observée en métropole. Cette analyse fournit d’importants indicateurs au niveau régional, coïncidant avec le lancement du Programme national de réduction du tabagisme 2014-2019.

Abstract

Introduction –

 Regional smoking prevalence data are essential so that regional stakeholders plan and evaluate their local policies for smoking prevention. This article presents smoking indicators and the use of electronic cigarettes across new regions using data from the 2014 Health Barometer.

Materials and method –

 The Health Barometer 2014 is based on a random telephone survey with two degrees (household and individual) among those with a mobile and / or fixed telephone. The sample included 15,635 individuals aged 15 to 75 in Metropolitan France and 8,163 individuals in overseas departments (DOM).

Results and discussion –

 In Metropolitan France, regional prevalences of daily smoking varied from 23.6% for the Ile-de-France to 31.3% in the Grand-Est regions. Socio-economic differences in these regions partly account for these differences. Regarding current (daily or occasional) e-cigarette use, prevalences ranged from 4.1% in the Pays de la Loire to 8.0% in Brittany. In the overseas departments (DOM), smoking prevalence appeared much lower in Guadeloupe (12%), Guyana (12%) and Martinique (15%), while the prevalence in the Reunion Island (25%) was close to the one observed in Metropolitan France. This analysis provides important indicators at the regional level coinciding with the launch of the National Smoking Reduction Program 2014-2019.

Introduction

Promouvoir la lutte contre le tabac au niveau des territoires fait partie des axes prioritaires du Programme national de réduction du tabagisme (PNRT) 2014-2019 1. Afin de permettre aux acteurs régionaux, au premier rang desquels les Agences régionales de santé (ARS), de planifier et d’évaluer leurs politiques locales de prévention du tabagisme, il est indispensable de mettre à disposition à intervalles réguliers des données sur les comportements relatifs au tabac à l’échelle régionale. L’Atlas des substances psychoactives avait permis, à partir d’une analyse secondaire des données du Baromètre santé 2010 de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes) (1), de dresser un portrait des consommations de tabac selon le découpage régional en vigueur en 2010, ainsi que des évolutions depuis 2005 2. Ces analyses avaient montré une relative homogénéité entre les régions, avec des prévalences tabagiques variant de 25 à 35%. Le Languedoc-Roussillon, l’Aquitaine et Provence-Alpes-Côte d’Azur se détachaient par une proportion plus élevée d’usagers quotidiens de tabac, tandis que quatre régions affichaient des proportions inférieures à ce qui était observé dans le reste du territoire : Île-de-France, Pays de la Loire, Alsace et Rhône-Alpes. Dans les départements d’outre-mer (DOM), le constat que l’on pouvait dresser était le manque de données en population adulte, en particulier pour ce qui relevait des enquêtes en population générale 3. La prévalence du tabagisme quotidien était estimée à 20% à La Réunion en 2003 4 et celle du tabagisme quotidien ou occasionnel à 15% en Martinique en 2011 5.

L’analyse des données du Baromètre santé 2014 a montré que la prévalence du tabagisme quotidien était de 28,1% parmi les 15-75 ans en France métropolitaine, en légère baisse par rapport à 2010 6. Ces analyses ont également montré la diffusion de la cigarette électronique en France, principalement auprès des fumeurs et ex-fumeurs, avec 25,7% d’expérimentateurs de ce produit et 5,9% d’utilisateurs chez les 15-75 ans 7. L’objet de cet article est de proposer une analyse régionale des données du Baromètre santé 2014 relatives à la consommation de tabac et à l’usage de la cigarette électronique selon le découpage régional en vigueur depuis le 1er janvier 2016. Cette analyse intègre en outre les résultats concernant les prévalences d’usage recueillies dans le cadre du Baromètre santé mené dans les DOM en 2014 (à l’exception de Mayotte où l’enquête n’a pu être menée pour des raisons de faisabilité).

Méthode

Terrain d’enquête

Les Baromètres santé s’appuient sur des sondages aléatoires à deux degrés (ménage puis individu) réalisés à l’aide d’un système de collecte assistée par téléphone et informatique (Cati). Les numéros de téléphone sont générés aléatoirement et l’individu est sélectionné au hasard au sein des membres éligibles du ménage.

En raison de l’utilisation de plus en plus importante du téléphone mobile, y compris parmi ceux possédant une ligne fixe, deux échantillons « chevauchants » ont été constitués en 2014 : l’un interrogé sur ligne fixe, l’autre sur téléphone mobile, indépendamment de l’équipement téléphonique du foyer. La collecte des données du Baromètre santé 2014 a été confiée, en métropole et dans les DOM, à l’institut Ipsos. Elle s’est déroulée du 11 décembre 2013 au 31 mai 2014 pour la métropole et du 29 avril au 27 novembre 2014 pour les DOM. Dans le Baromètre santé 2014 (métropole), l’échantillon comprenait au total 15 635 individus âgés de 15 à 75 ans : 7 577 interrogés sur téléphones fixes, 8 058 sur mobiles, avec un taux de participation, respectivement, de 61% et 52%. Le Baromètre santé DOM 2014 comprenait 8 163 individus, dont 4 098 interrogés sur téléphone fixe et 4 065 sur mobiles. Le taux de participation variait de 48% à la Guadeloupe à 59% à La Réunion. La passation du questionnaire a duré en moyenne 33 minutes, que ce soit en métropole ou dans les DOM. Les méthodes complètes des deux enquêtes sont disponibles par ailleurs 8,9.

Variables

Le tabagisme quotidien correspond au fait de déclarer fumer du tabac tous les jours ou à la déclaration d’une quantité de cigarettes, cigares, cigarillos ou pipes fumés par jour. L’usage de cigarette électronique (ou e-cigarette) au moment de l’enquête (quotidien ou occasionnel) correspond au fait d’avoir répondu positivement à la question « Utilisez-vous la cigarette électronique actuellement ? ». Les tentatives d’arrêt effectuées au cours de l’année parmi les fumeurs quotidiens ont été obtenues à partir des questions « Avez-vous déjà arrêté de fumer volontairement au moins une semaine ? » et, si oui, « À quand remonte la dernière fois où vous avez essayé d’arrêter de fumer ? ». L’envie d’arrêter de fumer correspond à une réponse positive à la question suivante : « Avez-vous envie d’arrêter de fumer ? ».

Analyses

Les données ont été pondérées par le nombre d’individus éligibles rapporté au nombre de lignes téléphoniques au sein du ménage. Puis elles ont été calées sur les données de référence nationale les plus récentes, à savoir celles de l’enquête Emploi 2012 de l’Insee. Ce calage sur marges tient compte du sexe croisé avec la tranche d’âge, de la région de résidence, de la taille d’agglomération, du niveau de diplôme et du fait de vivre seul ou non. Pour la France métropolitaine, dans le cadre des comparaisons régionales, étant donné que les comportements tabagiques sont fortement associés au sexe et à l’âge, les échantillons régionaux ont été standardisés sur la structure croisée par âge et par sexe au niveau national. Pour les DOM, étudiés dans une enquête indépendante de celle de la France métropolitaine, les prévalences ont été redressées sur la structure croisée par âge et par sexe de chaque DOM.

Les comparaisons interrégionales de prévalence ont été testées au moyen du Chi2 de Pearson (chaque région a été comparée au reste de la France). Pour la métropole, afin de contrôler les éventuelles différences socioéconomiques connues pour être associées au tabagisme, des régressions logistiques sur données non pondérées, ajustées sur le sexe, l’âge, le niveau de diplôme, le niveau de revenu par unité de consommation (UC) en terciles et la situation professionnelle (actif occupé, au chômage, inactif) ont été utilisées pour étudier le lien entre le tabagisme quotidien / le vapotage et la région d’habitation. Les différences mentionnées dans cet article sont celles significatives au seuil usuel de 5%. En raison d’un effectif trop faible (n=47), les résultats concernant la Corse ne peuvent être présentés dans cette analyse. Les régressions logistiques ont également été effectuées sur données pondérées pour une analyse de sensibilité.

Les analyses statistiques ont été effectuées sous Stata®/SE 13.1 et la cartographie sous R 3.1.2.

Résultats

Comparaison régionale du tabagisme quotidien

En 2014, les prévalences régionales du tabagisme quotidien se situaient entre 23,6% et 31,3% en France métropolitaine (figure 1). Seules deux régions se distinguaient significativement par rapport à l’ensemble des autres régions : l’Île-de-France, avec la proportion de fumeurs quotidiens la moins importante (23,6%, p<0,001) et Grand-Est avec la proportion de fumeurs quotidiens la plus élevée (31,3%, p<0,05).

Figure 1 : Prévalence du tabagisme quotidien par région parmi les 15-75 ans (en %), France, 2014
Agrandir l'image

Les quatre DOM étudiés présentaient des proportions significativement plus basses de fumeurs quotidiens. La Guadeloupe (11,9%, p<0,001), la Guyane (12,1%, p<0,001), et la Martinique (14,7%, p<0,001) affichaient des prévalences comparables entre elles et particulièrement faibles par rapport à la France métropolitaine, tandis que la prévalence observée à La Réunion se rapprochait de celle observée en France métropolitaine, même si l’écart était significatif (25,1%, p<0,001).

Pour la métropole, en ajustant sur l’âge, le sexe, le revenu par UC, le niveau de diplôme et la situation professionnelle, les régions Île-de-France et Grand-Est ne se distinguaient plus du reste de la France (tableau 1). En revanche, la région Pays de la Loire se trouvait associée à un tabagisme quotidien moins fréquent par rapport à l’ensemble des autres régions (odds ratio, OR=0,84, p<0,05), tandis que la région Occitanie était liée à un tabagisme quotidien plus fréquent (OR=1,16, p<0,05).

Tableau 1 : Odds ratios associés au fait d’habiter dans une région par rapport au reste de la France métropolitaine pour le tabagisme quotidien et le vapotage, Baromètre santé 2014
Agrandir l'image

Comparaison régionale de l’usage de la cigarette électronique

En 2014, concernant l’usage de cigarette électronique en France métropolitaine, deux régions se distinguaient significativement (figure 2). La prévalence de l’usage de cigarette électronique (quotidien ou occasionnel) était la plus faible en Île-de-France (4,9%, p<0,05) et dans les Pays de la Loire (4,1%, p<0,05). Après ajustement sur les autres covariables, ces différences régionales se maintenaient (respectivement OR=0,79, p<0,05 et OR=0,65, p<0,05) (tableau 1).

Figure 2 : Prévalence de l’usage de cigarette électronique par égion parmi les 15-75 ans (en %), France, 2014
Agrandir l'image

Comme pour la consommation quotidienne de tabac, la Guyane (1,6%, p<0,001), la Martinique (2,1%, p<0,001), la Guadeloupe (2,2%, p<0,001) et La Réunion (3,3%, p<0,001) se distinguaient de la France métropolitaine par des prévalences significativement plus basses de vapoteurs.

Comparaison régionale de l’envie d’arrêter de fumer et des tentatives d’arrêt parmi les fumeurs quotidiens en France métropolitaine

À structure identique selon le sexe, l’âge, le niveau de diplôme, le niveau de revenu et la situation professionnelle, les régions Hauts-de-France (OR=0,74, p<0,01) et Normandie (OR=0,74, p<0,05) étaient associées à une moindre fréquence de l’envie d’arrêter de fumer parmi leurs fumeurs quotidiens (tableau 2). À l’inverse, les régions Bretagne (OR=1,47, p<0,01) et Provence-Alpes-Côte d’Azur (OR=1,35, p<0,05) étaient associées à une plus grande fréquence de l’envie d’arrêter parmi leurs fumeurs quotidiens par rapport au reste de la France. Aucune région ne se détachait significativement des autres concernant les tentatives d’arrêt durant l’année ayant précédé l’enquête.

Tableau 2 : Odds-ratios associés au fait d’habiter dans une région par rapport au reste de la France métropolitaine pour l’envie d’arrêter de fumer et les tentatives d’arrêt durant l’année, parmi les fumeurs quotidiens, Baromètre santé 2014
Agrandir l'image

Résultats des régressions logistiques sur données pondérées

Lorsque les régressions étaient pondérées, les différences observées sur la prévalence tabagique dans le Grand-Est et en Île-de-France se maintenaient (OR=1,21 [1,03-1,43], p=0,022 et OR=0,82 [0,72-0,93], p=0,002 respectivement). Pour les autres régions et les autres variables, les résultats étaient très proches de ceux observés sur données non pondérées.

Discussion

En matière de prévalence tabagique, la situation nationale recouvre une réalité un peu plus contrastée à l’échelle régionale avec, aux deux extrêmes, un taux significativement plus faible en Île-de-France et un taux significativement plus élevé dans le Grand-Est. Les résultats observés en Île-de-France sont cohérents avec ceux observés en 2010 dans le cadre du Baromètre santé et avec ceux de l’enquête ESCAPAD 2014 de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), qui relève dans cette région des proportions nettement moins importantes de fumeurs quotidiens parmi les jeunes de 17 ans 2,10. Concernant les autres régions, même si les écarts ne sont pas significatifs, la prévalence plutôt faible observée dans les Pays de la Loire était déjà visible en 2010, tandis que la prévalence plutôt élevée dans la région Occitanie était déjà observée en Languedoc-Roussillon. Dans les DOM, la prévalence tabagique apparaît nettement inférieure en Guadeloupe, Guyane et Martinique, alors que la prévalence à La Réunion est plus proche de celle observée en métropole. Ce constat est retrouvé également chez les jeunes de 17 ans : en 2014, la prévalence du tabagisme quotidien était de 12% en Guadeloupe et en Martinique et de 22% à La Réunion contre 32% en métropole 10.

Dans la mesure où le niveau de diplôme, le revenu et la situation professionnelle sont liés au tabagisme 11, la prévalence du tabagisme quotidien dans chacune des régions peut être une conséquence de leur structure socioéconomique, ce que reflètent les résultats des régressions logistiques. Ainsi, la proportion de fumeurs quotidiens moins importante en Île-de-France s’explique principalement par une proportion plus importante de personnes diplômées de l’enseignement supérieur : les adultes d’Île-de-France sont 42,1% à l’être contre 29,5% pour la France entière 12. À l’inverse, la forte proportion de fumeurs observée dans la région Grand-Est pourrait s’expliquer par une situation économique plutôt défavorable par rapport au reste de la France 13. Pour les régions Pays de la Pays de la Loire et Occitanie, qui se distinguent du reste de la France après ajustement sur les variables socioéconomiques, on peut supposer que des différences régionales non mesurées dans le cadre de notre enquête, y compris culturelles, expliquent ces associations.

Par ailleurs, les fumeurs vivant dans les régions Hauts-de-France et Normandie ont une probabilité plus faible de déclarer avoir envie d’arrêter de fumer, alors même que les prévalences tabagiques y apparaissent plutôt supérieures à la moyenne nationale ; cela appelle à renforcer les efforts d’incitation au sevrage et de motivation des fumeurs dans ces régions. Au contraire, en Bretagne, la probabilité d’avoir envie d’arrêter de fumer est plus élevée ; c’est aussi dans cette région que la proportion d’utilisateurs de cigarette électronique – laquelle pourrait constituer un outil d’aide à l’arrêt du tabac 14 – est la plus forte, même si elle ne se distingue pas significativement du reste de la France. Ce résultat concorde avec des expérimentations de cigarette électronique plus élevées en Bretagne parmi les jeunes de 17 ans 10. De même, la plus faible proportion de vapoteurs relevée en Île-de-France s’observe à 17 ans comme en population adulte.

L’usage de cigarette électronique est étroitement associé à l’usage de tabac 7. En Île-de-France, les prévalences du tabagisme et du vapotage sont toutes deux significativement plus basses que dans le reste de la France mais, parmi les fumeurs, le taux de vapotage n’est plus différent du taux observé dans les autres régions (résultats non présentés). En revanche, la prévalence tabagique relativement faible dans les Pays de la Loire ne suffit pas à expliquer le moindre usage de cigarette électronique dans cette région : le taux d’usage de l’e-cigarette y est en effet plus faible, même restreint à l’ensemble des fumeurs (9,5% vs 14,4% pour le reste de la France métropolitaine, résultats non présentés). Enfin, le vapotage y apparaît même moins fréquent au sein des fumeurs ayant envie d’arrêter de fumer (11,0% vs 19,1% pour le reste de la France, résultats non présentés), pourtant plus à même de l’utiliser 7, suggérant que les prévalences régionales de vapotage peuvent également dépendre de la méthode d’arrêt privilégiée par les fumeurs.

La cartographie de l’offre de tabac (nombre de bureaux de tabac rapporté au nombre d’habitants) ne coïncide pas réellement avec les résultats observés en matière de prévalence tabagique, hormis en Île-de-France. Ainsi, en 2006, les régions les mieux pourvues en bureaux de tabac étaient la Bretagne, le Nord, le Massif central et le Sud-Est, et les régions les moins pourvues étaient le Sud-Ouest, le Centre-Est, le Nord-Est et l’Île-de-France (données Insee) 15. Des achats transfrontaliers plus fréquents observés dans le Nord-Est pourraient expliquer les différences entre la prévalence tabagique et l’offre de tabac dans cette zone 16. Les données disponibles relatives à l’offre de cigarettes électroniques coïncident davantage avec les données du Baromètre santé. Ainsi, la Bretagne et le Sud-Ouest présentent le nombre de boutiques spécialisées par habitant le plus élevé 17 et des prévalences d’usage légèrement supérieures à la moyenne nationale.

Au titre des forces et limites de l’étude, il faut souligner que cette analyse repose sur un large échantillon représentatif de la population française et sur une enquête dont le taux de réponse est de l’ordre de 60% 8, taux comparable à celui observé dans l’enquête américaine Behavioral Risk Factor Surveillance System Survey (BRFSS) 18. Cependant, pour les régions les moins peuplées, les estimations sont soumises à une marge d’erreur importante, d’autant plus quand l’analyse porte sur la sous-population des fumeurs. Hormis pour l’Île-de-France, il apparaît ainsi difficile de mesurer des évolutions de prévalence significatives au niveau régional depuis 2010. Néanmoins, le nouveau découpage régional permet de disposer de tailles d’échantillons plus importantes au niveau de chaque région, la plupart d’entre elles étant de l’ordre de 1 000 individus voire plus. La contrepartie est que ces grands agrégats géographiques reflètent, plus encore que les régions antérieures, des réalités parfois très diverses en leur sein. Par ailleurs, le nombre de vapoteurs quotidiens interrogés par région est trop faible pour comparer les prévalences régionales d’usage quotidien d’e-cigarette.

Concernant les régressions logistiques, l’analyse principale a porté sur le lien entre le fait de fumer, la région d’habitation et les caractéristiques socioéconomiques individuelles au sein de l’échantillon interrogé, c’est-à-dire sur données non pondérées. Néanmoins, des analyses complémentaires montrent que lorsque les régressions sont pondérées, les différences observées sur la prévalence tabagique en Grand-Est et en Île-de-France se maintiennent. L’analyse des interactions entre régions et niveau socioéconomique indique que les écarts observés selon le niveau de diplôme sont moins marqués en Île-de-France et davantage en Grand-Est : les faiblement diplômés fument moins en Île-de-France par rapport aux autres régions alors qu’ils fument plus en Grand-Est (résultats non présentés). Le redressement effectué sur le niveau de diplôme augmente le poids relatif des faiblement diplômés ; c’est pourquoi les odds ratios issus de régressions sur données pondérées pour ces deux régions sont significatifs.

La lutte contre le tabagisme constitue une des missions de Santé publique France et la mesure annuelle de la prévalence tabagique au niveau national en fait partie. Cette analyse complète les données déjà publiées 6,7 par d’importants indicateurs au niveau régional, coïncidant avec le lancement du PNRT 2014-2019. Au regard des tendances observées dans les pays ayant obtenu les meilleurs résultats dans la lutte antitabac depuis 2000, le Royaume-Uni par exemple 19, il est peu probable d’observer des baisses de prévalence supérieures à 1 point chaque année. De telles variations ne seraient pas détectables au niveau régional, le nombre de personnes interrogées étant trop faible au sein de chaque région. Néanmoins, à une échéance quinquennale, une nouvelle enquête de grande envergure, complétée par d’éventuels sur-échantillons régionaux dans les régions les moins peuplées, contribuerait à l’évaluation d’impact du PNRT en régions.

Références

1 Ministère des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes. Programme national de réduction du tabagisme 2014-2019. Paris; 2014. 55 p. http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/PNRT2014-2019.pdf
2 Beck F, Guignard R, Léon C, Richard JB. Atlas des usages de substances psychoactives 2010. Analyses régionales du Baromètre santé de l’Inpes. Saint-Denis: Inpes; 2013. 104 p. http://inpes.santepubliquefrance.fr/Barometres/barometre-sante-2010/atlas-usages-substances-psychoactives-2010/index.asp
3 Beck F, Richard JB. Les addictions dans les DOM – État des lieux des consommations. Note de l’Inpes à la Mildt, 2011. 34 p.
4 Direction régionale des affaires sanitaires et sociales (Drass). Baromètre toxicomanies 2003 : principaux résultats. Département de La Réunion-CGSS-Drass; 2004. 17 p. http://www.ars.ocean-indien.sante.fr/fileadmin/OceanIndien/Internet/Votre_ARS/Etudes_et_publications/Promotion_de_la_sante/
Addictions__conduites_a_risques/Barometre_toxicomanies_2003.pdf
5 Observatoire de la santé de la Martinique. Le tabac et ses conséquences sur la santé. Collection Santé observée; 2014. 4 p. http://www.madininair.fr/IMG/pdf/journee_mondiale_sans_tabac_mai2014.pdf
6 Guignard R, Beck F, Wilquin JL, Andler R, Nguyen-Thanh V, Richard JB, et al. La consommation de tabac en France et son évolution : résultats du Baromètre santé 2014. Bull Epidémiol Hebd. 2015;(17-18):281-8. http://www.invs.sante.fr/beh/2015/17-18/2015_17-18_1.html
7 Andler R, Guignard R, Wilquin JL, Beck F, Richard JB, Nguyen-Thanh V. Electronic cigarette use in France in 2014. Int J Public Health. 2015;61(2):159-65.
8 Richard JB, Gautier A, Guignard R, Léon C, Beck F. Méthode d’enquête du Baromètre santé 2014. Saint-Denis: Institut national de prévention et d’éducation pour la santé; 2015. 24 p. http://inpes.santepubliquefrance.fr/CFESBases/catalogue/pdf/1613.pdf
9 Richard JB, Andler R. Méthode d’enquête du Baromètre santé DOM 2014. Saint-Denis: Institut national de prévention et d’éducation pour la santé; 2015. 16 p. http://inpes.santepubliquefrance.fr/CFESBases/catalogue/pdf/1700.pdf
10 Le Nézet O, Gauduchon T, Spilka S. Les drogues à 17 ans : analyse régionale d’ESCAPAD 2014. Tendances (OFDT). 2015;(102). 4 p. http://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/eftxolv7.pdf
11 Beck F, Guignard R, Richard JB. Usages de drogues et pratiques addictives en France. Analyses du Baromètre santé Inpes. Paris: La Documentation française; 2014. 255 p. http://inpes.santepubliquefrance.fr/CFESBases/catalogue/pdf/1627.pdf
12 Degorre A. Région de naissance, région de résidence : les mobilités des diplômés du supérieur. Insee Première. 2015;(1557). 4 p. http://www.insee.fr/fr/ffc/ipweb/ip1557/ip1557.pdf
13 La France et ses territoires. Édition 2015. Paris: Institut national de la statistique et des études économiques; 2015. 169 p. http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/FST15.pdf
14 Haut Conseil de la santé publique. Avis relatif aux bénéfices-risques de la cigarette électronique ou e-cigarette étendus en population générale. Paris: HCSP; 2016. 26 p. http://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=541
15 Répartition des bureaux de tabac en France. Données Insee 2006. [Internet] https://www.mapanddata.com/actualite/carteactu/detail/26/repartition-des-bureaux-de-tabac-en-france.html
16 Nagelhout GE, van den Putte B, Allwright S, Mons U, McNeill A, Guignard R, et al. Socioeconomic and country variations in cross-border cigarette purchasing as tobacco tax avoidance strategy. Findings from the ITC Europe Surveys. Tob Control. 2014;23, Suppl 1: i30-8.
18 Centers for Disease Control and Prevention. Behavioral Risk Factor Surveillance System. BRFSS Combined Landline and Cell Phone Weighted Response Rates by State, 2014. [Internet]. http://www.cdc.gov/brfss/annual_data/2014/2014_responserates.html
19 McNeill A, Guignard R, Beck F, Marteau R, Marteau TM. Understanding increases in smoking prevalence: case study from France in comparison with England 2000-2010. Addiction. 2015;110(3):392-400.

Citer cet article

Berthier N, Guignard R, Richard JB, Andler R, Beck F, Nguyen-Thanh V. Comparaison régionale du tabagisme et de l’usage de cigarette électronique en France en 2014. Bull Epidémiol Hebd. 2016;(30-31):508-14. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2016/30-31/2016_30-31_4.html

(1) Devenu Santé publique France depuis le 1er mai 2016.