Prévalence de l’infection à Chlamydia trachomatis, Neisseria gonorrhoeae et Mycoplasma genitalium chez les femmes et les hommes de 18-59 ans, en France hexagonale, enquête PrévIST

// Prevalence of Chlamydia trachomatis, Neisseria gonorrhoeae, and Mycoplasma genitalium infections among women and men aged 18-59 in mainland France, PrévIST survey

Claire Sauvage1 (claire.sauvage@santepubliquefrance.fr), Carla Balcon2, Émilie Chazelle1, Olivia Peuchant2, Caroline Moreau3,4, Florence Lot1, Cécile Bébéar2*, Ndeindo Ndeikoundam Ngangro1*
1 Santé publique France, Saint-Maurice
2 Centre national de référence des infections sexuellement transmissibles bactériennes, CHU Bordeaux, Bordeaux
3 Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations, Inserm, Villejuif
4 Johns Hopkins University Bloomberg School of Public Health, Baltimore, Maryland, États-Unis

* Les auteurs ont contribué à parts égales à l’article.
Soumis le 08.08.2025 // Date of submission: 08.08.2025
Mots-clés : Infections sexuellement transmissibles bactériennes | Chlamydia trachomatis | Neisseria gonorrhoeae | Mycoplasma genitalium | Prévalence | Population générale
Keywords: Bacterial sexually transmitted infections | Chlamydia trachomatis | Neisseria gonorrhoeae | Mycoplasma genitalium | Prevalence | General population

Résumé

Dans un contexte d’augmentation des infections sexuellement transmissibles (IST) bactériennes en Europe et en France, l’étude PrévIST a été menée pour estimer la prévalence des infections à Chlamydia trachomatis (Ct), Neisseria gonorrhoeae (Ng) et Mycoplasma genitalium (Mg) en France. Elle s’appuyait sur les données de l’enquête aléatoire Contexte des sexualités en France (CSF) de 2023, afin d’identifier les facteurs de risque associés à ces infections.

Proposé aux personnes de 18-59 ans ayant déjà eu un rapport sexuel dans leur vie, PrévIST invitait les répondants à CSF à réaliser à domicile un prélèvement, vaginal pour les femmes et urinaire pour les hommes. Les analyses biologiques ont été réalisées au Centre national de référence des IST bactériennes et les résultats redressés pour être représentatifs de la population générale.

Parmi les 4 871 prélèvements recueillis, 32 étaient positifs à Ct. Les prévalences étaient de 0,58% pour les hommes et 0,93% pour les femmes, plus élevées chez les 25-29 ans, les hommes ayant eu plusieurs partenaires sexuels dans l’année, ou les femmes vivant dans une ville moyenne ou petite. Concernant Mg, 71 prélèvements étaient positifs. Les prévalences étaient de 1,25% pour les hommes et 3,06% pour les femmes, plus élevées chez les hommes de 30-49 ans et ceux ayant eu un ou plusieurs partenaires sexuels masculins dans l’année, et chez les femmes ayant eu plusieurs partenaires sexuels dans l’année. Pour Ng, un seul cas positif a été identifié.

Ces résultats rapportent de faibles prévalences en population générale et suggèrent que les IST bactériennes touchent principalement des populations fortement exposées, telles que les personnes ayant plusieurs partenaires sexuels, ou les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes.

Abstract

In a context of increasing bacterial sexually transmitted infections (STIs) in Europe and France, the PrévIST study was conducted to estimate the prevalence of Chlamydia trachomatis (Ct), Neisseria gonorrhoeae (Ng), and Mycoplasma genitalium (Mg) infections in France. The study relied on data from the 2023 Context of Sexualities in France (CSF) random survey to identify associated risk factors.

Participants aged 18-59 years, who had previously engaged in sexual intercourse, were invited to perform at-home sample collections: vaginal swabs for women and urine samples for men. Biological analyses were conducted at the national reference center for bacterial STIs. Results were adjusted to represent the general population.

Out of 4,871 samples, 32 tested positive for Ct with prevalence rates of 0.58% for men and 0.93% for women. Higher prevalence was noted among individuals aged 25-29 years, men with multiple sexual partners in the past year, and women residing in medium or small towns. For Mg, 71 samples were positive, with prevalence rates of 1.25% for men and 3.06% for women. Elevated rates were observed among men aged 30-49 years and those reporting one or more male sexual partners in the past year and among women with multiple sexual partners in the past year. Only one case of Ng was identified.

These findings show low prevalence rates in the general population and suggest that bacterial STIs predominantly affect highly exposed populations, such as individuals with multiple sexual partners or men who have sex with men.

Introduction

Les infections sexuellement transmissibles (IST) bactériennes sont en recrudescence en France depuis le début des années 2000 1,2, notamment la syphilis et les infections à Neisseria gonorrhoeae (Ng) qui touchent majoritairement des hommes ayant des rapports sexuels entre hommes (HSH), et les infections à Chlamydia trachomatis (Ct) qui affectent davantage les femmes de moins de 30 ans et les hommes de 26-49 ans 3. Les IST bactériennes représentent un problème de santé publique à plusieurs titres : i) leur fréquence ; ii) leur caractère souvent asymptomatique qui retarde, voire empêche le diagnostic, donc le traitement ; iii) les complications qu’elles entraînent (douleurs pelviennes chroniques, infections génitales hautes, infertilité…) et iv) leur rôle facilitateur dans l’acquisition et la transmission du VIH 4.

En France, la surveillance épidémiologique des IST repose principalement sur les données du Système national des données de santé (SNDS), qui comptabilisent les remboursements par l’Assurance maladie des dépistages d’IST associés à un traitement antibiotique adapté, permettant ainsi d’estimer le nombre d’IST diagnostiquées. Cependant, le SNDS ne comprenant aucune donnée comportementale, il n’est pas possible d’analyser les diagnostics selon les facteurs de risque. Les centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic des infections par le VIH, les hépatites virales et les IST (CeGIDD) fournissent également des données sur les diagnostics réalisés gratuitement dans ces centres. Toutefois, bien qu’ouverts à tous, les CeGIDD accueillent principalement des populations éloignées du soin, et plus exposées au risque d’IST 5. Ainsi, peu de données d’incidence ou de prévalence selon les pratiques sexuelles et les comportements de prévention sont disponibles. Les données existantes proviennent soit de populations spécifiques, non représentatives de la population générale, soit sont anciennes. En 2014, une collecte de prélèvements urogénitaux envoyés pour la détection des infections à Ct et Ng aux services de microbiologie médicale de 16 hôpitaux français et laboratoires régionaux, a estimé la prévalence des infections à Ct, Ng et Mg à respectivement 9,6%, 2,7% et 3,4% 6. En 2016, une étude parmi une population d’adultes, très majoritairement HSH, utilisant la prophylaxie pré-exposition au VIH (PrEP) a estimé la prévalence des infections à Ng et Ct à respectivement 11,2% et 12,1% 7. Ces prévalences, particulièrement élevées, ne peuvent refléter le niveau de diffusion des IST dans la population générale, les personnes participant à cette enquête ayant des comportements à haut risque d’acquérir le VIH nécessitant une PrEP. En population générale, les dernières données françaises datent de l’enquête Contexte des sexualités en France (CSF) de 2006, dans laquelle les prévalences à Ct ont été estimées à 3,2% et 2,5% chez les femmes et les hommes de moins de 30 ans 8.

L’enquête CSF, réalisée par l’Inserm en 2023, a offert l’opportunité de réaliser une étude nationale de prévalence de trois IST bactériennes (Ct, Ng et Mycoplasma genitalium (Mg)) 9. L’étude PrévIST a ainsi été réalisée par Santé publique France, en collaboration avec le Centre national de référence (CNR) des IST bactériennes. Les objectifs de cet article sont de présenter les données de prévalence des infections urogénitales à Ct, Ng et Mg chez les femmes et les hommes âgés de 18 à 59 ans résidant en France hexagonale, et d’étudier les facteurs de risque de ces infections grâce aux données recueillies dans l’enquête CSF-2023.

Méthodes

Population étudiée

L’enquête CSF-2023 est une enquête transversale aléatoire multimodale, réalisée par téléphone et Internet, auprès d’un échantillon représentatif de la population résidant en France, âgée de 15 à 89 ans, issu d’un sondage en deux phases à probabilité d’inclusion inégale par tirage au sort de numéros de téléphone, puis d’un sujet par foyer 9. À l’issue du questionnaire téléphonique, PrévIST était proposé aux personnes âgées de 18 à 59 ans, ayant déjà eu un rapport sexuel. La proposition consistait à réaliser à domicile un autoprélèvement vaginal à l’aide d’un écouvillon pour les femmes et du recueil des premières urines pour les hommes.

Compte tenu de la taille attendue des populations interrogées dans l’enquête CSF-2023 (environ 2 600 personnes de 18-29 ans et 7 000 de 30-59 ans pour chaque sexe), de la proportion de personnes ayant déjà eu des rapports sexuels (86% des femmes, 89% des hommes de 18-29 ans et 99% pour les 30-59 ans, d’après l’étude pilote de CSF-2023), des prévalences attendues de l’infection à Ct (3,2% et 2,5% pour les femmes et les hommes de 18-29 ans et 0,5% et 1,1% pour les 30-59 ans) et d’un taux de renvoi des prélèvements estimé de 47% parmi les personnes éligibles ayant accepté de participer, le nombre de personnes à inclure était estimé à 2 200 femmes et 1 900 hommes. Les prévalences attendues des infections à Ng et Mg étaient respectivement de 0,2% et de 2%.

Envoi du matériel de prélèvement

Après avoir recueilli le consentement oral des participants, un kit d’autoprélèvement leur était envoyé, comprenant le matériel nécessaire pour réaliser le prélèvement et le renvoyer au laboratoire, une lettre d’information, une notice explicative pour réaliser les prélèvements, un formulaire de consentement et un document de prévention des IST. Les participants devaient renvoyer leur prélèvement avec le formulaire de consentement rempli et signé au CNR des IST bactériennes à Bordeaux. En cas de non-réception, des relances étaient faites auprès des participants, par mail à J+12 suivant l’envoi du kit, par téléphone à J+17, puis par mail ou SMS à J+22 et J+29.

Analyses biologiques

La recherche des infections a été réalisée par le CNR des IST bactériennes en utilisant une PCR couplée Ct/Ng et une PCR spécifique pour Mg. Le CNR a utilisé les kits Hologic Aptima Combo CT/‌NG et Aptima Mycoplasma genitalium sur l’automate Panther (Hologic) 10,11.

Rendu des résultats

Le CNR des IST bactériennes communiquait aux participants les résultats Ct et Ng, qu’ils soient positifs ou négatifs, par courrier postal. En cas de prélèvement positif à Mg, seules les personnes présentant des symptômes compatibles avec une IST recevaient leur résultat, conformément aux recommandations de prises en charge d’une infection à Mg en vigueur au moment de l’étude 12. La présence éventuelle de symptômes (brûlures urinaires, écoulement génital inhabituel, douleurs génitales, ulcération génitale, ganglion dans l’aine) était renseignée par les participants à l’aide de cases à cocher dans le formulaire de consentement.

Les résultats positifs étaient accompagnés d’un courrier incitant les personnes à consulter rapidement un médecin ou un CeGIDD, ainsi que d’une lettre à remettre au médecin, présentant l’étude, les résultats et les recommandations de traitement pour les participants et leurs partenaires.

Lorsque les résultats étaient négatifs, un courrier rappelait les modalités de prévention et de dépistage des IST.

Analyse des données

Afin de corriger la non-participation, une pondération tenant compte du plan de sondage a été appliquée pour aligner la structure sociodémographique de l’échantillon des répondants à PrévIST sur celle de la population résidant en France.

Les estimations de prévalences pondérées, accompagnées d’intervalles de confiance à 95%, sont présentées selon les caractéristiques sociodémographiques (sexe, âge, niveau d’études, lieu de résidence) et comportementales (nombre et sexe des partenaires sexuels, antécédents de dépistage des IST au cours des 12 derniers mois) des répondants. Le test du Chi2 a été utilisé pour les comparaisons univariées et la régression logistique pour identifier les associations. Les analyses statistiques ont été réalisées avec le logiciel Stata®.

Aspects éthiques

Le protocole de l’étude CSF-2023, incluant PrévIST, a été approuvé par le comité de protection des personnes (CPP) Sud Est 1, par le Comité d’Évaluation Éthique de l’Inserm (CEEI) et par la Commission nationale informatique et libertés (Cnil). Le consentement écrit de chaque participant a été recueilli avant sa participation à l’étude.

Résultats

Participation à l’enquête PrévIST

Parmi les 13 686 participants à CSF-2023 éligibles, 9 346 femmes et hommes ont accepté de recevoir un kit d’autoprélèvement (68%) (figure 1). Les femmes ont été plus nombreuses à renvoyer leur prélèvement (39% vs 32% pour les hommes, p<0,001). Au total, 4 871 participants (2 758 femmes et 2 113 hommes) ont renvoyé leur prélèvement au CNR des IST bactériennes, soit 52% des personnes ayant reçu un kit, soit un taux de participation effective de 36%.

Figure 1 : Organisation et participation à l’enquête PrévIST, France hexagonale, 2023
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Le profil des participants a été comparé à celui des personnes éligibles n’ayant pas participé, qu’elles aient refusé de recevoir le kit ou bien qu’elles ne l’aient pas renvoyé, grâce aux données collectées pour l’enquête CSF (tableau 1). La participation à PrévIST avait tendance à augmenter significativement avec l’âge, le niveau d’étude des personnes et le nombre de partenaires sexuels au cours des 12 derniers mois. Les hommes se définissant comme homosexuels et les femmes comme bisexuelles ont également davantage participé que celles et ceux s’identifiant comme hétérosexuels (p<0,01). Les femmes et les hommes ayant refusé de définir leur orientation sexuelle, ou bien ne se retrouvant pas dans ces catégories, étaient proportionnellement moins nombreux à participer (p<0,01). La participation augmentait également avec le fait d’avoir déjà réalisé un test de dépistage pour une IST, ainsi qu’avec l’ancienneté du dépistage.

Tableau 1 : Participation à l’enquête PrévIST et caractéristiques des participants, France hexagonale, 2023
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Prévalence de l’infection à Chlamydia trachomatis

La prévalence de l’infection à Ct chez les personnes résidant en France hexagonale, âgées de 18 à 59 ans, a été estimée à 0,76% (intervalle de confiance à 95% (IC95%): [0,4-1,4]), 0,93% [0,4-2,1] chez les femmes et 0,58% [0,2-1,6] chez les hommes (tableau 2).

Tableau 2 : Prévalence et facteurs de risque de l’infection à Chlamydia trachomatis, chez les femmes et les hommes de 18 à 59 ans, France hexagonale, enquête PrévIST-2023
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La prévalence de l’infection à Ct était la plus élevée entre 25 et 29 ans (3,9% [0,9-15] des femmes et 6,7% [1,8-22] des hommes, différence non significative), puis diminuait avec l’âge. Les plus jeunes et les plus âgés étaient très peu touchés. Chez les hommes, l’infection à Ct était plus fréquente chez ceux ayant eu plusieurs partenaires sexuels (2,9% [0,9-8,5]), un ou plusieurs partenaires masculins (3,4% [0,9-12]) ou des partenaires des deux sexes (9,8% [1,3-48]) au cours des 12 derniers mois. Les femmes résidant dans une ville moyenne ou petite (<100 000 habitants) (2,1% [0,8-5,6]) et celles ayant réalisé plusieurs tests de dépistage d’IST au cours de leur vie (2,3% [0,7-7,3]) présentaient plus fréquemment une infection à Ct. L’absence de partenaire au cours des 12 derniers mois était significativement protectrice (0,2% [0,0-0,8]).

L’analyse multivariée a permis d’identifier les caractéristiques associées à l’infection à Ct, indépendamment les unes des autres. Chez les femmes, un âge entre 25 et 29 ans (odds ratio ajusté (ORa): 11,3 [1,9-68]) et vivre dans une ville moyenne ou petite (15,8 [3,4‑74]) ; chez les hommes, un âge entre 25 et 29 ans (68,5 [5,3-893]) et plusieurs partenaires sexuels au cours des 12 derniers mois (21,3 [2,4‑190]) étaient plus fréquemment associés à l’infection à Ct.

Prévalence de l’infection à Mycoplasma genitalium

La prévalence de l’infection à Mg, que les personnes soient symptomatiques ou non, a été estimée à 2,2% [1,3-3,6] ; 3,06% [1,6-5,8] chez les femmes et à 1,25% [0,6-2,6] chez les hommes (tableau 3).

Tableau 3 : Prévalence et facteurs de risque de l’infection à Mycoplasma genitalium, chez les femmes et les hommes de 18 à 59 ans, France hexagonale, enquête PrévIST-2023
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Les prévalences étaient plus élevées chez les femmes âgées de 25 à 49 ans (variant de 3,8% [1,5-9,3] pour les 40-49 ans à 5,4% [1,5-17] pour les 30-39 ans) et chez les hommes entre 30 et 49 ans (3,3% [1,1-9,6] pour les 30-39 ans et 1,5% [0,5-4,3] pour les 40-49 ans). L’infection à Mg était plus fréquente chez les femmes ayant eu plusieurs partenaires sexuels au cours des 12 derniers mois (13,3% [4,4-34]), et chez les hommes ayant eu un ou plusieurs partenaires sexuels masculins au cours des 12 derniers mois (5,9% [2,2-35]). Parmi les participants dépistés positifs à Mg, seule une femme a déclaré avoir eu des douleurs génitales le jour de la réalisation du prélèvement.

L’analyse multivariée montre que le fait d’avoir eu plusieurs partenaires sexuels au cours des 12 derniers mois pour les femmes (9,6 [2,4-38]) et, pour les hommes, un âge entre 30 et 39 ans (13,4 [1,8‑98]) et 40-49 ans (6,3 [1,3-32]), et un ou plusieurs partenaires masculins au cours des 12 derniers mois (10,4 [2,0-53]) étaient des facteurs de risque associés à l’infection à Mg. En revanche, le fait d’avoir une ou plusieurs partenaires sexuelles féminines pour les femmes (0,1 [0,0-0,6]) et un niveau d’étude de 2e ou 3e cycle pour les hommes (0,2 [0,1-0,8]), étaient des facteurs protecteurs contre une infection à Mg.

Prévalence de l’infection à Neisseria gonorrhoeae

Seul un prélèvement, chez un homme, a été testé positif à Ng, ce qui ne permet pas l’estimation d’une prévalence.

Discussion

L’enquête PrévIST a permis d’estimer en population générale, la prévalence de l’infection à Ct à 0,76% (0,93% chez les femmes et 0,58% chez les hommes), et celle de l’infection à Mg à 2,2% (3,06% et 1,25% respectivement). La prévalence de l’infection à Ng n’a pas pu être estimée du fait du trop petit nombre d’échantillons positifs.

Le taux de participation à PrévIST de 36% est moins élevé que celui obtenu dans l’enquête française NatChla en 2006 (52%), dans laquelle la méthodologie était pourtant identique 8. L’approche demandant aux personnes volontaires, à la fin du questionnaire téléphonique de CSF-2023 d’une durée moyenne de 40 minutes, de réaliser un autoprélèvement vaginal pour les femmes et urinaire pour les hommes, pourrait être un frein à la participation à ce type d’étude. Ainsi, dans les enquêtes réalisées en Angleterre en 2010-2012 13 ou en Slovénie en 2016-2017 14, les taux de participation étaient respectivement de 57,7% et 55,5%. Dans ces deux enquêtes, le prélèvement consistait, pour les hommes et les femmes, au seul recueil des urines, et les entretiens avaient lieu en face-à-face, facilitant probablement l’adhésion. Les hommes se définissant comme homosexuels ont davantage participé à PrévIST, probablement en raison de leur sensibilisation accrue aux risques d’IST, renforcée par des campagnes de prévention spécifiquement ciblées vers ce public. À l’inverse, les personnes se définissant comme hétérosexuelles, celles qui refusent de définir leur orientation sexuelle ou qui ne se reconnaissent pas dans ces catégories, pourraient être moins souvent exposées à l’information sur les IST et aux messages de prévention, et peuvent sous-estimer leur risque, ce qui pourrait expliquer une moindre participation à PrévIST 15.

Malgré un contexte national et européen d’augmentation des diagnostics d’IST depuis le début des années 2000 et une stabilisation des taux de notifications depuis 2021 dans certains pays 16, les prévalences d’infection à Ct estimées dans PrévIST sont relativement faibles, et inférieures à celles observées lors de la dernière enquête en population générale française en 2006 8. Ces prévalences sont également plus faibles que celles estimées par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (European Centre for Disease Prevention and Control – ECDC –), qui dans une revue systématique de littérature publiée en 2024, estimait la prévalence de l’infection à Ct pour l’Europe à 2,76% [1,65-3,87] pour les femmes et à 2,64% [0,65-4,67] pour les hommes 17. Les prévalences estimées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour l’année 2020, de Ct dans la région européenne chez les 15-49 ans étaient de 3,4% pour les femmes et 2,0% pour les hommes 18. Au Royaume-Uni, l’enquête nationale Natsal-3 réalisée en 2010-2012, a estimé des prévalences chez les femmes et les hommes de 16 à 44 ans, respectivement à 1,5% et 1,1% pour l’infection à Ct 19. Une étude réalisée en Slovénie entre octobre 2016 et juillet 2017, estimait la prévalence chez les 18-49 ans à 1,7% chez les femmes et 0,5% chez les hommes 14.

Dans l’étude PrévIST, une diminution significative des prévalences a été observée par rapport à 2006 chez les moins de 25 ans, passant de 3,6% à 0,2% chez les femmes, et de 2,4% à 0,0% chez les hommes. Bien que moins importante, une baisse des infections à Ct a été également observée ces dernières années dans les données de surveillance au Royaume-Uni 20. Cette diminution pourrait refléter l’impact de la stratégie de dépistage ciblant particulièrement cette population, et notamment les jeunes femmes 21.

Les prévalences observées dans PrévIST sont particulièrement importantes parmi les femmes et les hommes de 25 à 29 ans, lesquels échappent à la recommandation nationale de proposer un dépistage opportuniste de Ct aux femmes sexuellement actives âgées de 15 à 25 ans 21. Les personnes de 25 à 29 ans semblent pourtant moins souvent multipartenaires que les plus jeunes (21% vs 33%, p<0,001). La prévalence de l’infection à Ct est également élevée parmi les HSH, notamment lorsqu’ils ont eu des partenaires des deux sexes. Malgré l’existence de recommandations pour un dépistage annuel a minima, et tous les trois mois en cas de test positif pour ces populations, ces estimations montrent qu’une mise en œuvre de la prévention prenant en compte les besoins des populations les plus exposées reste perfectible 21,22.

Les données de surveillance de l’ECDC montrent que le taux de positivité à Ct des tests diagnostic n’a pas augmenté dans les pays de l’union européenne entre 2022 et 2023 16. Les femmes de 20-24 ans restent la population la plus fréquemment diagnostiquée avec une infection à Ct dans ces pays. La majorité des cas était observée chez les hétérosexuels (47,1% des femmes et 31,6% des hommes) suivis des HSH (20%). Malgré les différences entre les systèmes de santé et les stratégies de prévention selon les pays, ces données reflètent partiellement la réponse à l’épidémie 23,24, et soulignent la nécessité de faire évoluer les politiques de prévention pour atteindre les objectifs de l’OMS en Europe, visant à réduire de 90% l’incidence des IST à l’horizon 2030 25.

PrévIST a également permis d’obtenir les premières données de prévalence de l’infection à Mg en population générale française. Contrairement à l’infection à Ct, la prévalence à Mg était plus élevée chez les personnes plus âgées. Une méta-analyse a estimé cette prévalence à 1,3%, similaire chez les femmes et les hommes de 16-44 ans dans les pays à revenus élevés, entre 1991 et 2016 26. Ces résultats ont également été observés dans l’étude Slovène réalisée en 2016-2017 14. Au Royaume-Uni, l’enquête nationale Natsal-3 réalisée en 2010-2012 a estimé des prévalences chez les femmes et les hommes de 16 à 44 ans, à 1,3% et 1,2% respectivement pour l’infection à Mg 19.

La prévalence élevée chez les femmes et les hommes pourrait s’expliquer en partie par l’absence de dépistage systématique ou opportuniste de Mg, la recherche de Mg n’étant recommandée que chez les personnes symptomatiques et leurs partenaires, ou en seconde intention en cas de symptômes persistants et en l’absence d’infection à Ct et Ng 22,27. Une autre hypothèse serait l’utilisation dans les études précédentes 14,26,28 de trousses diagnostiques moins sensibles que celle utilisée dans PrévIST 11.

Les facteurs de risque comportementaux associés à l’infection à Mg sont similaires à ceux de l’infection à Ct, tels que le multipartenariat ou, pour les hommes, avoir des partenaires sexuels masculins. Ces associations ont également été observées au Royaume-Uni 28. À l’inverse, un niveau d’étude supérieur au deuxième cycle universitaire était protecteur pour les hommes, ces derniers bénéficiant probablement d’un meilleur accès à l’information sur les IST et à la prévention, ainsi que de plus d’opportunités de dépistage et, par conséquent, de traitement. En effet, 37,7% [32,4-43,2] d’entre eux avaient déjà réalisé un dépistage d’une IST au cours de leur vie, contre 20,2% [15,5-25,9] de ceux ayant un niveau de diplôme inférieur au baccalauréat. L’enquête Natsal-3 montre aussi qu’habiter dans des zones socio-économiquement défavorisées ou appartenir à certains groupes ethniques augmentait le risque d’infections à ces IST bactériennes 28.

La prévalence à Ng n’a pas pu être estimée dans PrévIST dans la mesure où seule une personne a été dépistée positive. Ce résultat est cependant concordant avec ceux de l’enquête slovène dans laquelle aucun cas d’infection à Ng n’avait été dépisté 14 et ceux de Natsal-3 (<0,1%) 19.

Limites

Bien que les prévalences puissent être plus élevées dans les sites anaux et pharyngés dans certaines populations clefs 29, l’étude PrévIST, menée en population générale, a suivi les recommandations en vigueur pour ce public au moment de la mise en place de l’étude, à savoir des prélèvements urogénitaux 21.

Malgré le redressement des données de PrévIST afin de les rendre représentatives de la population générale, la sous-représentation des plus jeunes dans l’échantillon de départ pourrait expliquer partiellement les faibles prévalences observées chez les moins de 25 ans. Par ailleurs, l’exploration des déterminants socio-économiques reste limitée.

Conclusion

Les résultats de PrévIST permettent de conclure à une diminution de la prévalence de l’infection à Ct en population générale, et en particulier chez les moins de 25 ans. Il est possible que la circulation de Ct ait évolué vers des populations plus exposées telles que les personnes ayant plusieurs partenaires sexuels ou les HSH. PrévIST suggère également qu’il pourrait être pertinent d’étendre les recommandations de dépistage aux personnes de 25-29 ans. La prévalence élevée des infections à Mg souligne l’importance d’appliquer strictement les recommandations limitant les traitements uniquement aux cas symptomatiques, afin de préserver l’efficacité des antibiotiques de premières lignes également utilisés pour d’autres IST 27. Une meilleure adaptation de la stratégie de prévention aux besoins des populations les plus exposées semble nécessaire pour atteindre les objectifs d’élimination de ces IST. Des données de surveillance plus robustes, et de nouvelles études permettront de suivre les progrès vers ces objectifs.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

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Citer cet article

Sauvage C, Balcon C, Chazelle É, Peuchant O, Moreau C, Lot F, et al. Prévalence de l’infection à Chlamydia trachomatis, Neisseria gonorrhoeae et Mycoplasma genitalium chez les femmes et les hommes de 18-59 ans, en France hexagonale, enquête PrévIST. Bull Epidemiol Hebd. 2025;(19-20):392-403. https://beh.santepublique
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