Dépistage et diagnostic du VIH et de trois infections sexuellement transmissibles bactériennes chez les jeunes en France, 2014-2023
// Screening and diagnosis of HIV and three bacterial sexually transmitted infections among young people in France, 2014-2023
Résumé
Introduction –
Les jeunes de 15-25 ans sont particulièrement affectés par certaines infections sexuellement transmissibles (IST). Ce travail a pour objectif de décrire l’évolution dans le temps des dépistages et des diagnostics d’infection à VIH et de trois IST bactériennes (chlamydiose, gonococcie et syphilis) chez les jeunes de 15 à 25 ans.
Méthodes –
Cet article présente les tendances des taux de personnes testées et de diagnostic du VIH et de trois infections sexuellement transmissibles (IST) bactériennes (chlamydiose, gonococcie et syphilis) chez les jeunes en France de 2014 à 2023, et les compare aux taux observés chez les adultes. Les « jeunes » comprennent les personnes âgées de 15 à 24 ans versus les « adultes » de 25 à 49 ans pour le VIH, et les 15-25 ans versus 26-49 ans pour les IST bactériennes. Les données sont issues du Système national de données de santé et de la déclaration obligatoire du VIH.
Résultats –
Les taux de personnes testées pour les quatre IST ont augmenté entre 44% et 593% chez les jeunes et entre 36% et 225% chez les adultes depuis 2014. L’augmentation (+ 41%) du nombre de découvertes de séropositivité VIH chez les jeunes entre 2014 et 2023 contraste avec la diminution (-15%) observée chez les adultes. Cette tendance reflète une augmentation des découvertes de séropositivité chez les jeunes nés en Afrique subsaharienne et une stabilisation chez les jeunes hommes nés en France ayant des relations sexuelles avec des hommes. Une augmentation des diagnostics de gonococcie chez les jeunes, ainsi qu’une augmentation des chlamydioses chez les jeunes hommes ont été également observées.
Conclusion –
L’augmentation des diagnostics d’IST chez les jeunes souligne l’importance des stratégies de prévention ciblées, comme l’accessibilité aux préservatifs gratuits et la mise en place du dépistage sans ordonnance, pour soutenir les efforts vers l’élimination de ces IST.
Abstract
Introduction –
Young people ages 15-25 years are disproportionally affected by certain sexually transmitted infections (STIs).
Methods –
We describe trends in testing and diagnosis rates of HIV and gonorrhea, chlamydia, and syphilis among young people in France for the years 2014-2023, compared to rates in adults. “Young people” and “adults” are defined as those 15-24 years versus 25-49 years for HIV, and 15-25 years versus 26-49 years for the bacterial STIs. Data were obtained via the French National Health Data System (SNDS) and the HIV mandatory notification system.
Results –
Testing rates of the four STIs have increased between 44% and 593% in young people and between 36% and 225% in adults since 2014. The increasing numbers of young people with newly diagnosed HIV infections from 2014 to 2023 (+41%) contrasts with the decrease (-15%) observed among adults. This trend reflects an increase in new diagnoses among young people born in sub-Saharan Africa and stabilization in young men who have sex with men born in France. An increase was also observed in gonorrhea diagnoses in young people and chlamydia infections diagnoses among young men.
Conclusion –
Increasing STI diagnosis rates among young people show the importance of tailored prevention strategies, such as the new policies making condoms and STI screening available to young people for free without a prescription, if we want to reach the elimination goals by 2030.
Introduction
Les jeunes de 15 à 25 ans sont particulièrement concernés par les infections sexuellement transmissibles (IST). En Europe, 56% des cas de chlamydiose et 12% des syphilis déclarés en 2023 concernaient des jeunes de 15-24 ans 1,2,3. De même, 22% des gonorrhées était notifiées chez les 20-24 ans 1,2,3. En France, le nombre de jeunes de 15-24 ans découvrant leur séropositivité VIH a augmenté de 24% sur la période 2007-2013 malgré une diminution de 8% chez les 25 ans et plus 4.
Des recommandations ont été publiées et des dispositifs ont été développés ces dernières années en France pour réduire la transmission des IST, notamment chez les jeunes adultes. Ainsi, la Haute Autorité de santé (HAS) a recommandé en 2018 le dépistage opportuniste des infections à Chlamydia trachomatis chez les femmes sexuellement actives de 15 à 25 ans 5. Depuis janvier 2023, les jeunes de 25 ans et moins peuvent obtenir en pharmacie, gratuitement et sans prescription, certaines marques de préservatif 6.
L’objectif de cet article est de décrire l’état des lieux en 2023 et l’évolution depuis 2014 du dépistage et des diagnostics du VIH et de trois IST bactériennes en France chez les jeunes âgés de 15 à 25 ans, et de les comparer aux évolutions observées chez les adultes de 25 à 49 ans. Des résultats sont également présentés par région.
Méthodes
Par convention pour cet article, nous désignons par « jeunes » les personnes âgées de 15 à 24 ans (pour le VIH) ou de 15 à 25 ans (pour les IST bactériennes), et par « adultes » les personnes de 25-49 ans (VIH) ou de 26-49 ans (IST bactériennes). Toutes les analyses présentées comparent les caractéristiques des « jeunes » à celles des « adultes ». Les classes d’âge des « jeunes » ont été définies pour leur cohérence avec les recommandations de dépistage ciblant les jeunes et la littérature scientifique. Pour la classe d’âge des « adultes », nous avons fait le choix d’exclure les personnes âgées d’au moins 50 ans 7.
Les données de l’activité de dépistage et diagnostic de la gonococcie, la chlamydiose, la syphilis, et l’infection par le VIH ont été extraites du Système national de données de santé (SNDS) pour les années 2014-2023 en septembre 2024. Il s’agit des données de remboursement de soins de l’assurance maladie couvrant l’ensemble des assurés sociaux (65,8 millions de personnes). Sont exclus de ces analyses les tests pour lesquels la personne ne bénéficie pas d’un remboursement individuel (centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD), centres de protection maternelle et infantile (PMI), permanences d’accès aux soins de santé (Pass)…) et ceux réalisés lors d’une hospitalisation dans le secteur public. Les codes de la Nomenclature des actes de biologie médicale (NABM) utilisés pour l’identification des tests étaient : 388 (sérodiagnostic de dépistage du VIH) pour le VIH, 5257, 5256, 1307, 5255, 5254, 5204, 5301, 5302, 5303 (tests d’amplification des acides nucléiques et sérodiagnostic) pour les chlamydioses, 5202, 5203, 5204, 5205, 5301, 5302, 5303 (tests d’amplification des acides nucléiques et culture) pour les gonococcies et 0246, 1250, 1326, 1327, 1256, 1257, 1258, 1251, 1330 (sérodiagnostic) pour la syphilis. Pour chaque IST, les taux de personnes testées (test réalisé à titre de dépistage ou de diagnostic) représentent le nombre de personnes ayant réalisé au moins un test dans l’année divisé par la taille de la population 8.
Les données du SNDS ont également été utilisées pour décrire les diagnostics d’IST bactériennes en secteur privé. Un algorithme combinant le remboursement d’un test de dépistage/diagnostic et celui d’un traitement antibiotique adapté dans un délai de -15 à +30 jours a été utilisé pour identifier les IST diagnostiquées et traitées. Les taux de diagnostic de ces IST ont été estimés en divisant le nombre de personnes ayant eu au moins une IST diagnostiquée et traitée dans l’année par la taille de la population 8. En raison d’une pénurie en benzathine pénicilline G, les taux de diagnostic de la syphilis n’ont pas été estimés entre 2014 et 2018.
Les données de la déclaration obligatoire (DO) du VIH par les biologistes et les cliniciens ont été mobilisées pour décrire les découvertes de séropositivité (personnes confirmées séropositives dans l’année sans test antérieur positif). Des redressements 9,10 sont réalisés chaque année pour prendre en compte les délais de déclaration, les données manquantes (via une imputation multiple), et la sous-déclaration (via une comparaison du nombre de tests positifs recueilli via l’enquête annuelle LaboVIH). Les DO reçues jusqu’au 30 juin 2024 ont été considérées dans cette analyse. Les variables analysées sont le sexe, le pays de naissance, l’année d’arrivée en France, le probable mode de contamination, le caractère précoce ou tardif du diagnostic VIH (annexe), et les co-infections par des IST bactériennes.
L’évolution des taux a été analysée en utilisant des pourcentages de variation ((taux de l’année d’intérêt/taux de l’année de référence)-1) x 100) et les intervalles de confiance des données redressées pour la DO VIH.
Résultats
Tests de dépistage et diagnostic
En 2023, 910 000 jeunes ont été testés au moins une fois pour une infection à VIH, soit un taux de personnes testées de 111 pour 1 000. Pour comparaison, 2,9 millions d’adultes ont été dépistés, soit un taux de personnes testées de 140 pour 1 000. Entre 2014 et 2023 le taux de personnes testées a toujours été plus élevé chez les adultes que chez les jeunes, et beaucoup plus élevé chez les femmes que chez les hommes (figure 1).
En 2023, entre 810 000 et 840 000 jeunes environ ont été testés au moins une fois pour une chlamydiose, une syphilis ou une gonococcie, correspondant à des taux entre 91 et 94 pour 1 000. Chez les adultes, le taux de personnes testées est identique au taux chez les jeunes pour la chlamydiose et plus élevé pour la syphilis (103 pour 1 000) et la gonococcie (101 pour 1 000). Comme pour le VIH, les taux de personnes testées pour les trois IST bactériennes sont plus élevés chez les femmes jeunes et adultes que chez les hommes sur toute la période (figure 1). Parmi les hommes, les taux des jeunes testés sont plus faibles pour les trois IST bactériennes que ceux des adultes. Chez les femmes, les taux des jeunes testées pour les chlamydioses et les gonococcies sont plus élevés que ceux des adultes depuis 2020. Le taux des jeunes femmes testées pour la syphilis, initialement moins élevé que celui des femmes adultes, finit par l’égaler en 2023 pour la première fois.
Quelle que soit l’infection et quel que soit le sexe, les taux de personnes testées ont augmenté entre 2014 et 2023 chez les jeunes comme chez les adultes, malgré un décrochage entre 2019 et 2020. L’augmentation relative a été plus importante chez les jeunes (de 44% pour le VIH chez les femmes à 593% pour la gonococcie chez les hommes) que chez les adultes (de 36% pour le VIH chez les femmes à 225% pour la gonococcie chez les hommes).
Agrandir l'imageDiagnostics des IST bactériennes
Chlamydiose
En 2023, environ 19 100 jeunes ont été diagnostiqués en secteur privé pour une chlamydiose. Les taux de diagnostics étaient plus élevés chez les jeunes (214 pour 100 000) que chez les adultes (154 pour 100 000). Ce taux plus élevé chez les jeunes que chez les adultes est observé pendant toute la période étudiée. Le taux de diagnostics est plus élevé chez les jeunes femmes (271 pour 100 000 en 2023) que chez les femmes adultes (figure 2). Les taux de diagnostic des jeunes hommes sont en revanche inférieurs à ceux des hommes adultes.
En termes de tendance, ces taux, en augmentation chez les femmes comme chez les hommes entre 2014 et 2021, se sont stabilisés chez les femmes en 2021-2023 tandis qu’ils continuent de croître chez les hommes.
En 2023, le taux de diagnostics de la chlamydiose chez les jeunes était plus élevé dans les départements et régions d’outre-mer (DROM) (de 286 pour 100 000 à La Réunion à 432 pour 100 000 en Guyane) qu’en Île-de-France (189 pour 100 000) ou qu’en France hexagonale hors Île-de-France (217 pour 100 000) (tableau 1).
Gonococcie
En 2023, environ 6 200 jeunes ont été diagnostiqués en secteur privé pour une gonococcie, soit un taux de 69 pour 100 000 proche de celui des adultes (70 pour 100 000 habitants) en 2023. Ce taux était légèrement plus élevé chez les jeunes que chez les adultes les années précédentes.
Avant 2018, les taux de diagnostics étaient les plus élevés chez les jeunes femmes. Les taux d’incidence ont augmenté pour les deux sexes et les deux groupes d’âge entre 2014 et 2023, avec une augmentation plus marquée depuis 2019, en particulier chez les hommes adultes qui présentent les taux de diagnostics les plus élevés depuis 2019 (figure 2). Ce taux chez les jeunes hommes a atteint en 2023 le même niveau que celui des jeunes femmes (69 pour 100 000 habitants).
En 2023, le taux de diagnostics de la gonococcie chez les jeunes est plus élevé dans les DROM (de 137 pour 100 000 à La Réunion à 310 pour 100 000 en Martinique), ainsi qu’en Île-de-France (91 pour 100 000), en comparaison au taux observé chez les jeunes en France hexagonale hors Île-de-France (60 pour 100 000) (tableau 1).
Syphilis
En 2023, environ 650 jeunes ont bénéficié d’une prise en charge pour une syphilis (sérologie réalisée en secteur privé). Les taux de diagnostics sont moins élevés chez les jeunes (7 pour 100 000) que chez les adultes (18 pour 100 000 habitants). De plus, ces taux sont nettement plus élevés chez les hommes que chez les femmes. Parmi les hommes, le diagnostic de syphilis est plus fréquent chez les adultes. De 2019 à 2023, les taux de diagnostics sont stables chez les jeunes hommes et en légère augmentation chez les jeunes femmes comme chez les femmes adultes, tandis qu’une augmentation plus marquée est observée chez les hommes adultes (figure 2).
En 2023, le taux de diagnostics de la syphilis chez les jeunes est plus élevé dans les DROM (de 10 pour 100 000 en Martinique à 57 pour 100 000 en Guyane), ainsi qu’en Île-de-France (9 pour 100 000), en comparaison au taux observé chez les jeunes en France hexagonale hors Île-de-France (6 pour 100 000) (tableau 1).
Agrandir l'imageDécouvertes de séropositivité VIH
En 2023, 906 (intervalle de confiance à 95%: [854-958]) jeunes de 15-24 ans ont découvert leur séropositivité VIH, soit un taux de 11,1 [10,4-11,7] pour 100 000. Pour comparaison, 3 347 [3 243-3 451] adultes de 25-49 ans ont découvert leur séropositivité en 2023, soit un taux de 16,3 [15,8-16,8] pour 100 000 (figure 2 et tableau 2).
Les jeunes découvrant leur séropositivité VIH en 2023 étaient majoritairement des hommes cis et avaient rarement moins de 18 ans (tableau 2). Environ la moitié étaient nés en Afrique subsaharienne, et 37% [33-41] nés en France. Par rapport aux adultes découvrant leur séropositivité VIH en 2023, les jeunes étaient plus souvent nés en Afrique subsaharienne, étaient moins souvent diagnostiqués à un stade avancé de l’infection, et avaient plus souvent des co-infections par d’autres IST (tableau 2).
Les jeunes bénéficient plus que leurs aînés d’un diagnostic précoce de l’infection à VIH, et sont moins souvent diagnostiqués à un stade avancé de l’infection (tableaux 2 et annexe).
Entre 2014 et 2023, le nombre de découvertes de séropositivité VIH chez les jeunes a augmenté de 41%, alors que le nombre de découvertes de séropositivité chez les adultes a diminué de 15% (tableau 2 et figure 3).
L’augmentation des découvertes de séropositivité chez les jeunes concernait surtout des personnes nées en Afrique subsaharienne. Cette augmentation a été particulièrement forte entre 2020 et 2023. En revanche, le nombre d’adultes nés en Afrique subsaharienne découvrant leur séropositivité a été relativement stable entre 2014 et 2023, excepté une chute temporaire pendant la pandémie de Covid-19.
De plus, les jeunes nés en Afrique subsaharienne découvrant leur séropositivité en 2023 étaient arrivés en France plus récemment que les adultes : 56% [50-62] des jeunes nés en Afrique subsaharienne étaient arrivés en France moins d’un an avant leur diagnostic VIH, et 21% [16-26] depuis 2 ans ou plus. Chez les adultes nés en Afrique subsaharienne, 41% [37-44] étaient en France depuis <1 an avant de découvrir leur séropositivité et 40% [37-44] depuis 2 ans et plus.
Chez les adultes nés en France, le nombre de découvertes de séropositivité a chuté entre 2014 et 2023, surtout parmi les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) : -42%, de 1 398 [1 317-1 479] à 809 [738-880]. La diminution chez les jeunes nés en France est moins marquée, même parmi les HSH : de 287 [252-322] à 222 [187-257]. Le nombre de HSH nés à l’étranger découvrant leur séropositivité a augmenté entre 2014 et 2023, aussi bien chez les jeunes (de 132%) que chez les adultes (de 64%). Le nombre de personnes transgenres découvrant leur séropositivité a augmenté de 420% chez les jeunes, de 5 [0-11] à 26 [13-39], et de 285% chez les adultes, de 20 [8-32] à 77 [55-98], entre 2014 et 2023.
Le pourcentage de jeunes et d’adultes habitant en Île-de-France a diminué parmi les découvertes de séropositivité VIH (tableau 2), mais ces pourcentages masquent deux tendances différentes. Chez les jeunes, le nombre de découvertes de séropositivité a augmenté dans les DROM, de 42 [27-56] à 107 [82-131], et en France hexagonale hors Île-de-France, de 315 [280-350] à 507 [461-554], mais il est resté stable en Île-de-France, de 275 [242‑308] à 274 [237-312]. Chez les adultes, le nombre de découvertes a diminué en Île-de-France, mais est resté stable dans les DROM et en France hexagonale hors Île-de-France.
Le pourcentage de découvertes de séropositivité avec une co-infection par une IST bactérienne a augmenté entre 2014 et 2023 chez les jeunes, ainsi que chez les adultes (tableau 2).
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Agrandir l'imageDiscussion
Le recours au dépistage et au diagnostic est le premier maillon de la prise en soin des IST qui, en traitant les infections, permet de réduire leur transmission dans la population, joignant ainsi un bénéfice collectif au bénéfice individuel pour la santé de la personne.
Depuis 2014, les taux de personnes testées pour les quatre IST (VIH, chlamydiose, gonococcie et syphilis) ont augmenté chez les jeunes, ainsi que chez les adultes. Cette augmentation s’est accélérée sur les années les plus récentes. La fréquence des diagnostics a aussi augmenté chez les jeunes (à l’exception de la syphilis et du VIH chez les jeunes hommes), ce qui souligne la pertinence de la mise en place de nouveaux dispositifs de prévention et de dépistage des IST ciblant les jeunes adultes. Les résultats présentés ici permettent d’établir la situation épidémiologique de référence pour l’évaluation future de ces stratégies.
Une augmentation des tests du VIH a été observée sur l’ensemble de la période considérée, malgré un décrochage en 2020 dû à la pandémie de Covid‑19. La contribution du dispositif « VIHtest », après sa mise en place en janvier 2022 permettant aux assurés sociaux de faire un dépistage du VIH en laboratoire sans prescription et sans avance de frais, n’est pas négligeable. En 2023, environ 841 000 dépistages du VIH avaient été réalisés dans le cadre de ce dispositif, dont 12% au bénéfice de jeunes de moins de 25 ans 9. L’élargissement de ce dispositif à quatre autres IST depuis septembre 2024, avec une prise en charge à 100% par l’Assurance maladie chez les moins de 26 ans, permettra probablement d’inciter plus de jeunes à un dépistage régulier, y compris du VIH.
L’augmentation marquée des tests des infections à Chlamydia trachomatis et à gonocoque chez les jeunes femmes depuis 2019 peut s’expliquer en partie par la recommandation de la Haute Autorité de santé de 2018 de réaliser un dépistage opportuniste des femmes sexuellement actives de 15 à 25 ans 5. Le remboursement par l’Assurance maladie d’une recherche combinée de Chlamydia trachomatis et Neisseria Gonorrhoeae par PCR depuis 2018, a probablement contribué à une prescription ou une pratique plus fréquente de ce test biologique.
Les taux de diagnostics de chlamydiose les plus élevés sont estimés chez les jeunes femmes. Ces taux qui étaient en croissance entre 2014 et 2019, se stabilisent chez celles-ci depuis 2022 comme chez les femmes adultes. Cette stabilisation pourrait refléter l’atteinte d’un certain plafond dans l’efficacité de la stratégie actuelle de dépistage visant ces populations. Inversement, l’incidence des diagnostics de chlamydioses chez les jeunes hommes continue de croître. Une augmentation est observée pour la gonococcie, chez les jeunes hommes comme chez les jeunes femmes, mais de façon plus rapide chez les jeunes hommes. Les jeunes hommes présentent par ailleurs un taux de diagnostic de la syphilis plus élevé que celui des jeunes femmes malgré des taux de personnes testées chez les hommes nettement plus faibles que chez les femmes 9. La mise en place du dispositif « Mon test IST », élargissant le dispositif « VIHtest » en septembre 2024 à quatre IST supplémentaires (chlamydiose, gonococcie, syphilis et hépatite B), a vocation à augmenter encore le recours à ces dépistages. La prise en charge à 100% de ce dispositif par l’Assurance maladie pour les moins de 26 ans, permettra d’augmenter l’accès et/ou la répétition de ces tests par les jeunes. De même, depuis le 1er juillet 2025, les jeunes femmes 18 à 25 ans affiliées à l’Assurance maladie peuvent commander et recevoir sans avance de frais, à domicile, un kit d’autoprélèvement pour le dépistage de la chlamydiose et des gonococcies. Ce dispositif sera étendu aux hommes de la même tranche d’âge au cours du second semestre 2025 11 pour réduire la transmission des IST chez les jeunes.
Concernant le VIH, nos résultats suggèrent que les jeunes n’ont pas bénéficié des mêmes réductions du nombre de découvertes de séropositivité entre 2014 et 2023 que les adultes. Au contraire, les découvertes de séropositivité ont augmenté de 41% chez les jeunes, alors qu’une diminution de 15% est observée chez les adultes. Cette augmentation concerne surtout les DROM et la métropole hors Île-de-France.
Cette augmentation a été observée en particulier chez des jeunes nés en Afrique subsaharienne récemment arrivés en France puisque leur proportion a augmenté parmi les jeunes ayant découvert leur séropositivité. La surexposition au VIH des jeunes adultes est l’un des déterminants connus de l’épidémie du VIH en Afrique subsaharienne, même si les données récentes suggèrent une augmentation de l’âge lors de la contamination 12. Des contaminations peuvent également survenir chez les jeunes migrants originaires de l’Afrique subsaharienne pendant leurs parcours migratoires ou à la suite de leur installation en France 13.
Chez les HSH nés en France, le nombre de découvertes a certes diminué chez les jeunes, mais moins rapidement que chez les adultes. Cette différence pourrait s’expliquer, au moins en partie, par un moindre recours à la prophylaxie pré-exposition (PrEP). Dans l’Enquête rapport au sexe (Eras) 2023, les jeunes adultes représentaient 20,1% des HSH éligibles à la PrEP n’y ayant pas eu recours, mais seulement 6,2% des HSH prenant la PrEP 14.
Ces analyses comportent plusieurs limites. Le SNDS a l’avantage d’être exhaustif sur les remboursements réalisés par l’Assurance maladie, mais il ne fournit des données que sur les personnes ayant une couverture maladie, et les tests ou traitements ayant fait l’objet d’un remboursement individuel. Sont ainsi exclus les tests réalisés et traitements administrés lors d’une hospitalisation dans le secteur public, les tests réalisés sans frais en dehors du dispositif « VIH test » et les tests non-remboursés par l’Assurance maladie. Le test de sérodiagnostic du VIH est particulièrement concerné par cette limite : le nombre de tests VIH réalisés hors remboursement individuel est estimé entre 1 et 1,5 millions par an 9. Les infections asymptomatiques non diagnostiquées, ainsi que les diagnostics non captés par le SNDS expliquent les faibles valeurs de taux de diagnostics estimés dans cette étude en regard des estimations de taux de prévalence en population comme celles l’étude PrevIST 15. Par ailleurs le SNDS fournit des informations sur le sexe et l’âge du patient, mais ne contient pas de donnée comportementale ni le pays de naissance.
La DO du VIH concerne l’ensemble des diagnostics, mais il existe une sous-déclaration, variable d’une année à l’autre (30% en 2023), qui nécessite des redressements statistiques pour estimer l’évolution du nombre de découvertes de séropositivité. Ces redressements reposent sur des hypothèses fortes, par exemple, que les tests positifs lors des découvertes de séropositivité ont la même probabilité de déclaration que les tests positifs réalisés chez les personnes déjà connues séropositives. Certaines variables clés telles que le mode de contamination probable, le pays de naissance, ou le caractère précoce ou tardif du diagnostic sont parfois incomplètes, ce qui nécessite également de redresser les données 9.
Conclusion
Malgré les progrès du dépistage observés chez les jeunes ces dernières années, avec une tendance à l’augmentation du recours aux tests, cette population reste particulièrement exposée à ces IST. Les taux de diagnostic de chlamydiose ont augmenté chez les hommes de 15-25 ans et celui des gonococcies chez les hommes et femmes de 15-25 ans. La fréquence des diagnostics de syphilis reste stable chez les jeunes. Le nombre de découvertes de séropositivité VIH a aussi augmenté chez les jeunes, surtout chez ceux nés en Afrique subsaharienne ou n’habitant pas l’Île-de-France. Ces résultats soulignent l’importance de stratégies de prévention et de dépistage ciblées, comme l’accessibilité aux préservatifs gratuits et la mise en place du dépistage sans ordonnance pour réduire la transmission des IST dans cette population. Une poursuite des efforts pour mieux prendre en compte les besoins des populations et des territoires les plus exposés est nécessaire pour continuer à progresser vers les objectifs d’élimination de ces infections.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.






