Qui sont les femmes transgenres vivant avec le VIH en France ? Caractéristiques sociodémographiques, de transition et de prise en charge. Résultats de l’enquête ANRS-Trans&VIH

// Who are the transgender women living with HIV in France? Sociodemographic, transition and care characteristics. Results of the ANRS-Trans&VIH survey

Liam Balhan (lbalhan@aides.org)1,2, Margot Annequin3, Aissatou Faye3, Marion Mora3, Raymond Van Huizen3, Marion Fiorentino3, Christel Protière3, Michel Bourrelly3, Gwenaëlle Maradan4, Cyril Berenger4, Florence Michard5, Yazdan Yazdanpanah5, Anaenza Freire Maresca4,6, Elisabeth Rouveix4, Marie Costa1,2, David Michels1,2, Laszlo Blanquart7, Giovanna Rincon7, Bruno Spire3 et le groupe de l’enquête ANRS-Trans&VIH
1 AIDES, Paris
2 Laboratoire de recherche communautaire, Coalition Plus, Pantin
3 Aix-Marseille Université, Inserm, IRD, Sesstim (Sciences économiques et sociales de la santé & traitement de l’information médicale), Isspam, Marseille
4 Service de médecine interne, GHU Paris Saclay Hôpital Ambroise-Paré, AP-HP, Boulogne-Billancourt
5 Service de maladies infectieuses, Hôpital Bichat – Claude-Bernard, AP-HP, Paris
6 Service de Maladies infectieuses et tropicales, Hôpital Avicenne, AP-HP, Bobigny
7 Acceptess-T, Paris
Soumis le 25.07.2025 // Date of submission: 07.25.2025
Mots-clés : Infection à VIH | Femmes transgenres | Conditions de vie | Migration
Keywords: HIV infection | Transgender Women | Living Conditions | Migration

Résumé

Cet article vise à décrire les caractéristiques sociodémographiques, de transition et de prise en charge des femmes transgenres vivant avec le VIH (FTVIH) suivies à l’hôpital en France. Il décrit également les caractéristiques de la migration des femmes trans nées à l’étranger.

Les données présentées sont issues de l’enquête ANRS-Trans&VIH, une enquête nationale, transversale, rétrospective et une recherche communautaire sur les FTVIH bénéficiant d’une prise en charge du VIH dans des unités hospitalières en France. L’enquête a été réalisée entre 2020 et 2022. Les caractéristiques sociodémographiques, de transition et de vie avec le VIH ont été comparées entre les femmes transgenres de nationalité française et de nationalité étrangère au moment de l’enquête, avec des tests de Chi2 et des tests de Wilcoxon.

Parmi les 506 FTVIH ayant participé à l’enquête, 11% étaient françaises de naissance, 3,2% avaient acquis la nationalité française et 86% étaient de nationalité étrangère. Parmi les étrangères, 93% étaient originaires d’Amérique latine et 37% ne disposaient pas de titre de séjour au moment de l’enquête.

L’âge médian était de 43 ans (écart interquartile (IQ): [36-50]). 69% des enquêtées vivaient avec moins de 1 000 euros par mois (74% parmi les étrangères et 39% parmi les françaises, p<0,001), et seules 25% d’entre elles disposaient d’un papier d’identité correspondant à leur identité de genre actuelle (21% parmi les étrangères, 49% parmi les françaises, p<0,001). Le recours aux relations tarifées était fréquent : 65% des enquêtées en déclaraient au moment de l’enquête. Les françaises étaient plus nombreuses à ne pas déclarer de relations sexuelles tarifées au cours de la vie (31% contre 6% des étrangères, p<0,001).

Elles étaient majoritairement (84%) suivies pour leur VIH dans les services de maladies infectieuses d’Île-de-France. Les enquêtées étaient sous traitement antirétroviral dans 99% des cas, et 88% d’entre elles avaient une charge virale indétectable, au seuil de 50 copies/ml, au moment de l’enquête (87% parmi les étrangères et 94% parmi les françaises).

Les FTVIH en France sont majoritairement étrangères, leur prise en charge du point de vue du VIH est efficace et leur état de santé plutôt bon, mais leur précarité sociale et administrative reste très importante.

Abstract

The aim of this article is to describe the sociodemographic, gender affirmation, and HIV-related characteristics of transgender women living with HIV (TWLH) followed in public HIV services in France. It also describes the migration characteristics of foreign-born transgender women.

The data presented are based on the ANRS-Trans&VIH survey, a national, cross-sectional, retrospective, community-based research survey of TWLH receiving HIV care in hospital units in France. The survey was carried out between 2020 and 2022. Sociodemographic, gender affirmation, and HIV-related characteristics of TWLH were compared according to nationality (French and non-French) at the time of the survey, using Chi2 and Wilcoxon tests to compare medians.

506 TWLH responded to the survey, 11% of whom were French by birth, 3.2% had acquired French nationality and 86% had foreign nationality. Among those with non-french nationality, 93% were from Latin America, and 37% were undocumented at the time of the survey.

The median age was 43 (interquartile range (IQR): [36–50]). 69% of respondents lived on less than 1,000 euros a month (74% among women with foreign nationality and 39% among French women, p<0.001), and only 25% had gender-concordant identity documents (21% among foreign women, 49% among French women, p<0.001). Engagement in transactional sex was frequent, with 65% declaring such engagement at the time of the survey. More French women reported no engagement in transactional sex over the course of their lifetime (31% vs. 6% of foreign women, p<0.001).

The majority (84%) were followed in the Île-de-France region. Respondents were on antiretroviral treatment in 99% of cases and 88% of them had an undetectable viral load, using a threshold of 50 copies/ml, at the time of the survey (87% foreigner nationality; 94% French nationality).

The majority of TWLH in France are foreigners, their HIV care is effective and their state of health quite good, but their social and administrative precariousness remains very high.

Introduction

Au niveau international, les femmes transgenres font partie des populations clés de l’épidémie de VIH, avec une prévalence estimée à 19% 1. La forte exposition au VIH des femmes transgenres s’explique par « l’imbrication de systèmes d’oppression enracinés dans le racisme, le cissexisme et la stigmatisation liée au VIH » 2, qui constituent des obstacles majeurs à l’engagement dans une démarche de prévention et de soins vis-à-vis du VIH.

En France, entre 2012 et 2020, 418 nouveaux diagnostics de VIH ont été identifiés parmi les personnes transgenres en France 3. Parmi elles, 87% étaient des femmes transgenres (définies comme les personnes qui s’identifient comme des femmes ou d’autres identités trans-féminines et qui ont été assignées homme à la naissance 4). La majorité d’entre elles étaient nées à l’étranger (83%), principalement en Amérique latine 3. En France, peu d’études ont exploré la santé des femmes transgenres vivant avec le VIH.

L’objectif de cet article est de décrire les caractéristiques sociodémographiques, les parcours de transition et la prise en charge du VIH des femmes transgenres vivant avec le VIH (FTVIH) suivies à l’hôpital en France dans une approche comparative selon qu’elles soient de nationalité française ou étrangère.

Matériel-méthodes

ANRS-Trans&VIH est une enquête nationale transversale rétrospective et une recherche communautaire sur les FTVIH bénéficiant d’une prise en charge du VIH dans des unités hospitalières en France. Menée entre août 2020 et juin 2022, la méthodologie utilisée a été détaillée plus largement ailleurs 5. Son objectif principal était d’identifier les situations individuelles et sociales de vulnérabilité des FTVIH, les obstacles qu’elles rencontrent en termes d’accès et de maintien dans les soins médicaux, ainsi que leurs besoins en matière d’affirmation de genre et de prise en charge du VIH.

Sur les 232 centres hospitaliers assurant la prise en charge du VIH en France, 36 ont déclaré suivre au moins une femme transgenre vivant avec le VIH au cours de l’année précédente et ont accepté de participer à l’étude (la méthodologie de contact des centres est détaillée en annexe). Toutes les femmes transgenres vivant avec le VIH, qui étaient suivies dans le service, ont été invitées par leurs médecins à participer à l’enquête Trans&VIH. Les critères d’éligibilité étaient les suivants :

s’identifier comme une femme transgenre ;

recevoir des soins pour l’infection VIH dans un centre hospitalier en France ;

être âgée de 18 ans ou plus ;

donner son consentement éclairé pour participer à l’étude.

Les participantes ayant donné leur consentement ont répondu à un questionnaire standardisé administré en face à face par des enquêteurs et enquêtrices communautaires formés. Les non-participantes ont fourni des données sociodémographiques anonymes de base 6. Ce questionnaire couvrait des aspects détaillés du statut socio-économique des participantes, des conditions de vie, des comportements en matière de santé, de l’état de santé et du recours aux soins. Une grille biographique a également permis de reconstituer rétrospectivement les trajectoires de vie des participantes à travers plusieurs dimensions, notamment la migration, le logement, la situation professionnelle, les relations sexuelles transactionnelles et les antécédents en matière de dépistage du VIH. Les données médicales ont été extraites des dossiers médicaux.

Les caractéristiques sociodémographiques, de transition et de vie avec le VIH ont fait l’objet d’une comparaison selon la nationalité (française ou étrangère) au moment de l’enquête des FTVIH sous la forme de tris croisés, avec des tests de Chi2 et des tests de Wilcoxon pour comparer les médianes.

Résultats

Au sein des 36 centres VIH participants, 777 FTVIH étaient suivies, 536 ont participé à l’enquête et 506 avaient des données complètes.

Parmi les 506 participantes pour lesquelles les données étaient complètes, 86% étaient de nationalité étrangère et 14% de nationalité française au moment de l’enquête. Parmi celles de nationalité française, 3 sur 10 sont nées à l’étranger et l’ont acquise par naturalisation (tableau 1).

Tableau 1 : Description sociodémographiques et de transition des femmes transgenres vivant avec le VIH suivies à l’hôpital en France. Enquête ANRS-Trans&VIH
Agrandir l'image

Les 434 FTVIH de nationalité étrangère au moment de l’enquête sont arrivées en France à l’âge médian de 32 ans (écart interquartile (IQ): [27-36]), pour 86% d’entre elles sans titre de séjour et pour 77% sans logement personnel. Les pays d’origine les plus représentés sont tous situés en Amérique latine, principalement le Pérou (45%) et le Brésil (26%). Au moment de l’enquête, 63% disposaient d’un titre de séjour, 28% vivaient en France depuis 15 ans ou plus, et 28% depuis moins de 5 ans (tableau 2).

Tableau 2 : Caractéristiques de la migration des femmes transgenres vivant avec le VIH suivies à l’hôpital en France de nationalité étrangère. Enquête ANRS-Trans&VIH
Agrandir l'image

Caractéristiques sociodémographiques des femmes transgenres vivant avec le VIH

Les FTVIH suivies à l’hôpital diffèrent au niveau sociodémographique selon leur nationalité. Par rapport aux françaises, les étrangères sont plus suivies en Île-de-France (90% vs 50% ; p<0,001), plus jeunes (43 ans [36-49] vs 48 ans [40-56] ; p<0,001), moins diplômées (non scolarisé – niveau primaire : 36% vs 18%, p<0,001), avec des revenus plus faibles (≤1 000 euros/mois : 74% vs 39%, p>0,001), moins de logement personnel (61% vs 91%, p<0,001), moins de partenaire principal (36% vs 54%, p-value : 0,011), et sont plus souvent couvertes par l’Aide médicale de l’État (AME, 28% vs 1%) ou non couvertes par une couverture maladie (6% vs 3%, p<0,001).

Au regard des relations sexuelles tarifées, les FTVIH étrangères y ont plus recours actuellement (72% vs 24%, p<0,001), et depuis un âge plus jeune (19 ans [16-25] vs 23 ans [16-33], p<0,001) que les françaises. Elles sont également plus nombreuses à se considérer comme travailleuses du sexe (74% vs 19%, p<0,001)

Parcours de transition

Au regard des parcours de transition, par rapport aux françaises, les FTVIH étrangères se sont visibilisées plus jeunes (13 ans en médiane [6-17] vs 14 ans [10-31], p-value : 0,002), prennent moins de traitement hormonal de substitution féminisant actuellement (34% vs 62%, p<0,001), ont plus de chirurgie de féminisation hors génitale (81% vs 43%) et moins de chirurgie de réassignation (9% vs 32%, p<0,001). À l’inverse, les injections de silicone ou d’huile hors cadre médical sont plus courantes chez les FTVIH de nationalité étrangère (84% vs 26%, p<0,001) que parmi les françaises.

Au regard de l’affirmation de genre administrative, par rapport aux françaises, les FTVIH étrangères ont moins souvent au minimum un papier d’identité correspondant à leur genre actuel (21% vs 49%, p<0,001) et elles sont moins nombreuses à avoir entamé des démarches pour le faire (10% vs 30%, p-value : 0,003)

Vie avec le VIH

Au regard de la vie avec le VIH, les FTVIH françaises comme étrangères ont été diagnostiquées en médiane à 29 ans IQ [24-34] (tableau 3). Les FTVIH étrangères, plus jeunes, ont été diagnostiquées plus récemment que les françaises (année médiane diagnostic VIH 2008 IQ [2002-2015] vs 2004 [1997-2013], p-value : 0,009), leur diagnostic a plus souvent eu lieu lors de leur premier dépistage (47% vs 66%,
p-value : 0,005) et ont plus connu d’antécédents d’infections opportunistes (29% vs 14%, p-value : 0,009).

Tableau 3 : Infection à VIH et prise en charge des femmes transgenres vivant avec le VIH suivies à l’hôpital en France. Enquête ANRS-Trans&VIH
Agrandir l'image

Au moment de l’enquête, les indicateurs de vie avec le VIH ne diffèrent pas entre FTVIH étrangères et françaises, elles sont 99% sous traitement, 75% avec des dosages de lymphocytes T CD4 ≥500, 58% à avoir une bonne observance au cours du derniers mois et 88% ont une charge virale indétectable, au seuil de 50 copies/ml.

Discussion

En 2020-2022, les FTVIH suivies à l’hôpital en France sont en grande majorité de nationalité étrangère, la plupart issues d’Amérique latine. Elles vivent une précarité administrative et économique importante, à l’intersection de leurs parcours de transition et de migration. L’accès aux soins d’affirmation de genre (dont l’importance a récemment fait l’objet de nouvelles recommandations de la Haute Autorité de santé 7) diffère selon la nationalité et l’accès à l’affirmation de genre administrative est faible. Malgré ces situations sociales et administratives précaires, exacerbés pour les immigrées, les FTVIH ont accès aux soins VIH et ont de relativement bons indicateurs de prise en charge.

La proportion élevée d’immigrées originaire d’Amérique latine parmi les FTVIH reflète la prévalence importante du VIH chez les femmes trans dans cette zone géographique, où les politiques de prévention et la reconnaissance de l’affirmation de genre diffèrent fortement selon les pays 8. Ces résultats sont cohérents avec une cohorte des Pays-Bas, où 80% des FTVIH sont nées en Amérique latine, Caraïbes ou Asie du Sud-Est 9. Ces résultats montrent l’importance de penser la prévention du VIH et de l’accès aux soins, au-delà des populations originaires d’Afrique subsaharienne et de croiser plus largement les enjeux de migration et d’identité de genre.

Par ailleurs, les FTVIH immigrées sont pour la plupart arrivées en France dans des conditions de grande précarité, sans titre de séjour et sans bénéficier d’un logement personnel, conditions d’arrivées mises en évidence également pour les immigrées originaires d’Afrique subsaharienne 10. Si au moment de l’enquête, une majorité a pu obtenir un titre de séjour, elles sont plus souvent précaires du point de vue du logement, vivent plus souvent avec un faible revenu, et bénéficient moins souvent d’une prise en charge par la sécurité sociale que les Françaises. La proportion de FTVIH immigrées sans couverture maladie est également cohérente avec la littérature qui montre que 4 à 7% des immigrées connaissent des ruptures de couverture maladie d’au moins une année même après plusieurs années en France 11.

La part importante des relations tarifées au sein de la population des FTVIH étudiée est cohérente avec la littérature internationale. Dans la majorité des cas, le recours au travail du sexe a débuté tôt dans la vie (à l’âge de 19 ans), mais après la transition, et a précédé le diagnostic VIH et la migration le cas échéant. Ce recours semble être le résultat de faibles opportunités sur le marché du travail, liées aux discriminations en lien avec la transidentité et/ou la nationalité 12,13. Des recherches au Pérou ont étudié les parcours de jeunes femmes trans marqués par des migrations à l’adolescence de zone rurales vers les grandes villes, l’exclusion du milieu scolaire et de l’emploi formel dans un contexte de pauvreté, conduit les jeunes femmes trans au travail du sexe 14,15. Alors que dans la zone intertropicale, l’association entre travail du sexe et acquisition du VIH est forte 16, il n’est pas nécessairement en lui-même un facteur de risque en France métropolitaine 17. De nombreuses associations dénoncent cependant les conséquences de la répression du travail du sexe en France, notamment à travers la pénalisation des clients depuis 2016. Les conditions d’exercice précarisées du travail du sexe exposent davantage les personnes à un risque d’infection à VIH 18,19.

Malgré une « visibilisation » précoce de leur transidentité et un recours relativement élevé à des éléments de transition médicale (dont l’absence dans certains cas peut être mis en relation avec le recours important aux relations tarifées 20), seule une petite minorité des FTVIH étrangères dispose au moment de l’enquête d’un document d’identité correspondant à leur genre actuel. L’absence de législation sur le changement d’état civil dans certains pays d’origine empêche ou complique l’accès à ces démarches en France pour les étrangères, ce qui peut expliquer la rareté des démarches administratives en ce sens voire leur impossibilité pour celles sans titres de séjour 21. Cette faible reconnaissance administrative de leur identité de genre constitue un facteur de vulnérabilité psychique, sociale et de santé 22. Pour les femmes transgenres de nationalité française, le cadre légal pour ces démarches existe, la procédure reste judiciarisée en France contrairement à d’autres pays européens. Les injections d’huile et de silicone, auxquelles les femmes transgenres ont massivement recours dans une démarche d’affirmation de genre, les exposent particulièrement à des complications sanitaires lorsqu’elles sont réalisées hors du cadre médical 23.

Au regard de la vie avec le VIH, la moitié des FTVIH ont découvert leur séropositivité lors de leur premier test de dépistage. Par ailleurs, les femmes transgenres ont été diagnostiquées plus jeunes que le reste de la population vivant avec le VIH en France, 29 ans [24-34] contre 36 ans [30-45] en médiane 24. Faciliter l’accès des femmes transgenres, notamment étrangères et travailleuses du sexe, au dépistage du VIH apparaît comme une priorité, ainsi que le recours à la prophylaxie pré-exposition (PrEP) pour protéger celles qui sont séronégatives. Le dépistage communautaire a montré son efficacité dans les populations HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes) notamment 25.

Une fois leur statut positif au VIH connu, la prise en charge hospitalière est équivalente, quelle que soit la nationalité. Presque toutes les enquêtées sont sous traitement, et une grande majorité a atteint la suppression virale (88%). Bien qu’il soit élevé, ce taux reste inférieur à l’objectifs des trois 95 de l’Onusida visant à mettre fin à l’épidémie de VIH, et à celui de l’ensemble de la population vivant avec le VIH en France, estimé à 93% en 2021 26. De fait, un quart des enquêtées restent immunodéprimées et l’observance du traitement n’est pas optimale pour toutes.

Forces et limites

ANRS-Trans&VIH est la première étude nationale en France à décrire finement et de manière représentative les conditions de vie et l’état de santé des FTVIH en France. La population de cette étude a des caractéristiques particulières du fait de l’infection à VIH, et n’est nullement représentative de l’ensemble des femmes transgenres en France.

Toutefois, le mode de recrutement hospitalier explique en partie les bons résultats sur le plan de la prise en charge du VIH, en effet les FTVIH vivant avec le VIH, mais non prises en charge ou non diagnostiquées ne sont pas incluses dans l’étude. Cependant, l’analyse sur la non-participation indique une légère surreprésentation des FTVIH étrangères par rapport aux françaises, liée à la longueur du questionnaire, freinant la participation des personnes insérées dans l’emploi formel 6.

Cependant, la participation des associations communautaires à toutes les étapes de la recherche a permis d’enquêter une population largement sous investiguée dans les enquêtes portant sur l’ensemble des personnes vivant avec le VIH. L’échantillonnage probabiliste et représentatif des enquêtes Vespa, ne permet pas de mener des analyses fines sur cette population, du fait de leur nombre trop faible en population générale.

Conclusion

Les femmes transgenres vivant avec le VIH en France sont majoritairement d’origine étrangères, en particulier d’Amérique latine. Elles ont beaucoup eu recours aux relations transactionnelles dans leur vie. Une majorité est prise en charge en Île-de-France, de manière efficace du point de vue de la suppression virale. Ces bons résultats peuvent être en partie attribués au système de sécurité sociale français, qui offre une couverture santé universelle à tous les résidents, y compris aux personnes sans papiers 27. Malgré cet état de santé plutôt bon, les conditions de vie des FTVIH suivies à l’hôpital en France restent précaires, en particulier pour les étrangères. Le recours à l’Aide médicale d’État est important, soulignant l’importance de ce dispositif pour la santé publique. La reconnaissance administrative de l’identité de genre est difficile pour les étrangères, la faciliter tout en reconnaissant la diversité des parcours d’affirmation de genre pourrait permettre une moindre précarité dans cette population. Ces résultats descriptifs seront complétés par des analyses permettant d’identifier les mécanismes à l’œuvre pour expliquer l’état de santé des FTVIH.

Financement

L’étude ANRS-Trans&HIV a été financée par l’ANRS-MIE (Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales).

Remerciements

Les auteurs remercient les femmes transgenres vivant avec le VIH qui ont participé à l’enquête ANRS-Trans&HIV, ainsi qu’à l’ensemble des investigateurs des hôpitaux participants.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

1 Stutterheim SE, Van Dijk M, Wang H, Jonas KJ. The worldwide burden of HIV in transgender individuals: An updated systematic review and meta-analysis. PLoS One. 2021;16(12):e0260063.
2 Jain JP, Hill M, Gamarel KE, Santos GM, Johnson MO, Neilands TB, et al. Socio-ecological barriers to viral suppression among transgender women living with HIV in San Francisco and Los Angeles, California. AIDS Behav. 2023;27(8):2523-34.
3 Cazein F, Bruyand M, Pillonel J, Stefic K, Sommen C, Lydié N, et al. Diagnostics d’infection à VIH chez des personnes trans, France 2012-2020. Bull Epidémiol Hebd. 2021;(20-21):395-400. https://beh.santepublique
france.fr/beh/2021/20-21/2021_20-21_3.html
4 Reisner SL, Whitney BM, Crane HM, Mayer KH, Grasso C, Nance RM, et al. Clinical and behavioral outcomes for transgender women engaged in HIV care: Comparisons to cisgender men and women in the centers for AIDS research network of integrated clinical systems (CNICS) cohort. AIDS Behav. 2023;27(7):2113-30.
5 Mora M, Rincon G, Bourrelly M, Maradan G, Maresca AF, Michard F, et al. Living conditions, HIV and gender affirmation care pathways of transgender people living with HIV in France: A nationwide, comprehensive, cross-sectional, community-based research protocol (ANRS Trans&HIV). BMJ Open. 2021;11(12):e052691.
6 Annequin M, Mora M, Van Huizen R, Faye A, Fiorentino M, Protière C, et al. Structural factors associated with viral suppression among transgender women living with HIV in France. AIDS. 2025.
7 Haute Autorité de santé. Transidentité : prise en charge de l’adulte. Saint-Denis: HAS; 2025. https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2025-07/transidentite_prise_en_charge_de_ladulte_-_recommandations.pdf
8 Silva-Santisteban A, Eng S, de la Iglesia G, Falistocco C, Mazin R. HIV prevention among transgender women in Latin America: Implementation, gaps and challenges. J Int AIDS Soc. 2016;19(3 Suppl 2):20799.
9 Jongen VW, Daans C, Van Sighem A, Schim Van der Loeff M, Hage K, Welling C, et al. Assessing the HIV care continuum among transgender women during 11 years of follow-up: Results from the Netherlands’ ATHENA observational cohort. J Int AIDS Soc. 2024;27(8):e26317.
10 Gosselin A, Desgrées du Loû A, Lelièvre É. L’installation en France au fil des décennies : la situation a-t-elle évolué ? In: Parcours Parcours de vie et santé des Africains immigrés en France. Paris: La Découverte; 2017. p. 53-72.
11 Vignier N, Desgrées du Loû A, Pannetier J, Ravalihasy A, Gosselin A, Lert F, et al. Access to health insurance coverage among sub-Saharan African migrants living in France: Results of the ANRS-PARCOURS study. PloS One. 2018;13(2):e0192916.
12 Fisher MR, Turner C, McFarland W, Breslow AS, Wilson EC, Arayasirikul S. Through a different lens: Occupational health of sex-working young trans women. Transgende Health. 2023;8(2):200-6.
13 Aggarwal NK, Consavage KE, Dhanuka I, Clement KW, Bouey JH. Health and health care access barriers among transgender women engaged in sex work: A Synthesis of U.S.-Based Studies Published 2005-2019. LGBT Health. 2021;8(1):11-25.
14 Silva-Santisteban A, Apedaile D, Perez-Brumer A, Leon SR, Huerta L, Leon F, et al. HIV vulnerabilities and psychosocial health among young transgender women in Lima, Peru: Results from a bio-behavioural survey. J Int AIDS Soc. 2024;27(7):e26299.
15 Orozco-Poore C, Perez-Brumer A, Huerta L, Salazar X, Nunez A, Nakamura A, et al. The “cycle” of HIV: Limits of personal responsibility in HIV vulnerability among transgender adolescents and young women in Lima, Peru. AIDS Behav. 2024;28(11):3893-907.
16 Parriault MC. Connaissances, attitudes et pratiques vis-à-vis du VIH et des IST parmi les travailleuses du sexe en Guyane et à Oiapoque, Brésil. [Thèse]. Université de Guyane; 2015. https://theses.hal.science/tel-02303080v1
17 Haute Autorité de santé. État de santé des personnes en situation de prostitution et des travailleurs du sexe et identification des facteurs de vulnérabilité sanitaire. Saint-Denis: HAS; 2016. 154 p. https://www.has-sante.fr/
jcms/c_2615057/fr/etat-de-sante-des-personnes-en-situation-de-prostitution-et-des-travailleurs-du-sexe-et-identification-des-facteurs-de-vulnerabilite-sanitaire
18 Médecins du monde. Travail du sexe : rapport d’évaluation de la loi de 2016. 2020. https://www.medecinsdumonde.org/publication/travail-du-sexe-rapport-devaluation-de-la-loi-de-2016/
19 Onusida. Protéger la santé des professionnel(le)s du sexe, protéger leurs droits humains. 2024. https://www.unaids.org/fr/resources/presscentre/pressreleaseandstatementarchive/2024/june/20240602_sex-workers
20 Van Huizen R, Annequin M, Mora M, Faye A, Fiorentino M, Bourrelly M et al. Socioeconomic marginalization, social exclusion, and engagement in transactional sex among transgender women living with HIV: The role of multidimensional gender affirmation. AIDS Care. 2025:1-18
21 Gisty, Giaps, Acceptess-T. La modification du sexe et du prénom sur le titre de séjour des personnes étrangères trans. 2023. https://www.gisti.org/spip.php?article7155
22 Scheim AI, Perez-Brumer AG, Bauer GR. Gender-concordant identity documents and mental health among transgender adults in the USA: A Cross-sectional study. Lancet Public Health. 2020;5(4):e196-203.
23 Bertin C, Abbas R, Andrieu V, Michard F, Rioux C, Descamps V, et al. Illicit massive silicone injections always induce chronic and definitive silicone blood diffusion with dermatologic complications. Medicine (Baltimore). 2019;98(4):e14143.
24 Dray-Spira R, Wilson d’Almeida K, Aubrière C, Marcellin F, Spire B, Lert F, et al. État de santé de la population vivant avec le VIH en France métropolitaine en 2011 et caractéristiques des personnes récemment diagnostiquées. Premiers résultats de l’enquête ANRS-Vespa2. Bull Epidemiol Hebd. 2013;(26-27):285-92. https://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2013/27/2013_26-27_1.html.
25 Lorente N, Preau M, Vernay-Vaisse C, Mora M, Blanche J, Otis J, et al. Expanding access to non-medicalized community-based rapid testing to men who have sex with men: An Urgent HIV prevention intervention (the ANRS-DRAG study). PloS One. 2013;8(4):e61225.
26 Mary-Krause M, Grabar S, Lièvre L, Abgrall S, Billaud E, Boué F, et al. Cohort profile: French hospital database on HIV (FHDH-ANRS CO4). Int J Epidemiol. 2014;43(5):1425-36.
27 André JM, Azzedine F. Access to healthcare for undocumented migrants in France: A Critical examination of state medical assistance. Public Health Rev. 2016;37:5.

Citer cet article

Balhan L, Annequin M, Faye A, Mora M, Van Huizen R, Fiorentino M, et al. Qui sont les femmes transgenres vivant avec le VIH en France ? Caractéristiques sociodémographiques, de transition et de prise en charge. Résultats de l’enquête ANRS-Trans&VIH. Bull Epidemiol Hebd. 2025;(19‑20):364-72. https://beh.santepubliquefrance.fr/
beh/2025/19-20/2025_19-20_2.html
Annexe : Schéma de participation des centres
Agrandir l'image