Pensées suicidaires et tentatives de suicide au cours des 12 derniers mois chez les personnes en activité professionnelle en France métropolitaine entre 2010 et 2021 : résultats du Baromètre santé
// Suicidal thoughts and suicide attempts in the last 12 months among the working population in mainland France between 2010 and 2021: Results from the Health Barometer surveys
Résumé
Introduction –
L’objectif de cet article est de décrire, chez les actifs occupés en France métropolitaine, la prévalence des pensées suicidaires et des tentatives de suicide déclarées, les raisons auxquelles celles-ci sont attribuées, les évolutions de 2010 à 2021, ainsi que les facteurs associés aux pensées suicidaires.
Méthodes –
Les données sont issues des Baromètres de Santé publique France 2010, 2014, 2017, 2020 et 2021. Les prévalences des pensées suicidaires et des tentatives de suicide au cours des 12 derniers mois ont été décrites selon l’année d’enquête, la classe d’âge, la catégorie socioprofessionnelle et le secteur d’activité. L’association entre les pensées suicidaires et les caractéristiques sociodémographiques, socioprofessionnelles et de santé a été étudiée sur les données du Baromètre 2021.
Résultats –
Chez les hommes, les employés présentaient la prévalence la plus élevée de pensées suicidaires en 2020 et 2021. Chez les femmes, la prévalence ne différait pas selon la catégorie socioprofessionnelle. Le secteur de l’hébergement et de la restauration était le plus concerné par les pensées suicidaires en 2010, 2017 et 2021. Une augmentation significative des pensées suicidaires a été observée chez les jeunes de 18-24 ans entre 2020 (3,4%) et 2021 (7,1%), qui présentaient ainsi la plus forte prévalence en 2021. Les 18-24 ans, et dans une moindre mesure les 25-34 ans, les adultes ne vivant pas en couple, ceux vivant sans enfant et ceux ne se déclarant pas à l’aise financièrement avaient un risque plus élevé de pensées suicidaires. Les raisons données pour les pensées suicidaires étaient avant tout professionnelles et familiales, dans des proportions similaires autour de 40%. Pour les tentatives de suicide, les raisons étaient professionnelles dans 9% à 14% des cas.
Conclusion –
Ces résultats en population active occupée permettent de fournir des éléments pour cibler les populations au travail et les secteurs d’activité les plus à risque. Cette étude confirme la forte dégradation de la santé mentale des adultes les plus jeunes observée en population générale depuis la pandémie de Covid-19.
Abstract
Introduction –
This article describes the prevalence of suicidal thoughts and suicide attempts declared in the working population of mainland France, the reasons related to them and trends for the period 2010–2021, as well as the factors associated with suicidal thoughts.
Methods –
The study was based on data from the Santé publique France Health Barometer, a cross-sectional representative survey. Prevalence of suicidal thoughts and suicide attempts in the preceding 12 months was described according to age, occupational category and economic sector. Changes in prevalence were measured on the 2010, 2014, 2017, 2020 and 2021 Health Barometers using the same methodology. Associations between suicidal thoughts and socio-demographic, occupational and health characteristics were studied using data from the 2021 Health Barometer.
Results –
Among men, employees had the highest prevalence of suicidal thoughts in 2020 and 2021. Among women, prevalence did not differ by occupational category. The hotel and restaurant sector was the most affected by suicidal thoughts in 2010, 2017 and 2021. A significant increase in suicidal thoughts was observed between 2020 (3.4%) and 2021 (7.1%) among 18–24 year-olds, with this age group showing the highest prevalence in 2021. Being aged 18–24 (and to a lesser extent 25–34), being single, divorced or widowed, living without children, and having financial difficulties were associated with suicidal thoughts. The reasons given most often for suicidal thoughts were work and family-related (40%). For suicide attempts, the reasons given were work-related for 9% to 14% of cases.
Conclusion –
These results based on the working population provide elements to target the most at-risk working people and economic sectors. This study confirms the significant deterioration in the mental health of the youngest adults in France observed since the COVID-19 pandemic.
Introduction
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), en 2019, la France faisait partie des pays européens ayant les taux les plus élevés de suicide, avec près de 9 000 décès par suicide 1. Quant aux tentatives de suicide, leur nombre serait estimé à 20 fois celui des décès par suicide 2. Selon les données des Baromètres de Santé publique France de 2000 à 2017, celui des pensées suicidaires au cours des 12 derniers mois s’étend, selon les années et selon le sexe, de 6 à 21 fois celui des tentatives de suicide 3.
Les conduites suicidaires se définissent comme l’ensemble des actes réalisés par une personne contre elle-même, et avec une intention de mourir. On parle de tentative de suicide lorsque l’acte n’a pas conduit au décès. De plus, il est habituel d’inclure les idées suicidaires dans les études sur les conduites suicidaires, dans la mesure où tout acte suicidaire est précédé de pensées suicidaires. Les facteurs de risque mis en évidence dans les différentes études sont des facteurs personnels tels que la présence de troubles psychiatriques, avoir été victime d’abus sexuels dans l’enfance, des antécédents personnels ou familiaux de conduites suicidaires, souvent associés à des facteurs psychosociaux et économiques tels que l’isolement social, le chômage et les difficultés financières ou professionnelles 4. De plus, si le fait d’avoir un emploi est reconnu comme protecteur vis-à-vis du suicide, l’exposition à certaines situations professionnelles délétères (harcèlement, faible latitude décisionnelle, absence de soutien des collègues et supérieurs…) constitue un facteur de risque important pour la survenue de conduites suicidaires 5,6,7,8. L’OMS préconise des mesures d’intervention reposant sur des données probantes pour la prévention de ce problème majeur de santé publique. Une des mesures consiste en l’identification, l’évaluation, la prise en charge et le suivi à un stade précoce des personnes ayant des pensées ou comportements suicidaires 1. Ainsi, la surveillance des conduites suicidaires constitue un élément essentiel dans les stratégies de prévention du suicide et l’OMS a proposé en 2016 un manuel pratique pour mettre en œuvre et maintenir un tel système de surveillance 9.
En France, la surveillance épidémiologique des conduites suicidaires repose à la fois sur les bases médico-administratives et sur les enquêtes déclaratives. Dans ce domaine, le Baromètre de Santé publique France constitue une source de données incontournable. Cette enquête périodique sur les comportements, connaissances et attitudes des Français en matière de santé est mise en œuvre depuis le début des années 1990 et a pour objectif d’orienter les politiques de prévention et d’information de la population. La répétition des questions au fil des années permet ainsi un suivi de certains indicateurs, dont la prévalence des pensées suicidaires et des tentatives de suicide au cours des 12 mois précédant l’enquête. Les prévalences des pensées suicidaires et tentatives de suicide observées sur le Baromètre santé 2021, ainsi que leur évolution depuis le Baromètre 2000 ont été récemment publiées 10. Ces données sont cependant rarement axées sur la population active occupée. Delézire et coll. 11 ont utilisé le Baromètre 2017 pour estimer dans cette population la prévalence des pensées suicidaires selon certaines caractéristiques socioprofessionnelles et décrire les raisons de ces pensées suicidaires.
Cette présente étude a pour objectifs de décrire, à partir des données des Baromètres santé 2010, 2014, 2017, 2020 et 2021, l’évolution de la prévalence des pensées suicidaires et des tentatives de suicide au cours des 12 derniers mois, chez les personnes en activité professionnelle en France métropolitaine et d’étudier les facteurs associés aux pensées suicidaires en 2021 dans cette population.
Méthodes
Les données ont été recueillies par téléphone selon un sondage aléatoire à deux degrés sur ligne fixe (sélection du ménage puis d’un individu au sein du ménage) et à un degré sur ligne mobile (sélection de l’individu). La population cible inclut les personnes résidant en France métropolitaine et parlant le français. Selon les années, l’âge limite inférieur était de 15 ou 18 ans et l’âge limite supérieur de 75 ou 85 ans. La passation du questionnaire se fait à l’aide du système de collecte assistée par téléphone et informatique (Cati). Un poids est associé à chaque personne interrogée, permettant de prendre en compte les probabilités d’inclusion selon le nombre d’individus éligibles et de lignes téléphoniques au sein du ménage, et un calage sur marges effectué sur les données des enquêtes emploi de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) tenant compte du sexe, de l’âge, de la région, de la taille de l’agglomération et du niveau de diplôme (voir le Baromètre de Santé publique France 2021 pour une description détaillée de la méthode) 12.
Variables étudiées
Depuis 2010, les pensées suicidaires sont questionnées de la façon suivante : « Au cours des 12 derniers mois, avez-vous pensé à vous suicider ? » et les questions sur les tentatives de suicide font d’abord référence à un passage à l’acte au cours de la vie : « Au cours de votre vie, avez-vous fait une tentative de suicide ? ». En cas de réponse positive, l’occurrence de la tentative de suicide au cours des 12 derniers mois est posée : « Cette tentative a-t-elle eu lieu au cours des douze derniers mois ? ».
Depuis 2017, les raisons à l’origine des pensées suicidaires et des tentatives de suicide (la question porte sur la dernière tentative de suicide si plusieurs au cours de la vie, même si celle-ci n’a pas eu lieu au cours des 12 derniers mois) sont recueillies via plusieurs propositions : raisons professionnelles, sentimentales, familiales, de santé, financières ou autres. Dans le cadre de cette étude, les modalités de réponse ont été regroupées en trois catégories de raisons : exclusivement professionnelles, professionnelles combinées avec d’autres raisons, non professionnelles. Pensées suicidaires et tentatives de suicide signifieront respectivement « pensées suicidaires au cours des 12 derniers mois » et « tentatives de suicide au cours des 12 derniers mois » dans la suite du texte.
Variables professionnelles
Les variables professionnelles étudiées sont la catégorie socioprofessionnelle (nomenclature PCS), et le secteur d’activité (NAF, Nomenclature d’activité française) selon les niveaux les plus agrégés de la PCS 2003 en six classes (agriculteurs exploitants/artisans, commerçants et chefs d’entreprise/cadres et professions intellectuelles supérieures/professions intermédiaires/employés/ouvriers) et de la NAF 2e révision de 2008 en 21 sections. En 2014, les questions sur le secteur d’activité n’ont pas été posées. En raison des effectifs limités dans les sections de la production et distribution d’électricité, de gaz, de vapeur et d’air conditionné/de la production et distribution d’eau, assainissement, gestion déchets et dépollution/des industries extractives/des activités des ménages en tant qu’employeurs/des autres activités de service/des activités extraterritoriales, ces six sections ont été regroupées en une seule (autres activités) dans les analyses par secteur.
Variables sociodémographiques
Les variables sociodémographiques analysées sont : sexe, classe d’âge (18-24 ans/25-34 ans/35-44 ans/45-54 ans/55-75 ans), niveau de diplôme (inférieur au Bac/équivalent au Bac/supérieur au Bac), vivre en couple (oui/non), vivre avec enfant (oui/non), situation financière perçue (à l’aise, ça va/c’est juste/c’est difficile, n’y arrive pas sans faire de dettes), pays de naissance (France métropolitaine/départements et régions d’outre-mer – DROM – et pays étranger), région de résidence (Île-de-France/Nord-Ouest/Nord-Est/Sud-Ouest/Sud-Est) (1).
Variables de santé
Les questions sur la santé portent sur l’état de santé général (bon, très bon/assez bon/mauvais, très mauvais), l’existence d’un problème de santé chronique (oui/non), la consommation quotidienne de tabac au cours des 12 derniers mois (oui/non), d’alcool (oui/non), les symptômes de Covid-19 au cours des 12 derniers mois (oui/non). Les épisodes dépressifs caractérisés (EDC) n’ont pas été retenus dans cette analyse car l’une des questions définissant l’EDC et portant sur les symptômes secondaires est « avoir beaucoup pensé à la mort », ce qui peut, au moins en partie, refléter des pensées suicidaires.
Échantillons étudiés
Dans chacune des enquêtes considérées, toutes les personnes en activité professionnelle âgées de 18 à 75 ans (2), ainsi que les apprentis et stagiaires rémunérés d’au moins 18 ans, ont été inclus. Selon les années, la taille initiale des effectifs s’échelonnait de 15 000 à 27 000 personnes et la taille des échantillons étudiés de 7 870 à 14 970. Ces différents échantillons sont succinctement détaillés ci-après. Pour simplifier, nous appellerons « actifs occupés » les personnes incluses dans notre étude.
En 2010 : 27 653 personnes (48,7% d’hommes et 51,3% de femmes) âgées de 15 à 85 ans ont été interrogées entre le 22 octobre 2009 et le 3 juillet 2010. Le taux de réponse était de 51%. Notre population d’étude comprenait 14 970 actifs occupés de 18 à 75 ans dont 52% d’hommes.
En 2014 : 15 635 personnes (48,8% d’hommes et 51,2% de femmes) âgées de 15 à 75 ans ont été interrogées entre le 11 décembre 2013 et le 31 mai 2014. Le taux de réponse était de 57%. Notre population d’étude comprenait 9 176 actifs occupés dont 51,3% d’hommes.
En 2017 : 25 319 personnes (48,7% d’hommes et 51,3% de femmes) âgées de 18 à 75 ans ont été interrogées entre le 5 janvier et le 18 juillet 2017. Le taux de réponse était de 48,5%. Notre population d’étude comprenait 14 382 actifs occupés dont 51,8% d’hommes.
En 2020 : 14 873 personnes (48,1% d’hommes et 51,9% de femmes) âgées de 18 à 85 ans ont été interrogées. En raison des mesures de confinement général mises en place lors de la première vague de la pandémie de Covid-19, les interviews se sont déroulés en 2 phases : entre le 8 janvier et le 16 mars puis entre le 4 juin et le 28 juillet. Le taux de réponse était de 40,0% à la 1re phase et de 47,6% à la 2de phase. La population d’étude comprenait 7 870 actifs occupés de 18 à 75 ans (n=4 821 et n=3 049 respectivement aux phases 1 et 2) dont 51,5% d’hommes.
Les pensées suicidaires ont été questionnées lors des deux phases tandis que les tentatives de suicide ne l’ont été qu’à la 1re phase.
En 2021 : 24 514 personnes (48,1% d’hommes et 51,9% de femmes) âgées de 18 à 85 ans ont été interrogées entre le 11 février et le 15 décembre 2021. Le taux de réponse était de 44,3%. La population d’étude comprenait 13 485 actifs occupés de 18 à 75 ans dont 51,6% d’hommes.
Analyses
Dans un premier temps, la prévalence des pensées suicidaires chez les actifs occupés a été décrite pour les années 2010 à 2021, selon le sexe, la classe d’âge, la PCS et le secteur d’activité. Les analyses concernant les tentatives de suicide ont été limitées, du fait des faibles effectifs, au sexe, à la classe d’âge et la PCS.
Pour chaque année étudiée, les prévalences selon les caractéristiques étudiées ont été comparées à l’aide du Chi2 de Rao-Scott. La comparaison de la prévalence issue d’un Baromètre donné avec celle du Baromètre précédent a été faite à l’aide du Chi2 de Pearson. Les seuils de significativité ont été fixés à 5%.
Les données de 2021 ont été analysées pour étudier les facteurs associés aux pensées suicidaires. Les variables sociodémographiques et les variables de santé associées aux pensées suicidaires ont été introduites dans une régression logistique en même temps que la classe d’âge et le sexe. Toutes les covariables introduites étaient significativement associées au fait d’avoir eu des pensées suicidaires au cours de l’année en analyse univariée (Chi2 de Pearson avec correction de second ordre de Rao-Scott, avec un seuil maximal de significativité fixé à 5%). Le lien entre les pensées suicidaires et les variables explicatives a été évalué à l’aide de l’odds ratio ajusté (ORa) et mesuré par le test de Wald avec un seuil maximal de significativité fixé à 5%. L’absence de multicolinéarité entre les covariables a été vérifiée (variance inflation factor). Les analyses ont été effectuées avec SAS® Entreprise Guide 7.1 et Stata® (version 15.0 SE).
Résultats
Les pensées suicidaires
Prévalence des pensées suicidaires entre 2010 et 2021
En 2010, la prévalence des pensées suicidaires chez les actifs occupés était de 3,6%. L’évolution de ces prévalences différait selon le sexe (figure 1). La prévalence chez les hommes a légèrement mais régulièrement diminué entre 2014 et 2021 (de 3,3% à 2,9%). Chez les femmes, les prévalences les plus élevées ont été observées en 2014 (4,8%) et 2017 (4,5%) et l’augmentation de la prévalence entre 2010 et 2014 (de 3,9% à 4,8%) était significative (p<0,05), ainsi que la diminution entre 2017 et 2020 (de 4,5% à 3,5%, p=0,01). Quelle que soit l’année étudiée, la prévalence des pensées suicidaires était plus élevée chez les femmes que chez les hommes.
Les prévalences des pensées suicidaires différaient significativement selon la classe d’âge en 2017 (p<0,05, avec la prévalence la plus élevée chez les 45-54 ans) ainsi qu’en 2021 (p<0,0001, avec la prévalence la plus élevée chez les 18-24 ans) (figure 2). Chez les hommes, les prévalences ne différaient pas selon la classe d’âge entre 2010 et 2020 ; en revanche, en 2021, elle était de 5,8% chez les 18 à 24 ans, significativement plus élevée que dans les autres classes d’âge (entre 2% et 3% ; p<0,001). Chez les femmes, alors que les prévalences selon la classe d’âge ne différaient pas entre 2010 et 2017, une différence significative était observée en 2020 et 2021 : la prévalence la plus élevée en 2020 était observée chez les femmes de 45-54 ans (4,9% vs des prévalences situées entre 1,2% et 3,7% dans les autres classes d’âge ; p<0,05), et en 2021 chez les 18-24 ans (8,6% vs des prévalences situées entre 2,6% et 3,8% dans les autres classes d’âge ; p<0,0001).
Chez les hommes, alors que les prévalences des pensées suicidaires de 2010 à 2017 ne différaient pas selon la PCS, elles différaient significativement en 2020 et 2021. La prévalence la plus élevée se retrouvait chez les employés : respectivement 5,6% en 2020 (vs 2,1% à 3,0% dans les autres catégories, p=0,04) et 4,5% en 2021 (vs 2,0% à 3,6% dans les autres catégories, p=0,02). Chez les femmes, quelle que soit l’année, les prévalences ne différaient pas significativement selon la PCS.
L’analyse regroupant hommes et femmes montre qu’en 2010, les prévalences des pensées suicidaires différaient significativement (p<0,01) selon la PCS : 0,9% chez les agriculteurs exploitants contre des prévalences égales ou supérieures à 4% chez les employés, les ouvriers et les artisans, commerçants et chefs d’entreprise.
Les prévalences des pensées suicidaires selon le secteur d’activité différaient significativement en 2017 chez les femmes comme chez les hommes, avec les prévalences les plus élevées dans les secteurs de l’hébergement et de la restauration (6,4% chez les hommes et 7,2% chez les femmes), des arts et spectacles (6,4% chez les hommes et 7,2% chez les femmes) et de l’enseignement (5,1% chez les hommes et 7,6% chez les femmes). Pour les autres années, les prévalences ne différaient pas significativement chez les hommes comme chez les femmes, probablement par manque de puissance en 2010 sur l’analyse sexes séparés. En effet, l’analyse regroupant hommes et femmes montrait des différences significatives en 2010 (p<0,05) : les secteurs les plus concernés étaient ceux de l’hébergement et de la restauration (4,9%), des activités scientifiques et techniques (4,7%) et de l’enseignement (4,2%). Les prévalences des pensées suicidaires selon le sexe et le secteur d’activité sont présentées pour l’année 2021 dans la figure 3. Bien que les différences ne soient pas significatives, le secteur de l’hébergement et de la restauration présentait la prévalence la plus élevée chez les hommes comme chez les femmes.
Raisons liées aux pensées suicidaires en 2017, 2020 et 2021
Quelle que soit l’année considérée, les raisons les plus fréquemment données pour expliquer les pensées suicidaires étaient d’ordre professionnel, familial et sentimental. Chez les hommes, les raisons professionnelles étaient les plus fréquemment citées (entre 41 et 46% des cas) tandis que chez les femmes, venaient en tête les raisons familiales (42-43% des cas), suivies des raisons professionnelles (pour environ un tiers d’entre elles). Environ une personne sur cinq attribuait ses pensées suicidaires à des raisons financières. Par ailleurs, quelle que soit l’année, chez les hommes comme chez les femmes, la répartition des raisons ne différait pas selon la classe d’âge ni selon la PCS.
Les raisons citées étaient souvent multiples, mais exclusivement d’ordre professionnel pour 15% des actifs occupés en 2017 (19% chez les hommes et 13% chez les femmes), 16% en 2020 et 10% en 2021, tant chez les hommes que chez les femmes.
Facteurs associés aux pensées suicidaires en 2021
Les variables introduites dans le modèle final étaient le sexe, la classe d’âge, le fait de vivre avec enfant(s) ou en couple, la situation financière perçue, la région de résidence, l’état de santé général perçu, l’existence d’un problème de santé chronique, la consommation quotidienne au cours des 12 derniers mois de tabac et d’alcool (tableau).
Sur l’ensemble de l’échantillon, les caractéristiques suivantes présentaient un excès de risque significatif de pensées suicidaires au cours des 12 derniers mois : toutes les classes d’âge 18-24, 25-34, 35-44 et 45-54 ans en référence aux 55-75 ans, ne pas vivre en couple ou vivre sans enfant en comparaison au fait de vivre en couple ou avec enfant(s), déclarer une situation financière difficile en référence au fait de se déclarer à l'aise, déclarer un état de santé « mauvais/très mauvais » ou « assez bon » en référence au fait de déclarer un « bon/très bon » état de santé, et déclarer une consommation quotidienne d’alcool. L’existence d’un problème de santé chronique, la région de résidence et une consommation quotidienne de tabac n’étaient pas associées à un excès de risque.
Les excès de risque les plus importants étaient observés chez les 25-34 ans (odds ratio ajusté, ORa=2,1 ; intervalle de confiance à 95%, IC95%: [1,4-3,1]) et surtout chez les 18-24 ans (ORa=2,7 [1,7-4,3]), chez les personnes déclarant un assez bon état de santé (ORa=3,1 [2,3-4,1]) et surtout un « mauvais/très mauvais » état de santé (ORa=9,3 [6,3-13,7]). Vivre avec enfant(s) et vivre en couple étaient protecteurs (respectivement ORa=0,7 [0,5-0,9] et ORa=0,5 [0,4-0,7]).
Chez les hommes, les résultats étaient similaires sauf pour la classe d’âge 45-54 ans et pour ceux vivant sans enfant qui ne présentaient pas d’excès de risque significatif. Chez les femmes, les résultats étaient également comparables, à quelques différences près : seules les classes d’âge les plus jeunes (18-24 et 25-34 ans) présentaient un excès de risque significatif de pensées suicidaires ; le fait de vivre sans enfant, de ne pas être à l’aise financièrement et la consommation quotidienne d’alcool n’étaient pas associés significativement aux pensées suicidaires.
Les tentatives de suicide
Prévalence des tentatives de suicide entre 2010 et 2021
Un pic de prévalence supérieur à 0,5% a été observé en 2014 (pour les autres années, les prévalences se situaient entre 0,2% et 0,4%) (figure 4). L’augmentation entre 2010 et 2014 (de 0,29% à 0,55%), puis la diminution entre 2014 et 2017 (de 0,55% à 0,26%) étaient significatives. On observe de plus, chez les hommes, une augmentation significative de la prévalence entre 2017 et 2020 (de 0,16% à 0,40%, p<0,05). Chez les femmes, seule l’augmentation de la prévalence entre 2010 et 2014 était significative (de 0,36% à 0,58%, p<0,05).
Quelle que soit l’année, la prévalence des tentatives de suicide ne différait pas significativement selon le sexe.
Alors que les prévalences étaient comparables selon la classe d’âge en 2010 et 2014, elles différaient significativement sur les années suivantes, avec la prévalence la plus élevée chez les 18-24 ans : 0,6%, 1,4% et 1,3% respectivement en 2017, 2020 et 2021 vs des prévalences entre 0,1% et 0,5% dans les autres classes d’âge.
Chez les hommes, les prévalences différaient significativement selon la classe d’âge en 2017 et 2020 : les 45-54 ans et les 18-24 ans présentaient en 2017 les prévalences les plus élevées (entre 0,3% et 0,4% vs moins de 0,1% dans les autres classes d’âge ; p<0,05), et les 18-24 ans avaient en 2020 une prévalence de 2,4% (contre moins de 0,5% dans les autres classes d’âge ; p<0,05).
Chez les femmes, les prévalences différaient significativement selon la classe d’âge en 2021. Une prévalence de 2,2% (la plus élevée) était retrouvée chez les 18-24 ans, vs moins de 0,5% dans les autres classes d’âge (p<0,0001).
Les prévalences des tentatives de suicide selon la PCS différaient significativement en 2017 uniquement, avec la prévalence la plus élevée chez les employés tous sexes confondus (p<0,05). Quelle que soit l’année étudiée, les agriculteurs exploitants n’ont pas déclaré de tentatives de suicide au cours des 12 derniers mois.
Raisons liées aux tentatives de suicide en 2017, 2020 et 2021
Les raisons se rapportent à la dernière tentative de suicide (si plusieurs au cours de la vie), et non sur les tentatives au cours des 12 derniers mois. Quelle que soit l’année, les tentatives de suicide étaient liées principalement à des raisons familiales, évoquées dans la moitié des cas. Les raisons étaient sentimentales pour 40% à 45% des personnes, professionnelles pour 9% à 14%, et exclusivement professionnelles pour 3% à 4%. En 2017, les hommes étaient trois fois plus nombreux (6,1%) que les femmes (2,0%) à rapporter des raisons exclusivement professionnelles (p<0,01).
Discussion
Les Baromètres de Santé publique France 2010, 2014, 2017, 2020 et 2021, qui reposent sur des échantillons aléatoires représentatifs de la population française, indiquent que la prévalence des pensées suicidaires chez les actifs occupés a varié entre 3,2% et 4,0% selon les années. Elle était plus élevée chez les femmes que chez les hommes, quelle que soit l’année étudiée. Chez les hommes, elle a légèrement, mais de façon régulière, diminué au cours de ces années. Chez les femmes, elle a davantage fluctué, avec une augmentation significative entre 2010 et 2014, suivie d’une diminution également significative entre 2017 et 2020.
Quant aux tentatives de suicide, un pic de prévalence a été observé en 2014, aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Leur prévalence a augmenté significativement chez les hommes entre 2017 et 2020, alors qu’elle diminuait chez les femmes. En 2021, la prévalence était la même pour les deux sexes.
En population générale, les femmes déclaraient davantage de pensées suicidaires que les hommes : 5,4% chez les femmes vs 4,0% chez les hommes de 18-75 ans (Baromètre 2017) et 4,8% chez les femmes vs 3,5% chez les hommes de 18-85 ans (Baromètre 2021) 3,10. Toutefois, chez les hommes comme chez les femmes, les prévalences des pensées suicidaires observées chez les actifs occupés étaient systématiquement plus basses qu’en population générale. Cette différence s’explique par l’effet du travailleur sain (healthy worker effect) qui traduit le fait que les personnes en activité professionnelle présentent un état de santé leur permettant de travailler et sont, pour cette raison, en moyenne en meilleure santé que la population générale qui comporte, en plus des actifs occupés, des personnes inactives, invalides ou ayant perdu leur emploi en raison de leur état de santé 13. Certains résultats observés dans les données des Baromètres vont dans ce sens : l’inactivité au sens large (professionnelle et autre) était également associée en population générale à une occurrence plus élevée de pensées suicidaires 3,10, et les personnes au chômage, en référence aux actifs occupés, présentaient davantage de risque d’avoir vécu un EDC au cours des 12 derniers mois 14.
Les prévalences des pensées suicidaires différaient peu selon la PCS : les seules différences significatives étaient observées chez les hommes avec des prévalences plus élevées chez les employés en 2020 et 2021. Ces résultats sont à rapprocher de ceux du Baromètre 2017 sur les EDC en population active occupée âgée de 18 à 75 ans qui ont montré les plus fortes prévalences d’EDC chez les femmes occupant des professions intermédiaires ou employées et chez les hommes agriculteurs exploitants, employés ou professions intermédiaires 15.
Les prévalences des tentatives de suicide, quant à elles, différaient significativement selon la PCS uniquement en 2017 avec la prévalence la plus élevée chez les employés, tous sexes confondus. Quelle que soit l’année étudiée, les agriculteurs exploitants n’ont pas déclaré de tentatives de suicide au cours des 12 derniers mois. Nos résultats convergent avec ceux de Cohidon et coll. 16 qui ont montré, d’une part que les employés, avec les travailleurs manuels, étaient les plus touchés par les tentatives de suicide au cours de leur vie, et d’autre part, que les agriculteurs exploitants étaient peu affectés par les tentatives de suicide (même si c’est parmi eux que l’on observait le plus fort risque de décéder par suicide).
Le secteur de l’hébergement et de la restauration était le plus concerné par les pensées suicidaires en 2010, 2017 et 2021. D’autres secteurs se distinguent par une prévalence significativement plus élevée sur certaines années, notamment les activités scientifiques et techniques en 2010, l’enseignement en 2010 et 2017, les arts et spectacles en 2017. Ces résultats sur les tentatives de suicide convergent en partie avec ceux du Baromètre 2017 sur les EDC en population active occupée : les plus fortes prévalences étaient observées pour les femmes dans les arts et spectacles, la construction ou l’hébergement et la restauration et pour les hommes dans l’hébergement et la restauration, les arts et spectacles ou les activités financières et d’assurance 15.
Dans notre analyse des données du Baromètre 2021, déclarer ne pas vivre en couple (célibat, veuvage, divorce), vivre sans enfant, une situation financière difficile, une consommation quotidienne d’alcool, un « assez bon » ou un « mauvais/très mauvais » état de santé, étaient associés au risque de pensées suicidaires. En particulier, le risque était 3,1 et 9,3 fois plus élevé chez les personnes déclarant respectivement un « assez bon » ou un « mauvais/très mauvais » état de santé, en référence à celles déclarant un « bon/très bon » état de santé. L’analyse du Baromètre 2017 en population générale retrouve des facteurs communs à nos observations : une situation financière difficile, ne pas vivre en couple 3. L’analyse du Baromètre 2021 en population générale montre que le fait de vivre seul (ménage d’une seule personne) était la structure du ménage la plus fortement associée, chez les hommes comme chez les femmes, au risque de pensées suicidaires 10. Certains de nos résultats sont à rapprocher également de ceux observés en population générale sur les EDC au cours des 12 derniers mois à partir des données du Baromètre 2021 : les personnes qui ne se déclaraient pas à l’aise financièrement, vivant seules ou dans le cadre d’une famille monoparentale en référence aux couples avec enfant(s) présentaient davantage de risque d’avoir eu un EDC au cours de l’année 14.
Autre résultat notable de notre étude, c’est uniquement chez les plus jeunes, et surtout chez les 18-24 ans, qu’une augmentation de la prévalence des pensées suicidaires s’observait entre 2020 et 2021. La prévalence dans cette tranche d’âge en 2021 (7,1%) dépassait la valeur la plus élevée observée jusque-là chez les 45-54 ans (4,6% en 2017). En 2021, le risque de pensées suicidaires était 2,7 fois plus élevé chez les 18-24 ans, et 2,1 fois plus élevé chez les 25-34 ans, en référence à la classe d’âge la plus âgée. De même, c’est parmi les 18-24 ans que la prévalence la plus élevée de tentatives de suicide était observée en 2017, et surtout 2020 et 2021, devenant significativement supérieure à celles des autres classes d’âge. Cette augmentation importante de la prévalence des pensées suicidaires et des tentatives de suicide chez les jeunes actifs occupés, également rapportée en population générale 10, converge avec le constat d’une augmentation significative de celle des EDC entre 2017 et 2021 selon les données des Baromètres santé, tout particulièrement chez les 18-24 ans. Un adulte de 18-24 ans sur cinq aurait ainsi vécu un épisode dépressif au cours des 12 derniers mois en 2021, soit une augmentation de près de 80% par rapport au niveau observé en 2017, alors que la prévalence observée dans cette classe d’âge dans les éditions 2005, 2010, 2017 du Baromètre était comparable à celles du reste de la population 14.
Ces résultats convergent également avec ceux des enquêtes en population générale EpiCov et CoviPrev qui ont mis en évidence une forte dégradation de la santé mentale, tout particulièrement chez les jeunes adultes en lien avec la pandémie de Covid-19 17,18,19. Le constat d’une détérioration plus marquée des indicateurs de santé mentale chez les jeunes adultes depuis la pandémie de Covid-19 a été largement rapporté à l’échelle internationale 20,21,22.
L’existence de symptômes de Covid-19 au cours des 12 derniers mois était associée significativement au risque de pensées suicidaires chez les femmes en population générale sur les données du Baromètre 2021 (ORa=1,4 [1,1-1,8]) 10, mais pas dans notre étude chez les personnes actives occupées. Cette légère différence pourrait s’expliquer, là aussi, par un effet du travailleur sain.
Le fait d’avoir eu des symptômes de Covid-19 a été également associé dans les données du Baromètre 2021 au risque d’épisodes dépressifs, aussi bien chez les hommes que chez les femmes 14. Il serait intéressant, pour compléter notre analyse, d’étudier les prévalences des épisodes dépressifs en population active occupée.
Les raisons placées en tête pour expliquer les pensées suicidaires étaient professionnelles pour les hommes et familiales pour les femmes. Les raisons invoquées étaient exclusivement d’ordre professionnel dans 10 à 16% des cas selon les années.
Les raisons invoquées pour expliquer les tentatives de suicide étaient, quant à elles, avant tout d’ordre familial (40-45% des cas). Les raisons étaient professionnelles pour 9% à 14% des cas, et exclusivement professionnelles pour 6% des hommes et 2% des femmes. Ces valeurs concordent avec celles observées dans un travail conduit par Santé publique France avec des instituts de médecine légale sur une série de 1 135 décès par suicide de 2018 : 10% d’entre eux étaient en lien potentiel avec le travail 23.
Limites
Le Baromètre de Santé publique France est la seule enquête française permettant une surveillance épidémiologique des conduites suicidaires au cours du temps, ce qui en fait un outil particulièrement précieux. Il comporte néanmoins quelques limites. Le sujet des conduites suicidaires peut être embarrassant, pénible voire douloureux à évoquer. Les données des Baromètres reposent sur les déclarations des personnes interrogées par téléphone. Se remémorer de tels événements peut inciter les personnes à esquiver le sujet et à ne pas répondre. Cependant, avec la même méthodologie d’enquête, ces limites restent a priori constantes au cours du temps, et les résultats produits permettent ainsi d’en suivre l’évolution.
Notre étude a exploré le lien en 2021 entre des tentatives de suicide survenues au cours des 12 derniers mois et des caractéristiques socioprofessionnelles et de santé actuelles, avec une limite supplémentaire : les très faibles effectifs de répondants.
Conclusion
Cette étude permet de présenter pour la première fois l’évolution sur plus d’une décennie des prévalences des pensées suicidaires et des tentatives de suicide chez les personnes de 18 à 75 ans en activité professionnelle. Elle a mis en évidence une augmentation importante entre 2020 et 2021 de la prévalence des pensées suicidaires et des tentatives de suicide chez les jeunes actifs occupés de 18-24 ans, contrastant avec une diminution ou une augmentation modérée dans les autres classes d’âge. Cette dégradation préoccupante des indicateurs de santé mentale a été également observée dans de nombreuses études en population générale, témoignant d’une atteinte majeure de la santé mentale des jeunes adultes lors de la pandémie de Covid-19.
Les raisons associées aux pensées suicidaires étaient d’ordre professionnel dans un pourcentage important de cas aussi bien chez les hommes (qui les plaçaient en tête) que chez les femmes. Quant aux tentatives de suicide, les raisons étaient professionnelles dans un pourcentage non négligeable de cas. Or, le milieu de travail est propice à la prévention et à la promotion de la santé en général, et de la santé mentale en particulier. Ces résultats permettent de fournir aux acteurs de la prévention et aux partenaires sociaux quelques éléments pour cibler leurs actions sur les populations les plus à risque. Dans la mesure où tout acte suicidaire est précédé de pensées suicidaires, il est essentiel de poursuivre la surveillance de ces indicateurs associés à la mortalité par suicide.
Remerciements
Nous remercions Christophe Léon et Kathleen Chami pour leurs conseils avisés.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.
Références
Citer cet article
Nord-Ouest = Normandie, Centre-Val de Loire, Bretagne, Pays de la Loire, départements 16, 17, 79 et 86 en Nouvelle-Aquitaine.
Nord-Est = Grand Est, Hauts-de-France, Bourgogne-Franche-Comté.
Sud-Ouest = départements 33, 64, 40, 24, 87, 47, 19 et 23 en Nouvelle-Aquitaine, départements 31, 81, 82, 12, 32, 65, 9 et 46 en Occitanie.
Sud-Est = Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Corse, départements 11, 30, 34, 48 et 66 en Occitanie.