Prévalence des pensées suicidaires et tentatives de suicide chez les 18-85 ans en France : résultats du Baromètre santé 2021
// Prevalence of suicidal ideation and suicide attempts among 18–85-year-olds in France: Results from the 2021 Health Barometer survey
Résumé
Introduction –
La France présente, au sein des pays européens, un des taux de suicide les plus élevés. Comme à l’étranger, la crise sanitaire provoquée par l’épidémie de Covid-19 a eu un impact important sur la santé mentale de la population. L’objectif de ce travail est de présenter les résultats concernant la prévalence des pensées suicidaires et des tentatives de suicide en France en 2021, d’identifier les populations les plus concernées et d’observer les évolutions survenues depuis les années 2000.
Matériel et méthode –
En 2021, le Baromètre de Santé publique France a interrogé un échantillon aléatoire de 24 514 personnes âgées de 18 à 85 ans résidant en France métropolitaine et 6 519 résidant dans les départements et régions d’outre-mer (DROM) par collecte assistée par téléphone et informatique (Cati). Les variables d’intérêt de notre étude sont les pensées suicidaires et les tentatives de suicide au cours des 12 derniers mois, ainsi que les tentatives de suicide au cours de la vie. Les évolutions des prévalences ont été établies sur les 18-75 ans grâce aux baromètres santé 2000, 2005, 2010, 2014, 2017, 2020 et 2021 dont la méthodologie était comparable.
Résultats –
En 2021, 4,2% des 18-85 ans déclaraient avoir pensé à se suicider au cours des 12 derniers mois. Au total, 6,8% déclaraient une tentative de suicide au cours de leur vie et 0,5% au cours de l’année écoulée. Parmi les 18-75 ans, la prévalence des pensées suicidaires et des tentatives de suicide déclarées dans l’année était en légère baisse depuis 2014, tandis que celle des tentatives de suicide au cours de la vie s’était stabilisée aux alentours de 7%. Le résultat principal est une augmentation importante des pensées suicidaires et des tentatives de suicide au cours de la vie chez les 18-24 ans, observée depuis une dizaine d’année.
Discussion –
Cette étude confirme la détérioration de la santé mentale des jeunes adultes observée par ailleurs à partir des données de passage aux urgences et d’hospitalisation. En parallèle de la mise en œuvre de la stratégie nationale de prévention du suicide et du renforcement des dispositifs de prise en charge, une meilleure compréhension des mécanismes qui affectent la santé mentale des plus jeunes depuis la pandémie de Covid-19 s’avère nécessaire en vue de renforcer les politiques de prévention.
Abstract
Introduction –
France has one of the highest suicide rates in Europe. As in other countries, the health crisis caused by the COVID-19 epidemic had a significant impact on the population’s mental health. This article presents a study of survey results regarding the prevalence of suicidal thoughts and attempts in France in 2021, identifying the populations concerned and observing trends since the 2000’s.
Material and method –
In 2021, the Health Barometer surveyed a random sample of 24,514 people aged 18–85 years old residing in mainland France and 6,519 residing in the French overseas departments and regions (DROM) using computer assisted telephone interviews. The variables of interest in our study were suicidal thoughts and attempts in the last 12 months and lifetime suicide attempts. Changes in prevalence for 18–75 year-olds were established based on the 2000, 2005, 2010, 2014, 2017, 2020 and 2021 Health Barometers, which used comparable methodologies.
Results –
In the 2021 Health Barometer, 4.2% of people aged 18–85 reported they had thought about suicide in the preceding 12 months. In total, 6.8% declared they had attempted suicide during their lifetime and 0.5% during the past year. Among people aged 18–75, a slight decline in the prevalence of suicidal thoughts and suicide attempts over the past year was observed since 2014, while lifetime suicide attempts had stabilized at around 7%. The main finding was a significant increase in suicidal thoughts and lifetime suicide attempts among 18–24 year-olds over the past decade.
Discussion –
This study confirms a deterioration in the mental health of young adults, as observed elsewhere in data from emergency departments and hospital admissions. In parallel with the implementation of the national suicide prevention strategy and the strengthening of care systems, a better understanding of the mechanisms affecting younger people’s mental health since the beginning of the COVID-19 pandemic would help to produce stronger prevention policies.
Introduction
L’étude épidémiologique du suicide s’appuie principalement sur trois indicateurs : les pensées suicidaires, les tentatives de suicide et les décès par suicide.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), plus de 700 000 personnes se suicident chaque année dans le monde 1. En France, les dernières données du Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc) font état de 8 366 enregistrements de décès par suicide en 2017. Plus élevé chez les hommes et chez les personnes plus âgées, le taux global de décès par suicide est en baisse depuis 2001. La France présente néanmoins un des taux de suicide parmi les plus élevés d’Europe 2.
La surveillance des tentatives de suicide s’appuie également en partie sur l’exploitation des données médico-administratives. Elles permettent de comptabiliser, sur l’ensemble du territoire national, les hospitalisations faisant suite à une tentative de suicide par le biais du Programme médicalisé des systèmes d’information (PMSI), et d’estimer le nombre de passages aux urgences (suivis ou non d’une hospitalisation) à travers l’exploitation des résumés des passages aux urgences transmis par les établissements participant au réseau Oscour®, couvrant près de 95% du territoire. En 2020, durant la première année de pandémie de Covid-19, environ 80 000 séjours hospitaliers de personnes âgées de 10 ans ou plus pour tentative de suicide étaient comptabilisés. Ce taux d’hospitalisation était en baisse par rapport aux taux observés entre 2017 et 2019, mais en augmentation chez les femmes de moins de 25 ans ; cette augmentation perdurait au début de l’année 2021 3. Marqué par une baisse de l’activité totale au cours des périodes de confinement et notamment lors du premier confinement (17 mars au 11 mai 2020), le nombre de passages aux urgences pour gestes suicidaires en population générale était également plus faible de 12% en 2020 que lors des années précédentes (2018-2019). Cependant, comme pour les hospitalisations, une hausse était observée dès le début de l’année 2021 chez les adolescents (11-17 ans) et les jeunes adultes (18-24 ans). Les passages aux urgences pour idées suicidaires ont quant à eux augmenté dès 2020 dans toutes les classes d’âge avec des hausses plus marquées chez les jeunes adultes (18-24 ans). Cette tendance se confirmait et s’accentuait en 2021 4.
Toutes les tentatives de suicide ne donnent pas lieu à une prise en charge médicale, en particulier celles dont les conséquences somatiques ne présentent pas de caractère d’urgence. Ainsi, entre 2000 et 2017, parmi les Français ayant déclaré avoir effectué une tentative de suicide, 39% d’entre eux et plus souvent les jeunes (53% des 18-24 ans) ne s’étaient pas rendus à l’hôpital à la suite de leur dernière tentative de suicide 5.
Dès lors, il est nécessaire d’estimer la prévalence globale des tentatives de suicide et des pensées suicidaires dans la population par l’interrogation directe d’échantillons représentatifs en s’appuyant sur des enquêtes déclaratives. Les enquêtes présentent également l’avantage de recueillir de nombreuses informations complémentaires auprès des répondants (caractéristiques sociodémographiques, économiques, les comportements et l’état de santé notamment) permettant de mieux caractériser les populations les plus à risques et d’identifier les facteurs associés aux conduites suicidaires 6,7,8.
L’enquête du Baromètre de Santé publique France mesure depuis 2000 et avec la même méthodologie la prévalence des tentatives de suicide (au cours de la vie et des 12 derniers mois) et des pensées suicidaires (au cours des 12 derniers mois) en population générale adulte. L’édition 2020, en comparaison des données 2017, avait montré une augmentation des pensées suicidaires au cours des 12 derniers mois seulement chez les jeunes âgés de 18 à 24 ans 6. En 2021, un échantillon de plus de 24 000 personnes âgées de 18 à 85 ans a été interrogé en France métropolitaine et de 6 500 dans les départements et régions d'outre-mer (DROM) de Guadeloupe, Martinique, Guyane et La Réunion. Cet article vise à en présenter les premiers résultats. Il s’agira principalement d’actualiser les données de prévalence des tentatives de suicide et des pensées suicidaires selon l’âge et le sexe, d’observer les évolutions et de confirmer les facteurs associés. Des données relatives au recours aux soins et à l’intentionnalité suicidaire sont également présentées.
Matériel et méthode
Sources de données
La méthode du Baromètre santé repose sur une génération aléatoire de numéros de téléphone fixes et mobiles. Le champ de l’enquête menée en 2021 incluait les personnes âgées de 18 à 85 ans résidant en France métropolitaine et parlant le français. Les participants ont été sélectionnés selon un sondage à deux degrés sur ligne fixe (sélection d’un individu par ménage selon la méthode Kish 9) et à un degré sur ligne mobile (sélection de la personne qui décroche). En France métropolitaine, l’enquête a été menée par l’institut Ipsos du 11 février au 15 décembre 2021 (avec une trêve estivale du 19 juillet au 22 août). Au total, 24 514 personnes ont été interrogées, 17 496 sur téléphone mobile (71%) et 7 018 sur téléphone fixe (29%). Le taux de participation a été de 44,3%, pour un questionnaire d’une durée moyenne de 36 minutes (voir le Baromètre de Santé publique France 2021 pour une description détaillée de la méthode 10).
Dans les DROM, l’enquête s’est déroulée selon la même méthodologie, du 7 avril au 12 octobre 2021, auprès de 1 511 personnes en Guadeloupe, 1 526 en Martinique, 1 478 en Guyane et 2 004 à La Réunion.
Variables
Nos principales variables d’intérêt sont : les pensées suicidaires au cours des 12 derniers mois ; les tentatives de suicide au cours de la vie ; les tentatives de suicide au cours des 12 derniers mois (encadré).
Les variables sociodémographiques utilisées dans la présente étude sont : le genre, la tranche d’âge au moment de l’enquête (18-24 ans, 25-34 ans, 35-44 ans, 45-54 ans, 55-64 ans, 65-74 ans et 75-85 ans), le niveau de diplôme (inférieur au baccalauréat, bac, supérieur au bac), la structure du ménage (seul, famille monoparentale, couple sans enfant, avec enfant(s), autre), la perception de sa situation financière (à l’aise, juste, difficile), la situation professionnelle en trois catégories (travail, chômage, inactivité intégrant les retraités et les étudiants) afin d’éviter la multicolinéarité dans le modèle de régression avec l’âge (les 18-24 ans et les étudiants ; les 65-85 ans et les retraités).
Pour l’analyse des pensées suicidaires, une variable liée à la Covid-19 a également été utilisée : le fait d’avoir eu des symptômes associés à la maladie. Cette variable a été recueillie à partir d’une question formulée de la manière suivante : « Au cours des douze derniers mois, avez-vous eu des symptômes ou des signes de maladie qui vous ont fait penser au Coronavirus (Covid-19) ? » avec trois possibilités de réponse : « Oui, une fois », « Oui, plusieurs fois » ou « Non ». Pour l’analyse, la variable a été recodée en deux modalités (« non » vs « avoir eu au moins une fois des symptômes »).
Principaux indicateurs étudiés concernant les comportements suicidaires dans les baromètres santé (1)
–Pensées suicidaires : « Au cours des 12 derniers mois, avez-vous pensé à vous suicider ? » ; « En avez-vous parlé à quelqu’un » ; si oui, « À qui en avez-vous parlé ? »
–Tentatives de suicide au cours de la vie et au cours des 12 derniers mois : « Au cours de votre vie, avez-vous fait une tentative de suicide ? » ; « Combien de fois cela vous est-il arrivé ? » ; « Cette tentative de suicide a-t-elle eu lieu au cours des 12 derniers mois ? » ; « Quel âge aviez-vous lors de cette tentative ? »
–Recours aux soins et hospitalisation suite à la dernière tentative : « Estimez-vous avoir reçu le soutien nécessaire pour vous en sortir ? » ; « Êtes-vous allé à l’hôpital ; si oui, « Avez-vous été hospitalisé pendant au moins une nuit ? / Après votre sortie, avez-vous bénéficié d’un suivi ? / Par qui avez-vous été suivi ? » ; si non, « Avez-vous été suivi par un médecin ou un “psy” ? »
–Intentionnalité : « Diriez-vous plutôt que… : vous étiez vraiment décidé à mourir et que c’est seulement par chance que vous avez survécu ; vous souhaitiez mourir, mais vous saviez que le moyen n’était pas le plus efficace ; votre tentative de suicide était un appel à l’aide, mais que vous n’aviez pas l’intention de mourir».
Analyses statistiques
Les estimations des prévalences ont été pondérées, afin de tenir compte de la probabilité d’inclusion (au sein du ménage et en fonction de l’équipement téléphonique) et de la structure de la population métropolitaine/de chaque DROM via un calage sur marges utilisant les variables suivantes : le sexe croisé avec l’âge (en tranches décennales) et la région, la taille d’unité urbaine, la taille du foyer et le niveau de diplôme (population de référence : Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), enquête emploi 2020).
Chacune des régions a été comparée au reste de la France métropolitaine. Une variable de pondération spécifique a été calculée, afin de standardiser sur la structure croisée par âge et sexe de la France métropolitaine. Un poids standardisé a également été calculé, afin de comparer les régions à structure égale.
Pour les données de France métropolitaine, des évolutions de la prévalence des pensées suicidaires et des tentatives de suicide ont été réalisées sur la tranche d’âge 18-75 ans, tranche commune aux baromètres santé 2000 (n=12 588), 2005 (n=24 602), 2010 (n=25 034), 2014 (n=15 186), 2017 (n=25 319), 2020 (n=13 725), 2021 (n=22 625), dont la méthodologie était comparable. Les effectifs observés dans chacune des régions sont trop faibles pour mesurer avec précision les tentatives de suicide survenues au cours des 12 derniers mois.
Les proportions ont été comparées par un test d’indépendance (Chi2 de Pearson avec correction de second ordre de Rao-Scott pour tenir compte du plan de sondage), avec un seuil maximal de significativité fixé à 5%. Des régressions logistiques ont été utilisées afin de contrôler l’existence d’éventuels effets de structure liés aux caractéristiques de la population de France métropolitaine, et pour quantifier la force du lien entre les variables d’intérêt principales (pensées suicidaires au cours de l’année et tentatives de suicide au cours de la vie) et les variables sociodémographiques citées précédemment, ainsi que le fait d’avoir eu des symptômes associés à la Covid-19 dans l’année. L’existence de ce lien a été évaluée à l’aide de l’odds ratio ajusté (ORa) et mesurée par le test de Wald avec un seuil maximal de significativité fixé à 5%. Toutes les variables introduites dans les modèles de régression logistique étaient significativement associées aux variables dépendantes (pensées suicidaires dans l’année et tentatives de suicide au cours la vie) en analyse univariée. L’absence de multicolinéarité entre les variables a été vérifiée (variance inflation factor), ainsi que l’adéquation de chacun des modèles présentés (test de Hosmer-Lemeshow). Les analyses ont été réalisées avec le logiciel Stata® (version 15.0 SE).
Résultats
Les pensées suicidaires
Prévalences des pensées suicidaires au cours des 12 derniers mois en 2021
En 2021, parmi les personnes de 18-85 ans, la prévalence des pensées suicidaires dans l’année était estimée à 4,2% (intervalle de confiance à 95%, IC95%: [3,9-4,5]). Elle apparaissait plus élevée chez les femmes (4,8%) que chez les hommes (3,5%, p<0,001), cette différence étant principalement portée par les jeunes adultes (7,2% chez les 18-24 ans) qui étaient les plus concernés avec une différence significative entre les hommes et les femmes (5,0% vs 9,4%, p<0,01) (figure 1).
Les analyses régionales ne montraient pas de différences significatives de prévalences entre les régions métropolitaines (tableau 1). Les habitants de Guadeloupe et de La Réunion déclaraient quant à eux moins souvent avoir eu des pensées suicidaires au cours de l’année que les habitants de France métropolitaine avec respectivement 2,4% ([1,5-3,6], p<0,01) et 2,9% ([2,1-4,0], p<0,01). En Guyane et en Martinique, le taux observé était comparable à celui de la France métropolitaine (tableau 1).
Évolutions de la prévalence des pensées suicidaires au cours des 12 derniers mois entre 2010 et 2021 chez les 18-75 ans
Sur l’ensemble de personnes interrogées, la prévalence des pensées suicidaires dans l’année avait augmenté entre 2010 (1) et 2014 (de 4,0% à 5,0%, p<0,001) puis diminué entre 2014 et 2020 (de 5,0% à 4,2%, p<0,05) et est resté stable en 2021 (4,2%). Le même constat était fait chez les hommes et les femmes : chez les hommes, la prévalence avait connu une augmentation sur la période 2010-2014, passant de 3,5% à 4,3% (p<0,05), puis une baisse continue jusqu’en 2021 pour atteindre un niveau comparable à celui observé en 2010 (3,5%) ; chez les femmes, les pensées suicidaires avaient augmenté entre 2010 et 2014 (de 4,5% à 5,6%, p<0,01), puis diminué entre 2014 et 2020 (de 5,6% à 4,6%, p<0,05), et sont restées stables en 2021 (4,9%).
Des évolutions différentes du reste de la population ont cependant été observées chez les jeunes adultes âgés de 18 à 24 ans. Chez ces derniers, la prévalence des pensées suicidaires dans l’année était apparue stable entre 2010 et 2014 puis avait connu une augmentation de près de 4 points entre 2014 et 2021 (passant de 3,3% à 7,2%, p<0,001), avec une accélération entre 2017 et 2020 (passant de 4,6% à 7,4%, p<0,01). La prévalence des pensées suicidaires survenues dans l’année a ainsi été multipliée par 3 chez les jeunes femmes de 18-24 ans entre 2014 et 2021 (passant de 3,3% à 9,4%, p<0,001) (figure 2). Chez les jeunes hommes, elle a significativement augmenté entre 2017 et 2020 (passant de 3,6% à 7,1%, p<0,01) (figure 3). L’évolution à la baisse observée entre 2020 et 2021 (5,0%) n’est pas statistiquement significative (p=0,1638).
Avoir parlé de ses pensées suicidaires
Au total, 64% des personnes ayant déclaré des pensées suicidaires dans l’année avaient déclaré en avoir parlé à quelqu’un (55% pour les hommes vs 71% pour les femmes, p<0,001), avec un pourcentage plus élevé chez les 35-44 ans (74%, p<0,05 par rapport à la moyenne observée dans les autres tranches d’âge) et moins élevé chez les 75-85 ans (49%, p<0,05). Dans la majorité des cas, il s’agissait d’un professionnel de santé (69%) ou d’un membre de sa famille (52%). Viennent ensuite un ami (45%), puis dans une proportion nettement moindre un collègue (9%). Les femmes étaient en proportion plus nombreuses à déclarer avoir parlé à un professionnel de santé que les hommes (72% vs 63%, p<0,05), tandis que les hommes avaient déclaré plus souvent un collègue (13% vs 7% des femmes, p<0,05). Les 18-24 ans avaient davantage eu recours à un ami (70%, p<0,001) tandis que les 55-64 ans étaient proportionnellement plus nombreux à en avoir parlé à un professionnel de santé (84%, p<0,01) et les 25-34 ans à un membre de leur famille (64%, p<0,05).
Le pourcentage de personnes déclarant avoir parlé de leurs pensées suicidaires a nettement augmenté entre 2017 et 2021 chez les 18-75 ans, passant de 47% à 65%, alors qu’il était resté stable sur la période 2010-2017 (environ 50%). Cette augmentation avait déjà été constatée en 2020 (66%) et était observée aussi bien chez les hommes que chez les femmes ; elle concernait principalement le fait d’en avoir parlé à un professionnel de santé (54% en 2017 vs 70% en 2021, p<0,001) (2).
Selon l’âge, le fait de parler de ses pensées suicidaires était en augmentation par rapport à 2017 parmi les 25-64 ans (47% en 2017 vs 67% en 2021, p<0,001). Chez les jeunes adultes (18-24 ans), il avait augmenté entre 2010 et 2014, passant de 53% à 76% puis se maintenait à un niveau élevé en 2017 et en 2021 (respectivement 66% et 67%). Chez les 65-75 ans, il était comparable au niveau observé en 2017 (50%).
Facteurs associés aux pensées suicidaires dans l’année
Indépendamment de l’âge, du niveau de diplôme, de la situation matrimoniale, financière et professionnelle, les femmes étaient significativement plus à risque d’avoir eu des pensées suicidaires au cours des 12 derniers mois que les hommes (ORa=1,3, IC95%: [1,1-1,6]) (données non présentées).
Après ajustement, le fait de vivre seul (ménage d’une seule personne) était fortement associé, chez les hommes (2,5 [1,8-3,6]) comme chez les femmes (3,1 [2,2-4,4]), au risque de pensées suicidaires dans l’année si l’on se réfère au fait de vivre en couple avec enfant(s). C’était également le cas des personnes au chômage (2,1 [1,4-3,1] pour les hommes et 1,7 [1,2-2,5] pour les femmes), ainsi que de celles appartenant à la catégorie « inactivité professionnelle » (1,5 [1,0-2,2] pour les hommes et 1,9 [1,4-2,6] pour les femmes), par rapport aux actifs occupés. Un gradient était observé selon la perception de sa situation financière : plus elle était détériorée et plus le risque de pensées suicidaires augmentait (p<0,001) (tableau 2).
Chez les femmes, indépendamment des autres facteurs, le fait d’être âgé de moins de 55 ans était davantage associé aux pensées suicidaires dans l’année, tout comme le fait de déclarer avoir eu des symptômes de la Covid-19 (1,4 [1,1-1,8]) (tableau 2).
Chez les hommes uniquement, le fait d’être famille monoparentale était davantage associé aux pensées suicidaires dans l’année (1,8 [1,1-2,9], p<0,05), si l’on se réfère aux hommes en couple avec enfant(s) (tableau 2).
Les tentatives de suicide
Prévalences des tentatives de suicide en 2021
En 2021, 6,8% (IC95%: [6,4-7,2]) des 18-85 ans déclaraient avoir tenté de se suicider au cours de leur vie (8,9% des femmes vs 4,5% des hommes, p<0,001). Quelle que soit la tranche d’âge, les femmes étaient davantage concernées par les tentatives de suicide au cours de la vie que les hommes (figure 4). Concernant les tentatives au cours de l’année, la prévalence était de 0,5% [0,4-0,6] (0,4% chez les hommes et de 0,6% chez les femmes, différence statistiquement non significative). C’est parmi les 18-24 ans que les prévalences étaient les plus importantes : 9,2% déclaraient des tentatives au cours de la vie et 1,1% au cours de l’année (p<0,001 par rapport à la moyenne observée dans les autres tranches d’âge), avec une proportion plus élevée chez les jeunes femmes (respectivement 12,8% vs 5,8% chez les hommes de 18-24 ans et 2,0% vs 0,3% chez les hommes de 18-24 ans, p<0,001) (figures 4 et 5).
Parmi les personnes ayant fait une tentative de suicide au cours de leur vie, plus d’un tiers (39% [36-42]) avaient déclaré en avoir fait au moins deux (33% des hommes vs 41% des femmes, p<0,05). L’âge médian de la dernière tentative de suicide était de 24 ans pour les hommes comme pour les femmes.
Concernant les analyses régionales, aucune région métropolitaine ne présentait de différence significative avec la prévalence moyenne des autres régions de l’Hexagone (tableau 1). Cependant, les habitants de la région Île-de-France, qui présentent le taux de tentative de suicide au cours de la vie le plus faible, avaient une prévalence significativement inférieure à celle observée dans les régions Normandie et Nouvelle-Aquitaine (tableau 1). Dans les DROM, les habitants de Guadeloupe et de Martinique déclaraient moins souvent des tentatives de suicide au cours de la vie que les habitants de France métropolitaine avec respectivement 4,0% ([3,0-5,3], p<0,001) et 4,9% ([3,8-6,2], p<0,05]). En Guyane et à La Réunion, le taux observé était comparable à celui de la France métropolitaine (tableau 1).
et la classe d’âge, en 2021, France métropolitaine
et la classe d’âge, en 2021, France métropolitaine
Évolutions de la prévalence des tentatives de suicide entre 2000 et 2021 chez les 18-75 ans
Le pourcentage de personnes âgées de 18-75 ans ayant déclaré avoir déjà fait une tentative de suicide au cours de leur vie avait augmenté sur la période 2000-2014, passant de 5,9% à 7,3% (p<0,001), puis s’est stabilisé aux alentours de 7,0% entre 2017 et 2021. Le niveau des tentatives de suicide survenues au cours de l’année restait quant à lui stable en 2021 (0,5%) par rapport à celui observé en 2017 (0,4%), après avoir connu un pic en 2014 (0,8%).
Chez les hommes, la prévalence des tentatives survenues au cours de la vie avait augmenté de près de 2 points entre 2005 et 2014, passant de 3,2% à 5,1% (p<0,001), elle s’est stabilisée ensuite (4,7% en 2021). Les tentatives de suicide au cours de l’année étaient relativement stables, malgré un pic observé en 2014 (0,7%). Chez les femmes, le pourcentage des tentatives de suicide survenues au cours de la vie restait à un niveau élevé : après avoir connu une augmentation continue depuis 2005 (7,6%, p<0,001) et atteint son maximum en 2017 (9,9%), il avait significativement diminué en 2020 (8,2%, p<0,01) et présentait un niveau comparable en 2021 (9,3%, p=0,0550). Concernant les tentatives de suicide dans l’année, une tendance à la hausse avait été observée entre 2005 et 2014, passant de 0,3% à 0,8% (p<0,001), avant de retrouver, à partir de 2017, un niveau semblable à celui observé en 2000.
Selon l’âge, la prévalence des tentatives de suicide au cours de la vie chez les 18-24 ans était stable entre 2000 (6,2%) et 2017 (6,1%). Elle a connu une augmentation de plus de 3 points entre 2017 et 2021 (passant de 6,1% à 9,2% ; p<0,01). La prévalence des tentatives de suicide au cours de la vie chez les femmes de 18-24 ans a augmenté de près de 6 points entre 2010 et 2021, passant de 7,1% à 12,8% (p<0,001) (figure 6), tandis que celle des jeunes hommes a été multipliée par 2 entre 2017 (2,8%) et 2021 (5,8%, p<0,001) (figure 7). Par ailleurs, chez les hommes de 65-75 ans, la prévalence a été multipliée par 4 entre 2010 et 2021, passant de 1,1% à 3,8% (p<0,001) (figure 7).
Intentions
Parmi les personnes ayant tenté de se suicider, 32% ont déclaré qu’elles étaient décidées à mourir mais ont survécu par chance et 15% qu’elles souhaitaient vraiment mourir mais savaient que le moyen utilisé n’était pas le plus efficace. Ainsi, un peu plus de la moitié (53%) des tentatives de suicide ont donc été désignées comme étant un appel à l’aide, sans véritable intention de mourir. Aucune différence significative selon le genre n’était observée, même si les femmes déclaraient plus souvent que les hommes qu’il s’agissait d’un appel à l’aide mais sans intention de mourir (55% vs 48%, p=0,054). En revanche, selon l’âge, l’intentionnalité de vraiment mourir était plus élevée chez les 75-85 ans (50% ont déclaré avoir survécu par chance). Les moins de 45 ans étaient en proportion plus nombreux à avoir fait une tentative de suicide indiquant un appel à l’aide sans avoir vraiment l’intention de mourir (de 54% chez les 18-24 ans à 58% chez les 35-44 ans) ; moins d’un individu de 18-44 ans sur quatre était décidé à mourir mais a survécu par chance. L’intention de mourir sans avoir recours au moyen le plus efficace était plus souvent retrouvé chez les 18-24 ans (26%) (figure 8).
L’intentionnalité dans les tentatives de suicide a été mesurée en 2010, 2014 et 2021. Seul le pourcentage de femmes souhaitant vraiment mourir mais qui savaient que le moyen utilisé n’était pas le plus efficace a augmenté entre 2010 et 2021, passant de 11% à 14% (p<0,05). Les différences observées selon l’âge n’étaient pas significatives.
Prise en charge
Un peu moins de six personnes ayant tenté de se suicider sur dix (57%) estimaient avoir reçu le soutien nécessaire pour s’en sortir lors de leur dernière tentative de suicide (63% des hommes vs 55% des femmes, p<0,05). Ce chiffre apparait comparable à celui observé en 2017 chez les 18-75 ans.
Plus de la moitié des individus déclarant avoir fait une tentative de suicide (58%) ont affirmé s’être rendus à l’hôpital. Parmi ces derniers, 89% ont été hospitalisés au moins une nuit et 57% ont déclaré avoir bénéficié d’un suivi après leur sortie de l’hôpital. La majorité d’entre eux l’ont été par un psychiatre (70%), puis par un psychologue (41%), un médecin traitant (32%) et enfin par un infirmier (14%). Les femmes étaient en proportion plus nombreuses que les hommes à s’être rendues à l’hôpital à la suite de leur dernière tentative de suicide (60% vs 53% des hommes, p<0,05), tout comme les 45-54 ans (67%, p<0,01 par rapport à la moyenne observée dans les autres tranches d’âge). En revanche, les 18-24 ans s’y étaient rendus moins souvent (33%, p<0,001). Les 18-24 ans et les 25-34 ans étaient en proportion plus nombreux à avoir été suivis par un psychologue (respectivement 69% et 60%), mais seule une faible proportion des 18-24 ans ont déclaré avoir été suivis par un médecin traitant (8%, p<0,01) contrairement aux 75-85 ans (61%, p<0,05). Parmi les personnes qui ne s’étaient pas rendues à l’hôpital, 45% ont déclaré avoir été suivies par un médecin ou un « psy », sans différence selon le genre et l’âge.
Facteurs associés aux tentatives de suicide au cours de la vie
Indépendamment de l’âge, du niveau de diplôme, de la situation matrimoniale, financière et professionnelle, les femmes étaient significativement plus à risque d’avoir fait une tentative de suicide au cours de leur vie que les hommes (ORa=2,1, IC95%: [1,8-2,4]) (données non présentées).
Après ajustement, le fait de déclarer vivre seul était fortement associé au risque de tentatives de suicide au cours de la vie chez les hommes (2,4 [1,8-3,3]) et chez les femmes (2,1 [1,6-2,7]), si l’on se réfère au fait de vivre en couple avec enfant(s). C’était également le cas chez les personnes ayant déclaré un diplôme inférieur au baccalauréat (1,5 [1,1-2,0] chez les hommes et 1,8 [1,4-2,2] chez les femmes), en référence aux personnes ayant un diplôme supérieur au baccalauréat. Comme pour les pensées suicidaires, un gradient était observé selon la perception de sa situation financière : plus elle était détériorée et plus le risque d’avoir fait une tentative de suicide au cours de sa vie augmentait (tableau 3).
Parmi les femmes, indépendamment des autres facteurs, celles de 75-85 ans apparaissaient moins concernées que les plus jeunes. Les femmes ayant un diplôme équivalent au baccalauréat étaient plus concernées que celles ayant un diplôme supérieur (1,5 [1,2-1,9]), tout comme les femmes en inactivité professionnelle (1,5 [1,1-1,8]), si l’on se rapporte à celles qui travaillent (tableau 3).
Parmi les hommes, les 18-24 ans (2,8 [1,3-6,5]), les 35-44 ans (2,6 [1,1-6,1]) et les 45-54 ans (3,2 [1,4-7,2]) apparaissaient davantage concernés par une tentative de suicide au cours de la vie que les 75-85 ans. Les hommes au chômage, plutôt qu’en activité, étaient également plus à risque (1,7 [1,1-2,4]) tout comme les hommes vivant au sein d’une famille monoparentale (1,7 [1,1-2,7]) par rapport aux hommes en couple avec enfant(s) (tableau 3).
Discussion
L’enquête Baromètre de Santé publique France 2021 indique que 4,2% des 18-85 ans déclaraient avoir eu des pensées suicidaires au cours des 12 derniers mois, que 6,8% déclaraient avoir fait une tentative de suicide au cours de la vie et 0,5% au cours de l’année précédant l’enquête. Les 18-24 ans présentaient les prévalences les plus élevées de pensées suicidaires et de tentatives de suicide dans l’année, ainsi que de tentatives de suicide au cours de la vie. Les prévalences de tentatives de suicide et de pensées suicidaires étaient plus élevées chez les femmes que chez les hommes, avec des différences particulièrement marquées chez les moins de 25 ans. D’autres segments de population étaient davantage exposés : les personnes inactives ou au chômage, celles vivant seules ou en familles monoparentales et celles se déclarant en difficulté financière. Le principal résultat de ces analyses reste la forte progression des tentatives de suicide et des pensées suicidaires observées chez les 18-24 ans ces dix dernières années, aussi bien chez les femmes que chez les hommes.
Les pensées suicidaires ont ainsi été multipliées par plus de deux depuis 2014 chez les 18-24 ans (passant de 3,3% à 7,2% en 2021), les tentatives de suicide déclarées au cours de la vie ont augmenté de 50% par rapport à 2017 (passant de 6,1% à 9,2% en 2021) et celles déclarées au cours des 12 derniers mois, de plus de 60% (passant de 0,7% en 2017 à 1,1% en 2021). Les prévalences élevées de tentatives de suicide et d’idées suicidaires observées chez les jeunes adultes constituent un changement important puisqu’elles étaient inférieures ou comparables aux autres tranches d’âge de la population dans les baromètres santé qui ont précédé la pandémie de Covid-19 6,8. Cette inversion de tendances vient confirmer la progression importante du mal-être chez les plus jeunes, déjà observée pour les épisodes dépressifs dans cette même enquête 11. Le constat d’une détérioration plus importante de la santé mentale des plus jeunes à la suite de la pandémie de Covid-19 a également été largement retrouvé à l’échelle internationale, et l’ensemble des données disponibles témoignent ainsi d’une vulnérabilité psychologique accrue des jeunes adultes depuis la crise sanitaire 12,13,14,15,16. Les résultats de l’enquête Epicov montraient également en novembre 2020 une hausse des pensées suicidaires chez les 15-24 ans 17. Enfin, les données de recours aux urgences du réseau Oscour® ont également enregistré, chez les jeunes seulement (11-24 ans), une augmentation des passages aux urgences pour troubles de l’humeur et gestes suicidaires 4.
Dans la tranche d’âge des 18-24 ans, les femmes présentaient un sur-risque significatif de pensées suicidaires et de tentatives de suicide. Ainsi la prévalence des pensées suicidaires atteint 9,4% chez les femmes de 18-24 ans, celle des tentatives de suicide au cours de la vie s’élève à 12,8%, et celle au cours de l’année à 2%. Ces données font également écho à la hausse des hospitalisations pour geste suicidaire observée en 2020 après le deuxième confinement 3, ainsi qu’avec l’augmentation des appels aux centres antipoison pour tentative de suicide en 2021 chez les femmes âgées de 12 à 24 ans 18.
Concernant le reste de la population adulte, la prévalence des tentatives de suicide au cours de la vie, suit également une tendance à la hausse depuis 2005, notamment chez les hommes âgés de plus de 65 ans. Les pensées suicidaires suivent, quant à elles, une tendance à la baisse. Cette tendance globalement observée chez les plus de 25 ans depuis 2014 et surtout depuis 2017 diffère des données enregistrées dans les services d’urgences. En effet, si aucune évolution n’a été observée sur le nombre de passages aux urgences pour gestes suicidaires ou troubles de l’humeur, une augmentation des passages aux urgences pour idées suicidaires a bien été enregistrée en 2021 et 2022 (en comparaison des données 2018-2019) chez les adultes âgés de 25 ans et plus 19.
Au-delà des effets d’âge ou de sexe, nos travaux montrent que d’autres segments de la population française sont davantage touchés par les gestes et idées suicidaires telles les personnes ayant un diplôme inférieur au baccalauréat, sans emploi et, plus globalement, celles vulnérables sur le plan socio-économique. C’est également le cas des personnes vivant seules ou dans le cadre monoparental. Ces associations sont fréquemment retrouvées dans les enquêtes françaises 6,8, ainsi que dans la littérature internationale 20,21,22.
Parmi les personnes ayant fait une tentative de suicide, un peu plus de la moitié seulement déclaraient avoir bénéficié d’un suivi après leur sortie de l’hôpital. Comme l’a montré le dispositif VigilanS, déployé en France depuis quelques années, certaines modalités de veille et de maintien du contact post-hospitalier avec les patients ayant fait une tentative de suicide permettent de réduire le risque de récidive, tout en étant « coût-efficace » 23.
Limites
Le Baromètre santé n’interroge pas la population des adolescents (moins de 18 ans) très concernée par les conduites suicidaires, notamment les jeunes filles de 15-19 ans pour lesquelles les taux d’hospitalisation et de recours aux urgences pour tentative de suicide sont les plus élevés 24. L’Enquête sur la santé et les consommations lors de l’appel de préparation à la défense (Escapad) menée auprès de l’ensemble des jeunes de 17 ans (y compris ceux ayant quitté le système scolaire) a montré une forte hausse des pensées suicidaires au cours des 12 derniers mois (18,0% des jeunes en 2022 contre 11,4% en 2017, p<0,05), ainsi qu’une légère hausse des tentatives de suicide ayant amené à une hospitalisation (3,3% des jeunes en 2022 contre 2,9% en 2017, p<0,05) 25. Les données à paraître de l’Enquête nationale en collège et en lycée chez les adolescents sur la santé et les substances (Enclass) 2022, permettra ou non de confirmer la hausse des conduites suicidaires chez les 11-18 ans observée dans les données de recours aux urgences depuis 2021.
Une autre limite concerne l’estimation de la prévalence des conduites suicidaires par le biais d’enquêtes déclaratives. Il est ainsi difficile de déterminer, dans les évolutions observées, quelle est la part qui relève d’une augmentation objective du phénomène et celle qui pourrait être attribuée à une éventuelle ouverture de la parole sur les questions de santé mentale. Nous pouvons ainsi relever, ce qui est un résultat très positif du point de vue des comportements de prévention, que le pourcentage de personnes déclarant avoir parlé de leurs pensées suicidaires entre 2017 et 2021 a significativement augmenté, passant de moins de la moitié des personnes concernées à plus de 65% d’entre elles, y compris les jeunes adultes (18-24 ans).
L’interrogation directe d’échantillons de la population reste cependant le meilleur moyen de produire une estimation de la prévalence globale des conduites suicidaires. En effet, une part importante de ces conduites ne donne pas lieu à un contact avec le système de soin et ne remonte pas dans les autres systèmes d’information.
Conclusion
Les données de prévalence des conduites suicidaires observées en 2021 dans le Baromètre santé suggèrent une détérioration de la santé mentale, en particulier chez les plus jeunes. Les données issues des services d’urgences témoignent du fait que cette détérioration s’inscrit dans la durée, avec un nombre de passages aux urgences pour idées et gestes suicidaires encore plus élevé en 2022 et 2023 qu’en 2021 19. En complément de la mise en œuvre de la stratégie nationale de prévention du suicide et du renforcement des dispositifs de prise en charge de la souffrance psychique, il semble nécessaire de mieux comprendre les causes d’une telle évolution, afin de mieux cibler les facteurs de risque et de protection sur lesquels intervenir.
Rappelons qu’en présence d’idées suicidaires, pour un proche ou pour vous-même, vous pouvez appeler le 31 14. Les professionnels du numéro national de prévention du suicide vous répondent 24h/24 et 7J/7. L’appel est gratuit et confidentiel.
Liens d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.