Prévalence des épisodes dépressifs en France
chez les 18-85 ans : résultats du Baromètre santé 2021

// Prevalence of depressive episodes in France among 18-85 year-olds: Results from the 2021 Health Barometer survey

Christophe Léon (christophe.leon@santepubliquefrance.fr), Enguerrand du Roscoät, François Beck
Santé publique France, Saint-Maurice
Soumis le 10.11.2022 // Date of submission: 11.10.2022
Mots-clés : Santé mentale | Épisode dépressif caractérisé (EDC) | Enquête | Population générale | Covid-19
Keywords: Mental health | Major depressive episode (MDE) | Survey | General population | COVID-19

Résumé

Introduction –

 Le fardeau sanitaire, économique et social induit par les troubles mentaux a contribué à inscrire la santé mentale au premier rang des priorités de santé publique. En France comme à l’étranger, la crise sanitaire provoquée par l’épidémie de Covid-19 a eu un impact important sur la santé mentale des populations. L’objectif de ce travail est de présenter les résultats concernant la prévalence des épisodes dépressifs en France métropolitaine en 2021 et d’observer les évolutions récentes, notamment depuis la crise sanitaire.

Méthode –

 En 2021, le Baromètre de Santé publique France a interrogé 24 514 personnes âgées de 18 à 85 ans par collecte assistée par téléphone et informatique (Cati) selon un sondage aléatoire. La version courte du questionnaire Composite International Diagnostic Interview (CIDI‑SF), développée par l’Organisation mondiale de la santé, a été utilisée pour mesurer l’épisode dépressif caractérisé (EDC) des personnes interrogées. Les évolutions de la prévalence de l’EDC ont été réalisées par rapport aux Baromètres santé 2005, 2010 et 2017 dont la méthodologie était comparable.

Résultats –

 En 2021, 12,5% des personnes âgées de 18-85 ans auraient vécu un EDC au cours des 12 derniers mois. Chez les 18-75 ans, la prévalence a augmenté de 3,5 points, passant de 9,8% à 13,3%, sur la période 2017-2021. Cette augmentation concerne tous les segments de population analysés. La progression la plus importante a été observée chez les jeunes adultes (18-24 ans), avec une hausse de 9 points entre 2017 (11,7%) et 2021 (20,8%). En 2021, les 18-24 ans, les femmes, les personnes vivant seules et les familles monoparentales, tout comme celles qui ne se déclaraient pas à l’aise financièrement, au chômage et celles indiquant que la Covid-19 avait eu un impact négatif sur leur moral, avaient un risque d’EDC plus élevé.

Conclusion –

 La prévalence des épisodes dépressifs a augmenté en France. La tendance, déjà amorcée depuis 2010, a connu une accélération sans précédent entre 2017 et 2021, en particulier chez les jeunes adultes. Le stress causé par la maladie de la Covid-19 et les restrictions imposées pour la contrôler apparaît comme l’une des principales hypothèses explicatives de cette hausse.

Abstract

Introduction –

 The health, economic and social burden caused by mental disorders has contributed to putting mental health among the highest public health priorities. In France and abroad, the health crisis caused by the COVID-19 pandemic had a significant impact on the mental health of populations. This study presents results concerning prevalence of depressive episodes in metropolitan France in 2021 and identifies recent evolutions, in particular since the health crisis.

Method –

 In 2021, the Health Barometer surveyed 24,514 people aged 18-85 using Computer Assisted Telephone Interviews (CATI) based on a random selection. The short version of the Composite International Diagnostic Interview (CIDI‑SF), developed by the World Health Organization, was used to measure major depressive episodes (MDE) among respondents. Changes in the prevalence of MDE were measured through comparison to the 2005, 2010 and 2017 Health Barometers, using the same methodology.

Results –

 In 2021, according to the Health Barometer, 12.5% of people aged 18-85 had reported MDE in the last 12 months. Among 18-75 year-olds, the prevalence increased by 3.5 points, from 9.8% to 13.3%, over the period 2017-2021. This increase concerned all segments of the population analyzed. The largest increase was observed among young adults (18-24 years old), with an increase of 9 points between 2017 (11.7%) and 2021 (20.8%). In 2021, 18-24 year-olds, women, singles and lone-parent families, as well as those who experienced financial difficulties, the unemployed and those who reported that COVID-19 had a negative impact on their morale had a higher risk of MDE.

Discussion –

 The prevalence of MDE has increased in France. The upward trend observed since 2010 accelerated between 2017 and 2021, especially among young adults. The stress caused by COVID-19 disease and the restrictions imposed to control it appears to be one of the main hypotheses to explain this increase.

Introduction

Le fardeau sanitaire, économique et social induit par les troubles psychiques a contribué à inscrire la santé mentale au premier rang des priorités de santé publique 1. Selon l’Assurance maladie, les dépenses liées aux maladies psychiatriques et à la consommation de psychotropes représentent près de 14% des dépenses totales et se placent comme le premier poste de dépenses par pathologie, devant les maladies cardiovasculaires et les cancers 2. De surcroît, le poids des troubles psychiques serait aggravé par les nombreuses comorbidités somatiques associées, notamment du fait de leurs impacts négatifs sur les habitudes de vie (tabagisme, alcoolisme, diminution de l’activité physique, pratiques sexuelles à risque) 3,4. La dépression représenterait à elle seule la troisième cause d’années de vie vécues avec une incapacité dans le monde et la principale parmi l’ensemble des troubles de santé mentale 5.

L’émergence de la pandémie de Covid-19 a accentué le fardeau lié aux troubles psychiques et notamment aux troubles dépressifs. Dans un communiqué, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) fait état d’une augmentation de plus de 25% des cas de trouble dépressif dans le monde pendant la première année de la pandémie. Les plus fortes augmentations ont été observées dans les lieux fortement touchés par la Covid-19, soumis au confinement et à la diminution de la mobilité humaine, et ayant des taux quotidiens d’infection importants. Les femmes auraient été plus touchées que les hommes, et les jeunes adultes plus que les adultes plus âgés 6.

En France, les enquêtes mises en œuvre pendant la pandémie de Covid-19 ont également observé des prévalences importantes d’états dépressifs au sein de la population. Selon les résultats de l’enquête Coconel (1), 22,9% de la population adulte souffrait d’une dépression modérée ou sévère (8,8% de dépressions sévères) au début du mois de mai 2020 7. L’enquête EpiCov (2) indiquait qu’en mai 2020, à l’issue du premier confinement national, 13,5% des personnes âgées de 15 ans ou plus présentaient un syndrome dépressif, avec une prévalence particulièrement élevée chez les 15-24 ans (22,0%) 8. Suivant le même échantillon de personnes (cohorte), l’enquête observait une stabilité de la prévalence des états dépressifs entre mai et novembre 2020 et une diminution des états dépressifs, chez les jeunes seulement, entre novembre et juillet 2021 9. L’enquête Coviprev (3) estimait, mi-mai 2020 (vague 7 de l’enquête) une prévalence de 14% d’états dépressifs en population adulte, avec un taux également plus élevé chez les 18-24 ans (environ 20%). Une augmentation importante des états dépressifs avait été observée entre mai (en moyenne 13%, vagues 7 et 8 de l’enquête) et novembre 2020 (en moyenne 22% sur les vagues 17 et 18 de l’enquête), correspondant à la reprise de l’épidémie et à la mise en place du deuxième confinement. Selon cette même enquête, la prévalence des états dépressifs s’était ensuite maintenue à un niveau très élevé (autour de 20%) entre novembre et avril 2020, avant de redescendre progressivement à 13% au mois de juillet 2021 10. La forte prévalence des troubles dépressifs observés dans les enquêtes, en particulier sur les segments les plus jeunes de la population, s’est également traduite par une augmentation des délivrances de médicaments antidépresseurs en 2020 et au début 2021 11, ainsi que par une augmentation des passages aux urgences pour troubles de l’humeur dès fin 2020 et sur toute l’année 2021 chez les moins de 25 ans 12.

La grande majorité des données disponibles convergent et témoignent d’une augmentation des troubles dépressifs en France à la suite de la pandémie de Covid-19. Cependant, elles ne permettent pas d’estimer avec précision l’ampleur de cette augmentation à l’échelle de la population. Une grande partie des épisodes dépressifs ne donne pas lieu à un contact avec le système de soins, et la seule façon d’en estimer la prévalence est d’interroger des échantillons représentatifs de la population générale par le biais d’enquêtes. Or, les méthodologies mises en œuvre pendant la crise sanitaire (telles que les enquêtes Epicov ou Coviprev) diffèrent de celles ayant produit les données de référence avant la pandémie de Covid-19 (tels que le Baromètre de Santé publique France ou l’enquête EHIS (4)) sur trop d’aspects pour être réellement comparables (échantillonnage, mode de collecte, durée et période de terrain, outil de mesure du syndrome dépressif, etc.).

L’enquête du Baromètre de Santé publique France est la seule enquête nationale représentative à fournir depuis 2005, avec la même méthodologie, la prévalence annuelle des épisodes dépressifs en population générale adulte. Avant l’épidémie de Covid-19, les résultats du Baromètre santé 2017 estimaient que près d’une personne sur dix avait vécu un épisode dépressif au cours des 12 derniers mois. Après une stabilité observée entre 2005 et 2010, la prévalence des épisodes dépressifs avait augmenté de 1,8 point sur la période 2010-2017 13.

L’édition 2021 du Baromètre de Santé publique France a permis d’interroger plus de 24 000 personnes âgées de 18-85 ans. Cet article vise à présenter les premiers résultats sur la prévalence des épisodes dépressifs en France en 2021. Il s’agira principalement d’actualiser les données de prévalence selon l’âge et le sexe, d’observer les évolutions récentes (2017-2021), en lien avec la crise sanitaire, et d’identifier les populations les plus touchées, ainsi que les facteurs associés.

Matériels et méthode

Sources de données

Cette étude a été réalisée à partir des données du Baromètre de Santé publique France. La méthode d’enquête repose sur une génération aléatoire de numéros de téléphone fixe et mobile. Le champ de l’enquête incluait les personnes âgées de 18 à 85 ans résidant en France métropolitaine et parlant le français. Les participants ont été sélectionnés selon un sondage à deux degrés sur ligne fixe (sélection d’un individu par ménage selon la méthode Kish 14) et à un degré sur ligne mobile (sélection de la personne qui décroche). L’enquête a été menée par téléphone par l’institut Ipsos, du 11 février au 15 décembre 2021 (avec une trêve estivale du 19 juillet au 22 août). Au total, 24 514 personnes ont été interrogées, 17 496 sur téléphone mobile (71%) et 7 018 sur téléphone fixe (29%). Le taux de participation a été de 44,3%, pour un questionnaire d’une durée moyenne de 36 minutes 15.

Dans les départements et régions d’outre-mer (DROM), l’enquête s’est déroulée selon la même méthodologie, du 7 avril au 12 octobre 2021, auprès de 1 511 personnes en Guadeloupe, 1 526 en Martinique, 1 478 en Guyane et 2 004 à La Réunion.

Variables

Épisode dépressif caractérisé (EDC)

La variable d’intérêt de notre étude s’appuie depuis 2005 sur la version courte du questionnaire Composite International Diagnostic Interview (CIDI‑SF) 16 mesurant l’épisode dépressif caractérisé (EDC) (5). Le CIDI-SF, développé par l’OMS sur la base des critères de la Classification internationale des maladies (CIM-10) et du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV, version révisée), a été conçu pour être administré par des non-spécialistes avec un nombre réduit de questions, permettant son utilisation dans des enquêtes portant sur de larges échantillons 17,18. L’EDC est défini par l’existence d’une période de 15 jours de tristesse ou de perte d’intérêt presque tous les jours et pratiquement toute la journée, ainsi que par la présence, sur la même période, d’au moins trois symptômes secondaires et une perturbation des activités. Les épisodes dépressifs sont caractérisés de légers, modérés ou sévères, en fonction du nombre de symptômes décrits et de leur retentissement sur les activités habituelles (encadré).

Encadré :
Définition de l’épisode dépressif caractérisé (EDC) au cours des 12 derniers mois selon le Composite International Diagnostic Interview-Short Form (CIDI-SF)16

Un EDC se caractérise par au moins un symptôme principal, accompagné d’au moins trois symptômes secondaires, avec un retentissement sur les activités habituelles.

Symptômes principaux :

vivre une période d’au moins deux semaines consécutives en se sentant triste, déprimé, sans espoir, pratiquement toute la journée et presque tous les jours ;

vivre une période d’au moins deux semaines consécutives en ayant perdu l’intérêt pour la plupart des choses, pratiquement toute la journée et presque tous les jours.

Symptômes secondaires (pendant au moins les deux semaines) :

se sentir épuisé ou manquer d’énergie plus que d’habitude ;

avoir pris ou perdu au moins 5 kg ;

avoir plus que d’habitude des difficultés à dormir ;

avoir beaucoup plus de mal que d’habitude à se concentrer ;

avoir un sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inapproprié ;

avoir beaucoup pensé à la mort ;

avoir perdu de l’intérêt pour la plupart des choses comme les loisirs, le travail ou les activités qui donnent habituellement du plaisir (seulement si symptôme principal de tristesse).

Retentissement des symptômes sur la vie quotidienne avec une perturbation des activités habituelles (pendant au moins les deux semaines, perturbation faible, modérée ou importante) :

EDC léger : la personne interrogée présente au moins un symptôme principal associé à 3 ou 4 symptômes secondaires donnant lieu à une perturbation faible des activités habituelles ;

EDC modéré : la personne interrogée présente au moins un symptôme principal associé à 3 ou 4 symptômes secondaires donnant lieu à une perturbation modérée ou importante des activités habituelles, ou à 5 à 7 symptômes secondaires donnant lieu à une perturbation faible ou modérée des activités habituelles ;

EDC sévère : la personne interrogée présente au moins un symptôme principal associé à 5 à 7 symptômes secondaires donnant lieu à une perturbation importante des activités habituelles.

NB : l’agitation et le ralentissement psychomoteur, qui font partie de la liste des symptômes du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV), ne sont toutefois pas mesurés par le CIDI-SF.

Variables sociodémographiques

Les variables sociodémographiques sont : le genre, l’âge (par tranches : 18-24 ans, 25-34 ans, 35-44 ans, 45-54 ans, 55-64 ans, 65-74 ans et 75-85 ans), le niveau de diplôme (inférieur au baccalauréat, bac, supérieur au bac), la structure du ménage (vivre seul, monoparentale, couple sans enfant, avec enfant(s), autre), la perception de sa situation financière (à l’aise, juste, difficile), le type d’agglomération (rural, urbain, agglomération parisienne). Enfin, la situation professionnelle a été traitée en quatre catégories (travail, études, chômage, retraite) pour l’analyse descriptive des évolutions de l’EDC et en trois catégories (travail, chômage, inactivité intégrant les retraités et les étudiants) pour l’analyse des facteurs associés, afin d’éviter la multicolinéarité dans le modèle de régression entre l’âge et la situation professionnelle (les 18-24 ans et les étudiants ; les 65-85 ans et les retraités).

Variables liées à la Covid-19

Les variables liées à la Covid-19 sont : avoir eu des symptômes associés à la maladie (non/oui), avoir eu un proche décédé de la maladie (non/oui) et avoir ressenti un impact négatif de la Covid-19 sur son moral (non/oui).

Analyses statistiques

Les estimations de la prévalence des épisodes dépressifs ont été pondérées afin de tenir compte de la probabilité d’inclusion (au sein du ménage et en fonction de l’équipement téléphonique) et de la structure de la population métropolitaine/de chaque DROM via un calage sur marges utilisant les variables suivantes : le sexe croisé avec l’âge (en tranches décennales) et la région, la taille d’unité urbaine, la taille du foyer et le niveau de diplôme (population de référence : Insee, enquête emploi 2020). Un poids standardisé a également été calculé afin de comparer les régions à structure égale.

Chacune des régions a été comparée au reste de la France métropolitaine. Une variable de pondération spécifique a été calculée afin de standardiser sur la structure croisée par âge et sexe de la France métropolitaine.

Les évolutions de la prévalence des épisodes dépressifs ont été réalisées sur la tranche d’âge 18-75 ans, tranche commune aux Baromètres santé 2005 (n=16 184), 2010 (n=7 935), 2017 (n=25 252) et 2021 (n=22 552), dont la méthodologie était comparable.

Les proportions ont été comparées par le test d’indépendance (Chi2 de Pearson avec correction de second ordre de Rao-Scott pour tenir compte du plan de sondage), avec un seuil maximal de significativité fixé à 5%. Des régressions logistiques ont été utilisées, afin de contrôler l’existence d’éventuels effets de structure liés aux caractéristiques de la population et pour quantifier la force du lien entre l’épisode dépressif et les variables sociodémographiques ou liées à la Covid-19. L’existence de ce lien a été évaluée à l’aide de l’odds ratio ajusté (ORa) et mesurée par le test de Wald avec un seuil maximal de significativité fixé à 5%. Les analyses ont été réalisées avec le logiciel Stata® (version 15.0 SE).

Résultats

Prévalences de l’EDC au cours des 12 derniers mois en 2021

En 2021, parmi les personnes âgées de 18 à 85 ans, la prévalence de l’EDC dans l’année était estimée à 12,5% (intervalle de confiance à 95% (IC95%): [12,1‑13,1]). Elle était plus élevée chez les femmes (15,6%) que chez les hommes (9,3% ; p<0,001) quelle que soit la tranche d’âge, et plus élevée chez les jeunes adultes (20,8% des 18-24 ans) que chez les adultes plus âgés (tableau 1 et figure 1).

Selon l’intensité, la prévalence de l’EDC léger était de 0,4% dans l’année, celle de l’EDC modéré de 6,6% et celle de l’EDC sévère de 5,5%. Les femmes étaient en proportion plus nombreuses que les hommes et les 18-24 ans plus nombreux que les autres tranches d’âge à avoir souffert d’un EDC au cours des 12 derniers mois quelle que soit son intensité (tableau 1).

Tableau 1 : Répartition de la prévalence de l’EDC déclaré au cours des 12 derniers mois chez les 18-85 ans, selon l'intensité, le sexe et l’âge, en 2021, en France métropolitaine
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Figure 1 : Prévalence de l’EDC déclaré au cours des 12 derniers mois chez les 18-85 ans, selon le sexe
et la classe d’âge, en 2021, France métropolitaine
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En ce qui concerne la prévalence de l’EDC au cours des 12 derniers mois en France métropolitaine, aucune des prévalences observées dans chacune des régions ne se démarquait significativement de la prévalence moyenne observée dans les autres régions. Cependant, les habitants de la région Île-de-France, qui présentent le taux d’EDC dans l’année le plus élevé, avaient une prévalence significativement supérieure à celle observée dans les régions Centre-Val de Loire, Bourgogne-Franche-Comté, Bretagne et Pays de la Loire (tableau 2). Les habitants des DROM déclaraient, quant à eux, moins souvent avoir vécu un EDC au cours de l’année que les habitants de France métropolitaine, avec 7,1% ([5,7-8,9] ; p<0,001) pour la Guadeloupe, 8,1% ([6,7-9,7] ; p<0,001) pour la Martinique, 9,6% pour la Guyane ([7,9-11,5] ; p<0,01) et 8,7% pour La Réunion ([7,3-10,3] ; p<0,001). Les prévalences observées étaient comparables entre chaque DROM (tableau 2).

Tableau 2 : Prévalence de l’EDC déclaré au cours des 12 derniers mois chez les 18-85 ans par région, en 2021, France métropolitaine et DROM
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Évolutions de la prévalence de l’EDC au cours des 12 derniers mois entre 2005 et 2021 chez les 18-75 ans

Selon le genre et l’âge

La prévalence de l’EDC au cours des 12 derniers mois chez les 18-75 ans était de 7,9% [7,4-8,4] en 2005 et 8,0% [7,4-8,7] en 2010. Elle était passée à 9,8% [9,3‑10,2] en 2017, avec une augmentation significative de 1,8 points sur la période 2010‑2017. En 2021, nos résultats ont montré que la prévalence des EDC avait nettement augmenté avec 13,3% [12,7-13,9] de personnes âgées de 18 à 75 ans concernées, soit une augmentation significative de 3,5 points sur la période 2017-2021. Selon l’intensité de l’EDC, il apparaît que la prévalence de l’EDC léger a diminué sur la période 2010-2021 (0,7% en 2010 puis 0,5% en 2017 et 0,4% en 2021 ; p<0,05), tandis que la prévalence de l’EDC moyen (4,4% en 2010 puis 5,4% en 2017 et 7,0% en 2021 ; p<0,001) et sévère (3,0% en 2010 puis 3,9% en 2017 et 5,9% en 2021 ; p<0,001) a augmenté.

Chez les hommes, alors que la prévalence était stable entre 2005 et 2017, nos résultats indiquaient une augmentation significative entre 2017 et 2021 (+3,4 points), passant de 6,4% à 9,8%. Chez les femmes, après une augmentation de 2,7 points observée entre 2010 et 2017, la prévalence de l’EDC dans l’année a de nouveau augmenté entre 2017 et 2021 (+3,6 points), passant de 13,0% à 16,6% (figure 2).

Selon l’âge, la prévalence de l’EDC apparaissait stable entre 2005 et 2010 parmi l’ensemble des tranches d’âge analysées. Des augmentations avaient été observées entre 2010 et 2017 chez les 35-44 ans (+4,4 points), les 55-64 ans (+2,4 points) et chez les 65-75 ans (+2,6 points). Sur la période 2017-2021, la prévalence des EDC a significativement augmenté pour toutes les tranches d’âge à l’exception des 65-75 ans et des 35-44 ans (figure 2). La hausse la plus importante (+9,1 points) était observée chez les 18-24 ans (+6,9 points chez les hommes et +11,4 points chez les femmes). Chez ces derniers, la prévalence de l’EDC était passée de 11,7% (8,3% chez les hommes et 15,1% chez les femmes) en 2017 à 20,8% (15,2% chez les hommes et 26,5% chez les femmes) en 2021.

Figure 2 : Évolution de la prévalence de l’EDC déclaré au cours des 12 derniers mois, selon le sexe
et la classe d’âge, chez les 18-75 ans, entre 2005 et 2021, France métropolitaine
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Selon la situation sociale

La prévalence de l’EDC dans l’année a connu des augmentations significatives, quels que soient le niveau de diplôme, la situation professionnelle, la perception de sa situation financière et le type d’agglomération. Des augmentations plus importantes ont cependant été observées sur certains segments de population, notamment entre 2017 et 2021 (figure 3) :

selon le diplôme, les titulaires d’un diplôme inférieur au bac présentaient en 2021 une augmentation de l’EDC dans l’année de 2,5 points par rapport à 2017, alors que ceux ayant un diplôme équivalent ou supérieur au bac présentaient une augmentation de 4,4 points. En 2021, les titulaires d’un bac ou équivalent apparaissaient les plus concernés par un EDC (15,5%) et ceux ayant un diplôme inférieur au bac, les moins concernés (12,1%) ;

selon la situation professionnelle, l’augmentation la plus importante a été observée chez les étudiants (+7 points), suivis des chômeurs (+5,3 points), des actifs occupés (+4,4 points) et des retraités (+1,7 points). Comme pour les précédentes vagues, les chômeurs restaient les plus concernés (22,0%) et les retraités les moins concernés (7,5%) par un EDC en 2021 ;

selon la situation financière déclarée, la plus forte hausse a été observée chez les personnes se déclarant « juste » (+5,5 points entre 2017 et 2021), multipliant par plus de deux le pourcentage observé dans cette catégorie depuis 2005 (7,8% vs 17,3% en 2021). En 2021, les personnes déclarant des difficultés financières restaient les plus exposées à l’EDC (24,4% ; +4,7 points entre 2017 et 2021) tandis que celles se déclarant « à l’aise » semblaient moins concernées (10,2% ; +3,7 points entre 2017 et 2021) ;

selon la taille d’agglomération, l’augmentation la plus importante entre 2017 et 2021 a été observée en agglomération parisienne (+6,2 points), suivie des autres zones urbaines (+3,5 points) et des zones rurales (+1,8 point). En 2021, pour la première fois depuis 2005, la prévalence des EDC apparaît supérieure en agglomération parisienne (15,0%) à celle des autres catégories d’agglomération.

Figure 3 : Évolution de la prévalence de l’EDC déclaré au cours des 12 derniers mois entre 2005 et 2021, selon le niveau de diplôme, la situation professionnelle, la perception de sa situation financière et la catégorie d’agglomération, chez les 18-75 ans, France métropolitaine
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Facteurs associés à l’EDC au cours des 12 derniers mois

Après ajustement, aussi bien chez les femmes que chez les hommes, les personnes qui ne se déclaraient pas à l’aise financièrement, vivant seules ou dans le cadre d’une famille monoparentale en référence aux couples avec enfant(s), ainsi que les personnes au chômage en référence aux actifs occupés, présentaient davantage de risque d’avoir vécu un EDC au cours de l’année que les autres. Le fait d’avoir eu des symptômes de la Covid-19 était également associé à la survenue d’un EDC au cours de l’année. Enfin, le fait que la maladie avait eu un impact négatif sur le moral apparaissait comme le facteur de risque le plus important (tableau 3).

Chez les femmes, indépendamment des autres facteurs, le fait d’être âgé de 18-24 ans était davantage associé au risque d’EDC dans l’année, tout comme le fait d’avoir eu dans son entourage un proche décédé de la Covid-19 (ORa=1,5 ; p<0,01) (tableau 3).

Chez les hommes, le fait d’être âgé de moins de 55 ans augmentait le risque d’EDC dans l’année. Le fait d’habiter dans une zone urbaine (ORa=1,5 ; p<0,01) ou dans l’agglomération parisienne (ORa=1,4 ; p<0,05) plutôt qu’en zone rurale était également associé à la survenue d’un EDC dans l’année (tableau 3).

Tableau 3 : Facteurs associés au fait d’avoir vécu un EDC au cours des 12 derniers mois chez les 18-85 ans, selon le sexe, en 2021, France métropolitaine
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Discussion

Selon le Baromètre de Santé publique France 2021, en s’appuyant sur la mesure de l’EDC à partir du CIDI-SF, 12,5% des personnes âgées de 18 à 85 ans auraient vécu un épisode dépressif au cours des 12 derniers mois. Ce résultat confirme le niveau important des symptomatologies dépressives observé en population générale pendant la pandémie de Covid-19 19. Une augmentation de 36% de la prévalence annuelle des épisodes dépressifs a ainsi été constatée parmi les individus âgés de 18 à 75 ans, passant de 9,8% en 2017 à 13,3% en 2021. Nos résultats indiquent que cette augmentation est notamment portée par une forte progression chez les 18-24 ans. Dans cette tranche de la population, un jeune adulte sur cinq aurait vécu un épisode dépressif au cours des 12 derniers mois en 2021, soit une augmentation de près de 80% par rapport au niveau observé en 2017. Les personnes les moins favorisées socio-économiquement restaient les plus concernées. Cependant, nos résultats ne suggèrent pas d’accroissement des inégalités sociales de santé, tous les segments analysés de la population étant touchés par une augmentation significative de l’épisode dépressif.

Les enquêtes mises en place pendant la pandémie de Covid-19 en 2021 avaient déjà observé des niveaux élevés de prévalences de symptomatologie dépressive en population générale. L’enquête Coviprev de Santé publique France, qui interrogeait de manière répétée des échantillons non probabilistes de la population vivant en France métropolitaine, avait estimé, à partir de l’échelle Hospital Anxiety and Depression Scale (HAD), à 18% le taux moyen de personnes de 18 ans ou plus présentant les signes d’un état dépressif sur la période allant de janvier à décembre 2021 (correspondant à la période du terrain du Baromètre santé 2021) 10. L’enquête Epicov avait, quant à elle, estimé la prévalence des syndromes dépressifs à partir de l’échelle Patient Health Questionnaire (PHQ-9) à 11% chez les personnes âgées de 16 ans ou plus au mois de juillet 2021 9. Cette prévalence, inférieure à celle du Baromètre de Santé publique France, peut s’expliquer par la temporalité utilisée de l’échelle de mesure du syndrome dépressif (au cours des deux dernières semaines pour Epicov versus au cours des 12 derniers mois dans le Baromètre santé), mais également par la période de récolte des données (juillet 2021 pour Epicov versus de janvier à décembre 2021 pour le Baromètre santé). Les données de l’enquête Coviprev recueillies à un rythme hebdomadaire, puis mensuel, ont en effet montré des effets de saisonnalité importants, avec des prévalences plus élevées en automne et en hiver et plus faibles pendant la saison estivale, aussi bien en 2020 qu’en 2021. D’ailleurs, la prévalence des états dépressifs dans l’enquête Coviprev en juillet 2021 était estimée à 13%, prévalence assez proche de celle d’Epicov (11%) 10.

L’échelle de repérage utilisée dans le Baromètre de Santé publique France présente l’avantage d’être moins sensible aux effets de saisonnalité. Elle propose en effet une mesure annuelle des épisodes dépressifs (sur les 12 derniers mois) à partir d’individus interrogés sur une période de près d’un an, tandis que l’échelle utilisée dans Epicov interroge les individus sur les deux dernières semaines et celles de Coviprev, sur les derniers jours qui précèdent l’enquête.

Nos résultats, qui suggèrent une augmentation importante des états dépressifs à la suite de l’épidémie de Covid-19, apparaissent cohérents avec les données internationales. Dans une synthèse de données quantitatives publiées dans la revue The Lancet en octobre 2021, réalisée à partir de résultats d’études parues en 2020 et au début 2021, il a été estimé que l’émergence de la pandémie de Covid-19 avait accentué le fardeau lié aux troubles mentaux, et plus particulièrement aux troubles dépressifs. Ainsi, une augmentation de 27,6% (IC95%: [25,1‑30,3]) des cas de trouble dépressif dans le monde en 2020 aurait été observée 20. Le stress sans précédent causé par l’épidémie et les mesures de contrôle en découlant sembleraient être des facteurs explicatifs majeurs. Nos résultats confirment d’ailleurs l’association entre la perception d’un impact négatif de la Covid-19 sur le moral et la survenue d’un épisode dépressif au cours des 12 derniers. Les restrictions qui ont pesé sur la capacité des gens à travailler et à maintenir une vie sociale, la solitude, la peur de l’infection pour soi-même et pour ses proches, le chagrin après le deuil et les difficultés financières sont présentés comme les principaux facteurs de stress ayant conduit à une augmentation des troubles anxieux et dépressifs 20.

Les jeunes adultes de 18-24 ans apparaissent comme la catégorie la plus touchée par un épisode dépressif dans l’année avec une augmentation de la prévalence observée sur la période 2017-2021 de près de 80% (passant de 11,7% en 2017 à 20,8% en 2021), alors que la prévalence observée dans cette tranche d’âge dans les précédentes éditions du Baromètre de Santé publique France (2005, 2010, 2017) était comparable à celles du reste de la population. De la même façon, les deux premières publications de la Drees, consacrées à la santé mentale sur la base des données de l’enquête Epicov, alertaient sur la santé mentale des plus jeunes. La première faisait état d’une « hausse des symptômes dépressifs surtout chez les 15-24 ans », avec une prévalence de 22% d’états dépressifs en mai 2020 8 et la deuxième d’« une dégradation de la santé mentale chez les jeunes en 2020 » avec une prévalence de 19% en novembre 2020 chez les 16-24 ans 21. Malgré des différences méthodologiques, les données de l’enquête Coviprev ont produit des estimations proches de celles du Baromètre de Santé publique France avec une prévalence moyenne (vagues 20 à 30 de l’enquête) de 23% d’états dépressifs chez les 18-24 sur l’année 2021 (vs près de 21% dans le Baromètre santé 2021) 10. Enfin, les données du réseau Oscour® confirmaient également ces tendances, avec une augmentation des passages aux urgences pour des troubles de l’humeur en 2021 (dont 80% sont des troubles dépressifs) chez les 18-24 ans 12. L’ensemble des données disponibles témoignent d’une vulnérabilité psychologique accrue des jeunes adultes face à la crise sanitaire. Ces résultats ont également été retrouvés à l’échelle internationale. La méta-analyse publiée dans la revue The Lancet en octobre 2021 20 concluait que les populations les plus jeunes avaient été les plus concernées par l’augmentation des troubles anxieux et dépressifs pendant la pandémie. Les auteurs précisaient que c’était dans les pays les plus durement touchés par la crise en termes de diminution de la mobilité humaine ou du taux quotidien d’infection et de surmortalité que l’augmentation avait été la plus importante. Les difficultés scolaires, économiques et matérielles rencontrées durant cette période, l’isolement dans de petits logements, ainsi que la peur de transmettre le virus à des membres de sa famille ont constitué des facteurs de stress importants 20,22,23. Nos données suggèrent également (disparition de certaines différences liées après ajustement) que la forte prévalence des épisodes dépressifs chez les jeunes adultes a été en partie liée à des situations de vie (situation professionnelle, familiale et financière) rendues sans doute plus précaires dans le contexte de la crise sanitaire.

Concernant les autres segmentations de la population, une augmentation de la prévalence des états dépressifs a été observée quels que soit le sexe, le niveau de diplôme (inférieur, égal ou supérieur au bac), la situation professionnelle en quatre modalités (étudiants, chômeurs, actifs occupés ou retraités), la situation financière perçue (difficile, juste ou à l’aise) ou le type d’agglomération (rural, urbain, région parisienne) sans accroissement apparent des inégalités sociales. Les augmentations les plus fortes ont été observées chez les personnes ayant un niveau de diplôme égal ou supérieur au bac, chez les personnes déclarant leur situation financière comme étant juste, mais pas difficile, et chez les étudiants. Chez ces derniers, la prévalence aurait doublé ces dix dernières années, passant de 10,1% en 2010 à 20,3% en 2021. Les données de la littérature scientifique montrent que les étudiants constituent une population vulnérable aux problèmes de santé mentale, même hors contexte d’épidémie. Les analyses récentes réalisées à partir des données de la e-cohorte Confins (6) sur une période allant de mars 2020 à janvier 2021, ont également montré que les étudiants étaient en proportion plus nombreux que les non-étudiants à déclarer des symptômes dépressifs (36,6% contre 20,1 %) 24. Cependant, les étudiants sont également en très grande majorité des adultes jeunes (18-24 ans), ces derniers ayant été davantage impactés par une augmentation des troubles dépressifs, dans le contexte de la crise sanitaire, que les autres catégories d’âge. Des analyses complémentaires pourront être conduites pour tenter de mieux distinguer ce qui relève des effets de l’âge de ceux du statut d’étudiant.

Des différences ont également pu être observées selon la taille de l’agglomération de la personne interrogée. Alors que l’augmentation de la prévalence des épisodes dépressifs enregistrée entre 2017 et 2021 a été de moins de deux points dans les zones rurales, la prévalence a augmenté de plus de 6 points dans l’agglomération parisienne. En ligne avec les résultats des autres enquêtes internationales 19,20, l’épidémie et les contraintes liées aux mesures de contrôle (confinement, passe sanitaire, fermetures des commerces etc.) ont semble-t-il davantage impacté les personnes résidant dans les milieux urbains, celles disposant moins souvent d’un jardin et d’un logement de surface suffisante pour vivre agréablement le confinement au quotidien 25.

Si nos résultats suggèrent que l’augmentation de la prévalence des épisodes dépressifs dans l’année a globalement concerné tous les segments de la population et pas seulement les moins favorisés, l’analyse des facteurs associés indique que les personnes en situations de précarité (chômage, difficultés financières) restent en 2021 les plus à risque. Ces associations étaient déjà observées dans les précédentes enquêtes réalisées par Santé publique France avec le même outil psychométrique 13,26,27. En ligne avec la littérature scientifique 28,29, les associations avec la structure familiale ont également été retrouvées : les personnes vivant seules, ainsi que les familles monoparentales, sont plus à risque d’avoir vécu un épisode dépressif dans l’année que celles vivant en couple (avec ou sans enfant).

Enfin, le fait d’avoir eu des symptômes de la Covid-19 semblait augmenter le risque de survenue d’un épisode dépressif dans l’année. Bien que ne disposant pas d’informations sur la spécificité ou la gravité des symptômes déclarés, le lien entre Covid-19 et troubles psychiatriques a déjà été documenté. Une récente étude a observé chez les patients, un mois après l’infection à la Covid-19, des symptômes d’anxiété, des troubles de l’humeur et des syndromes de stress post-traumatique, concluant à des complications psychiatriques de la Covid-19. Les effets biologiques inflammatoires du SARS-CoV-2 conjugués au stress ont notamment été proposés comme mécanismes explicatifs de la survenue de ces troubles 30.

Limites

Le repérage des épisodes dépressifs repose sur le CIDI-SF et sur les déclarations des personnes interrogées par téléphone. Même si l’entretien est structuré pour tenter de reproduire le diagnostic d’un clinicien, il est mené par des enquêteurs non cliniciens impliquant des risques de biais multiples (sous-déclaration et/ou faux positifs). Le terme d’épisode dépressif caractérisé (EDC), utilisé pour décrire notre variable dépendante dans la méthode et les résultats, est utilisé dans l’enquête du Baromètre de Santé publique France depuis 2005. Ce terme a remplacé celui « d’épisode dépressif majeur », traduction du terme « major depressive episode » pour éviter la confusion entre la « caractérisation » par l’échelle de mesure utilisée (CIDI-SF) d’un épisode dépressif et le degré de sévérité (léger, modéré et sévère) également défini par cette échelle. Par ailleurs, la classification selon le CIDI-SF ne mesure pas le symptôme d’agitation ou de ralentissement psychomoteur et ne tient pas compte de l’étiologie de l’EDC comme, par exemple, un deuil récent ou une origine organique ou induite par l’utilisation de substances. Ces limites sont connues au regard de la difficulté que représente le repérage d’un trouble comme la dépression à partir d’un questionnaire simplifié. Cependant, ces biais restent constants au cours du temps et les résultats produits permettent de proposer une estimation des troubles dépressifs à l’échelle d’une population et d’en suivre les évolutions au cours du temps.

Conclusion

La dépression semble avoir progressé en France ces dernières années sur tous les segments de population analysés. Une tendance à la hausse semblait déjà amorcée en France depuis 2005, mais la hausse observée entre 2017 et 2021 est sans précédent. L’augmentation aurait touché plus particulièrement les 18-24 ans. Des résultats similaires ont été retrouvés dans les bases de données médico-administratives (passages aux urgences), ainsi que dans les enquêtes nationales et internationales. Le stress causé par la Covid-19 et par les restrictions imposées pour la contrôler apparaissent comme des facteurs explicatifs majeurs.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt au regard du contenu de l’article.

Références

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Citer cet article

Léon C, du Roscoät E, Beck F. Prévalence des épisodes dépressifs en France chez les 18-85 ans : résultats du Baromètre santé 2021. Bull Épidémiol Hebd. 2023;(2):28-40. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2023/2/2023_
2_1.html

(1) Coronavirus et confinement : enquête longitudinale (Coconel) est une étude en ligne, menée par l’École des hautes études en santé publique (EHESP) auprès d’un échantillon non probabiliste d’un millier de personnes représentatif de la population française adulte (http://www.orspaca.org/covid19/
projets-recherche/coconel
).
(2) Epicov est une étude épidémiologique menée conjointement par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) du ministère de la Santé et de la Prévention, avec le soutien de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et de Santé publique France. Elle est menée auprès d’un échantillon aléatoire représentatif de 135 000 personnes de 15 ans ou plus, résidant sur tout le territoire (https://www.epicov.fr/).
(3) Depuis le 23 mars 2020, Santé publique France, en lien avec l’institut de sondage BVA, réalise l’enquête Coviprev pour suivre l’évolution de la santé mentale et l’adoption des comportements de prévention dans le contexte de l’épidémie de Covid-19. Pour chaque vague d’enquête, un échantillon non probabiliste représentatif de 2 000 personnes âgées de 18 ans et plus résidant en France métropolitaine est interrogé par Internet (https://www.santepublique
france.fr/etudes-et-enquetes/coviprev-une-enquete-pour-suivre-l-evolution-des-comportements-et-de-la-sante-mentale-pendant-l-epidemie-de-covid-19
).
(4) L’European Health Interview Survey (EHIS) est une enquête réalisée tous les six ans dans l’ensemble des pays de l’Union européenne. Elle a été réalisée en collaboration entre la Drees et l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (Irdes) pour son volet métropolitain et entre la Drees et l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) pour son volet ultra-marin. L’enquête porte sur la population âgée de 15 ans ou plus vivant à domicile, avec environ 14 000 répondants en métropole et 2 000 par DROM, permettant une comparaison entre ces différents territoires (https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sources-outils-et-enquetes/enquete-sante-europeenne-ehis).
(5) Depuis le Baromètre santé 2005, le terme d’épisode dépressif caractérisé (EDC) est utilisé en remplacement du terme épisode dépressif majeur (EDM), afin d’éviter la confusion possible entre « majeur » (major en anglais) et « sévère » ; l’épisode dépressif pouvant être léger, moyen ou sévère.
(6) Confins est une cohorte prospective, adressée à toute la population francophone, avec un recrutement ciblé auprès des étudiants de l’enseignement supérieur, via les canaux de communication (e-mails, réseaux sociaux) de l’étude i-Share (Internet-based students health research enterprise) qui a pour but de mieux comprendre l’impact des changements induits par l’épidémie de la Covid-19 sur le bien-être et la santé mentale. Elle est réalisée, en partenariat, par des chercheurs du Bordeaux Population Health UMRS 1219 (Inserm-Université de Bordeaux) et la société Kappa Santé (https://www.confins.org/).